Le monde change, la multiplication d’évènements internationaux de première importance montre que le rapport des forces global tend à se modifier, l’initiative change de camp. L’unilatéralisme qui dominait dans les relations internationales rencontre des échecs, la situation n’est plus tout à fait la même et si les risques de conflits demeurent les opportunités grandissent.
Il importe donc pour le mouvement syndical international et en France pour la CGT de se situer correctement en fonction de ces bouleversements auxquels contribue l’action des peuples et des travailleurs. Il est urgent de le faire avec audace et indépendance, en se dégageant « des prêts-à-porter » de la pensée unique, en sortant de la bulle de certitudes qui sont de plus en plus contredites par la réalité. L’ampleur de la crise d’efficacité et de légitimité des recettes néo libérales appliquées notamment au sein de l’Union européenne et aux EU, comme dans le reste du monde devrait favoriser cette prise de conscience. C’est dire si le besoin de clarification est décisif pour contribuer à donner confiance dans l’action et si la responsabilité du syndicalisme est importante à fortiori s’il se revendique de la lutte des classes.
1- Pourtant à l’unisson des partisans de « l’Européisme » dont la CGT n’est pas exempte, la Confédération Européenne des Syndicats(CES) voudrait faire croire que l’Europe et par conséquent la CES elle-même seraient des contrepoids, du moins c’est ce qu’elle cherche à faire partager depuis longtemps, sans grands succès il faut le dire.
C’est pourquoi, il est toujours utile de rappeler « qu’elle demande l’approfondissement de l’harmonisation sur le plan social, politique et institutionnelle en même temps qu’économique et monétaire ». Fort logiquement la CES a donc soutenu et revendique le Traité de Maastricht en 1992, fait campagne pour le oui en 2005 afin de faire adopter le traité constitutionnel rejeté par les Français et la CGT, elle a soutenu le traité de Lisbonne, a critiqué de façon véhémente le Brexit et surtout elle continue à vouloir renforcer le rôle de l’euro comme un outil majeur de l’intégration politique. Michel Rocard disait en 1992 : « L’euro, ce sera moins de chômeurs et plus de prospérité ». On sait ce qu’il en est ! La faillite de cette prévision est totale. Mais cela ne change rien pour la CES.
Elle persiste et signe !
En fait ces positions structurent toute sa démarche, justifient ses orientations et ses pratiques. Quand on adhère à la CES on ne fait pas que s’affilier mais on souscrit à un programme et à ce qui en dépend. Il en est ainsi pour n’importe quelle organisation, ce qui est dans l’ordre des choses. Qu’en est-il alors de la position de la CGT ? Approuve t’elle ou n’approuve t’elle pas ? Pour les uns on ne sait plus trop, pour les autres, on le sait trop bien !
Car, jusqu’à présent, la direction de la CGT a fait le choix d’entretenir sur ce sujet une espèce de « flou artistique », qui n’est pas sans soulever un problème de logique entre ce qu’elle dit et ce qu’elle fait et rend plus aléatoire sa stratégie proclamée en faveur d’actions rassembleuses et déterminées. Comment peut on soutenir les luttes en France contre la loi travail, condamner l’ouverture à la concurrence du ferroviaire, du transport de l’électricité et du gaz, dénoncer la liquidation de notre système de santé, tout comme la mise en cause du droit de grève et soutenir ce qui constitue la « raison d’être » de la CES en faveur de la dérégulation européenne. Or c’est cette politique qui inspire toutes les prétendues réformes décrétées par la Commission de Bruxelles et dont la philosophie est le tout pour la libre concurrence qu’il s’agit des entreprises ou des travailleurs.
Comment donc la CGT se situe-t-elle ? Où est la cohérence ?
Cette situation devrait pousser la France et plus largement l’Europe à la mise en œuvre d’une véritable politique industrielle garantissant son indépendance économique ». L’indépendance de qui, pour qui ? De l’Union européenne ? Mais c’est très exactement ce que souhaitent Merkel et Macron et ce que confirme leur accord politique au récent sommet de Meseberg. Même si celui-ci est loin de faire l’unanimité en Allemagne et ailleurs, car pas moins de 12 pays s’opposent déjà à l’idée d’un budget de la zone euro. Mais Macron insiste lui qui se voit comme le principal artisan de l’intégration européenne, il affirme qu’en-dehors de ces orientations : point de salut, Ainsi on prévoit : outre le budget de la zone euro, une coopération renforcée en matière de défense, un conseil de sécurité et l’abandon de la règle de l’unanimité, la lutte contre l’immigration et le renforcement des frontières, une assurance-chômage européenne ! Macron parle « d’une Europe plus souveraine et unie que jamais, un vrai choix de société et peut être de civilisation » certes sous pavillon allemand ! Mais pour ce faire, une telle ambition suppose d’accélérer le processus d’intégration. Aux yeux de Macron/Merkel la situation s’y prête !
Comme cette dernière l’avait affirmé “ le parapluie américain c’est finit pour l’Europe, le temps ou nous pouvions totalement nous reposer sur d’autres sont en partie révolus ”. Comment conclure ce constat hypocrite si ce n’est par le renoncement définitif à toute souveraineté des peuples et des nations, et par une soumission absolue aux institutions supra nationales de l’UE, à l’euro. Pour Merkel, Macron pour sauver le capitalisme il faut sauver l’Europe. Face à ce qui est présenté comme l’imprévisible Trump (il ne l’est pas tant que ça !), l’objectif est donc très clair, le piège est énorme ! Le couple franco allemand appelle à serrer les rangs derrière eux et Bruxelles, autant dire à « l’Union sacrée » référence de triste mémoire pour la CGT ! Qu’en pense celle-ci ?
Dans ces conditions, comment la CES n’applaudirait-elle pas des deux mains à une telle perspective ? Or la récente réunion du G7 au Canada et l’échec qui s’en suivirent lui offre là l’occasion de réaffirmer son soutien à cette vision d’une Europe intégrée telle que voulue par les dirigeants européens. . De là à répondre à cet « Appel en faveur d’une Europe souveraine », il n’ y a qu’un pas ! Il sera sans doute vite franchi ! Car entre soutenir les travailleurs en lutte et soutenir Bruxelles le choix est fait. Les cheminots et les énergéticiens en font chaque jour l’amère expérience comme tous ceux d’ailleurs qui font le choix de se battre. Certes, le rôle de courroie de transmission pour la CES n’est pas nouveau et elle n’a nullement l’intention d’y renoncer, mais cette fois, sa fonction va lui donner une bonne raison de « jouer les utilités ».
Le contexte de luttes sociales en Europe illustré par le fait qu’elle est aux abonnés absents n’est pas indiffèrent à cette évolution prévisible de son discours comme de son « action ». Si cette situation n’est pas sans poser problème à de nombreux militants de la CGT en particulier ceux engagés dans l’important mouvement revendicatif que nous connaissons, il en va autrement pour les orientations défendues par Philippe Martinez. En effet, il a choisi ce moment pour réaffirmer « une bonne fois pour toute » que « la CGT assume pleinement son affiliation à la CES et à la CSI » (Confédération Syndicale Internationale- ex-CISL). Le contexte est à prendre en compte, car il n’est jamais neutre ni innocent !
Evidemment CES et CSI s’en féliciteront sans se préoccuper de savoir si cela correspond a ce que souhaitent les adhérents de la CGT, mais justement qu’en pensent ces derniers ? On aura du mal à le savoir car la direction de la CGT a fait le choix de couper court à ce type de débat ! Le sujet est sensible et délicat, car à moins de faire preuve d’aveuglement il faut quand même reconnaître qu’avec la CES et la CSI on a depuis longtemps affaire à un syndicalisme de lobby, institutionnalisé, bureaucratisé et très souvent corrompue, indifférent et ignorant de la réalité comme du vécu des travailleurs.
Cela est démontré une nouvelle fois par le soutien inconditionnel que la CES apporte à « la commission de Bruxelles qui serait entrain de prendre un tournant plus progressiste dans l’élaboration de ses politiques économiques » (sic) et par les félicitations qu’elle adresse au sujet de la directive élaborée par Bruxelles sur les travailleurs détachés, dont il faut rappeler pour l’essentiel qu’elle reprend les propositions faites par Emmanuel Macron. Comme on le sait cette directive aggravera la mise en concurrence des travailleurs en Europe ! Cet manière de voir correspond effectivement à l’approche qui domine au sein du syndicalisme réformiste européen. Il faut rappeler qu’au congrès de Paris Lucas Visentini nouveau secrétaire General de la CES avait commencé son mandat en déclarant : « la priorité des syndicats », disait-il, « c’est la négociation, la négociation et encore la négociation », en préconisant de manière significative : « une nouvelle alliance avec les employeurs les plus intelligents », à savoir ceux qui « pensent qu’il y a un lien entre la compétitivité et un bon dialogue social ».
Quand l’on fait un constat lucide des orientations et pratiques de la CES comme de la CSI et en parallèle ce que sont les engagements de la CGT au sein de ces deux organisations, il faut bien admettre, que depuis des années, la grande majorité des militants et syndiqués de la CGT a été abusée. Avec le recul, on comprend mieux pourquoi il s’agissait d’un sujet tabou. Si ceci a souvent été sous-estimé, rien ne justifierait à l’avenir qu’on ferme les yeux et qu’on n’en tire aucune conséquence !
C’est le choix que font de nombreuses organisations de la CGT pour qui concrètement ce n’est pas la CGT qui a changé la CES, mais c’est bien la CES qui a changé la CGT.
Si certains pouvaient avoir un doute sur le positionnement critique de la CGT, cela ne ferait que confirmer qu’elle n’a pas fait seulement le choix d’adhérer mais elle s’est ralliée aux conceptions du syndicalisme réformiste en Europe et ailleurs. C’est un fait, qui la distingue nettement de la CGTP intersyndical du Portugal dont il faut reconnaître la très grande clarté des positionnements critiques sur l’Europe du Capital, l’Euro comme sur la situation internationale qu’il s’agisse de la nature des conflits au Proche-Orient, de la Syrie, de la Palestine ou s’agissant du drame des réfugiés.
C’est sans doute pour cela que le secrétaire général de la de la CGT à jugé bon d’ajouter que la CES et la CSI « sont des organisations de classe et de masse ». Ceci ne devrait pas rassurer, ceux des militants qui se posaient des questions, bien au contraire ! Si l’on suit ce raisonnement cela établit qu’il y aurait compatibilité entre les orientations et valeurs de la CGT et celles de la CES/CSI. On peut douter que cette nouvelle importante en forme de « scoop » puisse permettre de clarifier les ambiguïtés de manière définitive. Craignant les doutes, le rapport de la direction de la CGT au récent Comité Confédéral National (CCN) ajoute sur ce sujet et sans rire que « le caractère de classe et de masse ne serait pas toujours assumé de manière consciente, par certaines organisations syndicales ». Par conséquent, il faudrait admettre que la CES et la CSI, leurs affiliés font du syndicalisme de classe sans le savoir, un peu comme Mr Jourdain faisait de la prose sans le savoir. La CES et la CSI seront sans doute ravis ! Ils ne savaient pas qu’ils représentaient aussi un syndicalisme international de classe et de masse, alors qu’elles préconisent depuis des lustres l’association capital/travail.
Ainsi si l’on suit ce raisonnement en forme de décret officiel, on pourra conclure que c’est l’influence de la CGT qui aurait modifier la nature de la CES. Car en quoi celle-ci serait-elle devenue soudainement une organisation de classe et de masse ? Philippe Martinez ne le dit pas, et pour cause ! Comment pourrait-il le démontrer quand les faits contredisent la réalité à ce point. Il préfère faire le choix d’édicter ce qui serait selon lui une évidence à laquelle il demande de se rallier sans discussions et les yeux fermés ?
Comme l’affirme la direction de la CGT, « c’est là un choix stratégique » et d’ajouter non sans menaces à peine voilées à l’égard de ceux qui critiqueraient ce recentrage « il n’est pas acceptable d’invoquer le fédéralisme pour se distinguer et ne pas s’inscrire dans les objectifs collectivement réfléchis et décidés » !
Conclusion, le choix fait par la CGT est donc un parti-pris « politique et idéologique » et « il ne se discute plus » bien que cela se fasse en contradiction avec ses principes et au détriment de son indépendance, de son identité et du caractère de classe de son organisation.
Ne faut il pas être lucide et admettre en fait que cette approche tourne le dos à toute une culture du débat dans la CGT. Sans doute parce que l’on craint celui-ci mais surtout parce que le choix politique est de mener à son terme la mutation engagée depuis des années et cela quel qu’en soit le prix à payer.
Cet objectif est assumé et souhaité par certains par ce que la mise en conformité de la CGT aux normes du syndicalisme réformiste européen permettrait de régler ce qui est perçu comme un obstacle à la réalisation d’une unité durable avec la CFDT, comme à la mainmise définitive du réformisme sur le mouvement ouvrier de notre pays. Cette ambition n’est pas la première tentative ! A leurs yeux l’évolution de la première centrale syndicale française est trop lente, il faut donc marginaliser les résistances, les isoler et discréditer les « meneurs » ! La situation présente est pour eux une anomalie dont notamment l’action du 26 mai fut une erreur. Il faut donc mettre un terme à l’exception syndicale française avec cette CGT de classe indépendante et la pratique militante qui en découle. Compte tenu de l’évolution de la situation et des risques de « radicalisation sociale », le temps est compté, il y a urgence !
C’est sans doute pour couper court et faire diversion aux questionnements, que l’on invoque des arguments qui il faut bien avouer sont consternants !
Par exemple, pour justifier une conception de travail critiquable, la CGT souligne dans le cas de la CSI qu’elle manquerait d’expérience du fait de sa jeunesse (elle a été fondée en 2006). Ce qui est bien dérisoire comme démonstration, car celle-ci est l’héritière de la CISL (née en 1949), de la CMT (née en 1920) ainsi que de toutes les confédérations qui en ont assumer la direction comme le fonctionnement. La continuité n’est pas un vain mot. Elles sont sans exceptions toutes très impliqué dans les activités internationales et le sont souvent d’ailleurs en relais des politiques de leur gouvernements ou de partis sociaux-démocrates auxquelles elles sont organiquement liés. Ensemble, elles assurent aux côtés d’institutions supranationales et d’entreprises, l’essentiel des financements comme le fonctionnement de la CSI et de ses relais dans le monde.
Il est donc clair que l’objectif en vue du 52e Congrès de la CGT en 2019 est de persévérer dans cette voie en refusant de tenir compte des discussions et interrogations de plus en plus nombreuses sur ce qui peut bien justifier la présence de la CGT « dans cette galère ».
Cette situation pèse de différentes manières dans ses activités en la privant entre autre d’un ensemble de relations indispensables à son action nationale et internationale, mais y compris affecte sa cohésion, son unité et sa crédibilité. Que devient dans ces conditions la mise en commun, la solidarité entre organisations de la CGT, et qu’en est il du rôle de la confédération ? Pour celle-ci faut-il faire le choix d’une vie parallèle ? Se transformer en une coquille vide, laissant aux Fédérations le soin de se préoccuper des revendications quotidiennes des travailleurs ? Cette manière d’être existe déjà dans de nombreuses organisations syndicales dans le monde.
Ainsi tout approche critique est mise en cause au mépris de la recherche et des leçons à tirer. Voilà pourquoi il est urgent d’élargir le cercle des militants qui expriment leurs opinions sur le présent et l’avenir et qui s’interrogent sur la manière de voir, de faire et de diriger la CGT.
Au récent Comité Confédéral National des 15 et 16 mai 2018 pourtant consacrés à l’activité internationale, la direction de la CGT n’a pas jugé bon d’encourager la réflexion sur ce qui caractérise le contexte dans lequel doit se déployer son activité internationale. Le bilan de ses affiliations a été ainsi réduit à sa plus simple expression. Les activités du département international étant devenu un « domaine réservé » et affaire de « spécialistes ».
Cette attitude est inconcevable, et pour le moins désinvolte car quel peut être le sens de l’évaluation d’une action internationale si l’ont ne définit pas la situation dans laquelle on agit ? Pour le coup, c’est au mieux de l’activisme et l’activisme, ça finit toujours mal parce qu’on se fait immanquablement rattraper par l’évolution de la situation à son détriment. Même le plus mauvais général prend connaissance du champ de bataille avant de lancer ses troupes. Ce n’est pas le cas !
2- Alors que faut il penser de la situation internationale et des positionnements de la CGT ? Après la réunion du G7 qui s’est tenu au Canada, les participants et les médias se sont lancés dans une surenchère au point d’aller jusqu’à invoquer le risque de conflit majeur entre alliés d’une même cause ! Qu’en est il en réalité ?
Guerre commerciale, guerre économique, ou guerre tout court ? Sans doute les trois à la fois, mais pas forcement entre ceux que l’on déclare être en guerre ! Le G7 illustre avant tout une crise hégémonique qui est le reflet d’une compétition mondiale accrue.
Le déclin des États-Unis ne fait plus de doute, celui-ci s’est accéléré, l’endettement qui représentait en 1981 : 960 milliards de dollars représentent aujourd’hui 20 500 milliards. Les inégalités ont cru spectaculairement. Le tout pour la finance et les services, les guerres sans fins ont miné la suprématie américaine. Presque 30 ans après la disparition de l’URSS, nous assistons à un nouveau retournement de l’histoire. Face à la montée en puissance des pays émergents dont la Chine, la machine américaine est comme grippée, elle n’arrive plus à suivre le rythme qui lui est imposé et qui lui permettrait de maintenir son leadership au moins dans des conditions identiques.
En fait, Donald Trump n’a pas le choix, d’autant que depuis plusieurs années la crédibilité des EU est en berne, les guerres provoquées et entretenus pour le compte du complexe militaro industriel sont autant d’échecs patents, sauf bien sur pour les dividendes des actionnaires et donc les plus riches.
Dans le même temps les ventes réelles par habitant aux États-Unis sont en décroissance constante depuis plusieurs décennies, indice d’un appauvrissement général ce que vient de confirmer un rapport des Nations Unies sur l’extrême pauvreté aux EU. Les inégalités de revenus n’ont cessé de progresser conduisant à l’enrichissement exponentiel d’une caste de multimilliardaires (585 impétrants étatsuniens sur 2208 recensés dans le monde, dont Donald Trump). Selon le rapporteur de l’ONU Philip Alston, 41% des Étasuniens vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les Etats-Unis ont les taux les plus élevés de pauvreté chez les jeunes, de mortalité infantile, d’incarcération et même d’obésité, de tous les pays développés. Pour beaucoup d’observateurs, cette tendance à la baisse du taux de croissance du PIB par habitant est annonciatrice de récession.
Il ne faut pas chercher plus loin les raisons qui poussent Trump à se recentrer sur les enjeux intérieurs comme celui de rebâtir une industrie. Cela suppose de renégocier tous les contrats, pactes, traités, conventions, ententes et accords déjà signés, afin d’exiger un plus lourd tribut à ses vassaux. Ces derniers répliquent en se liguant formellement contre lui avec pour objectif de maintenir les accords commerciaux en l’état et rien d’autre. Le problème est que le déficit commercial américain n’en finit plus de grimper, les taux d’intérêt sont trop bas et n’attirent plus les capitaux qui fuient l’Amérique. Si l’effilochement se poursuit le dollar devra bientôt dévaluer drastiquement. Déjà, la monnaie chinoise appuyée sur l’or s’impose de plus en plus comme monnaie d’échange et de référence comme le montre les récentes orientations prises par 14 pays d’Afrique australe et orientale. Ces derniers considèrent dorénavant le « yuan » comme plus avantageux pour leurs économies dont les relations avec la Chine ne cessent de se développer.
Cette situation est d’autant plus inquiétante aux yeux des gouvernements de l’UE que le ciel s’est alourdit également pour eux avec l’annonce de sanctions par les Etats Unis concernant le traité avec l’Iran dont Washington s’est retiré. L’amende de plus de 8,9 milliards de dollars imposé à BNP/PARIBAS pour avoir contourné les embargos imposés par les Etats Unis à Cuba, à la Libye, à l’Iran et au Soudan entre 2000 et 2010, donne la mesure des choses. Total menace d’abandonne son projet gazier de South Pars et PSA se retire d’Iran ! De plus, il y a les problèmes migratoires, et surtout les mesures protectionnistes prises concernant les importations d’acier et d’aluminium, la renégociation chaotique du traité de libre échange EU/ Canada/Mexique qui pénalisera toute discussions envisagées sur la relance de celui prévu entre les EU et l’UE.
D’autant que les différents pays européens en fait les succursales /alliés des Etats-Unis ne valent guère, mieux que la maison mère. La menace américaine d’enclencher une guerre commerciale mondiale à conduit l’Allemagne à voir la chute des commandes de l’industrie germanique baissée de 2,5% pour le troisième mois consécutif , la pauvreté y progresse sensiblement et régulièrement. Mais, comme si cela ne suffisait pas, 10 ans après l’explosion en plein vol de Lehman Brothers et Bear Stearns, on assiste à la descente aux enfers de la plus importante banque allemande, la Deutsch Bank. Après avoir plongé de 10%, sa note de solvabilité sera encore rétrogradée ! Cette évolution pourrait la conduire à imploser ! Une telle perspective aujourd’hui probable et à laquelle personne n’osait croire, serait systémique et aux effets multiplicateurs, en particulier dans la zone euro !
Devant cette situation, les dirigeants de Bruxelles deviennent fébriles, cela est illustré par leur fuite en avant anti sociale et anti démocratique. Face à cette évolution inquiétante, les peuples rechignent de plus en plus pire, ils ont tendance à se rebeller comme l’illustrent les votes de défiance contre l’unilatéralisme bruxellois, la mise en cause du rôle des parlements nationaux et bien sur les luttes sociales.
Cette évolution est illustrée par les péripéties significatives de la mise en place du gouvernement Italien ou encore l’accord conclu sur la nouvelle dénomination de la Macédoine entre ce pays et la Grèce. L’objectif étant d’ouvrir les portes de l’UE et de l’OTAN à cette ex République Yougoslave. Cela se fera sans consultations des deux Parlements respectifs, car l’Allemagne en a décidé ainsi, elle exige unilatéralement l’approbation de cet « arrangement ». Ceci est à l’origine de manifestations monstres en Grèce. Dans ces conditions comment ignorer après le Brexit le rejet massif que suscitent ces politiques. Le carcan européen est devenu insupportable aux peuples du vieux continent. Mais le syndicalisme européen se comporte comme les trois singes de la sagesse chinoise. Il n’entend rien, ne dit rien, ne voit rien.
En réalité, les différents commerciaux masquent mal les contradictions pour certaines secondaires, mais qui n’en sont pas moins réelles. Même si nul ne met en cause le système impérial de domination mondiale et encore moins le capitalisme lui-même, il faut bien constater que la barque tangue sérieusement. En fait, chacun cherche à être exempté le plus possible de tarifs douaniers pour le plus grand bénéfices des groupes multinationaux qu’il représente et donc pour les intérêts égoïstes de leurs actionnaires.
Les menaces de sanctions tous azimuts et réciproquement de la part des uns et des autres est pour le moins ironique venant de la part de gouvernements dont l’usage de punitions extraterritoriales et autres sont monnaie courante vis-à-vis de ceux qui ont le courage de s’opposer et résister à leurs politiques unilatérales ! Comme c’est le cas vis-à-vis de la Russie, de l’Iran, de la Corée du Nord, de Cuba, du Venezuela et de dizaines de pays. Pour sa part les EU imposent des sanctions à plus de 70 d’entre eux, l’Europe n’est pas en reste, y compris vis-à-vis de l’Iran tout en ayant approuvé l’accord sur le nucléaire.
Faut-il rappeler contrairement à un communiqué de la CGT qu’en 2002 l’Assemblée Générale des Nations Unies à condamner dans une résolution et presque unanimement par 133 voix pour 2 contre (EU et Israël et 2 abstentions (Australie et Lettonie) toutes formes de sanctions unilatérales coercitives. Le vote chaque année de l’Assemblée Générale de l’ONU contre le blocus frappant Cuba est là aussi pour le rappeler. Les sanctions, toutes formes de sanctions, sont contraires au droit international.
En fait, la Chine est l’adversaire déclaré de ce camp aux divisions et oppositions relatives. Si le déficit commercial entre le Canada et les EU est de 28 milliards de dollars il est de 375 milliards avec la Chine. Seulement la Chine a des moyens de rétorsions que nul ne peut ignorer, à commencer par Washington.
Dans ces conditions, le contraste entre l’édition canadienne du G7 et celui du Forum de Shanghai se réunissant au même moment est saisissant. D’un côté le fiasco et ce que l’on présente comme des désaccords insurmontables, de l’autre une vision différente de la coopération internationale entre partenaires égaux comme la Chine, la Russie, les pays d’Asie centrale, l’Inde, le Pakistan et l’Iran bientôt membre de ce cadre économique et politique prometteur qui représentent plus des 2/3 de la population mondiale ! Pour les stratèges occidentaux résolus à empêcher toute alliance anti hégémonique afin de maintenir leur domination cette évolution est devenue l’horreur absolue.
Ainsi qu’il s’agisse du traité sur le réchauffement climatique, du non-respect de la signature de l’accord avec l’Iran, ou de différents commerciaux avec ses partenaires, Donald Trump fait le choix d’un unilatéralisme absolu. Il entend imposer le silence dans les rangs, fait preuve d’un autoritarisme qu’il entend exercer à l’égard de ses alliés comme à l’égard du reste du monde. Il entend décider seul de l’orientation à donner à la mondialisation capitaliste sous leadership américain !
Or tout le monde semble découvrir ce comportement mafieux, alors que les règles imposées par le « parrain » qui étaient jusqu’à présent consenties par tous ne sont pas fixées ad vitam æternam. Trump vient de le rappeler, il s’ensuit un réveil douloureux ! Le coût des protections que les Etats Unis entend assurer comme celles à travers l’OTAN sont sans cesse plus élevées. Ce n’est pas nouveau ! Pour le capitalisme, cette logique comme cette manière de faire est inhérente à son système et obéissent à ce qu’est l’évolution des rapports des forces. Il y a ceux qui décident et ceux qui appliquent ! « Les premiers de cordée » ne sont pas toujours ceux qu’on croit !
Sous le costume du « matamore » étasunien, on découvre donc des oripeaux. Le roi ou le parrain c’est au choix ne se porte pas bien, il réclame une rallonge et beaucoup plus pour préserver son ordre et sa Vision du Monde. La redistribution des revenus du Capital doit être revue, le variable d’ajustement étant le social, on peut s’imaginer déjà ce qui en coûtera pour les peuples et les travailleurs !
Il est donc parfaitement illusoire de croire que cette situation ne serait qu’un mauvais moment à passer. Dans bien d’autres domaines la situation est alarmante, à terme elle ne peut que se dégrader plus encore, accroissant la conflictualité dans les relations internationales. On aurait bien du mal à trouver un sujet sur lequel la sérénité prévaut à l’exception sans doute des progrès enregistrés dans la baisse des tensions dans la péninsule coréenne, ce qui n’est pas sans témoigner que la fermeté sur les principes de souveraineté n’est pas sans résultats. Au sein des forces du Capital l’agenda évoluera entre ceux qui veulent répondre à cette situation par une fuite en avant autoritaire et donc de nouvelles contradictions et ceux qui cherchent à gagner du temps dans une gestion au jour le jour aléatoire, mais qui est tout aussi dangereuse et anti démocratique.
Prenant prétexte de cette situation, il était prévisible que l’Union européenne cherche à faire avancer sa politique d’intégration, son projet fédéraliste pour sauver ce qui peut être sauvé ! L’avenir de l’UE comme de l’Euro étant des plus incertains. Pour faire face, le moyen, c’est le recours à « l’Union sacrée » ! On va donc demander aux travailleurs et aux peuples de défendre l’Europe donc les intérêts du Capital, qu’on présentera comme une obligation incontournable et nationale afin de préserver le projet européen dont l’euro, mais cette fois, ce sera contre Trump et les Américains. En ce domaine il est probable que les prochaines élections européennes donneront lieu en ce sens à toutes les surenchères possibles en faveur de « l’Européisme » cette quasi-religion a laquelle la CES s’est converti depuis longtemps.
Les médias ont déjà commencé à battre tambours en s’en donnant à cœur joie. Macron/Merkel sont présentés comme des héros courageux, dont la fermeté forcerait l’admiration. « Macron a parlé très fermement à Trump, qui n’a pas apprécié, d’ailleurs ce dernier a insulté le Premier ministre canadien ». « On était 7, puis 6+1, puis maintenant 6 contre 1 » ! Il faut par conséquent se rassembler et s’unir derrière les dirigeants européens, c’est là le message que l’on fait passer en boucle !
Il importe de mettre en échec le piège qui est tendu aux peuples et aux travailleurs. La CGT devrait être capable d’anticiper afin de jouer un rôle en ce sens et de mettre en cohérence cet objectif avec la fédéralisation et la convergence des luttes. Le déficit sur ce plan est d’une totale évidence. Là est l’impératif, mais cela peut, il être l’ambition d’une direction confédérale acquise aux thèses européistes ?
En fait, cette crise hégémonique, à laquelle on assiste, est annonciatrice d’évènements plus lourds et sans doute plus graves de conséquences internationales, personne n’excluant dorénavant une crise financière sans commune mesure avec celle de 2008/2009. Ce sont donc des bouleversements radicaux qui s’annoncent ! Le camp capitaliste non sans appréhensions s’y prépare, mais dans le désordre ! Qu’en est il du Mouvement syndical en général et de la CGT en particulier ?
3- Il est vrai que dans de telles circonstances on attendrait du mouvement syndical dans son ensemble qu’il prenne la mesure de ces changements, qu’il fasse preuve de disponibilité pour en débattre sans à priori, en termes de stratégie d’action, nationale et internationale. Bien évidemment le faire sans exclusive, en prenant des initiatives en ce sens serait encore mieux, comme par exemple engager un débat sans formalisme avec la FSM et ses affiliés ! On n’en est pas là, ce n’est pas l’orientation prise. On a pris l’habitude de ne tirer aucune leçon des échecs du syndicalisme international ! Faut-il par « dogmatisme » renoncer au besoin de renouveau de celui-ci et au rôle que la CGT devrait jouer en ce sens ?
On sait que la CES et la CSI préfèrent s’accrocher à une illusion, qui ferme volontairement les yeux sur les changements dans l’évolution du rapport des forces mondiale. Ce conservatisme syndical ne fait qu’illustrer le mutisme, l’aveuglement, l’autisme, et l’impuissance dont ces deux organisations font preuve depuis toujours.
Cette situation préjudiciable pour les travailleurs interpelle les militants de la CGT. Car ce syndicalisme qui invoque en permanence sa volonté de réformes n’entend nullement remettre en cause un système dont en fait il a fait le choix de s’accommoder et qu’il entend défendre bec et ongles, comme vient encore de le montrer le récent congrès de la CFDT, sans que cela d’ailleurs semble bouleverser la direction de la CGT et son « syndicalisme rassemblé ».
* Le légitimisme du syndicalisme réformiste pour sauver l’Europe et donc le capitalisme, se fera donc à travers le ralliement au concept éculé d’« Union sacrée ». Il le sera comme en d’autres temps, quand la position de la CES ou de la CISL/CSI fut de choisir la défense du camp occidentale face au camp socialiste. A cette époque la CGT avait clairement su choisir son « côté de la barricade », mais qu’en est-il aujourd’hui ? Poser la question, n’est-ce pas déjà y répondre !
Il faut donc s’attendre à ce que « l’Union sacrée »devienne le nouveau crédo de la CES/CSI. Toute la question pour la CGT est de savoir si elle va faire ce choix ou faire celui d’une autre voie, celui du syndicalisme de classe,
démocratique, de masse et indépendant, un syndicalisme de « luttes de classes qu’il faut mener jusqu’au bout » ?
Il y a lieu d’être lucide, car au vu de la situation présente, la direction de la CGT apparaît comme incapable d’anticiper, de se déterminer, de se renouveler en dehors des croyances auxquelles elle a fait le choix d’adhérer ! Ce qui est nouveau, c’est que cette fois les apparences s’effacent et que la réalité apparaît brutalement.
« L’union sacrée » comme en d’autres temps va signifier que le moment sera à la recherche de compromis et non à la lutte pour la défense des salaires et du pouvoir d’achat, de l’emploi, de la santé, pour défendre les services publics et contre les privatisations, les libertés, résister à la mise en cause du programme du CNR. Ceux qui se battent prendront le risque d’être présentés comme de ’mauvais Français’, ou de ’mauvais européens’, des « diviseurs ». Il faudra donc faire des choix, choisir son camp ! Quel sera celui de la CGT ?
Petit rappel et une question ! Au moment de la guerre de 1914 les anciens de la CGTU, les Monatte, Frachon, Monmousseau, Tollet et d’autres avaient justement relevé ce défi et dit non à la guerre impérialiste et donc à « l’Union sacrée » défendue par la direction de la CGT et Léon Jouhault. C’était il y a un siècle ! Marx disait “ l’Histoire ne se répète pas, elle bégaie. ” Cette fois, a qui la CGT va-t-elle rester fidèle ?
Dans la perspective du prochain Congrès de 2019 cela implique que les militants de la CGT et les syndiqués se mettent en mouvement pour véritablement peser sur les décisions qui devront être prises. Ils doivent le faire en se réappropriant les valeurs et les principes du syndicalisme de classe qui doit demeurer celui de la CGT. Tout est toujours fonction du rapport des forces, y compris dans la CGT. Il faut donc contribuer à clarifier ce débat sur ce que doivent être les engagements de la CGT, ceux de l’immédiat et ceux qui touchent à l’avenir, ceux en France, ceux en Europe et dans le monde.
* Alors que des luttes importantes se développent en France, en Allemagne, en Grèce, au Portugal, en Italie et internationalement en particulier en Inde, en Palestine, aux Philippines, au Brésil, en Argentine, et qu’elles pourraient s’élargir et se fédérer, le mouvement syndical réformiste freine des 4 fers, refuse de contribuer aux convergences et fait le choix de persévérer avec le vain espoir de grappiller quelques miettes qui puissent légitimer et justifier son statut de roue de secours du système. Les militants de la CGT peuvent, ils s’accommoder plus longtemps de cette situation ?
* Autre exemple, la CSI dans la perspective du 100e anniversaire de l’OIT fait silence sur son soutien à la transformation voulue par son directeur général qui n’est autre que l’ancien secrétaire général de la CISL puis de la CSI. Celle-ci sera radicale et affectera durablement la seule organisation tripartite au monde qui élabore les conventions et les normes internationales du travail.
Qu’en pense la direction de la CGT ?
* Enfin plutôt que de contribuer à créer un environnement favorable à la paix et à la résolution des conflits, la CES et la CSI accompagnent et justifient les ingérences, la recherche de changements de régime, les agressions et les conflits suscités par l’impérialisme étasunien et ses vassaux. La CGT s’est alignée dorénavant sur cette position, comme le montre ses déclarations et initiatives sur la Syrie, l’Iran, la Palestine, la Russie, la péninsule coréenne. Doit-elle poursuivre dans cette voie ?
Ne rien dire, ne rien faire sera prendre le risque de conséquences qui sont et seront de toutes manières particulièrement préjudiciables pour l’action, le rôle et la crédibilité du syndicat. La direction de la CGT en assume une part importante de responsabilité, on ne saurait l’ignorer ou le taire, mais doit-on s’en accommoder ?
Cela ne fait que renforcer l’enjeu de cette bataille et les responsabilités de ceux qui se battent pour préserver l’existence même de la CGT.
* Dans son rapport devant le CCN la direction a insisté lourdement sur le rôle majeur de la CGT dans la création de la CSI en 2006 « pour tourner la page des divisions et des clivages ». Elle s’est livré là à une explication des plus hasardeuse car, il n’y avait aucun clivage entre la CMT et la CISL. Il est donc totalement faux d’affirmer que le but recherché était l’unité. Ce fut un choix politique et idéologique dont il s’agissait ! Invoquer l’unité ne fut que rhétorique d’autant qu’il se trouve une autre organisation : la FSM avec laquelle il n’existait, ni existe aucune relations, et pour cause !
Contrairement à ce qui est affirmé, nombreuses sont les organisations très représentatives qui refusèrent de rejoindre cette nouvelle centrale, et s’y refusent toujours comme par exemple : la CGTP du Portugal, la CGT du Pérou, la PIT CNT d’Uruguay, et d’autres. Dans le cas du CITU de l’Inde cette organisation se vit même proposé un poste de vice-président comme prix de son adhésion, ce qu’elle déclina puis adhéra plus tard à la FSM issue du Congres de La Havane en 2005. Il est également erroné de parler de transfert d’organisations de la FSM vers la CSI à l’exception notable de la CGT car pour l’essentiel celles issues des pays d’Europe de l’Est avaient déjà adhéré à la CISL dès le milieu des années 90 et que par ailleurs loin de s’affaiblir la FSM se renforce régulièrement. Près de 100 millions d’affiliés pour 125 pays.
* Le rapport au CCN souligne également l’importance de l’indépendance, or les principales organisations affiliés à la CES et la CSI sont sans aucune exceptions liés aux partis sociaux-démocrates, en Allemagne, en Scandinavie, en Hollande, en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne sans parler de celles de pays du 1/3 monde souvent organiquement liés aux partis au pouvoir. Aux EU, l’AFL-CIO et la scission de celle-ci c’est-à-dire la confédération « Change to Win » qui compte plus d’adhérents, soutiennent financièrement le parti démocrate et dans une moindre mesure les républicains, plus récemment certaines organisations ont soutenu Bernie Saunders. Quant a l’indépendance de ces confédérations à l’égard du patronat et du gouvernement on en a un bon exemple avec la CES en Europe qui dépend à 75% des financements de l’UE. Au fond ce qui semble poser problème pour la direction de la CGT en matière d’indépendance ce n’est pas le partenariat de certains avec le patronat, leur gouvernement ou des partis politiques, mais c’est l’anticapitalisme et l’anti-impérialisme que représentent les positions de la FSM et de ses affiliés.
* Prétendre faire évoluer la CES et la CSI, mais la direction de la CGT reprend les mêmes arguments qu’il y a 20ans quand elle affirmait que son affiliation avait pour but de dynamiser et d’unir le syndicalismes européen et le syndicalisme international. On en connaît le résultat !
De la même manière le fait que la CGT soit associée avec d’autres confédérations pour chercher à corriger le fonctionnement de la CES et de la CSI démontre tout à la fois l’ampleur de la crise du syndicalisme réformiste et combien le mécontentement n’existe pas que dans la CGT. Il faut donc « tout changer pour que rien ne change »comme aurait dit Lampedusa.
Quand l’on prend connaissance de la liste de ces confédérations qui souhaiteraient un changement, il faut évidemment tenir compte de leurs orientations. Or il est évident qu’elles n’ont nullement l’intention de s’engager dans une démarche conflictuelle avec l’UE, le patronat, ou les institutions internationales. Elles n’ont pas plus l’intention de mettre en cause les organisations qu’elles ont créé à l’époque pour faire pièce aux idées et à l’influence du syndicalisme de classe en Europe et dans le monde.
Dans l’énumération des organisations qui veulent faire souffler ce vent de rébellion sur le prochain congrès de la CSI on notera la FNPR de Russie qui en 20 ans a vu les effectifs syndiqués qu’elle revendique divisée par 2 et plus sûrement par 3. Elle est une institution syndicale quasi- inexistante dans la vie sociale et politique, elle s’est affiliée en 2000 à la CISL !
* On cherche de cette manière à entraîner la CGT dans un refus d’analyse des causes et des enjeux auxquels l’humanité toute entière est confrontée et avec celle-ci les peuples, les travailleurs et le mouvement syndical.
En fait cette manière de faire qui fait gravement défaut dans les débats de la CGT sur de nombreux sujets démontre le choix d’un apolitisme de circonstances mais toutefois à géométrie variable. Comment par exemple apprécier un conflit comme celui des cheminots sans mettre en cause les diktats européens ? Comment réfléchir à ce que ce qui devrait être l’action pour la paix de la CGT sans une analyse sérieuse des conflits en cours, du rôle de l’OTAN, des objectifs géopolitiques de l’impérialisme étasunien, de l’UE et du suivisme de la politique Française ?
* Autre sujet, on refuse de fédéraliser les luttes au nom de l’indépendance vis-à-vis du politique mais on se précipite pour appeler à voter Macron. On ne veut pas discuter du fond, l’Europe, la situation internationale mais on s’autorise des jugements de valeur sur la FSM et ses affiliés sans parler des commentaires hasardeux sur le Hamas a Gaza, les syndicats en Chine, en Syrie, en Iran et en Corée du Nord.
Refuser de voir la réalité en face, d’en faire l’analyse, c’est la négation même de son rôle comme organisation syndicale de classe. C’est se désarmer sois même et par avance. C’est confier à d’autres le soin de penser, et réfléchir à sa place, sur l’état du monde et sur le comment la CGT doit se déterminer. C’est un abandon et donc un positionnement qui va à l’ encontre d’une démarche indépendante et souveraine !
* On parle dans le rapport au CCN de la CGT« d’alliances face aux logiques dérégulatrices » mais cela signifie quoi ? Encore faut-il que les affiliations syndicales soient opposées aux dérégulations. Ce n’est pas le cas de celles qui ont appelé à soutenir « la concurrence libre et non faussée » puisqu’elles ont précisément pour but de déréguler.
Cet argument justifierait selon le rapport l’affiliation de la CGT à de structures « faîtières ». Cette manière de s’exprimer est en fait révélatrice, elle signifie dorénavant qu’on fait reposer toute démarche sur une structure supérieure « faîtière », une « clef de voûte » qui tient l’ensemble au sommet de la charpente syndicale. Cela est confirmé par l’affirmation que pour être efficaces les relations internationales doivent s’appuyer sur des coopérations bilatérales ! Pourquoi bilatéral uniquement ? Elles doivent aussi être multilatérales, mais justement c’est ce que la CGT entend déléguer à la CES et la CSI ! C’est là le rôle « faîtière » de ces organisations à qui il faut confier toutes responsabilités au détriment de son indépendance. Depuis toujours, l’activité internationale de la CGT a reposé sur une action qui lui était propre, c’était vrai d’ailleurs quand celle-ci était affiliée à la FSM. Une articulation prévalait entre ses relations bilatérales, multilatérales et l’action au sein de structures internationales comme la FSM et ses Unions internationales professionnelles (UIS), afin de construire les alliances les plus larges et les plus efficaces. Cette orientation, il faut bien l’admettre est maintenant abandonnée !
En fait il n’y a pas de définition d’une politique nationale sans que soit en même temps conçue son articulation à la situation internationale et aux politiques qui s’y expriment, surtout les politiques hiérarchiquement dominantes. Donc il faut commencer par poser le cadre international pour comprendre la situation française et européenne. C’est vrai pour les gouvernements, c’est vrai pour les syndicats et les partis. C’est un problème d’alliance de classes : qui est avec qui et avec qui pouvons-nous faire alliance contre le bloc hégémonique. De cela on ne parle pas !
* La direction de la CGT poursuit avec une série d’appréciations qui démontrent le caractère approximatif de ses références. Ainsi il est souligné qu’avec « la fin de la guerre froide le multilatéralisme qui avait pris un élan est aujourd’hui sur le recul ». Tous les observateurs mêmes les plus libéraux sont d’accord pour dire que la fin de l’URSS a permis tout au contraire l’unilatéralisme des Etats-Unis. En revanche, on ajoute « depuis le début des années 2000, les intérêts particuliers, divergents et nationaux commencent à prendre le dessus-là c’est tout bonnement incroyable !!! Parce que si l’on suit ce raisonnement, de 1987-91 à 2018, il n’y a pas eu de guerre en Yougoslavie, en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie, au Yémen, pas de révolutions de couleurs en Ukraine et ailleurs, pas de modifications des règles financières au bénéfice du dollar, pas de crise financière en 2008/2009 qui d’ailleurs à bien profité au capitalisme. Dans cette description ahurissante, mais qui montre jusqu’à quel point dérivent les analyses de la direction de la CGT on va jusqu’à soutenir que « le conseil de sécurité est bloqué par les vetos ». Si l’on suit cette opinion il vaudrait donc mieux que la Russie et la Chine votent comme les USA pour pouvoir massacrer tranquillement, finir le travail commencé en Irak et ailleurs, en finir une bonne fois pour toute avec les Palestiniens, justifier les ingérences y compris les menaces d’intervention armée en Iran, en Corée du Nord, au Venezuela, en Bolivie, à Cuba. En Syrie et au Yémen cela est déjà fait dans la plus totale impunité, y compris en soutien au terrorisme financé par les monarchies pétrolières rétrogrades comme l’Arabie Saoudite.
* Dans la même démarche on souligne : « la prédominance d’une organisation comme le G20, instauré en 1999, dans la régulation internationale est fortement contestable, notamment en ce qui concerne la régulation sociale » Mais ce n’est pas le G20 qui est prédominant, mais le G5 ou G7, voire le G6. La direction de la CGT, poursuit « en effet, les pays du G20 regroupent les deux tiers de la population mondiale, 85 % du commerce et concentrent 90 % du produit brut mondial ». Il est pourtant évident que d’un point de vue multilatéral, le G20 est mieux que la gestion de 1990 au début 2000 effectuée par le G6 sous diktat étasunien. Par ailleurs, le département international de la CGT semble ignorer qu’il existe des pays émergents, comme les BRICS qui ont freiné et parfois bloqué l’impérialisme géoéconomique des USA soutenus par leurs vassaux. La récente réunion du Forum de Shanghai en est une nouvelle illustration, y compris le réchauffement significatif des relations entre la Chine et l’Inde. L’obsession euro centriste de la CGT, tout comme celui de la CES est consternant. On se refuse à prendre en compte la réalité mondiale telle qu’elle est et évolue, et pourtant elle change vite. Par exemple, l’espace eurasiatique renforce son intégration ! Elle est géopolitique, économique, comme en matière de défense, ou de liens culturels. Rien ne semble pouvoir entraver ce processus qui se nourrit du renforcement de la multipolarité. C’est vrai pour la Chine, l’Inde, la Russie, l’Iran, pour cette région si fondamentalement stratégique et pour le monde. Qu’en dit la CGT ? Quelle approche à t’elle de ce qui va bouleverser les rapports de force internationaux dans les 20ans qui viennent et cela économiquement comme le montre le projet de route de la soie, mais aussi socialement, politiquement, militairement et forcément syndicalement ?
* Depuis un certain temps la direction de la CGT évoque pour les stigmatiser les positions souverainistes qu’elle assimile au racisme, à la xénophobie, à l’extrême droite. L’amalgame avec le Front National est d’autant plus grotesque que l’on a jamais vu Marine Lepen ou Dupont Aignan défiler dans les cortèges de la CGT ! Mais pour la CGT c’est quoi le souverainisme ? Quelle définition donnes-t-elle, on ne le sait pas ? Est ce la défense de la souveraineté nationale, ou la souveraineté populaire qui serait en cause ? La défendre c’est juste ou pas ? Que faut-il penser des combats d’hier pour soutenir le produire français, était ce du nationalisme, du souverainisme, et les combats de la résistance pour l’indépendance nationale ? La lutte des Grecs, celle des Palestiniens, voir celle des Britanniques et des Italiens contre les abandons de souveraineté au bénéfice de l’Europe allemande, c’est quoi ? La lutte anti-impérialiste c’est du souverainisme ou pas ? Faut-il au nom de l’Europe, de l’Allemagne, de la France, de la Commission de Bruxelles soutenir un déni de démocratie en Italie, qui se retournera contre ses auteurs parce que l’on a voulu imposer le choix d’un chef de gouvernement contre un autre. L’Italie n’est quand même pas une république bananière !
Non, on préfère entretenir une forme de confusion entre internationalisme et défense de la souveraineté nationale quand la meilleure solidarité de classe c’est celle qui consiste a affaiblir les positions du capital déjà dans son propre pays. En fait ne cherche t-on pas à réduire l’activité internationale à un service d’assistance comme si chaque organisation syndicale n’avait pas le même type de besoin et de solidarité que d’autres. N’est ce pas très condescendant et arrogant de considérer qu’il y aurait « nous et les autres » ? On ne réagit plus à partir d’une vision, d’une ambition mais selon les évènements, en quelque sorte à leur merci, sans aucune anticipation, suite logique a l’absence d’analyse de la situation internationale.
C’est un problème d’alliance de classes : encore une fois qui est avec qui et avec qui pouvons-nous faire alliance contre le bloc hégémonique. Il faut aider à faire de la politique pour faire progresser les consciences, ne pas s’en tenir à l’apparence et la surface des choses.
* S’agissant des relations avec la FSM, il fallait répondre au refus de la CGT d’établir des relations normales avec cette confédération internationale représentative à partir d’une conception excluant l’ignorance des positions réelles et non supposées défendues par celle-ci, tout comme ces actions et ses progrès acquis ces dernières années. En difficulté sur ce sujet on a cherché à faire diversion en parlant d’autre chose. Il y a donc bien exclusive vis a vis de la FSM puisqu’on refuse de débattre avec eux jusqu’à ignorer leur solidarité, leurs initiatives, leur présence pour soutenir les luttes en France ! Ce qui est étonnant c’est que cette approche exclusive est à géométrie variable. Ainsi, depuis un certain, temps on accorde des soutiens politiques et financiers entre autres à des organisations LGBT en Russie qui sont des paravents d’ONG financés par des fondations étasuniennes comme le NED (National Endowment for Democracy), Freedom House ou celles de l’escroc Georges Soros apôtre des révolutions de couleurs. Il existe donc une ségrégation inacceptable de caractère délibérée vis-à-vis de la FSM et de ce qui à un rapport avec la FSM.
Plutôt que d’encourager à la prise d’initiatives internationales permettant d’unir et rassembler sans discriminations, encourager leur multiplication au niveau des organisations confédérées à commencer par les entreprises, on fait le choix d’une démarche partisane, sélective. On entend l’imposer aux militants à travers des consignes de haut en bas, comme c’est le cas d’ailleurs dans le type de fonctionnement qui est celui des organisations syndicales réformistes.
Tout ce qui précède fait apparaître une évidence, ce type de fonctionnement de la CGT est devenu maintenant un obstacle à la réalisation d’objectifs de lutte et de transformation. C’est pourquoi, ceux qui se sont tus ne peuvent plus se taire sous peine de se mettre en contradictions avec le sens de leurs combats et de leurs responsabilités. Le temps est venu pour tous ceux et toutes celles qui ont conscience du danger que de tels blocages représentent, d’intervenir hardiment dans le débat du Congrès pour mettre un coup d’arrêt à cette spirale qui menace l’avenir même de la CGT. Le 52e Congrès qui est avant tout le congrès des syndicats doit décider du contenu de toute l’activité de la CGT sans cloison étanche. Cela vaut pour l’international, les affiliations à la CES et à la CSI, comme l’action quotidienne en France.
Il y a donc urgence à clarifier cette situation dans les réunions, afin que la CGT retrouve ses marques sur le plan national comme sur le plan international dimension indispensable et inséparable de ce qui est et doit demeurer son identité, prioritairement dans les entreprises comme à tous les niveaux. C’est le but de cette contribution.
Jean-Pierre Page
*Jean-Pierre Page a travaillé à Air France, il a été secrétaire général de l’Union départementale de la CGT du Val de Marne (1979-1990), membre de la commission exécutive confédérale de la CGT(1981-2000), responsable du département international de la CGT(1991-2000). Il est l’auteur de plusieurs livres dont Camarades, je demande la parole (Investig’Action 2016). Dernier livre paru en juin 2018 : CGT : pour que les choses soient dites (Delga)