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Le capitalo-sarkozysme ne fait pas rêver, il fait payer

La destruction des corps ou les cimetières du Capitalo-Sarkozysme

tableau : "la Nef des Fous" de Jérôme Bosch

Depuis mai 2007 la France souffre d’un mal par elle jusque là inconnu : la décomposition organique. Ses corps sociétaux sont soumis à la politique de la terre brûlée que leur font subir conjointement Sarkozy et son allié consubstantiel, le capitalisme frénétique responsable de la crise économique actuelle et qui à l’apogée de sa puissance et de son arrogance est obligé de revoir son fonctionnement. Revoir seulement, et bien sûr ne pas s’amender.

Crise d’un système spoliateur, discriminateur et corrupteur qui tue chez l’Homme tout désir pour remplacer celui-ci par la pulsion consumériste compulsive (1) et qui fait de chaque citoyen un sujet servile de la dictature du commerce publicitaire médiatisé. Ce système qui a pris comme symbole la chute du mur de Berlin pour faire croire aux hommes « qu’il n’y avait plus d’Histoire » (2) et qui a tué le concept politique nécessaire à toute société, à savoir l’aspiration des peuples à décider de leur destin, à s’approprier le monde et son environnement pour y vivre en paix, durablement et équitablement en bâtissant l’avenir de leurs enfants.

Ce système au nom duquel Sarkozy pousse ses réformes, sur un même terreau et suivant les mêmes méthodes. Il veut réformer quelle qu’en soit la casse sociale, culturelle, intellectuelle et industrielle. Il veut faire table rase de plus de dix siècles de culture, rayer de l’Histoire 1789, 1830, 1848, le Front Populaire et éliminer la mémoire de 1968. En somme toutes les dates qui ont forgé l’âme de la Nation. Oubliés les acquis sociaux. Il prépare, partie du corps social par partie du corps social, le démantèlement de la France. Et envisageant l’enseignement optionnel de l’Histoire et de la Géographie en terminale S ( ce n’est qu’un début) il organise la mise en place de l’amnésie collective synonyme de repli identitaire et d’isolement culturel. Il insulte la mémoire de Valmy, d’Hugo, de la Commune, de Verdun, et jette dans les fosses de l’oubli, Lavisse, Vidal de la Blache, Elisée Reclus, Lucien Febvre, le grand Marc Bloch et tous nos universitaires « universels » que lui et sa clique n’ont certainement pas lus.

1 : Le corps enseignant et celui des « enseignés »

Transformer le corps enseignant, de la maternelle à l’université, en cohorte de managers soumis aux impératifs de gestion. Et par là mettre aussi en péril le corps des « enseignés », élèves et étudiants, qui ne serait plus qu’un produit marketing à gérer selon des normes comptables.

« La Culture n’est pas à vendre » pouvait-on lire sur les banderoles des manifestants. Elle ne se découpe pas en morceaux, elle commence avec l’Histoire et l’esprit d’une nation et se transmet de génération en génération par les passeurs que sont les enseignants et les défricheurs de nouveaux possibles que sont les chercheurs. Dans un monde aseptisé et vitrifié par l’argent, comprendre le passé et anticiper ce que seront nos existences doivent être les priorités d’une politique de l’éducation et de la recherche. Par le mépris qu’il affiche ouvertement pour les enseignants et les chercheurs c’est toutes les sciences qu’il insulte et partant, le Génie Humain. Après la perfide ironie à l’encontre de Madame de La Fayette et de la Princesse de Clèves, la preuve est faite que son inculture est incompatible avec l’esprit de la nation. « La Culture, écrivait Nietzsche, c’est avant tout une unité de style qui se manifeste dans toutes les activités d’une nation ». (3) Il va falloir ouvrir de nouveaux cimetières afin d’y enterrer les plus brillants de nos étudiants et de nos chercheurs dont Sarkozy veut la peau.

2 : Le corps médical et celui des « soignés »

La mise en chantier de la réforme du service public hospitalier ainsi que sa nouvelle carte géographique, là aussi pour des raisons de gestion capitalistique est suspecte. Sarkozy utilise des clichés iniques pour dévaloriser le service public de santé. Quoi de plus cynique que de parler d’un sujet aussi sensible que celui de la santé pour asséner des contre -vérités et entreprendre le saccage de l’un des meilleurs systèmes au monde. Il oublie bien sûr de mentionner les compétences et le dévouement des personnels de santé dans ses élucubrations. Mais cela est sans doute involontaire ; Sarkozy et sa famille ne sont pas des familiers de l’hôpital public, lui préférant les cliniques privées spécialisées dans les soins esthétiques.

Dans la réforme en cours les deux corps, celui du soignant et celui du « soigné » seront amputés de la compétence pour le premier, de la qualité des soins pour le second.
Et le corps des « soignés » ? Ne cherche-t-on pas à le scinder en deux en créant une double discrimination ? La première par l’argent et la seconde par la géographie ; l’habitant favorisé du centre urbain étant à proximité d’un établissement d’urgence, alors que l’habitant rural aura un sérieux handicap d’accès aux soins. Dans le domaine de la santé faudra-t-il aussi ouvrir des cimetières supplémentaires en supprimant des lits ? Et nous ne parlerons pas ici de la façon avec laquelle ce gouvernement traite de la psychiatrie. Il ressemble au tableau de Jérôme Bosch « La Nef des fous », partant à la dérive et que Foucault appelle « Stultifera navis » (4) pour rappeler quel était l’état des hôpitaux généraux au XVIIème siècle, des navires peuplés de fous et partant constamment à la dérive sans aucun cap avant qu’un humaniste, le Docteur Pinel, ne les réorganise en révolutionnant les méthodes d’internement et de traitement.

3 : La Justice et les justiciables en danger

Ici point de longs discours. Les faits sont inquiétants et indiquent le chemin politique et idéologique suivi .Un seul exemple : le réforme de l’instruction qui va mettre le juge sous la tutelle du Parquet donc du Garde des Sceaux et du pouvoir politique. Pour quelles raisons Sarkozy veut-il avoir la justice sous ses ordres ? Pas seulement comme il se dit pour protéger ses amis affairistes et politiques « indélicats », mais plus profondément me semble-t-il pour deux autres motifs plus personnels.

Le premier tient au fait que malgré son CV d’ailleurs « gonflé » (décidément c’est une habitude) il a fait de piètres études et qu’il croit tenir une revanche en persécutant les magistrats mieux formés que lui. C’est une forme de mépris identique à celui qu’il éprouve pour les enseignants et les chercheurs.

Le second motif est plus préoccupant et montre le chemin : une société policière, et une justice expéditive. Assurément dérive autoritaire et sécuritaire voulue par un apprenti -dictateur et sa clique. Recherche permanente de l’ennemi intérieur pour asseoir toujours plus fermement une autorité aux moyens illimités. Ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire de Tarnac et le maintien en détention, sans preuves, de Julien Coupat en sont les exemples les plus patents. Les gardes à vue qui se généralisent pour des motifs le plus souvent mineurs et futiles en sont autant de manifestations. Le corps de la magistrature enterré sous les coups du « petit fossoyeur qui deviendra grand » et les justiciables en sursis.

4 : Le corps territorial et patrimonial

Dans « Bilan d’une nation » John Dos Passos mettait en garde les dépeceurs de territoire qui pour des raisons mercantiles et immobilières chassait les hommes de leur terre : « Vous pouvez arracher l’homme du pays, mais vous ne pouvez pas arracher le pays du coeur de l’homme ». Les hommes n’aiment pas avoir le coeur blessé !!!!

Sarkozy ferait bien de méditer cela lui aussi au moment où il veut démanteler nos terroirs, nos départements et nos régions séculaires. Foucade du « petit réformateur qui deviendra grand fossoyeur » là aussi.

Pour conclure ce cortège funèbre il convient encore de mentionner les promesses non tenues aux ouvriers de Gandrange, à ceux de Continental, d’Alstom et d’Heuliez, à toute la classe ouvrière dans son ensemble, aux pêcheurs bretons, aux agriculteurs les plus modestes ; enterrées les promesses, sacrifiées sur l’autel du capitalisme bling-bling et jet-setter.

Le capitalo-sarkozysme détruit tout sur son passage. La réforme devient terreur lorsqu’elle atteint la dignité des hommes, leur passé et leur avenir, ce qu’ils réalisent chaque jour pour construire une histoire commune et donner à leurs enfants un héritage culturel et environnemental décent leur permettant de regarder l’horizon sans craintes.
Le capitalo-sarkozysme ne fait pas rêver, il fait payer. Il tue le désir et l’espoir.

Sarkozy nous rejoue : « l’Etat c"est moi !!! ». Dans son très beau livre « Les Deux Corps du roi » Ernst Kantorowicz montre que sous les monarchies le pouvoir s’incarnait dans une sorte de théologie politique par laquelle le roi, au-delà de sa personne charnelle, avait aussi une fonction divine sans toutefois prétendre à une transcendance qui l’autoriserait à outrepasser son simple rôle de gouvernant.

Sarkozy n’incarne rien, sinon l’argent et le paraître. Avec lui les « deux corps » sont morts, entraînant tous les autres dans un naufrage collectif, la « stultifera navis ». La maladie est installée. L’antidote doit être puissant pour la chasser. Ce sera le peuple en colère et en marche.

Jean-Pierre Falies.

(1) Patrick Chamoiseau et Edouard Glissant : « L’intraitable beauté du monde ». Ed. Galaade

(2) Francis Fukuyama : « la fin de l’ Histoire et de l’Homme »

(3) Considérations Inactuelles III

(4) Histoire de la folie à l’âge classique

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