Ça vaut la peine de lire les commentaires de nos ennemis sur l’accord de Minsk. Un article de deux russophobes invétérés, Illarionov et Piontkovsky, a paru aujourd’hui dont le thème général est la trahison de Merkel et de Hollande, tout est perdu, le client s’en va, on change la distribution [comme dans la comédie populaire russe, Le Bras de diamant], et ainsi de suite.
Voyez vous-mêmes ce qu’ils disent dans leur article : Protocoles de Minsk par A. Illarionov, A. Piontkovsky :
– Leur seul résultat positif est un éventuel cessez le feu.
– Pour le reste, Poutine a obtenu presque tout ce qu’il voulait.
– En attendant, il n’a pas pris d’engagements.
– Tous les engagements ont été pris par l’Ukraine.
– En outre, ces engagements ukrainiens sont désormais garantis par l’Allemagne et la France.
Le seul résultat valable du document est l’accord sur un cessez-le feu et la séparation des belligérants. Cela permet de mettre fin à l’effusion de sang, à la mort de Russes et d’Ukrainiens, de civils, de volontaires, de militaires. Toutefois, la date de l’armistice – le 15 février – est alarmante. Il ne faut pas exclure que les trois jours de décalage peuvent être utilisés par Poutine pour se livrer à des provocations, y compris dans le secteur de Debaltsevo, comme c’est arrivé, par exemple, au cours de la sortie de l’armée ukrainienne du chaudron sous Ilovaïsk, par les corridors négociés en août.
Les principales conséquences de l’adoption des documents.
– L’isolement international du régime du Kremlin, qui s’intensifiait depuis le sommet du G20 de Brisbane, est terminé.
– Poutine est redevenu membre à part entière de la communauté internationale et il peut maintenant signer des documents conjoints avec les dirigeants des États démocratiques.
– La Russie n’est pas considérée comme partie prenante du conflit.
– L’agression russe contre l’Ukraine n’est pas reconnue.
– La présence de troupes russes sur le territoire de l’Ukraine n’est pas condamnée.
– La demande de retrait des troupes russes du territoire de l’Ukraine a été omise.
– L’éventuelle fourniture d’armes défensives à l’Ukraine est reportée.
– L’occupation de la Crimée n’est pas mentionnée dans les documents.
– L’imposition éventuelle de nouvelles sanctions économiques contre l’agresseur est annulée.
– Les demandes d’enquête sur les actes terroristes (MH-17, Volnovakha, Marioupol, etc.) et sur la répression des terroristes ont été omises.
– Des terroristes et des bandits ont la garantie d’être graciés et amnistiés.
– Il n’y a aucune garantie que des élections libres conformes à la législationukrainienne seront organisées dans les territoires occupés.
– L’Ukraine est tenue de mettre en œuvre une réforme constitutionnelle avant la fin de 2015 qui garantisse la préservation du régime terroriste de Lugandoniya [terme russophobe pour la RPL et la RPD].
– L’Ukraine est obligée de réformer sa Constitution et de discuter des élections locales avec les membres actuels du régime terroriste de Lugandoniya.
– L’Ukraine est tenue de garantir les pouvoirs des représentants et des mandataires des conseils locaux élus dans les élections précédentes, leurs pouvoirs ne peuvent leur être enlevés avant la fin de leur mandat.
– L’Ukraine est obligée de reconnaître la hiérarchie du pouvoir de Lugandoniya, les procureurs et les juges, les unités de la milice du peuple, mise en place par le régime terroriste du Lugandoniya.
– Le contrôle de la frontière russo-ukrainienne internationalement reconnue à l’heure actuelle n’est pas transféré à la partie ukrainienne. Son transfert est reporté à la fin de 2015, sous réserve du respect du point 11, en coordination avec les représentants des différents districts des régions de Donetsk et de Lougansk dans le cadre du groupe de contact tripartite, sous réserve de la réforme constitutionnelle et d’élections locales dans toute l’Ukraine. C’est-à-dire jamais, ou après la reconnaissance du régime politique de Lugandoniya et le changement du système constitutionnel de l’Ukraine.
– La libération de Savchenko et d’autres prisonniers/otages, retenus sur le territoire de la Russie, n’est pas mentionnée.
– Les convois humanitaires russes seront toujours autorisés à pénétrer en territoire ukrainien.
– Le financement des pensions et autres règlements à Lugandoniya est de la responsabilité de l’Ukraine et en partie des pays occidentaux.
– La loi ukrainienne anti-ukrainienne sur la procédure temporaire pour gouverner les localités dans certains secteurs des régions de Donetsk et de Lougansk est remise en vigueur.
– Verkhovna Rada d’Ukraine s’engage à définir les zones soumises à un statut spécial (c’est à dire le territoire de Lugandoniya).
– L’Ukraine garantit que Lugandoniya sera dispensé de la mise en œuvre nationale des relations économiques internationales.
– L’Ukraine et l’Occident s’engagent à entamer des négociations avec l’UE, l’Ukraine et la Russie sur la mise en œuvre des accords de libre-échange avec l’Union européenne signés par l’Ukraine (cela revient, en fait, à donner la clé du processus d’intégration européenne de l’Ukraine à Poutine).
Je récapitule.
Le point essentiel est le suivant :
– La Russie n’a pris aucun engagement.
Voilà le second en ordre d’importance :
– L’Ukraine a pris un grand nombre d’engagements, principalement concernant la reconnaissance du régime terroriste de Lugandoniya.
Et voilà le troisième :
– Tous les engagements de l’Ukraine sont désormais garantis par des engagements des dirigeants de l’Allemagne et de la France.
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Post-scriptum de Kristina Rus (traductrice du russe à l’anglais) :
Si je peux donner mon humble avis, je ne comprends vraiment pas où est le problème. Ces documents ont été signés, permettez-moi de vous le rappeler, avec les représentants de l’Ukraine – un État failli dont les dirigeants sont connus pour n’avoir jamais respecté un seul contrat dans leur vie. C’est à peu près comme de signer un contrat avec Mavrodi disant que vous êtes son partenaire juste pour le plaisir. Les Européens, qui étaient présents, ont auparavant trompé Ianoukovitch, et leurs prédécesseurs ont tout simplement assassiné Kadhafi, pour ne pas avoir à rembourser leur dette. Ça veut dire que leur parole ne vaut pas beaucoup mieux que celle de Porochenko, Fox ou Sonka la main d’or. Poutine, Zakharchenko et Plotnitsky, et toutes les vieilles grand-mères sur leurs bancs, en sont bien conscients. Et ils se marrent.
Je crois que si Poutine est resté là aussi longtemps, c’est pour essayer une nouvelle fois d’améliorer ses relations avec Hollande et Merkel à la veille d’un autre round de guerre avec les États-Unis. S’asseoir ensemble, avoir de longues conversations, travailler dur en commun, rapproche les gens. Poutine peut se montrer charmant, surtout comparativement à un porc tel que Porochenko, et s’il y a une chance d’élargir un tant soit peu le fossé entre les Etats-Unis et l’Europe, cela vaut bien une nuit blanche ! Oui, je pense que c’est ce qu’il s’est dit. Et déclarer la guerre à quelqu’un que vous aimez est plus difficile que si vous le détestez – l’esprit combatif n’est pas le même.
La durée de cessez-le-feu (si jamais il commence) résultera de la situation générale sur le front et de la détermination des parties à poursuivre le combat. Je ne parle pas seulement du front ukrainien, mais aussi du degré de préparation de notre défense antimissile pour repousser par exemple des attaques de missiles, ou du degré de préparation de notre marine pour affronter les forces américaines ; et de l’état de préparation du système financier pour affronter un autre round de guerre ; et de la situation dans d’autres régions de confrontation internationale – Syrie, Egypte, Iran, Irak, Yémen, Amérique latine, et ainsi de suite. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas, parce que nous ne voyons qu’un seul point de la carte, tandis que le commandant en chef, lui, voit toute la carte. Et il règle des problèmes qui n’existent même pas encore pour nous parce qu’ils n’ont pas encore diffusés dans l’espace médiatique.
En ce qui concerne les restes de l’Ukraine, le moment de leur enterrement définitif viendra probablement avec le renversement de Porochenko par les nazis. Ensuite, on annoncera vite que les criminels nazis ont pris le pouvoir et institué la terreur. Et on dira, il y a des centrales nucléaires, c’est extrêmement dangereux, il faut faire quelque chose, etc... Ensuite l’état failli que grand-père Lénine a créé dans un moment de folie cessera d’exister et son territoire sera divisé entre la Russie et la Pologne. Peut-être que la Roumanie et la Hongrie en récupéreront aussi un petit morceau ou qu’on reconnaîtra une République indépendante de Transcarpathie. Et, comme ils disent – pas de corps, pas de crime. Tout le monde repart content. Voilà ma prédiction.
Une telle partition ne se produira évidemment que s’il n’y a pas de confrontation militaire directe entre la Russie et l’OTAN. Si c’est le cas, c’est nous, à la fin, qui prendrons tout, et même la Pologne pour couronner le tout. Et Poutine devra instituer un nouvel ordre mondial d’après-guerre et de nouvelles limites, en considérant qu’il n’est plus nécessaire de partager avec qui que ce soit. Mais cette option a un côté négatif – beaucoup de sang sera versé, des millions de personnes seront sans doute tuées, nous y compris. Donc, je préférerais que la division de ce territoire se fasse d’une manière pacifique, qu’on prenne rapidement les pays baltes et qu’on oublie toutes les contradictions.
Traduction de l’anglais au français : Dominique Muselet