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Pour Marx, faut-il « sortir du marxisme »

La puissance intellectuelle d’une pensée matérialiste

Présentation : «  Une idée devient une force lorsqu’elle s’empare des masses  » …. « Un spectre hante l’Europe, le spectre du communisme » … Le 5 Mai 1818 naquit à Trèves, un enfant dénommé Karl Marx et en ce 5 mai 2018, nous voici renvoyés à l’effluve créatrice du spectre, tant de fois déclaré mort et tant de fois revenu du néant. Après ses années universitaires qui lui permirent d’obtenir un diplôme de docteur en Philosophie il fut, du fait de ses engagements philosophiques et politiques, pourchassé par toutes les polices d’Europe. Témoin engagé de la Révolution de 1848 en France, il nous dédia un livre au titre révélateur : « Les luttes de classe en France » dont l’introduction nous renvoie à l’ère actuelle dominée par un « Banquier Président  » et ses « discours sur la dette ». Il faut que chacun lise cette introduction (celle du livre) pour comprendre comment la « pensée matérialiste » est l’écriture de l’émancipation humaine… L’objet de cet article n’est pas d’imposer une lecture, forme de statue momifiée, mais d’inciter à la lecture des ouvrages dans le texte et non dans l’interprétation via les médias plus que complaisants envers les forces du marché (90 % des médias appartiennent à 9 milliardaires), un vrai « soviet suprême ».

Son poids dans la connaissance universelle : Au-delà de la reconnaissance actuelle de certains économistes (« La dynamique du capitalisme est aujourd’hui bien celle qu’avait prévue Karl Marx. ») [1], il nous faut mesurer son poids dans la connaissance universelle. Dans l’histoire humaine, nous avons eu de grands scientifiques et penseurs. Archimède, Aristote, Platon, Copernic, Léonard de Vinci, Galilée et plus proche de nous Einstein qui ont marqué de leur empreinte l’Histoire Humaine. Marx fait partie intégrante de ces penseurs car il est référencé dans plusieurs domaines scientifiques. Il est référencé en philosophie, en Economie, en Histoire, en Politique, puisqu’il s’est engagé toute sa vie et enfin du fait de son approche « Marxiste » en termes de « lutte des classes », il est l’un des fondateurs de la sociologie. Aujourd’hui, aucun scientifique n’est connu ou cité dans 4 ou 5 domaines différents, c’est dire la puissance de sa « pensée matérialiste », dont les effluves portent, aujourd’hui encore, plus fort qu’hier du fait du capitalisme lui-même (ses crises).

Mais le « marxisme  » ne se revendique pas comme science dure mais comme science politique et humaine. Je me revendique d’un « marxisme impur » à l’image de la société, qui n’est jamais « pure », car travaillée par les contradictions qui viennent, selon la configuration historique, de l’affrontement paisible ou aiguisé des classes sociales qui la composent.

Il n’y a que le libéralisme qui revendique l’absolutisme du « marché pur et parfait » de l’offre et de la demande qui équilibre tout par la « main invisible » - forme de Dieu qui se situe au-dessus des hommes et qui de ce fait rend la politique inutile, inefficace et pour tout dire ne pouvant que déséquilibrer les « forces du marché ».

En d’autres termes, la seule liberté du marché consiste à définir qui a le droit de survivre dans l’affrontement de la concurrence de chacun contre tous…Face à ce dogmatisme de la pureté [2], le « marxisme  » revendique l’impureté de la « lutte des classes » et de ses équilibres ponctuels, progressifs visant l’émancipation.

N’est pas marxiste qui veut : On peut se proclamer « Marxiste  », c’est souvent mon cas, mais il est vraiment difficile de pouvoir y prétendre de manière réelle. Le « Marxisme » s’il existe, n’a rien à voir avec la religion. Il ne s’agit aucunement de répéter béatement les « évangiles du Capital » [3] pour obtenir l’extrême onction du diplôme de « marxisme  ». De son vivant, à l’ouvrage « éloge de la paresse » de son beau fils Paul LAFARGUE, qui se prétendait Marxiste, Karl Marx aurait déclaré : « Si c’est cela le marxisme, ce qui est sûr c’est que moi, je ne suis pas marxiste ». En d’autres termes, le « marxisme » ne peut en aucun cas se résumer à une répétition des textes de la « docte pensée », ce qui n’empêche pas dans le cadre d’une réflexion critique de s’appuyer sur cette profondeur d’analyse que seule donne la matérialité des rapports sociaux. La grande différence entre le marxisme et le libéralisme, c’est que le « marxisme » ne peut jamais s’expérimenter dans les tubes à essai de laboratoire… ce qui pourtant est la prétention des économistes libéraux qui, à partir de « l’optimum économique » fabriqué en « tubes à essai » est par la suite imposé à toute la société, au nom de la « science expérimentale ».

Le « tube à essai » du « marxisme », s’il existe, c’est la société elle-même « l’émancipation du prolétariat sera l’œuvre du prolétariat lui-même » / K.Marx.

De l’idéologie : Il n’y a pas « d’idéologie marxiste » car il n’y a pas « d’idéal marxiste ». Si le marxisme existe, il ne peut qu’être réalité au sens de « mouvement réel », définition qu’il donne du communisme. L’idéologie est la superficie d’un système qui masque l’exploitation réelle. Le libéralisme est l’idéologie du capitalisme, dont le but est de masquer sous la forme de « moralité des apparences » le système d’exploitation réel qui dépend du seul « rapport de propriété ». Et ce système ne peut perdurer que sous condition de sa propre production idéologique : « Les pensées de la classe dominante sont aussi les pensées dominantes de chaque époque, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose du même coup des moyens de la production intellectuelle [4], si bien que, l’un dans l’autre, les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont soumises du même coup à cette classe dominante. Les pensées dominantes ne sont autre chose que l’expression idéale des rapports matériels dominants, elles sont ces rapports matériels dominants saisis sous forme d’idées, donc l’expression des rapports qui font d’une classe la classe dominante ; autrement dit ce sont les idées de sa domination » [5]. Le capitalisme pour perdurer dans ses violences (exploitation) a donc intimement besoin du libéralisme, comme « philosophie morale », masquant ainsi la réalité des rapports de domination.

Des rapports sociaux : L’illusion de l’idéologie est de nous faire croire que nous existons par nous-mêmes et que de ce fait l’individu, pris isolément, s’en sort mieux que le collectif, d’où la dénonciation actuelle des impôts et cotisations sociales présentés comme « charges  ». Pourtant, depuis Neandertal, nous avons appris que, « dans un environnement hostile, la meilleure des sécurités individuelles c’est la sécurité collective  ». Hier, c’était la tribu, aujourd’hui c’est la sécurité sociale. De fait, Il n’existe pas d’individu sans société. C’est la société qui fait l’homme, c’est donc la société dans le fondement de ses rapports sociaux qui définit l’homme : « dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives matérielles. L’ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base concrète sur laquelle s’élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociales déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie social, politique et intellectuel en général. Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience » [6].

Peut-on définir notre vie individuelle en dehors de la société, c’est-à-dire hors ses rapports sociaux ? Marx, à l’image de Copernic et de Galilée pour l’univers, remet en cause le mouvement des apparences pour dévoiler « l’héliocentrisme des rapports sociaux » et de sa dynamique interne : « la lutte des classes ».

Sur la dette : En ces temps de dénonciation de la dette dite publique, dont l’origine se trouverait dans l’irresponsabilité de la gestion publique ou d’un statut (cheminot), il faut comprendre en quoi, dans notre Pays, la question de la dette est un enjeu de « lutte de classe » qui permet de masquer les tromperies du marché : « L’endettement de l’Etat était d’un intérêt direct pour la fraction de la bourgeoisie qui gouvernait et légiférait au moyen des Chambres. C’était précisément le déficit de l’Etat qui était l’objet même de ses spéculations et la source principale de son enrichissement. A la fin de chaque année, nouveau déficit. Au bout de quatre ou cinq ans, nouvel emprunt. Or, chaque nouvel emprunt fournissait à l’aristocratie une nouvelle occasion de rançonner l’Etat, qui, maintenu artificiellement au bord de la banqueroute, était obligé de traiter avec les banquiers dans les conditions les plus défavorables. Chaque nouvel emprunt était une nouvelle occasion de dévaliser le public, qui place ses capitaux en rentes sur l’Etat, au moyen d’opérations de Bourse, au secret desquelles gouvernement et majorité de la Chambre étaient initiés. (...) [7]

Que celui qui ne comprend toujours pas le rôle politique de la dette dans notre Pays m’écrive…

Sur le travail : Karl Marx fut sans doute avec Engels, le premier « sociologue du travail » [8]. Il n’a pu de fait comprendre le Capital, comme rapport social dominant, qu’en étudiant attentivement le travail. Il en découle une approche sociale aiguisée : « Le travail est humain. Il l’est par définition, et l’activité de l’animal ne peut être appelée un ’travail’ : ’Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. L’homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu’il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent. Nous ne nous arrêterons pas à cet état primordial du travail où il n’a pas encore dépouillé son mode purement instinctif. Notre point de départ c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme. Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l’abeille confond par la structure de ses cellules de cire l’habileté de plus d’un architecte [9].

Il appréhende le travail non comme la production de la main mais d’abord celle du cerveau et pourtant l’ère de la révolution dite numérique, qui fait de plus en plus appel au cerveau, est celle de notre temps : «  Mais ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit, préexiste idéalement dans l’imagination du travailleur. Ce n’est pas qu’il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d’action, et auquel il doit subordonner sa volonté’. [10] Qui peut prétendre à plus grande modernité dans l’appréhension du travail ?

Sur le communisme : K. Marx et Engels furent des militants du communisme, mais qu’entendaient-ils par là ? Une utopie ? Un modèle ? Une nouvelle religion ? En fait, trop instruits des dogmes du passé et se méfiant de ce que pourraient en faire des religieux (« les marxistes ») ils ont laissé aux hommes le soin de matérialiser au quotidien ce qui suit : « Pour nous, le communisme n’est pas un état de choses qu’il convient d’établir, un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses. Les conditions de ce mouvement résultent des données préalables telles qu’elles existent actuellement. »

A l’humanité de notre temps de concrétiser au quotidien cet appel à « l’intelligence collective créatrice ». La sécurité sociale, son fondement (le droit à la santé) et sa gestion (chacun finance selon ses moyens et reçoit selon ses besoins) est la première œuvre concrète du communisme, d’où ses remises en cause permanente par les libéraux. Il s’agit de poursuivre en l’amplifiant cette démarche d’émancipation.

Sur la mondialisation : On peut critiquer K.Marx, ce n’est pas un problème. Au contraire, cela doit faire partie du débat de l’agora citoyenne, mais la critique doit être respectueuse de son apport, non comme visionnaire idéaliste, mais comme script des forces en émergence et dont la profondeur d’analyse nous plonge dans les abysses. Ainsi, qui peut croire que ces lignes sont écrites en 1848 : « ’Par l’amélioration rapide de tous les instruments de production, par les communications rendues infiniment plus faciles, la bourgeoisie entraîne toutes les nations, jusqu’aux plus barbares, dans le courant de la civilisation. Le bas prix de ses marchandises [11], est son artillerie lourde, avec laquelle elle rase toutes les murailles de Chine [12], avec laquelle elle contraint à capituler les barbares xénophobes les plus entêtés. Elle contraint toutes les nations, sous peine de courir à leur perte, à adopter le mode de production bourgeois ; elle les contraint d’importer chez elles ce qui s’appelle la civilisation, autrement dit : elle en fait des nations de bourgeois. En un mot, elle crée un monde à son image.’ [13]

Plus anticipateur de ce qui est appelé « mondialisation », tu meurs : cet extrait est à faire lire à tous les étudiants d’économie de première année, pour qui, en dehors du libéralisme, il n’y a point de pensée….

Sur la financiarisation : la « financiarisation » est aujourd’hui avec « la mondialisation » un terme à la mode qu’il faudrait d’ailleurs définir de manière précise et que l’on pourrait, en simplifiant, décrire comme « le moyen de faire de l’argent, sans passer par la case production  » [14]. Mais là encore, ceux qui considèrent que cette situation serait spécifique à notre temps se trompent.

La financiarisation est un processus inhérent au capitalisme et que décrit déjà le sphinx : «  C’est parce que l’aspect argent de la valeur est sa forme indépendante et tangible, que la forme A-A’, dont le point de départ et le point d’arrivée sont de l’argent réel, exprime de la façon la plus tangible l’idée ‘faire de l’argent, principal moteur de la production capitaliste. Le procès de production capitaliste apparaît seulement comme un intermédiaire inévitable, un mal nécessaire pour faire de l’argent. C’est pourquoi toutes les nations adonnées au mode de production capitaliste sont prises périodiquement du vertige de vouloir faire de l’argent sans l’intermédiaire du procès de production » [15].

Qui peut oser se comparer à la profondeur de cette analyse ? Anticipant notre quotidien

De la religion ? En ces temps de retour du religieux sur le devant de la scène du théâtre des ombres, en vue de couvrir les prédations du capitalisme sur l’humanité et la planète, il y a nécessité de rappeler les réflexions de Marx sur la religion, car on ne connait que la conclusion de son analyse sur la religion « opium des peuples  », en oubliant les raisons profondes qui conduisent à cette conclusion.

Marx écrit réellement : « La misère religieuse est tout à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’un état de choses où il n’est point d’esprit. Elle est l’opium du peuple.”

On le voit, la pensée de l’auteur n’est pas une condamnation de la religion ex cathedra, mais l’analyse du rôle qu’elle joue dans le cadre d’un système d’exploitation.

Aujourd’hui, dans le « capitalisme mondialisé », jamais ce système d’exploitation n’a eu autant besoin des religions et des guerres de religion pour conserver son rôle de prédateur global [16] mondialisé, d’où les appels de Jupiter à la religion chrétienne en vue de justifier ce système.

Sur l’homme ? Il n’y a point de société sans l’homme, mais qu’est ce que l’homme si l’on sort de la définition physiologique du bipède sachant marcher…L’humanité dans son approche matérialiste n’est à la fois pas grand-chose, mais aussi l’élément fondamental, qui émancipé des religions et des croyances de toutes nature, forme le tout : « L’athéisme est une négation de Dieu, et par cette négation, il pose l’existence de l’homme. » Une fois dégagé des apparences divines, c’est la matérialité des relations qui imprègne sa vie : « « Ce n’est pas la conscience des hommes qui déterminent leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. ».

Et il conclut : « Etre radical, c’est prendre les choses par la racine. Et la racine de l’homme, c’est l’homme lui-même ». 

Qui peut oser prétendre que Marx ne serait pas profondément humain ? Et de ce fait à l’image de nous tous, contradictoire…

Sur la femme : K.Marx eut une relation passionnée et amoureuse avec Jenny, issue d’une famille noble. Le mariage condamné par la famille mit le jeune couple en situation précaire et pourchassé par toutes les polices d’Europe. Durant cette période, des enfants du couple moururent. Marx ne fut pas exempt de comportement dominateur, ayant eu des relations extra-conjugales. Mais dans ses contradictions que toutes et tous nous avons, ce qu’on appelle notre « part d’ombre », il eut cet éclair de pensée qui illumine toujours notre ère, à notre époque dite de modernité où l’inégalité salariale fait toujours parti des murs à abattre : « Dans la famille, l’homme est le bourgeois ; la femme joue le rôle du prolétariat.’ … Marx impur, « Marxisme impur » certes, à l’image de chacun de nous, mais visant l’authenticité.

Ecologique : Souvent la caricature renvoie les marxistes à leur productivisme, critique fondée si l’on regarde l’histoire de l’URSS et du stakhanovisme. Mais dans la réalité du marxisme de Marx et non de ses disciples, la nature, l’environnement et l’équilibre humain font partie de ses priorités : « Le Capital épuise deux choses : le travailleur et la nature ».

Aujourd’hui avec le changement climatique déjà commencé, la pollution des mers par le plastique, formant un nouveau continent, la déforestation planifiée par le profit, la malbouffe, l’exploitation du gaz de schiste, la poursuite de la domination du pétrole débouchant sur des coups d’Etat (Brésil) et ses guerres meurtrières (Irak-Syrie), n’est-on pas confronté à la nécessité d’une « bifurcation » [17] radicale au nom même du devenir de l’humanité ?

De L’histoire : L’histoire de l’humanité ne peut se définir comme une simple suite d’événements imprévisibles dont les hommes seraient dépendants et ayant l’obligation de s’adapter (mondialisation). Au contraire, l’histoire de l’humanité, depuis Spartacus, est celle des hommes en lutte pour leur émancipation. Sans Spartacus et la révolte des esclaves, point de bris de chaînes, point de congés payés, point de retraites et autres « conquis sociaux  » …. L’homme est donc maitre de son histoire : « «  L’histoire ne fait rien, c’est l’homme, réel et vivant, qui fait tout ». Mais cette histoire humaine s’écrit et se forge dans des conditions que l’homme n’a pas fixées : « Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas de leur propre mouvement, ni dans des conditions choisies par eux seuls, mais bien dans les conditions qu’ils trouvent directement et qui leur sont données et transmises. » [18]. Absolutisme de l’homme maître de son histoire, mais inséré dans des situations historiques particulières (relativité d’Einstein).

L’Histoire prise dans l’essence de ses rapports sociaux matérialise son analyse. Pensons que le manifeste du Parti Communiste, publié en 1848, débouche sur un siècle de Révolution, celle de 1848, celle de 1871, celle de 1917, sur l’insurrection patriotique de 1945 mais aussi sur le développement des mouvements sociaux conquérants (création de la C.G.T en 1895, charte d’Amiens en 1906, code du travail en 1910, grèves et blocages de la production en 1936, puis en 1968) débouchant sur des « conquis sociaux » historiques. Jamais l’articulation « théorie » / « matérialisation » ne s’est autant vérifiée.

Attention à l’histoire, rétroviseur du passé qui éclaire l’avenir dés lors que l’on y porte attention, mais attention à ceux qui ne regardent pas ce rétroviseur et répètent les théorèmes du passé : «  Celui qui ne connait pas l’Histoire est condamné à la revivre ». A ce moment-là, l’histoire ne se répète pas, elle bégaie, ce qui est la répétition en pire : « du krach internet de 2000, au krach de 2008  », répétition en pire.

Ouverture : Voilà, j’ai essayé par ces courts extraits de montrer la « puissance intellectuelle d’une pensée matérialiste ». Certains peuvent considérer au vu de cet article, que je suis en dévotion, tel n’est pas le cas, je n’ai ni statue, ni affiche de Marx et d’Engels. Je n’ai qu’une partie de leurs livres que je lis de temps en temps. Mais il est vrai que plus j’approfondis la lecture et plus je suis admiratif de cette capacité qu’ils ont eu, dans un dialogue incessant avec la société, de pouvoir décrire et analyser le capitalisme tel qu’il est [19], et non tel que les idéologues et médias, propagandistes du marché, nous le vendent.

« Sortir du marxisme » est un défi qui m’est impossible, tellement je considère cette approche comme fondatrice du « mouvement réel », mais il s’agit aussi de considérer que le « marxisme » ne peut en aucun cas être un dogmatisme. Le meilleur respect que l’on doit à K. Marx et F. Engels est de préciser cet aspect. Le meilleur moyen de le rendre vivant est d’utiliser ses concepts et la méthodologie sans répéter bêtement ses pensées. On peut écrire une analyse marxiste sans le citer, ça m’arrive souvent. Marx et Engels nous ont donné et confié une méthode « le matérialisme historique » beaucoup plus que des textes figés. Dans le même temps, l’importance de leurs textes est justement qu’ils n’ont pas pris une ride du fait que loin des présentations dogmatiques faites par les médias, eux-mêmes étant victimes pourchassées de la religion du Capital [20], se sont limités à la seule analyse du système, à l’image des physiciens (Einstein) [21].

Ni diable ni sauveur suprême : L’objet de cet article n’est pas de convaincre de la supériorité du « marxisme  », mais de la nécessité de le découvrir, non par BFM.TV ou la « Pujadas company » mais dans le texte lui-même. Ni diable, ni sauveur suprême, juste un spectre dont le système nous assure régulièrement de sa mort définitive, et qui pourtant, à chaque crise du capitalisme, renait de ses cendres, tellement celles-ci, au moindre souffle de l’histoire, embrasent la plaine jusqu’aux confins de l’univers.

Respectueusement envers K. Marx et F. Engels
le 5 mai 2018
Fabrice

P.S / Attention, K.Marx est difficile à lire car sa pensée n’est pas linéaire, elle est dialectique, donc fondée sur les contradictions comme moteur de l’Histoire. Il ne faut donc pas se jeter sur ses œuvres majeurs (« Le Capital ») avant que d’être passé par ses esquisses et découvrir ainsi le cheminement de sa pensée (« Le manifeste », « l’idéologie allemande », « les luttes de classe en France », « introduction à la critique de l’économie politique »).

Les premières fois la lecture est ardue, car s’y formalise à le fois une rupture conceptuelle (les mots utilisés) et une rupture d’approche. Il faut alors insister patiemment en laissant le cerveau se reposer et revenir au grès de ses envies. Marx n’est pas une courbe d’offres et de demandes instantanées fixant un prix réputé d’équilibre. Marx ne se comprend que sur le temps long de l’Histoire, car il en porte la matrice.

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COMMENTAIRES  

05/05/2018 20:26 par AF30

Il me semble par ailleurs qu’il y a une différence importante entre le marxisme et le libéralisme : le premier est un projet de transformation sociale, le second, quoiqu’il soit présenté de même, ne reste que la défense du statu-quo. Toutes ces théories libérales ne sont que des constructions spécieuses qui ne servent qu’à donner un vernis intellectuel à l’injustice et à sa reproduction. Indéfiniment.

06/05/2018 02:55 par Toff de Aix

Merci beaucoup pour ce très bel article, que je vois à la fois comme une très belle introduction et vulgarisation de cette philosophie du réel... Qui n’a pas pris une ride, on s’en rend bien compte. Marx nous donne toujours les balles à mettre dans le fusil, et c’est quand même là l’essentiel, dans un monde qui veut vous convaincre qu’il n’y a pas d’alternative.

07/05/2018 13:33 par AUBERT

Aux lecteurs,

Je suis un peu déçu du peu de réactions à cet article, ainsi que celui qui précède sur le même thème. Il ne s’agit pas pour moi de chercher à imposer des réactions, la seconde intervention est une délectation et me suffit, mais la provocation que je lance est la suivante... Comment un individu tellement condamné, tellement défiguré, tellement dénoncé ne fasse pas, à partir de cet article, l’objet d’un débat. Tout se passe comme si l’article se suffisait à lui même et qu’il était suffisamment "parfait" pour ne faire l’objet d’aucune remarque, ce que je ne pense pas...
Enfin dernière hypothèse et pas la moins absurde, c’est que le lecteur au vu du titre, et vu la profondeur de l’idéologie, se dise qu’il est inutile de lire...

Bref le "marxisme" s’il existe, nécessite débat et confrontation et c’est pas tous les ans que l’on peut "fêter" son anniversaire.

07/05/2018 13:35 par IMBERT Olivier

cela me paraît valable mais pourquoi ne pas citer Misère de la philosophie, qui a été publié et en français ! Et aussi sur l’écologie, il y a aussi cela qui est dit de l’idéologie de l’épargne et de l’abstinence du bourgeois qui aime les animaux, et qui a sa bienfaisance alors qu’il met la négociation, droit contre droit c’est la violence qui tranche pour la journée de travail. Et cela se trouve au coeur du rôle moteur de la plus-value relative en opposition à la plus-value absolue, mais alors progressiste techniquement et régressif par la répulsion de la force de travail en constituant l’armée de réserve de la consommation salariale et l’économie de capital variable. Du coup pour ce qui concerne aujourd’hui le capitalisme affrontant le socialisme d’Etat et le rôle de l’écologique" ou plutôt d’épuisement de l’homme et de la terre", donc le rôle des sciences et des techniques sur le processus de valorisation capitaliste ou socialiste on doit prendre en compte les avancées faites par le marxistes soit au pouvoir sans dans l’opposition politique sauf de l’atomisme par exemple mais aussi avec l’agronomie et les paysans exploitant d’une rente différentielle tendant au nul sauf cosntructibilité, et laissant seule la rémunération du tavail artisanal ou ouvrier très outillé, qui, elle, a conduit à mieux mesurer et à accentuer des facteurs chimiques( comme en médecine pharmacie) qui permettent en régime socialiste surtout de moins épuiser la terre et les océans et les mers et cela par un usage différentiel de l’environnement- atmosphère comprise et satellites artificiels compris- mieux respecté et même enrichi ou amélioré et non comme disent ceux de l’épargne et abstinence d’aujourd’hui( critique du consumérisme, malthusianisme mondial des sous-développés surtout, et aussi décroissance du principe peur appelé responsabilité ou précaution ou durable) pire que pire en Chine en Russie en raison de son ex-soviétique ou en allemage de l’est-ex rda socialiste d ’Etat, et même au fond pour le pétrole le venezuela, ou certains avec leur agriculture dite OGM et sans ONG pour contrôler ou presse libre etc..pa exmple à Cuba le tabac et le sucre de cannes etc...

07/05/2018 14:18 par IMBERT Olivier

Sur la dette puisque l’auteur de l’article le demande je lui dirai que je suis d’accord avec ce qui est dit disons au niveau du rôle sur les financements et nationaux et parfois rendu cosmopolite relativement par le système boursier, d’autant plus qu’il dit lui-même que la pensée de Marx est une pensée qui demande un effort, notamment dans le Capital ou même la contribution à la critique de l’économie politique par son style analytique. Mais il me semble que par disons omission du caractère remarquable de l’abstraction inaugurale dans la première section du concept de monnaie comme "équivalent général" du temps de travail abstrait social moyen. Car là comme pour le temps de travail abstrait producteur de valeur d’échange alors que le travail concret est producteur de la valeur d’usage et que cela dans la fonction monétaire de moyen de paiement ouvre une brèche qui ira croissante avec la réalisation de la plus-value, Marx conduit l’analyse et le minimum conceptuel plus loin que Ricardo qui s’embrouille dans la rareté et la baisse absolue de la rente tout autant sans penser à l’unité systémique des lois explicatives du mouvement de la reproduction élargie et de la concentration centralisation industrielle. Ce concept doit être pensé comme conservé dans ses dépassements de techniques financières du crédit et du marché boursier, il convient de noter que cette dette est en même temps soumise à la vitesse de circulation( ou fluidité et élasticité) de la masse( ou des agrégats) monétaire et qu’en conséquence, non seulement elle pompe de l’épargne populaire au profit des gros actionnaires principaux contribue au service de compensation du profit( quoiqu’il en soit de son taux) dégrèvé de l’impôt de l’Etat pour des bourgeoisies (financière, commerciale, industrielle y compris fermier capitaliste confrontés aux rentiers) intégrées. Donc il y a des créditeurs de cette dette( comme il y a une commensurabilité mondiale-globale des monnaies zonales ou nationales ne serait-ce que dans le rôle de réserve nationale mais aussi privée- parfois privée féodale-hypercapitaliste disons les monarchies pétrolières et la Suisse ou les paradis dits fiscaux- bancaire de l’or quoiqu’on dise de la dématérialisation) qui est alors en partie comme tout inflation une progression de prix uniquement nominale et sinon en terme de valeur d’échange et d’enrichissement effectif une façon de vivre sur les pays producteurs disons entr’autre d’énergie et matière première et de force de travail à bas coût et niveau de consommation de produits et services de premières nécessités souvent qui, eux sont aussi d’ex-colonies avec des bourgeoisies, ou Etats, locaux qui produisent une offre de richesse, souvent comptée comme dettes publiques par le FMI ou la banque mondiale alors que c’est l’exploitation des sols et soussols et main d’oeuvre du tiers monde ou du monde usine émergeant qui sont source d’une richesse pour les oligopoles mondiaux qui eux ne sont pas endettés privés au delà du crédit et des impôts qu’ils font à leurs Etats-Nations.

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