D’un côté, l’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Samantha Power, répète à l’envi que le respect des droits de l’homme est un préalable à la paix ; de l’autre, Wang Yi, le ministre chinois des affaires étrangères qui a présidé le débat du 23 février dernier au conseil de sécurité, est persuadé qu’une nouvelle vitalité de la Charte des Nations Unies ne peut être garantie qu’en respectant l’indépendance et l’intégrité territoriale de chaque pays. En clair, la souveraineté comme fondement de l’ordre international.
La logique de l’interventionnisme humanitaire, animé de la mission de vouloir protéger les peuples d’actions génocidaires accomplis par des « Hitler de service » (mais à la discrétion, cela va de soi, des puissances hégémoniques et de leurs alliés...) a donc encore ses thuriféraires. « Assumez le fardeau de l’Homme blanc », écrivait Rudyard Kipling, le poète de l’impérialisme britannique à la fin du XIXème siècle. Il lançait ainsi un appel aux États-Unis afin qu’ils viennent soutenir la France et l’Angleterre dans leur « mission civilisatrice » en Afrique et en Asie. Au milieu des années 2000, le ministre de la défense britannique John Reid affirmait que le but de la présence de son pays en Afghanistan était « de fournir assistance et protection au peuple afghan pour qu’il reconstruise l’économie et rétablisse la démocratie ». En 2011, au plus fort de l’engagement de la coalition internationale, c’étaient 140.000 soldats de l’OTAN qui y étaient déployés. Et 3.485 militaires occidentaux y ont perdu la vie depuis 2001. Le coût de l’opération avoisine les 800 milliards d’euros rien que pour les États-Unis. La Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan ne publie des rapports annuels que depuis 2009 et ceux-ci totalisent plus de 17.000 morts pour ces six dernières années.
En Libye, les commentateurs les plus objectifs estiment que l’intervention de Nicolas Sarkozy et de David Cameron a été un désastre... même si elle fut applaudie par les journalistes de l’époque. Ce pays est maintenant sous le contrôle des milices et des seigneurs de guerre salafistes qui exportent des armes et des guerriers dans toute la région, obligeant aujourd’hui des migrants à s’exposer aux plus graves dangers en tentant de traverser la Méditerranée.
Le bilan des interventions en Afghanistan, en Afrique ou dans les pays arabes est donc globalement négatif. Si elles sont souvent présentées comme moralement justifiées, elles sont souvent légalement discutables et presque toujours désastreuses d’un point de vue stratégique.
Une autre voie, méconnue du plus grand nombre parce que tue par les médias dominants, apparaît plus que jamais devoir s’imposer dans les relations internationales. Pourtant, elle ne date pas d’hier. C’est en 1954 en effet que la Chine, l’Inde et la Birmanie ont proposé ce que l’on appelle les « cinq principes de la coexistence pacifique » : ceux-ci sont le respect mutuel de l’intégrité territoriale et de la souveraineté, la non-agression mutuelle, la non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures, l’égalité et les avantages réciproques et la coexistence pacifique. Au cours des soixante dernières années, ils sont devenus non seulement la base de la diplomatie indépendante, autonome et pacifique de la Chine, mais également des principes primordiaux en matière de relations internationales reconnus par la majorité des pays du monde.
« Nés au cours de la Guerre froide, ces cinq principes prônent la justice, la démocratie et le règne de la loi. Depuis leur entrée sur la scène historique, ils ont permis de dépasser les limites des idéologies et des systèmes et représentent les intérêts vitaux des pays en développement », nous explique le vice-président de l’association du peuple chinois pour l’amitié avec l’étranger (APCAE), Xie Yuan. Ces principes ont dans les faits permis à de nombreux pays de changer l’attitude hostile de nombreux pays envers la Chine et permis à cette dernière de sortir de sa situation autrefois isolée.
Aujourd’hui, sur la base de ces cinq principes, la Chine a réglé plusieurs conflits territoriaux et établi des relations diplomatiques avec plus de cent cinquante pays dans le monde. Les cinq principes se manifestent dans quantité de traités bilatéraux et sont confirmés dans quantité de conventions internationales multilatérales et de documents internationaux tels que la déclaration sur l’inadmissibilité dans les affaires intérieures des États et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté [résolution 2131 (XX) de l’assemblée générale des Nations Unies en date du 21 décembre 1965] et la déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international approuvée en 1974 par la sixième assemblée générale spéciale des Nations Unies.
« Le droit applicable ne peut avoir de double standard. Nous nous opposons à la déformation délibérée du droit international, à la violation des intérêts d’autres pays ainsi que la destruction de la paix et de la stabilité », a concrètement souligné Xi Jinping lors de la conférence commémorant le soixantième anniversaire de la publication des cinq principes de la coexistence pacifique.
Dans l’ère actuelle de la mondialisation, ces grands principes devraient avoir une plus grande portée encore dans les relations internationales, loin de l’appropriation de la politique et de la stratégie par la morale publicitaire, son verbiage, sons sentimentalisme primaire et son affirmation terroriste. Loin de la propension de l’Occident de faire dépendre la liberté des autres d’une définition de la liberté qu’il a su arranger à sa sauce.
Capitaine Martin.