RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

L’OCDE nouveau est arrivé, par Michel Husson.


Décembre 2006.


Avec La Commission européenne, l’OCDE est un des lieux où s’élabore la vulgate néo-libérale. En matière d’emploi, la stratégie de Lisbonne s’inspirait en 2000 de celle de l’OCDE, élaborée en 1994. Or, les bilans successifs ont été source de pas mal de déconvenues et l’OCDE vient de réévaluer sa propre stratégie, en même temps qu’elle formulait de nouvelles recommandations à la France, dans un document [1] presque comique à force d’être caricatural.

Le marché du travail français « a besoin d’une réforme globale qui combinerait l’assouplissement de la législation pour la protection de l’emploi, la réduction du coût du travail au niveau des bas salaires, l’amélioration de l’efficacité du service public de l’emploi et la suppression des mécanismes qui incitent aux retraits anticipés du marché du travail ». Il faut alléger « le poids de la protection sociale » sur les entreprises ; éliminer toute incitation au retrait prématuré du marché du travail ; donner aux employés comme aux employeurs « plus de liberté » dans la négociation du temps de travail, et améliorer l’efficacité des services de placement vers l’emploi.

Le document reprend à son compte la proposition d’un « contrat permanent unique soumis à une protection de l’emploi moins stricte et qui augmente constamment avec la durée dans l’emploi », bref le CNE pour tous. Mais comme ce projet se heurte à des réticences [2] et pose pas mal de problèmes juridiques [3] le document propose, à titre transitoire, des « contrats permanents plus flexibles ». La France devrait également « réduire le coût de l’obligation de reclassement des salariés licenciés », « poursuivre la réduction du coût du travail non qualifié et du travail à temps partiel » en limitant les relèvements du salaire minimum. Enfin, le document remet en cause certaines prestations familiales qui jouent « malencontreusement contre l’emploi ».

Tout un programme ! Et on se demande en quoi l’OCDE a vraiment réévalué son discours. Pourtant, elle avait des raisons de le faire. Dans ses Perspectives de l’emploi de 2006, elle se déclare ainsi « bien en peine de chiffrer le nombre d’emplois perdus compte tenu des niveaux auxquels se situent actuellement les salaires minima dans différents pays, certaines études faisant état d’effets significatifs alors que d’autres n’en détectent aucun ». La nouvelle stratégie semble tenir compte de ce flou artistique en suggérant qu’il « pourrait être néanmoins intéressant, puisque les effets négatifs des salaires minima sur l’emploi apparaissent nuls ou modestes dans un grand nombre d’études, d’utiliser cet outil dans le cadre d’une politique sociale qui viserait à atténuer la pauvreté tout en étant axée sur l’emploi ». Mais quand on passe aux affaires sérieuses, cela donne : « il faut faire en sorte que le salaire minimum ne soit pas fixé à un niveau trop élevé ». C’est Jean-Philippe Cotis, chef économiste de l’OCDE, qui le dit, lors d’un colloque organisé par la DARES (Ministère de l’Emploi). Bref, le SMIC est fixé « à un niveau trop élevé » : oubliées les études, oubliée la réévaluation !

Ne restent que les quatre piliers autour desquels s’est resserrée l’orthodoxie, qu’il faut traduire à partir du discours de Larcher à ce colloque.

1) Politiques macroéconomiques saines » : cela signifie stabilité des prix et réduction des dépenses publiques. Rien sur le soutien au pouvoir d’achat et à l’activité économique, c’est sans doute « malsain » ;

2) Incitations à l’activité et à la recherche d’emploi  : lire baisse des impôts, des cotisations et des indemnités chômage ;

3) suppression des obstacles à la création d’emploi  : comprendre déréglementation des marchés du travail avec beaucoup de flexi- et une pincée de sécurité ;

4) développement des qualifications et des compétences  : cette cerise sur le gâteau (à la mode) irait mieux sans baisse des budgets de recherche et aides aux emplois peu qualifiés.

Bref, l’OCDE fait semblant de réévaluer le dogme, le gouvernement français fait semblant de recevoir des recommandations qu’il se dicte en fait à lui-même, et le Ministre fait semblant d’organiser un Colloque composé à 90 % de libéraux forcenés. Il ne nous reste donc plus qu’à faire semblant de prendre tout cela au sérieux.

Michel Husson, pour Regards, janvier 2007.


- Source : http://hussonet.free.fr


- Lire aussi de Michel Husson (pdf) : Droit à l’emploi et RTT ou fin du travail et revenu universel ?




[1Stéphanie Jamet, Améliorer la performance du marché du travail en France, document de travail OCDE n°504, www.olis.oecd.org.

[2Conseil d’orientation pour l’emploi, Sécurisation des parcours professionnels, document de travail, http://hussonet.free.fr/coespp0.pdf.

[3Laurent Garrouste, Contrat unique de travail et flexisécurité : pourquoi s’y opposer, Fondation Copernic, www.fondation-copernic.org/.


URL de cet article 4452
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Interventions (1000 articles).
Noam CHOMSKY
à l’occasion de la sortie de "Interventions", Sonali Kolhatkar interview Noam Chomsky. Depuis 2002 le New York Times Syndicate distribue des articles du fameux universitaire Noam Chomsky, spécialiste des affaires étrangères. Le New York Times Syndicate fait partie de la même entreprise que le New York Times. Bien que beaucoup de lecteurs partout dans le monde peuvent lire des articles de Chomsky, le New York Times n’en a jamais publié un seul. Quelques journaux régionaux aux Etats-Unis (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"Jamais je ne demanderais pardon au nom des Etats-Unis - quelles que soient les raisons."

Président George Bush (père)
après qu’un avion de ligne régulière Iranien ait été abattu par un missile états-unien

Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.