Je fais cette réponse pour rebondir sur les 3 commentaires laisses au bas de cette colère contre cette scène indigente.
Et pourtant, l’indigence n’est pas que sur le visage et dans le réflexe de survie, certes indigne, de ce pauvre migrant haïtien. Il ne fait que suivre la voie de la réussite précaire tracée par de brillants universitaires, d’illustres écrivains, de grands dignitaires qui se dépouillent de toute fierté, de toute honorabilité, de toute dignité pour se projeter dans les rêves blancs et revenir enfumer le shithole, drapé dans les couleurs de la bannière étoilée, entre autres oripeaux servant de succès. Quand tout un peuple établit la fuite vers la carte de résidence dans un autre ailleurs comme mode de réussite sociale, comment demander aux plus pauvres de rester dans l’enfer ? D’autant qu’ils voient que ceux qui sont les plus vils, les plus insouciants, les plus insignifiants accèdent à tout, richesse, pouvoir, influence et médiatisation, du moment qu’ils se couchent pour se faire marcher dessus par un diplomate étranger, un attaché culturel (blanc de préférence).
La fuite et le marronnage sont deux des formes d’expression qui permettaient de survivre du temps de l’esclavage. Mais en ce temps, de nombreux esclaves cherchaient à survivre, non pour survivre, mais pour retrouver leur dignité enchainée en luttant contre l’esclavage. Les descendants des esclaves, devenus libres, deux siècles après, continuent de fuir et de marronner. Mais cette fois, ce n’est que pour survivre. Survivre pour survivre en se dépouillant de sa dignité est une indigence absolue. On ne fuit pas sa dignité. On n’abdique pas sa fierté……quelque tentante matériellement que soit la mise à obtenir.
Aussi douloureuse que soit cette vérité, aussi puissante que soit la haine qu’on me voue pour oser le dire, C’est tout Haïti qui transpire d’indigente et trépigne d’indignité, Chère @Julia. C’est tout un peuple qui meurt d’indignité par l’ignorance collective, transmise, de malice en imposture, comme une heureuse résilience. D’ailleurs, après cette scène, essayez de trouver dans les faits une seule colère profonde, une seule indignité authentique venant des milieux intellectuels, bourgeois, culturels et académiques haïtiens qui réussissent dans l’ombre du blanc.
Non @Assibonanga, ne vous méprenez pas trop sur l’exploitation redondante du vocable "blanc" dans mon discours, Il n’est pas haineux, il n’est pas anti-blanc. Je le mets en contexte, pour mieux situer la problématique de l’aliénation et de la servitude, non plus comme Fanon le formulait à son époque, "peau noire, masque blanc", mais comme étant aujourd’hui celle d’une projection inversée en rêves blancs et cauchemars noirs. Ne trouvez pas curieux que cette colère pédagogique ne serve pas de tremplin pour crever la bulle de l’enfumage et apporter une bouffée d’air dans cet étouffoir qu’est Haïti ? Pourtant, chaque année, on subventionne et publie en folie, dans le shithole, des centaines de textes et de récits insignifiants qui seront labelisés actes sud en bénéficiant d’un éclairage de 30 secondes sur TV5 monde , rien que parce qu’ils reprennent, en contre haut, la musique dictée, en contre bas, par le grand manitou blanc : Le blues mineur de la servitude en rapsodie majeur de la réussite ! Mon éloquence est trop subversive et insoumise m’ont confié des éditeurs qui ont lu quelques-uns de mes manuscrits sur l’indigence et me les ont retournés en disant presque tous la même chose : « Sujet original, thématique dans l’air du temps, récit traversé d’émotions dans une langue maitrisée, mais que nous avons du mal à ranger dans notre catalogue ».
Je vous mets quelques photos de famille de l’album de l’indigence pour que vous puissiez voir que cet "indigent" sur la photo n’est qu’un indigent de circonstance ; car, en Haïti, il y a des indigents de conviction et de souche qui veillent en permanence et sont plus affreux.
Quand un universitaire met ses enfants à l’abri, que ce soit à Paris, à Montréal ou à Miami et vient "brasser" (faire des affaires louches) en Haïti pour assurer la sécurité de sa famille, en se dépouillant de toute dignité, de toute éthique, c’est une forme accomplie d’indigence. Quand un universitaire accepte d’intégrer un gouvernement dépourvu de légitimité et qui est au service de la criminalité financière, c’est une indigence en rapsodie. Quand un universitaire met ses enfants à l’abri, que ce soit à Paris, à Montréal ou à Miami et vient "brasser" (faire des affaires louches) en Haïti pour assurer la sécurité de sa famille, en se dépouillant de toute dignité, de toute éthique, c’est une forme accomplie d’indigence. Quand un universitaire accepte d’intégrer un gouvernement dépourvu de légitimité et qui est au service de la criminalité financière, c’est une indigence en rapsodie.
C’est presque tout Haïti qui est indigente. D’ailleurs, c’est pour cela que cette complainte contre l’indigence que je murmure depuis une décennie trouve peu d’écho dans les réseaux culturels, académiques et militants. Or, ils présentent lutter contre le système et devaient en conséquence l’amplifier pour en faire un hymne de résistance. Mais, ici l’imposture est la norme. Et c’est pourquoi je remercie Le Grand Soir d’être parmi les très, très rares à donner écho de cette colère contre l’indigence.
En attendant de mettre en musique une autre note pour décrire cet effondrement humain qui emporte Haïti dans les abysses puantes, je vous laisse regarde une photo de l’album de famille de l’indigence.