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LA NEKBA, AN 63 : Le désespoir au quotidien

« Celui qui m’a changé en exilé m’a changé en bombe...Palestine est devenue mille corps mouvants sillonnant les rues du monde, chantant le chant de la mort, car le nouveau Christ, descendu de sa croix, porta bâton et sortit de Palestine. »
Mahmoud Darwich

Ce 15 mai, les Palestiniens et tous ceux qui sont épris de justice fêtent un douloureux anniversaire, celui de leur déportation violente pour les plus chanceux et celui des massacres de la main des organisations sionistes post-indépendance d’Israël et convertis en armée la plus morale au monde. Des manifestations émaillées d’incidents à Jérusalem-Est où, au moins, une dizaine de Palestiniens, dont un adolescent de 16 ans, ont été blessés lors de heurts avec les forces israéliennes. Pire encore les manifestations aux frontières du Golan, du Liban et dans les terrtoires occupés, des Palestiniens ont vue la mort d’une douzaine de personnes et de plusieurs dizaines de blessés Rappelons que la résolution 194 de l’ONU dispose que « les réfugiés qui désirent rentrer dans leurs foyers et vivre en paix avec leurs voisins devraient y être autorisés le plus vite possible ». Tous les gouvernements israéliens se sont opposés à l’application du droit au retour, au nom du caractère juif de l’Etat.

Deux poids, deux mesures

Après la chute du califat, la puissance de l’époque s’est vu confiée par la SDN la Palestine en 1922. A partir de 1925, lit-on dans l’Encyclopédie Wikipédia, le cheikh palestinien Izz al-Din al-Qassam met sur pied un groupe comprenant entre 200 et 800 militants. Il organise des attaques contre les intérêts britanniques et sionistes dans les environs de Jenine. Il est tué en 1935 par les Britanniques qui l’assiègent avec 200 de ses partisans. Sa mort est un élément déclencheur de la Grande Révolte arabe qui voit, sous les auspices du Mufti Amin al-Husseini, les Arabes palestiniens entrer en lutte armée contre les Britanniques. Ces derniers décident de mater la révolte violemment. Curieusement, ils se font seconder par des unités composées de Juifs palestiniens comme les « Special Night Squads » (Escadrons de nuit spéciaux) et la « Jewish Settlement Police » (police coloniale juive). En riposte aux attaques arabes, l’Irgoun, une milice sioniste de droite, organise de son côté de nombreux attentats. Fin 1939, la Révolte aura fait près de 5000 morts et aura vu la déportation ou la mort des principaux leaders arabes palestiniens. (1)

Avant même la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Juifs de l’Irgoun appuyé par le groupe Stern se retournent contre les Anglais, en réaction contre l’interdiction de l’immigration des Juifs en Terre d’Israël ; le 22 juillet 1946, un attentat terroriste de l’Irgoun contre l’Hôtel King David, centre de l’administration britannique à Jérusalem, fait 92 morts. L’Angleterre ne traite pas de la même façon les Palestiniens qu’elle a matés et les Israéliens qui l’attaquent. « Malgré leurs 100.000 hommes en Palestine, les Britanniques sont démunis face à cette violence qu’ils ne peuvent mâter comme la révolte arabe de 1936. Selon Henry Laurens, il n’est pas possible pour eux d’utiliser contre des blancs occidentaux, et de surcroît contre des Juifs après la Shoah, des méthodes utilisées contre des indigènes. Devant leur incapacité à concilier les points de vue arabe et sioniste, face aux coups reçus et aux trop nombreuses pertes, ils décident de mettre un terme à leur mandat et de remettre la « question de la Palestine » à l’ONU. Les événements se calment après l’annonce britannique. Toutefois, dès le lendemain du vote du Plan de Partage de la Palestine, la violence éclate à nouveau mais cette fois entre Juifs et Arabes palestiniens. (1)

Avant le 14 mai 1948, alors que la Palestine était toujours sous autorité britannique, la communauté juive et les Arabes palestiniens s’affrontèrent dans le contexte d’une guerre civile. Les Palestiniens parlent d’al-Naqba (catastrophe), leurs forces ont été vaincues par les forces juives et au cours de laquelle une bonne partie d’entre eux a vécu un exode dont ils ne se remettent pas 63 ans après, la mémoire est toujours vive. Dans le cadre de la réalisation de la continuité territoriale prévue par le Plan Daleth, les forces de la Haganah, du Palmah et de l’Irgoun se lancent à la conquête des localités mixtes. La société palestinienne s’effondre. Tibériade, Haïfa, Safed, Beisan, Jaffa et Acre tombent, jetant sur les routes de l’exode plus de 250.000 Palestiniens.

Durant la période du 15 mai 1948 à la mi-avril 1949, plus de 350.000 Palestiniens (sur les 750.000 de l’ensemble de l’exode palestinien) prennent la route de l’exode, fuyant les combats ou expulsés des zones contrôlées ou conquises par Israël. Dans toutes les pseudo-négociations, les Palestiniens parlent du retour des refugiés, et pendant ce temps la colonisation s’accélère rendant chaque fois une partie du territoire de Palestine définitivement sioniste. Pour les nouveaux historiens israéliens anti-sionistes, ce sont les Britanniques qui ont empêché l’émergence d’un État palestinien et ont favorisé celle d’un État juif. L’exode palestinien n’a pas été le fait d’une politique arabe, voire encouragé par les Arabes mais bien, principalement, d’une expulsion manu militari due aux soldats israéliens.

Dans son ouvrage courageux «  Le Nettoyage ethnique de la Palestine », l’historien israélien Ilan Pappé, professeur à l’Université de Haïfa, que les sionistes considèrent comme un « Juif honteux », démolit le mythe selon lequel les Arabes auraient attaqué Israël au moment de sa fondation. En fait, le nettoyage ethnique de la population palestinienne (massacres, terreur et expulsions forcées à grande échelle) était prévu dès la première heure.

Le 10 mars 1948 (deux bons mois avant la proclamation d’indépendance) se tint à Tel-Aviv, au siège de la Haganah (la « Maison Rouge ») une conférence présidée par Ben Gourion et réunissant des chefs sionistes civils et militaires, afin de mettre au point les détails des « opérations » à venir. Cette réunion fut - toutes proportions gardées - l’équivalent de la conférence tenue en janvier 1942 à Berlin-Wannsee par les chefs nazis. Bien sûr, il n’y fut pas question de « solution finale du problème palestinien » mais seulement de « plan Daleth »* mais pour les centaines de milliers de Palestiniens chassés, dépossédés, tués, mutilés ou blessés, cela ne fait aucune différence. Méthodes prévues par le plan sioniste : « Intimidation massive, siège et pilonnage des villages et des quartiers, incendie des maisons, des biens, des marchandises, expulsion, démolition et pose de mines dans les décombres pour empêcher les expulsés de revenir ». (2)

Le nettoyage ethnique commença - de manière un peu désorganisée - dès les premiers jours de décembre 1947, quelques jours à peine après le vote de l’ONU et trois mois avant l’adoption du plan Daleth. Quant aux méthodes utilisées par les sionistes à cette époque, Ilan Pappé montre qu’elles étaient déjà ce qu’elles sont aujourd’hui : cynisme et chutzpah, mensonges permanents, (...) crimes de guerre et crimes contre l’humanité. (...) Dès le départ, l’armée « la plus morale de tous les temps », s’est distinguée par sa brutalité, son sadisme et sa cupidité : pillages, destructions systématiques, viols, exactions en tous genres, assassinats ». (3)

La Nekba a été préparée minutieusement

La Nekba n’est pas tombée du ciel, elle a été minutieusement préparée. Bien sûr, l’idée de nettoyage ethnique en Palestine n’est pas née subitement en mars 1948. Elle est l’aboutissement d’une longue évolution devenue évidente dans les années 1930. Sous prétexte de réaliser un inventaire de toutes les terres susceptibles d’être acquises par le Fonds national juif, les sionistes ont constitué des dossiers très complets sur tous les villages palestiniens. « Ces archives contenaient des détails précis sur la situation topographique de chaque village, ses voies d’accès, la qualité de ses terres, ses ressources en eau, ses principales sources de revenus, sa composition sociopolitique, ses affiliations religieuses, les noms de ses mukhtars, ses relations avec les autres villages, l’âge de ses habitants de sexe masculin (de seize à cinquante ans), et bien d’autres choses. Une catégorie importante était l’indice d’« hostilité » (à l’égard du projet sioniste, évidemment), fonction du degré de participation du village à la révolte de 1936 (...) Dès juin 1938, Ben Gourion déclare devant l’Exécutif de l’Agence juive : « Je suis pour le transfert forcé [l’expulsion des Arabes palestiniens]. Je ne vois rien là d’immoral. » Dix ans plus tard, le 24 mai 1948, il écrit dans son Journal : « Nous allons créer un Etat chrétien au Liban, dont la frontière sud sera le Litani. Nous allons briser la Transjordanie, bombarder Amman et détruire son armée, et alors la Syrie tombera. Apres quoi, si l’Egypte veut continuer à se battre, nous bombarderons Port Saïd, Alexandrie et Le Caire. Ce sera notre vengeance pour ce que les Egyptiens, les Araméens et les Assyriens ont fait à nos aïeux à l’époque biblique. Indépendamment du fait que la prétendue oppression des Juifs par les Egyptiens, les Araméens et les Assyriens est dénuée de tout fondement historique, et que les ancêtres du « père » de l’Etat juif étaient très probablement des Khazars sans le moindre lien avec la Palestine. » (3)

Dans l’ouvrage publié sur le site de Global Research, Stephen Lendman écrit : « Il y eut des destructions de maisons, de villages et de récoltes, des viols et d’autres atrocités. On massacra des civils sans défense, femmes et enfants ; on ne fit pas de quartier. Ces crimes ne sont jamais mentionnés dans l’historiographie officielle expurgée. On n’y trouve que le mythe des Palestiniens quittant volontairement le pays et craignant les représailles des armées arabes venues envahir Israël. Ces mensonges ont pour but de couvrir les crimes israéliens que les Palestiniens appellent "Nakba’ (catastrophe ou désastre). » (3)

Massacre de masse et racisme, conséquence de la Nekba

Parmi les architectes du nettoyage ethnique par le fer et par le feu, « Menahem Begin se distingue pendant cette guerre en massacrant avec d’autres tueurs de l’Irgoun 240 civils à Deir Yassine* (le 9 avril 1948, cinq semaines avant la proclamation de l’Etat d’Israël). 200 villageois assassinés par la Haganah, l’armée régulière, huit jours après la proclamation de l’Etat juif. Ce massacre, plus tabou encore que celui de Deir-Yassine, a été « révélé » en 2000 par Teddy Katz, de l’Université de Haïfa. A Dawaimeh, le pire de tous les massacres israéliens, plus de 450 civils palestiniens ont perdu la vie en octobre 1948. Ilan Pappé écrit à ce propos : « Les soldats juifs qui ont pris part au massacre ont rapporté les horreurs : bébés au crâne fracassé, femmes violées ou brûlées vives dans les maisons, hommes poignardés... » Quant aux Britanniques, ils ont laissé faire. Ilan Pappé parle de « passivité complice » ». (4)

A propos du massacre de Deir Yassin, le grand physicien Albert Einstein, juif de confession, s’était toujours élevé contre la politique des organisations sionistes et terroristes. Il écrit le 10 avril 1948, à M.Shepard Rifkin, directeur exécutif des amis Américains des combattants pour l’indépendance d’Israël : « Cher monsieur, Quand une véritable catastrophe finale s’abattra sur la Palestine, le premier responsable en sera le gouvernement britannique et les seconds responsables seront les organisations terroristes qui émanent de nos rangs. Je ne veux voir personne associé avec ces gens égarés et criminels ».( 4)

Après Deir Yassine, il y eut Kibya, il y eut Jenine. Il y eut Ghaza. La sociologue Ester Benbassa écrit : « Comment des juifs, dont les parents ont vécu la persécution, la souffrance, peuvent-ils tolérer qu’un autre peuple, les Palestiniens, connaisse un sort similaire ? Je ne veux pas non plus être juive et approuver cette guerre immorale que mène Israël. » (5)

Dans une contribution lumineuse et objective, l’historien israélien Ilan Pappé écrit à propos du racisme colonial, conséquence d’une spoliation violente de la terre de Palestine : « (...) En fait, si vous connaissez l’hébreu, vous savez que toute la langue hébraïque, de 1882 jusqu’à aujourd’hui, qui a été construite pour décrire ce que le mouvement sioniste est en train de faire en Palestine, utilise, encore et encore, les mots « hityachwut, hituachahut » ; et la seule façon de traduire ces mots est coloniser. Ainsi le mouvement sioniste, à la fin du XIXe siècle, (...) utilisait très volontiers le mot coloniser. Mais, par la suite, les sionistes ont appris que le colonialisme n’était pas si populaire, alors ils l’ont traduit différemment, ils ont trouvé le mot « settlement » [« implantation »], qui signifie quelque chose d’autre en anglais ; et ils ont trouvé cette réponse : « Oui, c’est coloniser, mais ce n’est pas comme "coloniser", c’est une chose différente ». (...) L’État pour les Palestiniens, c’est deux Bantoustans, divisé par douze en Cisjordanie, et clôturé comme un camp de concentration à Gaza, qui n’a pas de connexion entre les deux, et qui a une petite municipalité à Ramallah que l’on appellera gouvernement ; voilà l’État ». (6)

«  (...) Quiconque a vécu en Israël assez longtemps, comme c’est mon cas, sait que la principale corruption subie par les gens au cours du service militaire est la totale déshumanisation des Palestiniens. C’est pourquoi, quand il voit un bébé palestinien, un soldat israélien ne voit pas un bébé, il voit un ennemi potentiel. Entre chasser le bébé de la maison à coups de pieds, et tuer le bébé, la route n’est pas très longue. (...) Les Israéliens ne trouvent pas du tout bizarre que, si vous établissez une démocratie, vous pouvez aussi perpétrer un nettoyage ethnique, et un génocide. (..) Nous savons que les Israéliens sont très clairs au sujet de ce qu’ils veulent : ils veulent autant de territoire palestinien que possible, avec aussi peu de Palestiniens que possible ; c’est ce qu’ils voulaient en 1882, et c’est ce qu’ils veulent en 2010. Cela n’a pas changé. (...) Quand vous soutenez le droit au retour [des réfugiés palestiniens] vous ne reconnaissez pas seulement le crime de nettoyage ethnique de 1948, vous n’adhérez pas seulement aux résolutions des Nations unies qui soutiennent très clairement le droit au retour, vous dites en plus un très simple non au racisme. Vous dites non au seul État raciste du Moyen-Orient ». (6)

Dans sa négation, Israël veut effacer le mot Nekba des mémoires des jeunes palestiniens en commençant par les manuels scolaires Nous laissons Ilan Pappé le grand historien israélien, conclure : « Quand naquit l’Etat d’Israël, personne ne lui reprocha l’épuration ethnique sur laquelle il était fondé, un crime contre l’humanité commis par ceux qui la planifièrent et la réalisèrent. Dès ce moment, l’épuration ethnique devient une idéologie, un ornement infrastructurel de l’Etat. Discours toujours valable aujourd’hui parce que le premier objectif reste démographique, obtenir la plus grande quantité de terre avec le plus petit nombre d’Arabes. La purification ethnique continue et Israël veut nous la faire accepter. »

On sait que les crimes de masse d’Israël ont précédé son existence et depuis 1947, date du vote de l’ONU du partage de la Palestine, l’Etat d’Israël n’a cessé de continuer à tuer, de violer, d’incendier, d’accaparer les terres des Palestiniens, de détourner les eaux des pays voisins, en un mot de terroriser le Moyen-Orient sous l’oeil complice, voire impuissant de l’Occident.

Pr Chems Eddine CHITOUR

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

1. La Palestine mandataire : Encyclopédie Wikipédia. 2. Ilan Pappé : Le nettoyage ethnique de la Palestine Ilan Pappe Arthème Fayard 2008
3. http://membres.multimania.fr/wotraceafg/conflit_pal_isr.htm
4. http://www.alterinfo.net/Einstein-et-Bricmont-sur-l-imposture-sioniste
5. Ian Hamel : Le cri de colère d’Esther Benbassa. Site Oumma.com 17 novembre 2009
6. Ilan Pappé : Soutenir le droit au retour des réfugiés, c’est dire non au racisme israélien http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=22719 10 janvier 2011


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RÉVOLUTIONNAIRES, RÉFUGIÉS & RÉSISTANTS - Témoignages des républicains espagnols en France (1939-1945)
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Il y a près de 80 ans, ce sont des centaines de milliers d’Espagnols qui durent fuir à l’hiver 1939 l’avancée des troupes franquistes à travers les Pyrénées pour se réfugier en France. Cet événement, connu sous le nom de La Retirada, marquera la fin de la révolution sociale qui agita l’Espagne durant trois ans. Dans ce livre, on lit avec émotion et colère la brutalité et l’inhumanité avec lesquelles ils ont été accueillis et l’histoire de leur survie dans les camps d’internement. Issu (…)
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