RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

La critique des sondages

On ne compte plus les colloques sur les sondages. Parfois avec quelques propos critiques. Jamais un colloque n’avait été organisé sur la critique des sondages. Cette première suscita suffisamment d’intérêt pour que l’on clôture les inscriptions quelques jours plus tôt. Malgré quelques défaillances matinales le samedi 5 novembre 2011, à l’Assemblée nationale, une belle assistance remplissait la salle ornée des portraits de Jaurès, Mendès France et Léon Blum autour de 11 communicants, universitaires et spécialistes des sondages.

Il revenait à Serge Halimi d’ouvrir la journée organisée par Le Monde diplomatique et l’Observatoire des sondages. Le colloque « tombait à pic » faisait-il remarquer puisqu’un rapport de la Cour des comptes avait été publié deux jours plus tôt en faisant apparaître le flou des dépenses ministérielles de sondages, pas assez flou cependant pour ne pas révéler les gaspillages, la faible utilité et quelques irrégularités.

Dans une matinée sous la présidence d’Anne-Cécile Robert qui a sauvé le colloque d’une sur-représentation masculine, le sociologue Howard Becker a conté l’histoire inédite de la première critique des sondages faite par Herbert Blumer lors d’une séance houleuse de l’American Sociological Association en décembre 1947. Un cruel démenti pour ceux qui croient encore que la critique est une exception française. Sur ce terrain, Bernard Lacroix prenait le relais en montrant combien le problème se posait en France largement dans les mêmes termes d’une inaudibilité relative de la critique pourtant toujours actuelle de Pierre Bourdieu. A la suite, Patrick Champagne montrait que cette critique était non seulement actuelle mais très polie. Loin de la raideur que ses détracteurs suggèrent souvent. Du coup, il apparut combien les sondages d’aujourd’hui ne méritaient plus le satisfecit méthodologique que leur accordait Pierre Bourdieu. Il aurait été aujourd’hui, dix ans après sa mort, beaucoup plus sévère.

Howard Becker, Anne-Cécile Robert, Bernard Lacroix et Patrick Champagne

S’il fallait s’en convaincre, il suffisait d’écouter les orateurs suivants, une nouvelle génération de spécialistes qui laisse augurer d’un bel avenir pour la critique et de jours plus difficiles pour les sondeurs : Nicolas Kaciaf faisait enfin pénétrer dans le SIG, un lieu paradoxalement obscur chargé pourtant de la communication gouvernementale. On n’en est pas sorti rasséréné par les usages politiques des sondages payés par l’argent public. Si Nicolas Hube confirmait la place prise par les sondages dans le commentaire médiatique, il surprenait pourtant un public averti en mettant en évidence une influence opaque d’un langage qui fait que les sondages imposent leurs schèmes au commentaire journalistique sans même qu’ils soient cités. Enfin, Jeremy Mercier dressait un tableau d’une manipulation par les sondages particulièrement cynique dans l’Italie de Berlusconi.

C’est une vieille question qu’a abordée sous un angle différent Patrick Lehingue : les sondages ont bien des effets sur le vote dans la mesure où la croyance s’est imposée des effets des sondages. Quant à Daniel Gaxie, il a fait singulièrement douter de la belle exactitude des résultats, un chiffre après la virgule, et de la faible proportion des non réponses, en montrant combien d’autres techniques d’interrogation, comme l’entretien, mettent en évidence hésitations et quiproquos. Hichem Guerlafi, un sondeur scrupuleux, n’a pas la naïveté de croire que tout ce qui est bon pour les sondeurs est bon pour la démocratie. Il a ainsi contribué à imposer une suspension des sondages pendant la campagne électorale en octobre 2011 en Tunisie. Richard Brousse a expliqué combien la veille l’avait conduit à faire un parallèle avec la critique des médias faite par Pierre Bourdieu : leur principale force est l’amnésie. Rémy Caveng a exposé avec force combien les conditions de travail des enquêteurs des centres de téléphonie nuisaient à la qualité des enquêtes. Ce n’est pas une fatalité si on observe à l’inverse la compétence des enquêteurs salariés d’organismes comme l’INSEE. Eric Darras a enfin rendu compte d’une enquête en cours sur la réception des sondages au caractère très paradoxal : dans l’ensemble les sondés sont très sceptiques à l’égard des sondages, mais, comme les journalistes, il faut en parler quand même. Enfin, Alain Garrigou lança une question conclusive sur l’utilité de la critique : sans elle, que saurait-on des sondages ?

Si la réussite d’un colloque de critique des sondages se mesure mal - faute d’enquête de satisfaction ? - elle s’apprécie peut-être moins aux compliments reçus par les organisateurs, peut-être par politesse, qu’aux rares protestations devant le manque de « pluralisme » d’un colloque. On avait oublié d’inviter les défenseurs des sondages ! Ils se sont donc invités ailleurs comme l’un d’eux sur une pleine page du journal Le Monde deux jours plus tard. Décidément, il y a de l’animation au pays des sondages.

»» http://www.amis.monde-diplomatique.fr/article3123.html
URL de cet article 21138
   
Éric Laurent. Le scandale des délocalisations.
Bernard GENSANE
Ce livre remarquable est bien la preuve que, pour l’hyperbourgeoisie, la crise n’est pas le problème, c’est la solution. Éric Laurent n’appartient pas à la gauche. Il est parfois complaisant (voir ses livres sur Hassan II ou Konan Bédié). Mais dans le métier, on dit de lui qu’il est un " journaliste d’investigation " , c’est-à -dire … un journaliste. Un vrai. Sa dénonciation des délocalisations, par les patronats étatsunien et français en particulier, est puissamment (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

"De toutes les ironies exprimées par la politique étrangère américaine, notre position vis-à -vis de Cuba est la plus paradoxale. Une forte dégradation de la situation économique a provoqué une poussée du nombre de Cubains entrant illégalement aux Etats-Unis.

Nous faisons tout ce que nous pouvons pour détériorer la situation économique et ainsi accroître le flux. Nous encourageons également cet exode en accordant aux Cubains, qui arrivent illégalement ou qui s’approchent par voie de mer, un statut de résident et une assistance pour s’installer.

Dans le même temps, nous n’avons pas respecté les quotas de visas pour les Cubains désireux d’immigrer aux Etats-Unis [...] quand Castro tente d’empêcher des cubains malheureux de quitter leur pays infortuné, nous l’accusons de violer des droits de l’homme. Mais quand il menace d’ouvrir grand les portes si nous continuons à accueillir sans limites des cubains sans visas - y compris ceux qui ont commis des actes de violence pour aboutir à leurs fins - nous brandissons des menaces imprécises mais aux conséquences terribles. "

Jay Taylor, responsable de la section des intérêts américains à Cuba entre 1987 et 1990, in "Playing into Castro’s hands", the Guardian, Londres, 9 août 1994.

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.