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Monsieur Sarkozy, sachez que l’Afrique est bien rentrée dans l’Histoire depuis des siècles…

Dans son discours de Dakar (rédigé par son conseiller Henri Guaino), Nicolas Sarkozy reconnait que la colonisation fut une faute tout en estimant que le « drame de l’Afrique » vient du fait que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire ». Non seulement ce discours est imprégné de mépris pour l’Afrique et son histoire, mais il repose sur une vision complètement faussée de la naissance du monde moderne.

C’est une erreur d’analyse et une méconnaissance impardonnable de la réalité historique. Pour comprendre l’émergence de la modernité, il faut analyser le monde dans sa globalité en décentrant l’attention. Une fois de plus les élites ont cloisonné leurs analyses dans une vision erronée, parce qu’occidentalo-centrée. Il est nécessaire de prendre en compte l’existence d’une pluralité de régions qui ont participé au processus de modernisation. Il faut étudier les chaînes d’interdépendances et approcher la réalité historique en comparant systématiquement les évolutions, les interrelations et les influences mutuelles entre trois régions du monde : l’Occident, l’Afrique et l’Asie.

Cette analyse, fondée notamment sur les travaux de C. Bayly dans La naissance du monde moderne se déroule en trois temps.

Premièrement ces interrelations entre communautés étaient déjà présentes dans ce qu’on appelle le monde ancien. Il existait déjà des relations non pas internationales, ni interétatiques, mais mondiales bien avant l’industrialisation et l’avènement d’une scène internationale. Le point de départ à l’analyse est de relativiser la position centrale de l’occident en considérant les évolutions à l’échelle planétaire, et présentant les conséquences des évènements majeurs qui heurtent l’ensemble des continents, notamment africains et asiatiques sur ce centre européen. En Effet, les révolutions politiques et libérales qui touchent la France, les États-Unis et la Grande Bretagne ont eu des répercussions majeures sur le reste du monde. Les autres continents ont quant à eux influencé l’Europe par des bouleversements identitaires et sociaux. Les évolutions politiques et sociales que connaissent les différentes puissances réparties sur la planète depuis le XVIIe siècle sont liées, interdépendantes et à approcher comme un tout, un ensemble d’éléments interreliés qui s’influencent, et tendent vers un résultat qui n’est pas le fait de l’homme mais d’événements historique inattendus. Une « mondialisation archaïque » s’est opérée bien avant la mondialisation habituellement datée du milieu du XXe siècle. Les liens vont se développer de manière colossale, notamment grâce au commerce, tout au long du XVIIIe et du XIXe siècle. Aux quatre coins du monde des formes d’Etat hybrides sont apparues, faisant coexister modernité et ordre traditionnel. Ce mariage exceptionnel a donné naissance à des idéologies influencées par des religions et des révolutions libérales.

En réalité l’Europe et l’Amérique du Nord n’étaient que légèrement plus disposées à se moderniser que le reste du monde, de par leurs conquêtes coloniales. D’autres facteurs ont expliqué la spécificité de l’occident qui a permis sa modernisation, telle que le commerce ou le rôle des idéologies. Ces dernières ont contribué à transformer le monde et instaurer la modernité. Un processus d’uniformisation s’est opéré à l’échelle planétaire au niveau politique, social, dans les pratiques, les façons de penser, d’agir, de consommer et particulièrement de s’habiller. La diffusion des idées, même archaïque, est symbolique d’une mondialisation ancienne, et a amorcé le processus de modernisation politique et social des grandes puissances. Elles ont diffusé des manières d’agir et de penser les rapports de pouvoir, les relations sociales et les usages relatifs au corps. Les idéologies ont été structurées par une pluralité d’acteurs non seulement en provenance de l’Europe, mais tout autant du reste du monde. Le réveil des consciences n’est pas le seul fait de la philosophie des lumières. Beaucoup de courants de pensées ont favorisé l’apparition d’un ordre nouveau. La religion est elle-aussi un des moteurs du processus de modernisation politique des sociétés humaines. L’universalisation des religions après 1815 va avoir un impact décisif sur les idéologies et les façons politiques et sociales d’organiser la vie en société. La modernité est donc davantage une synthèse entre des cultures et des civilisations entremêlées que la diffusion planétaire des valeurs occidentales.

Enfin, pour comprendre la modernité, il convient de s’intéresser à l’apparition des État-Nations et au développement tout au long du XIXe siècle d’une économie interdépendante. Ces processus ont mené à une situation de concurrence destructrice entre les nations, aux volontés expansionnistes et hégémoniques, qui annonce des guerres mondiales d’une violence jusqu’alors inconnue, au nom d’idéologies et sous la tutelle de ses communautés devenues Nations. Les États-Nations, offensifs et agressifs sont apparus après l’ère des révolutions. Ces derniers se sont constitués en Empire expansionnistes, fondés sur des idéologies hybrides, influencés par les lumières d’une part, et par les grandes religions. Ainsi se sont rapidement développés les nationalismes (Hitler, Mussolini, Franco etc…), qui ont idéologisé les fiertés et les identités nationales pour justifier leur volonté de conquête et leurs intérêts économiques.

L’Europe et l’Amérique du nord ont, grâce à leur puissance commerciale, économique puis militaire, définitivement assis leur domination sur les puissances d’Afrique et d’Asie jusqu’alors participants à ce processus de modernisation. En effet à la fin du XVIIIe siècle, l’empire Ottoman et la Chine constituaient plus que jamais des puissances politiques considérables aptes à se moderniser. Cette vision s’écarte des théories dominantes qui attribuent pour seul facteur de modernisation une phase distincte et continue d’industrialisation. Le désir d’expansion de l’Occident a progressivement asservi et exploité l’Afrique et l’Asie, afin de prélever leurs principales ressources dans un besoin immédiat de matières premières. Cette exploitation a provoqué la suprématie de l’Occident et l’éclatement des puissances politiques telles que l’empire Ottoman.

L’Afrique est bien rentrée dans l’histoire, c’est l’occident qui l’a exclue du processus de modernisation en bâtissant sa propre hégémonie.

Michael KURTIS

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