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La gauche latino débat de « l’alternative socialiste », Cathy Ceïbe.








L’ Humanité, 17 janvier 2007, San Salvador (Salvador).


San Salvador . Les participants au forum d’une gauche diverse, partout en progrès sur le continent, évoquent ses convergences et ses contradictions face à l’offensive néolibérale.


« Le sage de la tribu » n’était pas là . Mais les participants du forum de São Paulo, qui s’est déroulé du 12 au 14 janvier à San Salvador, n’ont pas manqué de souligner combien Schafik Handal, coordinateur de l’ex-guérilla du FMLN, décédé il y a près d’un an et artisan des accords de paix dont le pays célébrait hier le 15e anniversaire, incarnait les raisons d’être de ce forum : l’utopie socialiste dans un monde dominé par le capitalisme et l’unité de la gauche latino-américaine.


Une alternative au néolibéralisme

Quatre jours durant, responsables de partis, représentants d’organisations sociales et de l’Église ont analysé les avancées enregistrées ces dernières années, la résurgence du socialisme comme alternative au néolibéralisme, mais également la prégnance de l’interventionnisme nord-américain dans la région. La rencontre, inédite en son genre puisqu’elle englobe tout le spectre de la gauche, était attendue, comme en témoigne l’affluence record avec la participation de 596 délégués, dont 219 issus de 33 pays, ainsi que la présence de 54 invités internationaux.

«  Qui aurait dit, il y a de cela seulement dix ans, qu’Hugo Chavez conduirait un des changements les plus originaux au monde ? » a déclaré en ouverture du forum Merardo Gonzalez, coordinateur général du FMLN. « Nous ne sommes plus dans le discours mais dans les actes. »

L’expérience vénézuélienne était sur toutes les lèvres, pays incarnant comme nul autre les bouleversements régionaux depuis la création du forum en 1990, « époque de confusion et de problèmes pour une gauche démoralisée et en difficulté pour reconstruire une mystique », a précisé le père Miguel Descoto, délégué personnel du sandiniste Daniel Ortega, récemment élu président au Nicaragua.

Satisfaction donc que la gauche puisse enfin renouer avec les succès électoraux et les réussites politiques. Et repenser la crédibilité et la nécessité du socialisme. Néanmoins, dans ce contexte favorable aux progressistes, d’aucuns ont mis en garde contre la tentation d’idéalisation. « Certains luttent pour l’indépendance de leur pays, d’autres pour le respect des votes », a rappelé Guadalupe Costa Naranjo, secrétaire général du Parti de la révolution démocratique du Mexique (PRD), faisant allusion à la victoire présidentielle soufflée à Lopez Obrador. « D’autres nationalisent leur patrimoine ou encore approfondissent le socialisme, a-t-il poursuivi. A partir de cette mosaïque, quels axes développer dans nos sociétés en étant solidaires les uns des autres ? »

Une intervention en guise de piqûre de rappel quant aux disparités notables dans la région. Si au Venezuela ou encore en Bolivie, les objectifs de transformation de la société s’affichent clairement, mais non sans résistances et obstacles, ailleurs prédomine l’orientation néolibérale dont les conséquences se mesurent en termes d’exclusion sociale, de répression ou encore de ravages environnementaux. Une situation à même de « détruire l’humanité », selon Fernando Ramirez, secrétaire du Parti communiste cubain.


Le danger de déstabilisation

Il en va de même concernant les ingérences des États-Unis. « La mise en échec de l’ALCA (zone de libre commerce des Amériques, promue par Washington - NDLR) ou encore les nouvelles expériences pourraient nous faire croire que nous neutralisons l’impérialisme, a expliqué Jaime Caycedo, secrétaire général du PC colombien. Ne minimisons pas ces objectifs de destruction des mouvements et de déstabilisations en faisant passer des pays pour des régimes populistes et radicaux » afin de justifier une éventuelle intervention.

Comment dès lors faire en sorte qu’entre chaque réunion le forum soit utile à l’ensemble des forces le composant, « une machine non seulement de débats mais aussi d’initiatives pour créer une force alternative à partir de toute la gauche, depuis les gouvernements ou dans l’opposition », a avancé Patricio Etchegarray, secrétaire général du Parti communiste argentin.

La déclaration finale était forte de résolutions de solidarité en direction de pays en proie aux ingérences, à l’instar d’une pétition adressée à l’ONU pour que les accords de paix au Guatemala et au Salvador soient pleinement appliqués. Il est également question de créer un observatoire électoral, ou encore de constituer une école continentale de formation politique, comme « espace permanent de débats sur les orientations différentes et plurielles existantes », censée débattre de la pensée de la gauche latino-américaine.

Débat sensible pendant ce forum, l’achoppement sur la dénomination et la classification des actuels gouvernements entre « gauche » ou « progressiste » a révélé les divergences d’appréciation quant à la raison d’être de la gauche. Peut-on placer sur un même niveau la révolution bolivarienne et l’orientation délibérément libérale du gouvernement de Michelle Bachelet au Chili ? Telle est l’une des questions qui résument le mieux les désaccords exprimés, bien que les participants se soient gardés de faire exploser l’unité du forum. Reste que la fracture est dessinée entre une gauche rompant avec le capitalisme et une autre cherchant à l’aménager.

L’autre défi lancé par Merardo Gonzalez, coordinateur général du FMLN, est celui de l’intervention populaire pour accomplir les changements nécessaires. « Nous ne parviendrons à rien si les gouvernements n’investissent pas dans le peuple et les mouvements, a-t-il dit. Cela implique une nouvelle démocratie et pas seulement électorale. »

Cathy Ceïbe



« évaluer ces expériences positives »


Le maire de Caracas, Freddy Bernal, souligne le caractère inédit des processus en cours dans son pays et dans plusieurs nations voisines.


Dans le contexte actuel continental, quelle est la portée de cette rencontre des partis de gauche ?

Freddy Bernal. Le forum de São Paulo est né dans un contexte de défection de la gauche. On croyait que la chute de l’Union soviétique entraînerait la mort du socialisme dans le monde. Le forum consistait à empêcher cette mort annoncée et donc, de fait, celle de la gauche. Ce 13e forum intervient dans un moment transcendantal en Amérique latine : huit gouvernements ont des orientations de gauche. Chacun avec leurs propres modalités et particularités mais ayant pour moteur commun la lutte contre la pauvreté, l’exclusion, l’impérialisme, le traité de libre-échange des Amériques importé par George W. Bush. En bref, des éléments stratégiques les unissent.

Au Venezuela, nous débattons du socialisme bolivarien du XXIe siècle. Un socialisme à la vénézuélienne produit d’une pratique sociale que nous mettons en oeuvre depuis plusieurs années. Avoir alphabétisé un million et demi de personnes en un an, c’est démocratiser l’éducation. Rendre la terre aux agriculteurs, c’est démocratiser les campagnes. Faire émerger un système de coopératives et d’entreprises commissionnaires, c’est une démocratisation du capital. Et ainsi, successivement, nous avançons en socialisant des secteurs de l’économie. Désormais, après huit ans de gouvernement, nous commençons à théoriser et créer, peut-être, un nouveau modèle politique avec nos caractéristiques propres.


En quoi diffère le socialisme à la vénézuélienne des autres expériences socialistes ?

Freddy Bernal. Les principes et les valeurs du socialisme nous sont utiles et nous servent de références fondamentales mais le socialisme du XXIe siècle ne doit pas être un calque. Il doit avoir la capacité d’enterrer les vieux schémas. En Amérique latine, une nouvelle vision de la société et de l’État est en train de surgir. Elle vise à une répartition plus juste de la richesse mais surtout l’intégration, avec un sens profond de la justice. Il ne s’agit pas d’une intégration « économiciste » avec des traités de libre commerce. C’est une intégration fondée sur la solidarité. Qu’est-ce que je possède, à même d’aider l’autre pour qu’il atteigne mon niveau de développement ? C’est ce que nous impulsons depuis le Venezuela.


Que peut-il sortir de concret d’un tel forum où les forces présentes sont si hétéroclites, d’autres étant loin d’accéder au pouvoir ?

Freddy Bernal. Le forum n’est plus seulement une tribune de débats. Il y a des expériences politiques de gouvernement : Cuba et le Venezuela, la Bolivie d’Evo Morales, les sandinistes au Nicaragua ou encore Correa en Équateur. Cela signifie que nous ne sommes plus seulement dans la théorie mais également dans la pratique concrète. Celle-ci démontre que la révolution, dans la paix et la démocratie, est possible. C’est une révolution qui respecte les droits humains et la pleine liberté d’expression des médias. C’est unique. Nous devons évaluer ces expériences positives et créer une coordination qui permette au forum de São Paulo de devenir un instrument pour reproduire ces réussites dans les autres pays qui sont en révolution, ou prétendent la construire.

Entretien réalisé par Cathy Ceïbe, envoyée spéciale.


 Source : L’ humanité www.humanite.presse.fr




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