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La LCR et les « crapules » qui tiennent tête à Bush.

(Ou le communiqué crapuleux qui n’a jamais existé).

7 décembre 2005

La liste forumcommunist@yahoogroupes.fr. vient de publier une lettre ouverte d’Elody Margot, une militante de la LCR (en rupture) s’étonnant d’avoir lu le 17 novembre 2005, sur le site de cette organisation, un communiqué intitulé : « Chavez, Castro, Sarko : un beau trio d’urgence. » et dans lequel deux sur trois des personnes nommées sont qualifiées de crapules.

Ce titre et le communiqué sont nés de deux informations :

1- On sait que le président Chavez a fait une déclaration inopportune (mais purement diplomatique) au sujet des événements de nos banlieues. Dans sa tournée européenne visant à créer des liens qui ne laisseraient pas son pays seul face aux USA, Hugo Chavez a multiplié les amabilités envers les dirigeants rencontrés (« Mon grand ami Berlusconi ! » sic). Il n’est pas interdit de distinguer ce que DIT un dirigeant dans un pays hôte et ce qu’il FAIT dans son pays pour (et avec) le peuple. Mais il y a en effet des politesses dont on peut s’étonner, surtout si l’on s’est étonné auparavant de tous les ronds de jambes diplomatiques qui se font à Paris. Par exemple, recevant Condoleeza Rice, Bertrand Delanoë s’est extasié sur ses talents délicats de pianiste et a promis de l’inviter pour qu’elle donne un concert.

2- Une dépêche de l’AFP attribue à Jaime Crombet, vice-président de l’Assemblée nationale cubaine des déclarations privées incroyables : il aurait proposé à Sarkozy l’expertise cubaine pour venir à bout des troubles de nos banlieues.

Alertés, des amis français vivant à Cuba se sont renseignés aux sources le 6 décembre 2005, sur cette affaire. Dans les heures qui ont suivi, ils ont reçu le mail suivant :

"Présidence de l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire de la République de Cuba, Bureau de Ricardo Alarcón [président]. Jaime Crombet dément avoir fait la déclaration qu’on lui attribue. On peut l’appeler à son bureau si l’on souhaite une déclaration de sa part (Teléphone : 204 1145). " Dans la foulée, Radio Havana Cuba a publié une interview [1] de Jaime Crombet qui fait litière du bobard né semble-t-il dans l’entourage du député UMP Eric Raoult.

Les diffuseurs de la pseudo-information de l’AFP savent-ils de la Révolution cubaine autre chose que ce qu’on lit dans Le Monde ? On peut en douter. En effet, outre l’absence à Cuba de ghettos pour une catégorie spécifique de la population, outre l’absence de discrimination en raison de la religion supposée, de la consonnance du nom ou de la couleur de la peau, outre l’absence d’insultes officielles faites aux habitants d’immeubles modestes, on note aussi l’absence (quelle accumulation de pénuries !) de police anti-émeute et jamais, depuis le triomphe de la Révolution, des violences urbaines comme nous venons d’en vivre ne se sont produites. Les responsables politiques (les chauffeurs d’autobus et les pompiers aussi) peuvent se déplacer dans n’importe quel quartier de n’importe qu’elle ville sans être protégés par des bataillons de policiers casqués et armés. Par suite, aucun responsable cubain n’est en capacité de conseiller nos politiques qui, depuis que Jules Moch a créé les CRS, depuis les massacres organisés par Maurice Papon en octobre 61 et février 62 à Paris, n’ont cessé de se perfectionner dans la répression des manifestations. La France est au top niveau mondial en la matière. Elle a même su fournir à quelques dictatures du Sud des militaires virtuoses de la torture, formés sur le tas pendant la guerre d’Algérie.

La déclaration attribuée à Jaime Crombet relève de l’intox. C’est desservir la vérité et aller contre l’intérêt des peuples de l’avoir publiée sans l’avoir vérifiée, sans même s’être posé la question de savoir pourquoi l’entourage du bushien Sarkozy l’a inventée. La volonté de la LCR de médiatiser son choix historique pour une révolution communiste démocratique ne justifie pas qu’elle en profite avidement pour amalgamer Castro à Staline.

L’île des Caraïbes est en danger de mort depuis 45 ans, un plan de 450 pages de gestion du pays sous protectorat US a été rédigé en 2004 par l’Administration Bush (La LCR l’a-t-elle lu ? On le trouve sur Internet, en anglais et en français). On ne peut rien comprendre à Cuba sans connaître la réalité du plus long et du plus impitoyable blocus qu’aucun pays au monde n’a jamais connu (les militants de la LCR savent-ils comment il se manifeste chaque jour, dans tous les domaines : industriels, financiers, médicaux, scientifiques, agricoles, technologiques, culturels, artistiques, sportifs...).

Pour détruire La Havane, il suffit au Pentagone d’appuyer sur un bouton. Pour envahir Cuba, il suffit d’ouvrir les portails de la base de Guantanamo. Victoire militaire éclair. Le problème viendra de l’occupation de l’ïle. Cette deuxième phase verra la défaite de l’envahisseur si le peuple unanime résiste et si l’opinion mondiale désapprouve la guerre. Bref, il faut aux USA emporter d’abord la victoire médiatique préparatoire. Faut-il vraiment que la LCR y contribue ? Débarrassé de la révolution cubaine, le monde sera-t-il meilleur ? La libération des peuples d’Amérique latine en sera-t-elle facilitée ? L’impérialisme en sera-t-il affaibli ?

Ces questions doivent être posées à la LCR qui a trop vite ouvert sa bonde en publiant ce communiqué où Sarkozy est épargné tandis que Chavez et Castro par atavisme « stalinien », sont traités de « crapules » qui bafouent les idées révolutionnaires, se dévoilent, et se discréditent.

Dans sa réponse à Elody Margot, la Direction Ville LCR34 affirme : « ce communiqué auquel tu fais référence n’existe tout simplement pas. Ce point est aisément vérifiable (il ne figure par exemple pas sur le site de la LCR). [...] Et les auteurs insistent : ce « pseudo communiqué » n’a « jamais existé ».

Sûre de n’avoir pas rêvé, Elody Margot persiste :

«  Un communiqué qui n’aurait jamais existé et pourtant accessible à tous ! Il a été publié et commenté sur des dizaines de sites, en commençant par le forum Internet « marxiste révolutionnaire » animé par des membres de la LCR (voir : http://forumtrots.agora-system.com/lcr). N’importe qui, tapant son titre dans Yahoo (« Chavez, Castro, Sarko ») tombera sur des dizaines de sites l’ayant repris, y compris une trace sur le site de la LCR avant sa mise à jour, tout le monde pourra le constater. Il en existe encore une trace sur Google actualité :
http://news.google.fr/news. Cela est vérifiable par n’importe qui. Donc je ne comprends pas bien : pourquoi voulez-vous faire disparaître ce communiqué. »

A noter que ce communiqué fantôme, repéré par des lecteurs de L’Humanité, fait également l’objet de discussions sur le forum de ce quotidien. Voulant en avoir le coeur net, un Internaute est allé voir sur les sites susmentionnés. N’y ayant rien trouvé il a questionné le webmaster du site de la LCR qui lui répond ceci : « Cette brève qui était en discussion avant parution sur le site, s’est retrouvée par mégarde en ligne. Elle n’a pas été retenue et nous l’avons donc supprimée. »

Il est donc établi qu’à la LCR on discute de savoir s’il faut traiter publiquement Castro et Chavez de "crapules". La réponse est finalement non. Cependant, quand leur texte, déjà écrit, sort par erreur, la LCR commence par nier, puis elle avoue, mais jamais elle ne rectifie le jugement "interne". La brève a été "supprimée" mais non désavouée. On efface à la hâte les traces du forfait, on ne condamne pas le forfait.

On attend de la LCR qu’elle désapprouve cette brève à l’endroit même où elle été publiée (et lue par des milliers de personnes) et qu’elle précise que des communistes révolutionnaires ne sauraient insulter ainsi Chavez et Castro tout en restant bien polis envers le troisième homme nommé dans leur titre : Sarko.

Car la réponse qui consiste à dire : "On a discuté, on a écrit un texte sur les crapules qui dirigent Cuba et le Venezuela, mais c’est par "mégarde" que vous le savez", ne peut satisfaire. Elle indique seulement comment la LCR voit ces révolutionnaires qui résistent à l’Empire. Une fraction (celle qui a écrit le texte incriminé) veut l’afficher ouvertement, une autre ne juge pas opportun de la claironner sur l’estrade, mais les deux pactisent en coulisse.

Ce texte "n’a pas été retenu" ? Jusqu’à preuve du contraire, c’est sa publication qui ne l’a pas été. Les esprits chagrins pourraient penser : « Même s’ils trouvent leur analyse juste (s’il la trouvaient fausse, ils le diraient), ils craignent les réactions qu’elle pourrait susciter. La LCR balbutie à présent (et rien de plus) qu’elle ne voulait pas injurier publiquement les dirigeants de deux petits pays. »

Ces pays sont pratiquement accolés géographiquement à la plus grande puissance militaire que la terre ait jamais connue. Puissance qui veut leur peau et l’asservissement de leur peuple au Dieu Dollar. Deux chefs d’Etat révolutionnaires sont aux avant-postes, dans les tranchées, à portée de la mitraille US et de tous les coups tordus de la CIA qui s’échine à concocter leur assassinat. Là où ils luttent, ils n’ont pas besoin qu’on leur bave dessus en prétextant une maladresse gestuelle (bouche LCR mal fermée, lèvres disjointes). La faute n’est pas dans la "fuite" accidentelle, mais dans la fabrication délibérée de salive arsenicale et dans un bredouillis d’explications qui pourrait laisser penser que, dès que les circonstances seront favorables, ou dès que l’unanimité sera faite en son sein, la Ligue placardera ce qui se murmure en interne.

C’est Bush (dont il n’est pas dit non plus s’il est une « crapule ») qui va être déçu de cette valse hésitation, "Un pas en avant, deux pas en arrière", comme disait Lénine.

Cependant, la vérité (qui est révolutionnaire) oblige à dire que la publication de ce communiqué de la LCR et son attitude depuis qu’elle l’a retiré de son site sont de nature à induire en erreur sur son attitude habituelle envers la révolution bolivarienne. Elle est, en général, plutôt bienveillante.

Sur Cuba, elle est détestable, caricaturale, dépourvue de toute mise en perspective de la réalité géopolitique et du rôle capital qu’a joué, que joue Cuba dans le processus d’émancipation des peuples de l’arrière-cour US et d’ailleurs [2]. Mais elle avait rarement atteint la violence de ce communiqué.

La LCR va-t-elle s’en expliquer ou ira-t-elle, dans une fuite en avant logique, dresser la liste de tous les adversaires de Bush qui, n’épousant pas exactement la ligne tracée dans son dernier congrès, sont des « crapules » ? Puis, enfin seule, construira-t-elle quelque part, là -bas sous le nez de l’Oncle Sam ou ici, en France, une société non crapuleuse comme elle a l’air de savoir les faire, elle ? Si, dans cette tâche, elle ne réussit pas un sans faute, devra-t-on publier un communiqué en usant de sa terminologie pour qualifier Besancenot ?

Maxime Vivas

PS. J’ai déjà voté pour la LCR. J’ai de l’estime et du respect pour ses militants avec qui j’ai défendu des positions communes dans des instances culturelles de notre Conseil Régional et dans la rue. Tout va se compliquer, désormais...

Maxime Vivas vient de publier avec Danielle Bleitrach et Viktor Dedaj Les États-Unis DE MAL EMPIRE Ces leçons de résistance qui nous viennent du Sud, Aden.

Banlieues : Les responsables de la police israélienne s’envolent pour Paris ... 12 décembre 2005.

Bolivie, 18 décembre : Evo Morales premier Président Indien ? L’Amérique Latine dit "No mas", par Jason Miller.

Birmanie : Kouchner n’a pas vu d’esclaves mais Total les indemnise, par Maxime Vivas.

RSF, la CIA et l’omerta : Lettre ouverte au rédacteur en chef de Télérama, par Maxime Vivas.

Laurent Fabius a égaré "son" dictateur, par Maxime Vivas.

[1Déclarations de Jaime Crombet, Vice-président de l’Assemblée Nationale de Cuba.

Interrogé le 6 décembre 2005 par Radio Havane Cuba au sujet des « informations » selon lesquelles il aurait, au cours d’une rencontre à Paris avec son homologue français, Eric Raoult, proposé l’aide de Cuba contre les révoltes de jeunes dans les banlieues des grandes villes françaises, le Vice-président de l’Assemblée Nationale, Jaime Crombet, a répondu :

« Je veux dire que ces informations sont totalement fausses, inventées de toutes pièces. Elles ne sont explicables que par l’action des ennemis de la Révolution cubaine. Elles sont, de plus, stupides, absurdes.

Au cours de ma visite en France, j’ai visité diverses régions. Je n’ai fait aucune déclaration à la presse, je n’ai donné aucune interview. Mon entrevue avec mon homologue français a été absolument normale, amicale et respectueuse.

La coopération avec diverses régions françaises s’accroît, des échanges ont lieu avec des provinces cubaines de même que des jumelages avec des communes de notre pays, ce que nous appelons la coopération décentralisée. De plus, les relations entre les parlements reviennent à la normale et sont plus suivies en ce moment. »

RHC : Cette « information » est basée sur deux éléments : il y aurait eu à Cuba des incidents similaires à ceux que la France a connus et il y aurait dans notre pays un type de police entraînée pour riposter à cette sorte de révolte. »

J. Crombet : « A Cuba, il n’y a jamais eu ce type de manifestations, de troubles et notre police n’a jamais eu à réprimer ce type de choses. Lorsque nous avons dû nous défendre, cela a été contre l’impérialisme, et c’est la population, les étudiants, les jeunes, les travailleurs qui sont descendus dans la rue pour s’en charger. »

RHC  : Quelle explication voyez-vous à ce genre de campagne, justement en ce moment ?

J. Crombet  : « Elle est le fait de ceux qui ne veulent pas voir s’améliorer les relation entre Cuba et la France, des ennemis de la Révolution, du socialisme qui tentent de créer de fausses contradictions sur la base de positions absurdes attribuées aux révolutionnaires cubains. Ils inventent des prétextes pour attaquer la Révolution cubaine. Jamais, je n’ai fait ce type de déclarations, qui - je le répète - sont fausses et qui, de plus, sont stupides. »

[2Qui connaît le rôle capital joué dans la chute de l’apartheid Sud-africain par des dizaines de milliers de soldats cubains qui, au nom de la solidarité internationale, ont combattu en Afrique ? Personne en France, semble-t-il. Mais Nelson Mandela ne s’y est pas trompé qui, pour son premier voyage présidentiel à l’étranger, a voulu atterrir à La Havane. Et nulle part ailleurs.


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Maxime VIVAS
Des années de travail et d’investigations (menées ici et sur le continent américain) portant sur 5 ans de fonctionnement de RSF (2002 à novembre 2007) et le livre est là . Le 6 avril 2006, parce que j’avais, au détour d’une phrase, évoqué ses sources de financements US, RSF m’avait menacé dans le journal Métro : " Reporters sans frontières se réserve le droit de poursuivre Maxime Vivas en justice". Au nom de la liberté d’expression ? m’étonné-je. Quoi qu’il en soit, j’offre aujourd’hui (…)
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Publié sur le site de Heritage Foundation,
janvier 2010
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