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La mémoire de l’esclavage sous la peau

Le blues de l’indignité

Le contexte est si chargé qu’il fait déborder mon éloquence, à peine ai-je fini mon dernier texte sur Armstrong que les faits me sollicitent et me poussent à livrer un commentaire sur les évènements survenus à la frontière du Mexique et du Texas impliquant les migrants haïtiens.

Image de la douleur qui rythme mon blues et me ramène en mémoire ce proverbe indigent qui exalte l’indignité : Pito nou lèd nou la (Mieux vaut être laid mais vivant). L’image de ce migrant pourchassé et frappé au lasso comme un animal, mais qui refuse de lâcher son plat pour défendre son honneur est révoltant, mais éclatant d’apprentissage. Car au fond, quel honneur reste-t-il à celui qui se déracine pour survivre ?

Question qui fâche évidemment ! Car comme on s’en doute, son cas ne reflète pas l’indigence de son statut social. Lui, son déracinement est physique. Mais, il y a pire, comme le déracinement culturel et humain des élites haïtienne qui est aussi en résonance avec cette image. En effet, cette image vaut autant pour les universitaires, les journalistes, les entrepreneurs, les ministres, les socioprofessionnels qui se taisent, se prostituent en marge de l’indigence pour protéger leurs accointances, leurs contrats, leur subvention, leurs bourses d’études et leurs succès précaires.

L’indigence en rhapsodie

Si par bonheur pour ce migrant pourchassé comme au temps de l’esclavage, une catastrophe venait à s’abattre sur Haïti pour forcer la main à ce que le Blanc lui octroie le Statut de protection temporaire, il aura son doctorat dans 5 ans au plus et sera envoyé comme expert en Haïti. Il sera un nouveau gestionnaire des fonds de l’USAID, entre autres, et peut-être même premier ministre, sinon ministre, conseiller de ministre, membre du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire ou protecteur du citoyen...que sais-je ? Mais une chose est sûre, il sera éternellement reconnaissant envers le Blanc. C’est comme cela que l’on fabrique l’indigence : on donne aux insignifiants du pouvoir, de la richesse et des artifices de connaissance pour qu’ils aiment leur servitude et fassent régner la déshumanisation. L’indigence est un succès qui se vend à crédit et se paye par petites échéances de silences et de redevances. Les gens qui vivent leur engagement à crédit, les peuples qui mettent en déshérence leur dignité et leur liberté récoltent toujours le déshonneur. C’est la règle du déracinement.

Mais qu’il est beau ce contexte en ce qu’il permet de révéler l’axiomatique de l’indigence dans sa congruence ! Et pourtant je l’ai annoncé bien longtemps ce temps comme dans ce texte dans lequel j’écrivais :

Un peuple meurt sous le poids de ses indigences, l’histoire d’une épopée, celle de Vertières, se gomme sous le poids des impostures qui jalonnent l’existence de ceux et de celles qui ont hérité de l’indépendance. Non les peuples ne sont pas éternels, comme d’ailleurs les faits de gloire de leur passé. Quand ceux-ci ne trouvent plus dans le présent des raisons d’être magnifiés, ils s’estompent et tombent dans l’oubli. Il en est ainsi pour les peuples. Ils meurent dans la mémoire humaine quand ils sont à court de dignité. Les peuples qui résistent et survivent sont ceux qui ont l’honorabilité et le courage de toujours maintenir leur dignité pour réinventer les faits de gloire de leur passé. Mais quand ils ne sont plus qu’impuissance et qu’insignifiance, ils dérivent dans l’espace-temps comme d’indigentes épaves que refusent tous les ports d’escale.

Non je ne suis pas prophète, je reste plus longtemps avec les problèmes et j’ai la patience pour apprendre. À bientôt pour la suite.......le récit n’a pas encore livré ses études de cas....c’est une exploration en guise de prétexte.

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Publié sur le site de Heritage Foundation,
janvier 2010
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