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La montée de l’individualisme est un fléau !

Parmi les phénomènes marquants de la fin du XXe siècle, la fin de la guerre froide et le recul des idéologies marquent un tournant majeur dans l’histoire de l’humanité. Avons-nous atteint ce que Fukuyama (philosophe américain d’origine japonaise) a appelé "la fin de l’Histoire" ? Cette dernière serait selon lui, caractérisée par une victoire triomphante et pérenne de la démocratie et du capitalisme sur le communisme. Ce constat est néanmoins largement discutable. "Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde" avait d’ailleurs écrit Bertolt Brecht, nous enseignant ainsi cette vigilance nécessaire face à la barbarie latente chez l’être humain, qu’une crise économique peut libérer. En ce sens que la démocratie, n’est jamais acquise, c’est un combat permanent, une vigilance nécessaire, face aux ennemis de la liberté, comme les avait qualifiés Saint-Just.

Cette vigilance a pris la forme d’une défense dogmatique de la liberté. Elle est au coeur de l’idéologie libérale et néolibérale qui ont triomphé parmi les élites depuis une trentaine d’années. Héritière de la philosophie des lumières, notamment dans sa branche anglo-saxonne, elles sont profondément humanistes et placent l’individu au coeur de la société en lui confiant des droits et des libertés incontestables : liberté d’expression, d’entreprendre, de se déplacer librement, de s’associer, etc… Cet amour de la liberté induit une méfiance vis-à -vis de l’État et de ses règlementations pourtant nécessaires pour lutter contre la loi de la jungle, la loi du plus fort. Il impose une méfiance vis-à -vis des idéologies collectivistes et communistes, dont les expériences historiques desservent souvent la noblesse des idées. L’échec du communisme n’a laissé aucune alternative au modèle des démocraties libérales en s’éteignant. Cet amour de la liberté est l’essence même du modèle néolibéral, défenseur de l’autorégulation. Ainsi s’est installée la loi de l’offre et de la demande comme mode d’organisation économique de la société.

Partant du mythe du bon sauvage, selon lequel, l’homme serait bon par nature puis perverti par la société, la philosophie libérale est profondément individualiste. Elle place donc l’être humain au coeur du système et l’émancipe de toute contrainte absolutiste. Elle le tient pour responsable de sa propre condition, de ses choix et de ses actes… Il ne faut pas confondre avec l’anarchisme et l’égoïsme pur puisqu’il considère l’individu, en tant que membre impliqué dans une société. L’individualisme prône en revanche l’autonomie individuelle face aux diverses institutions sociales et politiques. L’intérêt de l’individu peut s’opposer à l’intérêt du groupe et aux mouvements collectifs. L’homme serait ainsi capable de réaliser de grandes choses par ses propres actes, sans mouvement social. Cette idée s’oppose donc fondamentalement au concept marxiste de lutte des classes en tant que moteur de l’histoire.

La liberté et l’égalité sont des antagonismes, des concepts opposés et contradictoires. Plus les individus sont libres, plus l’égalité est difficile à préserver. A l’inverse, plus ils seront égaux, moins ils seront libres. Le choix de la liberté "avant tout" met en péril la sauvegarde de l’égalité, qui pour être atteinte nécessite l’intervention d’un acteur tiers. Pourquoi l’État est-il le seul à pouvoir préserver l’égalité ? Selon Bourdieu, l’État est le seul agent économique et social qui puisse s’imposer légitimement pour corriger les inégalités naturelles entre les individus (âge, taille, sexe, origine sociale ou géographique), par l’impôt, les lois et les politiques publiques.

L’individualisme, sous l’égide de la liberté et de l’antitotalitarisme, est devenu un fléau pour notre société. En temps de crise, Hobbes a raison contre Rousseau : le pessimisme anthropologique et l’individualisme sont plus porteurs. Il a pris la forme de l’égoïsme social et met en péril la solidarité républicaine. Si la société individualiste est la somme de tous les intérêts individuels, la société républicaine est elle, celle de l’intérêt général, du bien commun et collectif. Comment préserver la cohésion de notre société en opposant les individus entre eux ? En responsabilisant l’individu face à ses échecs, ses actes et ses excès, quelles que soient ses origines ou ses chances de départ, c’est la conception de notre organisation sociale qui est remise en cause.

L’individualisme s’est imposé en France depuis 1980 comme idée dominante. Les générations nées depuis 1980 sont imprégnées par l’individualisme, véhiculé par la culture américaine (séries, films etc…) qui a imposé ses paradigmes à travers tout l’occident. En France, face à une Gauche historiquement collectiviste, héritière de Jaurès et de Karl Marx, s’est développée une droite libérale ayant pour fondement idéologique cet individualisme politique. C’est tout le sens de l’affaiblissement de l’État, de la destruction des services publics, du démantèlement de la sécurité sociale, de la réforme des retraites, etc… Dorénavant l’individu doit se prémunir lui-même face au risque et s’assurer de son coté. Cette idée républicaine est à l’origine du système de retraite par capitalisation que la Droite s’est jurée d’instaurer un jour dans notre pays. Toutes ces politiques ont contribué à détruire l’organisation centralisée de l’État et la solidarité républicaine pour rendre l’individu responsable de sa propre condition. C’est pourtant nier l’absence d’égalité des chances dans notre système. Les inégalités sociales sont aujourd’hui plus que jamais incontestables !

La misanthropie a trouvé une faille idéologique, tellement exceptionnelle, qu’elle s’y est engouffrée pour pourrir notre lien social. L’individualisme, c’est le fait d’enjamber un SDF devant sa porte. C’est considérer le pauvre comme l’unique responsable de sa situation, de prétendre qu’il aurait forcément pu s’en sortir. Malheureusement l’éducation républicaine, si elle a émancipé l’individu et pu corrigé (lorsqu’elle en a les moyens) marginalement les écarts, n’a en réalité jamais réussi à éradiquer ces inégalités naturelles. Cette idéologie individualiste est un fléau coupable de démanteler notre lien social, de distiller une misère et une précarité intolérables que seule la solidarité peut combattre

Michael KURTIS

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Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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