Alors que Morales se prépare à la présidentielle de décembre, son engagement en faveur de la justice économique et des droits de l’homme face aux sales projets d’oppression du gouvernement des États-Unis et de ses représentants boliviens demeure fort et sans équivoque.
Dans un résumé succinct de ses positions, Morales a déclaré : " Le pire ennemi de l’homme est le capitalisme. C’est ce qui provoque des soulèvements comme le nôtre, la rébellion contre un système, contre un modèle néolibéral, qui incarne le capitalisme sauvage. Si le monde entier ne se rend pas compte de cette réalité (le fait que les états ne fournissent même pas le minimum en matière de santé, d’éducation, de nourriture), alors les droits de l’homme les plus fondamentaux sont bafoués chaque jour. "
Online Journal , 21 novembre 2005.
L’Amérique Latine dit " No mas [1] "à la dictature des grandes entreprises et multinationales américaines.
Bien que Simon Bolivar soit mort au sens physique du terme, son esprit continue de lutter pour libérer le peuple de l’oppression.
Hugo Chávez est sans doute l’incarnation la plus connue de l’élan vital [2] de Bolivar, lui qui s’élève contre la politique néocoloniale des États-Unis, cette nation qui a détrôné les empires coloniaux européens dans le domaine du pillage des richesses de l’Amérique Latine
C’est également de cette quintessence de l’esprit bolivarien qu’est animé Evo Morales, lui aussi leader des pauvres et des opprimés en Amérique Latine. Hors l’éventualité d’un assassinat ou d’un sabotage du processus électoral orchestré par la CIA, Morales deviendra en décembre le nouveau président bolivien démocratiquement élu. Et il le méritera bien.
La peur est-elle la seule chose dont ils doivent avoir peur, ou y a-t-il autre chose ?
Comme ils l’ont fait avec Chávez, le gouvernement des États-Unis et ses toutous des médias dominants ont tenté de discréditer Morales. Morales et Chávez sont tous deux présentés comme des " menaces " pour les États-Unis et ont été dépeints comme des " ennemis ".
C’est tout de même extraordinaire que les dirigeants de la nation la plus riche et la plus puissante de toute l’histoire de l’humanité puisse considérer ces hommes ou ces minuscules nations (dont aucune ne sortirait vainqueur d’un conflit armé avec l’état de Rhode Island [3] ) comme de vraies menaces. L’élite qui dirige les États-Unis est-elle atteinte de délire paranoïaque ? En fait, leurs peurs sont bel et bien fondées, mais il est nécessaire d’analyser la situation de plus près pour être en mesure de discerner la cause fondamentale de leurs craintes.
Les " plus petits d’entre les miens "
Hugo Chávez a vilipendé les États-Unis en général et Bush en particulier en public à plusieurs reprises. Il a clairement fait part de ses intentions : utiliser ses immenses ressources pétrolières comme des armes géopolitiques contre les États-Unis, ce qui a conduit le " respecté leader chrétien américain ", Pat Robertson, à appeler à son assassinat. Chávez a récolté des tonnerres d’applaudissements aux Nations Unies à l’issue du discours où il condamnait le gouvernement américain et sa politique.
En tant que président démocratiquement élu du Vénézuéla, enfant du terroir, rescapé d’une tentative de coup d’état manigancé par les États-Unis en 2002 et vainqueur du référendum de destitution en 2004, Chávez a utilisé les abondantes réserves de pétroles de son pays pour lutter contre la pauvreté. Il s’est servi des revenus du pétrole pour financer l’éducation, la santé, et pour fournir d’autres services de base, à tarif réduit, aux 80% de Vénézuéliens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Il est aussi l’instigateur d’une réforme agraire visant à permettre aux agriculteurs pauvres d’accéder à la propriété.
En s’alignant sur Fidel Castro, qui est depuis des années la bête noire de l’oligarchie aux États-Unis, Chávez s’est attiré les foudres des dirigeants américains. Depuis 1959, Castro empoisonne le gouvernement américain. En effet le dirigeant cubain a chassé du pouvoir Fulgencio Batista, dictateur sans scrupule protégé des États-Unis. Sous Batista, le fossé entre riches et pauvres s’était transformé en gouffre (ça vous rappelle quelque chose ?) et sur ordre du dictateur, des escadrons de la mort s’étaient emparés de milliers de " gauchistes ", les avaient torturés et assassinés. C’est une cause entendue, Castro n’est pas un petit saint, mais Cuba n’était pas vraiment un paradis non plus à l’époque de la tutelle américaine.
En échangeant du pétrole contre un grand nombre de médecins cubains extrêmement bien formés, Chávez a réussi à retirer, pour les pauvres de son pays, des avantages de sa relation avec Castro. Ironiquement, les dirigeants des États-Unis, dans leur infinie sagesse et leur immense bienveillance, ont refusé l’aide que leur proposaient Chávez et Castro après l’ouragan Katrina. Alors que le régime Bush rejetait l’assistance que leur offraient nos " ennemis ", plus d’un millier d’Américains périssaient au lendemain de l’ouragan Katrina du fait de la négligence et de l’incompétence criminelles d’un gouvernement américain dont la vocation quasi unique est, désormais, de représenter et de servir les intérêts des riches, des grandes entreprises et du complexe militaro-industriel.
Chávez n’est pas seul : la révolution s’amplifie
Parallélement, en Bolivie, un certain Evo Morales incarne lui aussi l’esprit de Simon Bolivar, en combattant les intérêts impérialistes des États-Unis dans son pays. A la veille de remporter la présidentielle lors des élections de décembre, Morales se prépare à devenir le prochain maillon dans cette chaîne de latino-américains qui opposent une résistance acharnée à l’exploitation de leurs populations et de leurs ressource par les États-Unis.
Juan Evo Morales Ayma est né en 1959 à Orinco. Issu d’une famille indienne quechuane, il partit s’installer dans la province de Chapare dans les années 1980 pour se lancer dans la culture de la coca. Cette culture traditionnelle remonte à l’empire inca. Les Indiens de Bolivie - plus de la moitié de la population - mâchent des feuilles de coca pour faire diminuer la sensation de faim ; cette plante entre aussi dans la composition de remèdes traditionnels. Cependant, la feuille de coca est aussi le principal ingrédient de la cocaïne
Dans le cadre de leur " Guerre contre la drogue ", les États-Unis ont entamé dans les années 1990 une campagne visant à faire cesser la production de coca. En 1998, le Projet Dignité, barbare et violente campagne d’arrachage sponsorisée par les États-Unis, se solda par l’élimination de quasiment 80% de la production de coca ; aucune culture de remplacement ne pouvait être aussi rentable pour les campesinos boliviens. On dit que l’Expeditionary Task Force, une unité paramilitaire envoyée et financée par les États-Unis et que les habitants ont appelée " les Mercenaires de l’Amérique ", s’est rendue coupable d’actes de violence et d’assassinats. Imaginez un peu que le Canada finance une milice et l’envoie aux États-Unis détruire 80% de la production de Sudafed et d’iode, sous prétexte que ces produits sont utilisés dans la production de la méthédrine. Combien de temps les Américains le supporteraient-ils ?
En réaction à l’ingérence et à l’oppression des États-Unis et au président fantoche de Bolivie, Hugo Banzer, Evo Morales devint le chef des Cocaleros, un groupe d’opposants composé principalement de cultivateurs de coca. Il obtint suffisamment de soutien à Chapare et à Carrasco de Cochabamba pour se faire élire au Congrès bolivien en 1997, obtenant une plus forte majorité que les 68 autres vainqueurs de cette élection.
Citons les propres paroles de Morales : " Il existe un mouvement unanime pour défendre la coca, parce que la feuille de coca est en train de devenir le symbole de l’unité nationale pour la défense de notre dignité. Comme la coca est victime des États-Unis, en tant que producteurs de coca nous sommes également victimes des États-Unis, et nous nous levons pour remettre en question cette politique de destruction de la coca. "
" Le moment est venu de se rendre compte que derrière la défense de la coca il y a la défense de toutes nos ressources naturelles, comme les hydrocarbures, le pétrole et le gaz naturel, et les gens en sont de plus en plus conscients. C’est pourquoi il s’agit d’une question d’unité nationale. "
Jouissant d’une extrême popularité et d’une position de force au sein de son parti, le Mouvement pour le Socialisme (MAS), Morales a commencé à étendre son programme, au delà du simple soutien aux cultivateurs de coca. Ainsi que Chávez au Vénézuéla, Morales est perçu comme le défenseur des pauvres et des opprimés, et, par défaut, comme le farouche opposant à la ploutocratie visiblement corrompue de Washington.
L’American Way (des grandes entreprises)
Début 2000, Morales se lança dans une lutte acharnée contre la politique impérialiste des États-Unis qui permet aux multinationales de se livrer à une exploitation obscène des autres nations. Illustrant l’étendue de la cruauté du " libre échange " - cette politique économique néolibérale que la corporatocratie des États-Unis impose aux autres pays - une grosse multinationale, Aguas de Tanari, s’apprêtait à se rendre maîtresse du marché de l’eau à Cochabamba, fief de Morales. Si elle avait pu réaliser ses ambitions, 65% de la population n’aurait pas eu les moyens de se payer l’eau potable.
Afin de venir en aide à Aguas de Tanari, qui rêvait de faire vivre au peuple un cauchemar, les autorités passèrent un décret par lequel il devenait illégal de recueillir l’eau de pluie et d’en faire usage. Morales et ses alliés organisèrent de grandes manifestations, ainsi que des barrages routiers, et finirent par avoir raison de cette tentative méprisable d’accroissement des souffrances et de la misère dans le seul but de réaliser des bénéfices.
Une bataille, mais pas la guerre
Début 2002, le gouvernement bolivien édicta le Décret Suprême 26415, qui rendait illégale la vente de feuilles de coca. Des émeutes éclatèrent à Sabaca, où existait un marché légal de coca. Quatre campesinos et trois soldats boliviens furent tués. Suite à des pressions exercées par l’ambassade américaine, Morales perdit son siège au congrès à cause de son implication dans de prétendus " actes terroristes " à Sabaca. Sa destitution fut par la suite jugée anticonstitutionnelle.
Lors des élections suivantes, en juin 2002, Morales retrouva son siège. Les sondages donnaient au MAS à peine 4% des intentions de vote. Cependant, grâce à une forte opposition de l’opinion à la présence et à l’influence américaines en Bolivie, 20, 94% des Boliviens accordèrent leur soutien au MAS lors du scrutin. Le MAS obtint un pourcentage des votes à peine inférieur à celui du parti vainqueur. Malheureusement pour le peuple bolivien, un pro-américain fut remplacé par un autre : Gonzalo Sanchez de Lozada prit la place de Jorge Quiroga.
Pas touche à nos hydrocarbures !
L’allégeance de Lozada aux États-Unis finit par lui coûter son poste de président. La Bolivie possède d’importantes réserves de gaz naturel, qui, jusqu’à la Guerre bolivienne du Gaz de 2003, était exploitées par des multinationales, en accord avec la politique néolibérale imposée par les États-Unis. En octobre 2003, l’armée bolivienne tua un peu moins d’une centaine de pauvres et de travailleurs qui avaient pris part à des grèves et organisé des barrages routiers pour s’opposer au vol de leurs précieuses ressources nationales. Lozada démissionna et s’enfuit à l’étranger ; le vice-président Carlos Mesa, se retrouva à la tête du gouvernement bolivien.
En 2005, de nouvelles manifestations eurent lieu, pour protester contre ceux qui exploitaient avec la bénédiction du gouvernement les ressources nationales d’hydrocarbures. Morales joua un rôle important dans ces manifestations et dans la chute de Mesa. Attaquant sur un nouveau front, Morales et le MAS (son parti de plus en plus influent) demandèrent la mise en examen de Mesa, Quiroga et Lozada, en tant que complices et partenaires des multinationales coupables de spolier la Bolivie de son pétrole et de son gaz naturel (sans l’accord du Congrès bolivien).
Mettez-vous cinq minutes à la place des Boliviens.
Imaginez que LUKoil, la société pétrolière russe, prenne tout à coup le contrôle de l’industrie pétrolière en Alaska. En échange de faibles royalties et de taxes minimes, la société LUKoil a le droit d’extraire, de conserver ou de vendre autant de pétrole américain qu’il lui chante. LUKoil réalise de beaux bénéfices grâce à nos ressources naturelles, les États-Unis n’en retirant que de maigres revenus. A mon avis, le peuple américain ne serait pas trop d’accord. Et pourtant, notre gouvernement permet à de grosses multinationales de faire subir ce traitement aux Boliviens. C’est peut-être pour ça que ça s’appelle le libre-échange. Bande d’hypocrites.
Alors que Morales se prépare à la présidentielle de décembre, son engagement en faveur de la justice économique et des droits de l’homme face aux sales projets d’oppression du gouvernement des États-Unis et de ses représentants boliviens demeure fort et sans équivoque.
Dans un résumé succinct de ses positions, Morales a déclaré : " Le pire ennemi de l’homme est le capitalisme. C’est ce qui provoque des soulèvements comme le nôtre, la rébellion contre un système, contre un modèle néolibéral, qui incarne le capitalisme sauvage. Si le monde entier ne se rend pas compte de cette réalité (le fait que les états ne fournissent même pas le minimum en matière de santé, d’éducation, de nourriture), alors les droits de l’homme les plus fondamentaux sont bafoués chaque jour. "
Que pouvons-nous conclure ?
Un examen approfondi révèle la raison pour laquelle, aux États-Unis, les représentants des multinationales et les richissimes personnages qui ont pris notre république en otage, font des pieds et des mains afin de convaincre leur " électorat " que des hommes comme Hugo Chávez et Evo Morales sont nos " ennemis ". Ces hommes représentent une grave menace. S’ils conservent le pouvoir et continuent de faire progresser la révolution bolivarienne en Amérique Centrale et en Amérique du Sud, les puissantes multinationales ne pourront plus s’y livrer à leurs actes de banditisme légal, leur pillage des ressources naturelles - pratique qui entraîne une misère noire pour une grande partie des populations d’Amérique Latine.
Morales empêche le bon déroulement de cette comédie que notre gouvernement appelle " la guerre contre la drogue " et qui n’est en réalité qu’un moyen supplémentaire d’intervenir militairement dans la région et de soutenir les dirigeants sans scrupules qui appliquent les politiques favorables à l’élite fortunée des États-Unis.
Certes, Morales est un homme dangereux. De même que Chávez, il est comme un orage qui menace à l’horizon, prêt à frapper de sa foudre les épais portefeuilles des acteurs de la politique économique néolibérale, (forme moderne de colonisation non-violente). Il est tout à fait naturel que le gouvernement Bush craigne ces hommes. Ils représentent une menace imminente pour la santé des profiteurs américains dans toute la région latino-américaine.
Parce que le gouvernement et les médias américains décrivent Morales et Chávez comme nos " ennemis ", parce qu’ils défendent les droits de l’Homme et revendiquent l’égalité économique pour leurs compatriotes face au néocolonialisme américain, je conclus que le gouvernement Bush et de nombreux membres de notre quatrième pouvoir sont moralement corrompus. Le pire, dans leurs efforts constants visant à convaincre les Américains que Morales et Chávez sont des antéchrists, c’est que les seules personnes susceptibles de " pâtir " du " diabolique plan " bolivarien pour en finir avec l’exploitation et l’oppression économiques de l’Amérique Latine par les Etats-Unis ne représentent qu’une infime minorité de la population américaine.
Qui " souffrira " si les multinationales ne peuvent plus escroquer les Latino-Américains ?
Les membres de la clique de Bush. Ca vous embête vraiment ? ?
Le un pourcent d’Américains qui possèdent 33% des richesses... rien à battre !
Les cadres et les gros actionnaires des grandes entreprises... tu parles d’un malheur !
Evo Morales et Hugo Chávez sont les amis de la plupart des Américains, et de la majeure partie de l’humanité. Chaque pas en avant de la Révolution bolivarienne représente un pas en avant pour l’humanité, en direction des idéaux et des enseignements d’un Christ, d’un Gandhi, d’un Martin Luther King et d’autres grands maîtres spirituels de l’histoire de l’humanité. Chaque victoire des bolivariens représente une défaite pour ce cancer de l’humanité que l’on nomme néolibéralisme, ou, plus à propos, impérialisme économique impérialiste.
Alors, la prochaine fois que vous entendrez Fox ou CNN décrire Morales et Chávez comme des ennemis des États-Unis, dites-vous qu’apporter son soutien aux " méchants " peut être une bonne chose.
Jason Miller
Jason Miller est un auteur militant de 38 ans, titulaire d’un diplôme de Sciences Humaines. Il est conseiller financier dans l’industrie du transport ; marié, il est père de trois garçons. Il fait partie d’Amnesty International et de l’ACLU. Il vous encourage à réagir à ses articles. Vous pouvez lui écrire à l’adresse suivante : willpowerful@hotmail.com., ou laisser vos commentaires sur son blog, Thomas Paine’s Corner.
– Source :
http://onlinejournal.com/artman/publish/article_234.shtml
– Traduction : C.F. Karaguézian pour Le Grand Soir
www.legrandsoir.info/article.php3 ?id_article=2985
La Bolivie livre ses missiles aux États-Unis.
– Et aussi :
Santa Cruz la bolivienne craint Morales
A l’approche de la présidentielle, dont Evo Morales est le grand favori, la ville et la région de Santa Cruz, poumons économiques de la Bolivie, voudraient profiter plus des royalties du pétrole et du gaz, aujourd’hui gérées depuis la capitale, La Paz
Alors que l’élection présidentielle du 18 décembre approche en Bolivie, Santa Cruz, poumon économique du pays, n’a pas le moral. Tous les sondages placent en tête « l’ennemi » Evo Morales, leader des cocaleros (cultivateurs et producteurs de coca) et champion de la cause des Indiens des Andes, qui pourrait devenir le premier Indien à tenir les rênes du pays. 30 novembre 2005. - Lire la suite www.la-croix.com
Elections 18 décembre : Evo Morales peut-il changer la Bolivie ? par Benito Perez, 17 décembre 2005.
Une nouvelle vague révolutionnaire traverse la Bolivie, par Jorge Martin + brève chronologie de la crise bolivienne.
La Bolivie, Bush et l’ Amérique latine, par Immanuel Wallerstein.
La guerre juste d’un pays à l’avant-garde, par Maurizio Matteuzzi - il manifesto.
- La Bolivie sur RISAL : http://risal.collectifs.net