RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

l’UE, la dette et la souveraineté des peuples

contribution du FSC (France) au 16e congres de la FSM à propos de l’Union européenne (U.E.), la dette et la souveraineté des peuples

Dans la lutte pour la défense des intérêts des travailleurs tous nos syndicats ont depuis longtemps identifié leurs adversaires : les pouvoirs politiques nationaux au service des classes dominantes, les organisations patronales, les multinationales …
En Europe pourtant, un autre adversaire de taille se dresse contre ces intérêts.
Par exemple ; pour s’en tenir au seul exemple des retraites c’est dans le cadre des institutions européennes que le sommet de Barcelone de 2002 a scellé l’engagement des chefs d’état européens d’augmenter de cinq ans l’âge moyen de la cessation d’activité, et la mise en place des fonds de pension.

l’illusion européenne :

A l’expérience, nous professons l’idée que loin d’être une protection contre le dumping social et les remises en cause des acquis et des droits des travailleurs d’un monde capitaliste globalisé, de constituer un élément de stabilisation dans un monde dominé par l’incertitude et les menaces, à l’inverse, l’Union européenne est dans l’espace concerné le principal vecteur et l’outil privilégié de déréglementation et de dérégulation répondant aux intérêts du capital financier, et comme une force politique participant à l’instabilité du monde

Au plan géostratégique

L’U.E n’est pas et n’a jamais été un contrepoids indépendant face aux autres forces mondiales prétendant à l’hégémonie.
Ainsi Zbigniew Brzezinski, ex conseiller de Carter peut-il affirmer dans "Le grand échiquier" :
"l’Europe deviendrait, à terme, un des piliers vitaux d’une grande structure de sécurité et de coopération, placée sous l’égide américaine et s’étendant à toute l’Eurasie. [...] Si l’Europe s’élargissait, cela accroîtrait automatiquement l’influence directe des Etats-Unis. [...] l’Europe de l’Ouest reste dans une large mesure un protectorat américain et ses Etats rappellent ce qu’étaient jadis les vassaux et les tributaires des anciens empires. »
Et l’on sait ce qu’i est effectivement advenu de l’Europe élargie à 27 !

L’Europe et ses classes dirigeantes n’ont jamais cessé de se comporter comme des vassaux de l’Empire soumis à sa domination économique et à son hégémonie militaire comme en atteste le maintien d’une OTAN agressive sous étroit contrôle US et ses politiques d’intervention afin de préserver les intérêts d’un monde occidental sous hégémonie états-unienne.
Cette vassalisation n’étant pas contradictoire avec le fait que l’UE c’est aussi un empire en construction qui porte en lui un impérialisme autonome, "européen".

L’UE et la souveraineté des peuples européens

"Les forces dirigeantes de l’Union Européenne sont au service des grands intérêts des puissants cercles politiques et économiques et visent au démantèlement progressif de l’état providence, la dérégulation progressive des relations de travail et la restriction des droits et des acquis des travailleurs" comme le stipule la déclaration du bureau européen de la FSM à Rome début octobre 2010.

C’est pourquoi nous n’avons aucune illusion sur la capacité et la volonté de l’UE de " protéger et d’améliorer les acquis de l’état providence afin qu’ils constituent un facteur d’une plus juste répartition des richesses et l’expression de la solidarité sociale." pas plus que de renoncer à ses directives.

C’est cette orientation exclusive au service des grands intérêts, cet attachement constant à faire prévaloir sur toute décision économique la règle de " la concurrence libre et non faussée" qui conduit les forces dominantes (politiques, économiques, médiatiques) à bafouer en permanence la souveraineté des peuples.

Car ce n’est pas un hasard si à plusieurs reprises l’UE et ses dirigeants ont foulé au pied l’expression du suffrage universel en contournant la volonté des peuples contre les traités européens, en France, aux Pays-Bas comme en Irlande.
C’est que tous les mécanismes et institutions de l’Union (Commission, conférence des présidents, Cour de justice, conférence des chefs d’états et de gouvernements) sont destinés à imposer leurs décisions et leurs choix par dessus et contre l’avis des populations d’Europe.

Inutile donc d’espérer dans le respect de ce cadre faire prévaloir les intérêts des travailleurs.
C’est dans la construction du rapport de force et dans la capacité des peuples à faire respecter leurs droits et leurs choix que se situe la seule voie réaliste de défense des travailleurs.

D’ailleurs les récentes initiatives des dirigeants européens concernant la modification du traité de Lisbonne ne laissent planer aucun doute : car il s’agit de "renforcer la surveillance de la politique économique (des Etats membres) " et "d’instaurer un mécanisme permanent destiné à sauvegarder la stabilité du marché financier dans toute la zone euro" (conclusions de la réunion du 29octobre du Conseil européen) .
Le président du Conseil van Rompuy ayant annoncé qu’on adopterait "une procédure simplifiée de modification du Traité qui ne nécessite pas de référendums" ! Cela priverait donc les pays encore davantage que jusqu’ici du droit de gérer souverainement leur économie.

La dette, la souveraineté des peuples et les marchés financiers

Dans la conjoncture de crise que nous traversons la question de la dette et par conséquent la perception que les peuples et les travailleurs en ont est une question essentielle pour le développement des luttes et la résistance aux plans de rigueur qu’on prétend nous imposer.

En effet, la tentative d’instaurer un strict contrôle budgétaire des états est justifiée par la nécessité de résorber les déficits et de revenir aux équilibres du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) en raison du caractère " abyssal" de la dette contractée par les états.

Nous ne saurions donc nous contenter de proclamer- ce qui est fondamentalement juste- que "ce n’est pas aux peuples de payer la crise" sans adosser ce positionnement à un intense combat idéologique sur l’origine de la dette, sur la politique d’endettement des états et des particuliers menée par ceux qui ont le pouvoir sur la finance comme un moyen essentiel de contrôle et de domination et des peuples et des états.
Car, comment ne pas constater que la dette publique est une construction politique résultant de décisions politiques contraignant les états à emprunter sur les marchés financiers en lieu et place des banques centrales et/ou nationales à des taux soumis aux bon vouloir des agences (toutes américaines) de notation alors que les mêmes banques massivement renflouées récemment par les deniers publics empruntent elles auprès des mêmes banques centrales à des taux dérisoires.

Il s’agit là d’une question décisive car c’est donc au nom de l’existence de cette dette et de la nécessaire confiance des marchés financiers que sont menées les politiques de rigueur, les coupes sombres dans les dépenses publiques, les dépenses de santé et d’éducation., les réductions de salaire ...
Et c’est à partir de cette offensive idéologique que les classes dominantes tentent de faire accepter une régression sans précédent depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

N’est-il pas opportun que le mouvement syndical, afin que se déploie avec la plus grande puissance et la plus grande détermination le mouvement de résistance et la contre-offensive des peuples éclaire l’opinion sur l’origine de cette dette ?

Sur son origine et sur le fait que l’aggravation actuelle des déficits publics résulte directement de l’aide massive que les états ont accordé aux banques et au système financier qui loin de se réformer ou de se moraliser comme le prétendent ses défenseurs, utilise cette situation dont il porte l’entière responsabilité pour renforcer encore davantage sa domination et écraser encore plus les peuples.

Et n’est-il pas opportun que ne se contentant pas de réclamer une taxation des transactions financières le mouvement syndical international mette en débat public la nécessité impérieuse de faire reculer et de viser à briser cette domination ?

Autrement comment avancer sur les revendications des travailleurs ?
Comment développer les luttes jusqu’au bout, si l’opinion accepte fut-ce à contre-coeur l’idée que la situation exige des mesures draconiennes et qu’elle résulte d’erreurs de gestion ou du laisser-aller des peuples eux-mêmes ?

Et n’est-il pas opportun que le mouvement syndical international mette publiquement en question la légitimité d’une dette qui étrangle les peuples ?

Et tout cela n’est pas tout à fait nouveau : Souvenons nous du discours de Thomas Sankara à la vingt-cinquième Conférence au sommet des pays membres de l’OUA à Addis-Abeba, le 29 juillet 1987 interpellant son auditoire :

"On nous dit de rembourser la dette, ce n’est pas une question morale, ce n’est point une question de ce prétendu honneur de rembourser ou de ne pas rembourser ; Monsieur le président, nous avons écouté et applaudi le premier ministre de Norvège lorsqu’elle est intervenue ici même, elle a dit, elle qui est Européenne, que toute la dette ne peut pas être remboursée. La dette ne peut pas être remboursée parce que d’abord si nous ne payons pas, nos bailleurs de fond ne mourront pas. Soyons-en sûrs. Par contre, si nous payons, c’est nous qui allons mourir. Soyons en sûrs également".
Le temps n’est-il pas revenu d’interpeller à notre tour les peuples sur la légitimité d’une dette qui les tuent ?
Il nous semble en, effet nécessaire de placer la question de la dette comme une question résultant de décisions et de choix politiques des classes dirigeantes, s’étalant d’ailleurs sur des dizaines d’années, et non pas comme une question résultant de la seule gestion économique selon laquelle les états comme les citoyens auraient "vécus au-dessus de leurs moyens" comme l’affirment sans vergogne les bénéficiaires de la dette.
Car si la dette résulte bien d’une construction et de décisions politiques au profit d’une infime minorité alors la résistance au plan de rigueur se justifie pleinement non seulement comme une exigence morale mais encore comme seule solution rationnelle de sortie de crise et de redressement économique puisque les plans de rigueur, le recul massif des dépenses publiques ne peuvent avoir pour effet que la récession, le chômage et … l’aggravation de la dette publique comme celle des particuliers.
La lutte contre les plans de rigueur et la reconquête par les états de leur souveraineté monétaire et de leur dégagement progressif de la domination des marchés financiers constitue donc à notre époque la question de classe essentielle.

******************************************************************************************

Et c’est bien ce qui nous distingue fondamentalement des orientations réformistes de la CES.

C’est ainsi que le secrétaire général de la CES, John MONKS précisait sa position syndicale dans une réunion du 16 novembre 2010 à Bruxelles intitulée : "Macroeconomic Dialogue" :
Au départ on pourrait dire que le diagnostic de la situation correspond à celui que nous faisons : les banques continuent comme avant, les programmes d’austérité, la compression des salaires et des pensions vont engendrer la déflation et l’effondrement de la demande.
Mais là où les choses se gâtent vraiment c’est dans l’orientation syndicale face à cette situation.

Et d’abord John Monks estime que la crise résulte du comportement de "foolish bankers" banquiers fous (et non pas du système) et excuse les dirigeants européens quant aux décisions de gouvernance économique qu’ils prennent.
Sachant que cette gouvernance au travers de la mise en place de mécanismes intergouvernementaux comme l’ European Financial Stability Facility (EFSF) vise au nom de la défense de l’euro et du secours aux états "défaillants", en contrepartie de cette aide à faire accepter des plans de redressement et de rigueur.

Important donc dans l’UE et appliquant aux états européens la politique du FMI "prêtant" des finances contre l’acceptation de mesures d’ajustements structurels dont nous connaissons bien les effets dévastateurs pour les pays du Sud.
Et au final ce qui préoccupe Monks c’est que cette politique provoque des mouvements sociaux que non seulement il n’appelle pas à se développer mais qu’il craint et ce qu’il se fixe donc pour objectif, ce n’est pas la lutte pour empêcher leur mise en oeuvre mais l’application de sacrifices partagés.
Autrement dit les plans de rigueur sont inévitables mais pour être acceptés par les populations il faut quelques mesurettes qui donnent à penser qu’on s’en prend aussi aux privilégiés ("Above all, it must be about fairness, common commitment and shared sacrifices")

URL de cet article 12109
   
Même Thème
En finir avec l’eurolibéralisme - Bernard Cassen (dir.) - Mille et Une Nuits, 2008.
Bernard GENSANE
Il s’agit là d’un court ouvrage collectif, très dense, publié suite à un colloque organisé par Mémoire des luttes et la revue Utopie critique à l’université Paris 8 en juin 2008, sous la direction de Bernard Cassen, fondateur et ancien président d’ATTAC, à qui, on s’en souvient, le "non" au référendum de 2005 doit beaucoup. La thèse centrale de cet ouvrage est que l’« Europe » est, et a toujours été, une machine à libéraliser, au-dessus des peuples, contre les peuples. Dans "La fracture (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

C’est seulement quand le nombre de cadavres de l’oppresseur est suffisamment grand qu’il commence à écouter.

Amilcar Cabral

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.