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La question palestinienne ne pourra être réglée que dans le cadre d’un mouvement social réellement laique.

Appel

Introduction

Guerres régionales successives (1948, 1956, 1967, 1973, 1982), bombardements du Liban (été 2006), de Gaza (janvier 2002, décembre 2008/janvier 2009), assassinats "ciblés", accrochages incessants… des conflits sans nombre n’ont cessé de marquer l’histoire d’Israël depuis sa naissance officielle en 1948. Ils nous rappellent que la question palestinienne n’est pas réglée et que celle-ci ne peut être dissociée de la plus générale question nationale, nationaliste, voire Etat-nationaliste, devenue un problème essentiel de notre époque moderne, un problème auquel le sionisme est encore très lié. Si le peuple juif est une construction idéologique ébauchée depuis la plus haute antiquité (cf. Shlomo Sand, Comment fut inventé le peuple juif), l’Etat juif (Israël) est récemment devenu une réalité qui doit son existence à ce même sionisme, un phénomène identitaire complexe à l’origine duquel la judéophobie occidentale a joué un rôle majeur. Après avoir rappelé cette histoire, nous essaierons, au terme de cet article, d’esquisser une réponse à ce qui est devenu une crise majeure de notre temps.

Historique succinct du problème palestinien

Depuis l’Antiquité, il existe des juifs, minorités religieuses au origines ethniques diverses, complexes (arabes, germaniques, berbères, slaves, etc.) vivant en Europe, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient (voire en Ethiopie) et qui partagent leur attachement à certains textes bibliques. Tout comme les chrétiens, les musulmans ou les bouddhistes, les juifs ne présentent aucune originalité ethnique particulière, encore moins nationale car la question nationale est un phénomène politique très récent.

La genèse de la notion de peuple juif (et plus récemment de nation juive) est très complexe. Le "peuple juif" (avec sa diaspora), relève en premier lieu du compte-rendu biblique, en grande partie mythique, d’événements historiques ; il est devenu plus récemment une création idéologique des judéophobes (ou "antisémites" pour reprendre un terme plus confus), voire de certains pro-juifs (romantiques comme Chateaubriand ou puritains anglais). Plus récemment encore ce mythe populaire a été redynamisé par la question des nationalités qui a marqué l’ensemble de l’Europe à partir du milieu du XIXème siècle (1848 ou le Printemps des peuples).

En 1862 le socialiste Moses Hess, antérieurement très proche de Marx et Engels, publie Rome et Jérusalem, ouvrage dans lequel il plaide en faveur de l’établissement d’un Etat-nation juif en Palestine. En juin 1881 l’Américain William Blackstone publie un livre intitulé "Jésus revient" (Jesus is Coming) traduit en 42 langues (dont l’hébreu et le yiddish). D’après l’auteur le retour des juifs en Palestine est un préalable à leur conversion au christianisme et au retour du Christ. En 1891 il fait circuler une pétition en faveur de sa thèse.

Ainsi le sionisme, dès ses origines lointaines, ne peut être dissocié ni de la religion juive, bien-sûr, ni du mouvement émancipateur, progressiste et socialiste qui se déclare en Occident au cours du XIXème siècle, ni, enfin, des persécutions dont sont victimes ici ou là des minorités juives. A ce sujet, l’Empire russe joue un rôle fondamental car les persécutions anti-juives (pogroms) y sont fréquentes à la fin du XIXème siècle et au début du XXème. Dès 1882, alors que certains émigrent en directions des Etats-Unis, le groupe Hibat Sion (l’amour de Sion) organise des départs de juifs vers la Palestine ; des banquiers comme le baron Edmond de Rothschild soutiennent financièrement l’opération. Il convient de noter que cette première immigration se heurte à l’hostilité de la majorité des juifs, à commencer par ceux qui sont déjà installés en Palestine. Les juifs laïcs prônent leur émancipation par la citoyenneté et/ou le socialisme ; même l’union des travailleurs juifs de l’Empire russe, le très identitaire Bund (il est favorable au dialecte yiddish méprisé des sionistes), est fermement opposé au sionisme. Quant aux religieux, qui admettent le mythe d’un peuple juif disséminé à travers la diaspora, tous estiment, en ce temps-là , que c’est à Dieu seul de mettre fin à leur exil. Certains de ces religieux anti-sionistes sont toujours actifs aujourd’hui (Neturei Karta, Hassidim de Satmar).

C’est dans ce contexte qu’intervient, en 1896, la publication de L’Etat des Juifs. Son auteur, Théodore Herzl, journaliste hongrois en poste à Paris, a été très choqué par la dégradation publique, aux cris de "mort aux juifs", du capitaine Dreyfus. Herzl, qui était à l’origine hostile au sionisme, entrevoit l’intérêt géopolitique que celui-ci peut constituer ; dans son ouvrage, il soutient notamment que "le simple fait de la création de l’Etat des Juifs ne peut être que bénéfique pour les Etats voisins" puis, un peu plus loin, que "(…) pour l’Europe nous formerions là -bas un élément du mur contre l’Asie ainsi que l’avant-poste de la civilisation contre la barbarie" (L’Etat des Juifs [Der Judenstaat], La Découverte, 1990, p. 44). Des groupes sionistes se forment à travers toute l’Europe. On notera la sympathie qu’ils suscitent dans la droite nationaliste : dès sa parution, l’Etat des Juifs de Herzl provoque l’enthousiasme du Français Drumont, journaliste nationaliste et catholique, également connu pour sa judéophobie outrancière (1).

Le sionisme sait encore trouver des faveurs auprès des impérialistes britanniques réunis dans le groupe de la "Table Ronde", un think tank avant la lettre auquel participent notamment avec Cecil Rhodes, qui donnera ultérieurement son nom à la Rhodésie, lord Rothschild et lord Balfour. En fait, le Moyen-Orient attire les convoitises des puissances occidentales en raison de sa place essentielle sur la route des Indes (par voie terrestre ou maritime avec le canal de Suez) ; de plus, dès le début du XXème siècle, des gisements de pétrole y sont découverts (en Perse et au Kurdistan d’abord) au moment même où cette matière première prend un rôle stratégique de premier plan et où l’Empire ottoman, "homme malade de l’Europe", est déjà bien affaibli. Le 16 mai 1916, deux ans avant la fin de la Première Guerre mondiale, Anglais et Français, aux termes d’un traité secret, s’accordent déjà sur le futur partage colonial de cette région ; les Russes donnent leur appui car ils convoitent Constantinople et son détroit (ces accord "Sykes-Picot" seront ultérieurement dévoilés par les bolcheviques). Enfin, le 2 novembre 1917, les Britanniques publient la célèbre lettre de lord Balfour déclarant à Lionel Rothschild que "le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif".

A la fin de la Première Guerre mondiale, le fait historique majeur au Moyen-Orient est l’effondrement de l’Empire ottoman. Sans cet événement, tous les congrès sionistes et autre "déclaration Balfour" n’auraient guère eu de suite. Les Anglais qui détiennent désormais un "mandat" sur la Palestine (dès la conférence de San Remo en 1920) y favorisent la communauté juive en soutenant son organisation en un quasi-Etat : création d’une police juive (Jewish settlement police), d’un syndicat des travailleurs juifs (Histadrout, lequel crée un embryon de sécurité sociale), d’une éducation nationale (écoles juives, université hébraïque de Jérusalem), un Etat qui va se renforcer dans les années 30 avec l’arrivée de juifs allemands. Parallèlement une armée clandestine s’organise (la Haganah). Des "intifadas" éclatent déjà à cette époque, durement réprimées par les Anglais aidés par les forces paramilitaires sionistes.

En Palestine comme ailleurs la multiplication des Etats n’est pas une solution.

En 1947, la résolution 181 de la nouvelle ONU (Organisation des Nations prétendument "Unies") propose la création de deux nouveaux Etats : le premier sur la plus grande partie (56,5%) du territoire de la Palestine pour les 500.000 immigrés Juifs ; le second sur les 43,5 % restant pour 800.000 Palestiniens (et 10.000 juifs autochtones) ; un régime de tutelle internationale est prévu pour Jérusalem. Cette résolution est prise en totale violation du principe d’autodétermination pourtant admis par l’ONU ("droit des peuples à disposer d’eux-mêmes"). Le 15 mai 1948, au lendemain de l’expiration du mandat britannique, les forces sionistes qui bénéficient déjà de la supériorité organisationnelle du fait de leurs structures nationales pré-étatiques, de la supériorité technologique grâce aux armements fournis par l’Occident (y compris l’Union soviétique), entament une conquête de tout le pays assortie d’épurations ethniques systématiques (massacres et destructions de villages). Dès lors, jusqu’à nos jours, le nouvel Etat-nation sioniste ne cessera de se renforcer et d’imposer sa loi à toute la région.

Nationalisme, colonialisme, socialisme… comme un kaléidoscope, le sionisme concentre et expose de multiples phénomènes politiques propres à l’époque moderne. Commençons par le nationalisme, le principal de tous les mouvements identitaires de notre temps, mais il faudrait plus exactement parler ici d’Etat-nationalisme. De ce point de vue, Israël représente certainement la réussite d’un Etat, un Etat fort, surarmé, qui coexiste avec une nation bien malade, pour reprendre l’observation de l’Israélien Michel Warschawski (Israël-Palestine, le défi binational, Textuel, 2001, p. 64, nul n’ignore que le communautarisme, voire le racisme, sévissent dans la société israélienne, non seulement à l’égard des Arabes, mais entre les diverses composantes de l’immigration juive, l’auteur, à ce sujet, cite même Netanyahou, représentant de la droite israélienne, qui remet en question le concept de "creuset"). Le colonialisme, ensuite : "mon programme est un programme colonial", écrit Theodor Herzl à Cecil Rhodes le 11 janvier 1902. Israël est la seule opération de colonisation ayant réussi au XXème siècle et, jusqu’à présent, au XXIème. Le néo-colonialisme et l’impérialisme occidental doivent encore être mentionnés dans ce cadre pour les raisons évidentes exposées en première partie de ce texte ; enfin, le socialisme, et ses revers que nous voulons provisoires, car le sionisme, à l’origine, est né dans des milieux juifs issus de la gauche réformiste ; à partir de sa création et durant la majeure partie de son développement I’Etat d’Israël sera gouverné par des hommes se réclamant de ce courant...

Le titre de cet article l’affirme : une réponse décente, humaine, à la question palestinienne ne peut être apportée que par un nouveau mouvement social fondamentalement laïque, un mouvement considérant que l’appartenance religieuse de chacun, ou ses conceptions métaphysiques, doivent être des affaires d’ordre strictement privé. L’étymologie, ici, est particulièrement intéressante car le terme laïc vient d’une racine gréco-romaine signifiant peuple ; le peuple est fondamentalement laïc, pluraliste. Ce sont les hiérarchies sociales, religieuses ou étatiques, qui méprisent ce pluralisme, favorisent certains groupes (religieux ou ethniques) au détriment d’autres, divisent pour mieux régner et exploiter. Après avoir réussi quelques avancées au début du XIXème siècle, notamment en France et en Turquie, la laïcité a dû constamment reculer depuis cette date et ce phénomène correspond à la dégradation du phénomène national consécutive à la prolifération des Etats-nation.

Cependant, ce nouveau mouvement social laïque que nous appelons de nos voeux, pluraliste, ne pourra se développer qu’à travers une gauche renouvelée qui aura tiré les leçons de ses échecs passés, qui saura regarder en face la décomposition voire l’éclatement dont elle fut victime précisément depuis le début de la Première Guerre mondiale et le déchaînement des nationalismes. Lorsqu’elle fut au pouvoir, la gauche socialo-communiste traditionnelle n’a guère fait mieux que la droite. Ici elle a perpétué l’instrumentalisation malsaine des religions par l’Etat, ailleurs elle les a opprimées, mises sous tutelle, parfois niées, instituant l’athéïsme comme nouvelle religion d’Etat. En cette matière de relations malsaines le sionisme est exemplaire : s’étant développé dans des milieux socialistes athées, il a toujours su tirer profit de la religion juive voire des chrétiens évangélistes. L’Etat doit d’abord être le garant des libertés fondamentales ; en aucun cas il ne doit s’immiscer dans la vie culturelle ou religieuse des populations, dans les croyances de chacun.

En 1956, une solution laïque pouvait être apportée au drame murissant de la guerre d’Algérie par la gauche française au pouvoir (gouvernement Guy Mollet), notamment en instituant un collège électoral unifié (alors que, par rapport aux européens d’Algérie, les électeurs musulmans étaient sous-représentés dans une proportion de 1 à 10) et l’instruction laïque et gratuite pour tous (alors qu’une étroite minorité d’enfants musulmans était scolarisée) ; ce gouvernement de gauche a préféré laisser pourrir la situation entraînant à terme l’exode de plus d’un millions de personnes. L’Algérie en fut inéluctablement appauvrie car laïcité et mixité, pluralistes par essence, constitue les plus grandes des richesses humaines. A ce moment précis, ces mêmes dirigeants socialistes français, alliés à leur homologues israéliens ainsi qu’aux Britanniques, jouaient la carte du choc des civilisations en lançant une guerre contre l’Egypte qui venait de nationaliser le canal de Suez.

Même prétendument démocratique, avec son "fait majoritaire" (ainsi que l’oppression consécutive des minorités en tous genres) qui le rend plus exactement ethnocratique (2), le nationalisme représente donc la dégénération inéluctable du socialisme, un phénomène ayant trouvé ses aboutissements extrêmes d’abord en Allemagne avec le nazisme (1933) et en Palestine avec le sionisme (1948). Mais en 1921 Ben Gourion, premier secrétaire élu du syndicat des travailleurs juifs (Histadrout), favorisait déjà le nationalisme contre l’idéal socialiste, laïc, en s’opposant à l’entrée de travailleurs non-juifs dans son organisation. Nazisme et sionisme, tous deux réellement nationalistes et prétendument socialistes, ne pouvaient historiquement que s’entretenir mutuellement à travers une symbiose hostile (3). Ainsi, à partir de 1914, dépassées par l’ampleur du grand raz-de-marée historique faisant proliférer des Etats-nation indépendants, égoïstes et mutuellement hostiles, les diverses Inter-nationales (la Deuxième socialiste, la Troisième communiste ou la Quatrième trotskiste) ne purent guère offrir d’alternative politique sérieuse à ce phénomène ; en 1919, au lendemain de la guerre et à la veille de son assassinat, Rosa Luxemburg entrevoyait déjà la dimension de ce drame (4).

Vers de nouvelles formes de lutte à l’échelle mondiale.

Le XXème siècle, a donc connu bien des des exodes, bien des tragédies : en Algérie, Yougoslavie, Grèce, Turquie, au Zimbabwe (ex-Rhodésie), etc… D’autres drames couvent et se développent encore, dans les nombreux pays à forte mixité sociale : en Irlande du Nord, Espagne, Belgique… ou en Palestine-Israël. Dans cette petite région du monde notamment, à l’heure où prolifèrent les armes de destruction massive, le sionisme qui prétendait créer un abri sûr pour les juifs a d’ores et déjà échoué, tout comme il a échoué à créer un Etat démocratique sur le modèle occidental.

Aujourd’hui l’inter-nationalisme est caduque parce qu’il n’a jamais été capable de remettre en cause, ou seulement de réguler, le fait national. Il est dépassé sur sa droite par la mondialisation galopante, sur sa gauche également par la majorité de tous ceux qui constituent le mouvement altermondialiste (un courant qui, néanmoins, est très informel, hétéroclite voire contradictoire). Nous appelons donc tous ceux qui sont convaincus par les thèses sommairement présentées ici et par la nécessité de tirer les enseignements des batailles perdues du passé, à agir à l’intérieur de cette grande galaxie altermondialiste en y suscitant un courant réellement laïque, populaire et transnationaliste.

Si un tel mouvement s’était constitué dans le passé, il aurait aurait pu présenter de sérieuses alternatives de nature à éviter les drames susmentionnés. En militant, pour la région Palestine-Israël, en faveur de la solution d’un seul Etat démocratique et laïc, partout ailleurs en faveur d’une laïcité pluraliste et de la création d’organisations locales, populaires et transnationales, il s’agira de rechercher systématiquement toute solution pouvant remédier au vieux mouvement de morcellement et de prolifération des Etats nationaux qui a atteint son paroxysme dans notre chaos mondial contemporain. Il s’agit, en bref, de réactualiser notre vieux mouvement socialiste qui n’a pas dit son dernier mot, avec son progressisme constructeur, en l’opposant au néo-libéralisme, lui aussi prétendument progressiste, mais encore notablement destructeur.

Un peuple qui en opprime un autre n’est pas un peuple libre

Lucien BRESLER, Djémil KESSOUS, Gary MICKLE

NB Bien qu’aucun ne soit réellement religieux, chacun des trois signataires de ce texte est lié familialement à chacune des trois grandes cultures, juive, chrétienne et islamique, constituant ce que l’on nomme les religions abrahamiques.

NOTES

(1) La judéophobie ainsi, dès ses plus lointaines origines, joue un rôle essentiel dans la formation du sionisme. Proudhon, le père de l’anarchisme, écrit en 1847 sur les Juifs : "Je hais cette nation, il faut accomplir le voeu de Voltaire, la renvoyer à Jérusalem" (carnet V, pp 82 et 83, on notera le terme nation déjà employé ici). Peu de temps après, dans le même sens, il ajoute : "il faut renvoyer cette race en Asie ou l’exterminer" (carnet VI, p.. 178). Cinquante ans plus tard, lorsque paraît l’Etat Juif de Herzl, le Français Drumont, à côté de qui Le Pen apparaît comme un modéré, "(…) est l’un des premiers à réagir et à applaudir", puis "(…) il affiche le même enthousiasme quelques mois plus tard à l’occasion du premier congrès sioniste de Bâle" (Kauffmann Grégoire, Edouard Drumont, Perrin, 2008, p. 318). "Sans Drumont je ne me serais jamais senti Juif", écrit, réciproquement, Max Nordeau, l’un des leaders sionistes les plus importants de l’époque (Kaufman, op. cit.).

(2) On appelle "ethnocratie" une forme de domination conçue pour garantir que les principaux instruments du pouvoir étatique se trouvent entre les mains d’une collectivité ethnique bien définie et que tout autre considération relative au partage du pouvoir soit subordonnée à cette exigence fondamentale.

(3) Sionisme et nazisme, tous deux nationalistes et socialistes, sont idéologiquement très proches. Henry Laurens (La question de Palestine, tome 2, Fayard, 2002) rapporte qu’ils s’accordent sur des points fondamentaux comme le principe de la race, le maintien du groupe ethnique ou l’interdiction des mariages mixtes. Dès l’accession de Hitler au pouvoir le mouvement sioniste allemand lui adresse ce mémorandum daté du 22 juin 1933 : "Le sionisme croit que la renaissance de la vie nationale d’un peuple, qui s’opère aujourd’hui en Allemagne à travers la valorisation de ses dimensions chrétienne et nationale, doit aussi se produire chez le peuple juif. Pour le peuple juif aussi, l’origine nationale, la religion, un destin commun et le sens de son caractère exceptionnel doivent revêtir une importance primordiale pour son existence. Cela ne se fera qu’en supprimant l’individualisme égoïste de l’ère libérale et en le remplaçant par le sens de la communauté et la responsabilité collective" (op. cit., p. 249). S’il est bien connu que le grand mufti de Jérusalem, personnage-clé du nationalisme palestinien, s’est appuyé sur l’Allemagne nazie (cf. Eric Rouleau, Qui était le mufti de Jérusalem in "Le Monde diplomatique", août 1994, les sionistes avaient entamé le rapprochement bien avant lui et il existe des sources abondantes relatant ces faits.

(4) "Des nations et des mini-nations s’annoncent de toutes parts et affirment leurs droits à constituer des Etats. Des cadavres putréfiés sortent de tombes centenaires, animés d’une nouvelle vigueur printanière et des peuples "sans histoire" qui n’ont jamais constitué d’entité étatique autonome ressentent le besoin violent de s’ériger en Etats. Polonais, Ukrainiens, Biélorusses, Lituaniens, Tchèques, Yougoslaves, dix nouvelles nations au Caucase ... Les sionistes édifient déjà leur ghetto palestinien, pour l’instant à Philadelphie (souligné par nous), c’est aujourd’hui la nuit de Walpurgis sur le Brocken nationaliste", écrivait déjà Rosa Luxemburg au lendemain de la Première Guerre mondiale (Å’uvres, t. II, Maspéro, 1978, p. 93). En 1923 le traité de Lausanne, qui inspirera ultérieurement les sionistes, planifiait déjà l’échange de populations entre Grecs et Turcs ; des centaines de milliers de personnes furent ainsi exilées, mais aujourd’hui la question des Kurdes (la plus importante minorité ethnique au monde), tout comme celle des Palestiniens, n’est toujours pas réglée. Résultat : l’ONU comptait cinquante Etats fondateurs en 1945, plus de 190 aujourd’hui.

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« (...) on a accusé les communistes de vouloir abolir la patrie, la nationalité. Les ouvriers n’ont pas de patrie. On ne peut leur ravir ce qu’ils n’ont pas. Comme le prolétariat de chaque pays doit en premier lieu conquérir le pouvoir politique, s’ériger en classe dirigeante de la nation, devenir lui-même la nation, il est encore par là national, quoique nullement au sens bourgeois du mot. »

Karl Marx, Friedrich Engels
Manifeste du Parti Communiste (1848)

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