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Que penser des élections en Iran ?

L’Iran surprend encore avec l’élection d’un réformiste

Il a été amusant de voir la couverture de la télévision française de l’Iran depuis que Hassan Rohani a remporté la majorité absolue au premier tour de l’élection présidentielle. Alors que les Iraniens étaient bien conscients de la popularité croissante de Rohani pendant toute la campagne électorale, le monde extérieur a été pris par surprise. Les politiciens, les commentateurs, journalistes et producteurs de télévision ont été pris de court, eux qui avaient réservé pour le deuxième tour leurs meilleures cartouches contre la démocratie iranienne.

Mais hélas, les Iraniens n’ont pas respecté le scénario annoncé. Tout d’abord, ils ont participé en masse - 73% de participation - donnant une légitimité populaire à leur processus démocratique. Beaucoup de critiques occidentaux avaient prédit que, après l’échec de la Révolution verte en 2009, le découragement des électeurs s’exprimerait à travers l’apathie – ce qui ne fut clairement pas le cas. Les analystes honnêtes - pas les propagandistes - ne peuvent ignorer ce fait.

Beaucoup retenaient leur souffle dans l’attente d’une nouvelle révolution verte, deuxième épisode, qui n’a pas eu lieu, et ceci pour une multitude de raisons : c’est le candidat réformiste (et le seul dignitaire religieux) qui a gagné ; l’ampleur de sa victoire a montré que les Iraniens sont unis dans ce choix ; le Parti Vert n’a encore produit aucune preuve tangible de fraude électorale en 2009, ce qui, bien sûr, a discrédité le mouvement à l’intérieur du pays (même si cela semble être considéré comme un point très mineur à l’étranger).

Et le gouvernement a déjoué les attentes de plusieurs façons : contrairement à 2009, il a tout fait pour rendre cette élection et le comptage des voix le plus transparent possible. Il y avait des dizaines de milliers d’observateurs dans tout l’Iran, y compris des sympathisants du Parti vert (tout comme il y en avait eu en 2009). L’Iran n’autorise pas les observateurs internationaux, mais les Etats-Unis non plus. Malgré la victoire surprise du premier tour, le gouvernement a réagi comme il se doit et n’a pas cherché à contester le résultat, contrariant un peu plus les adversaires de la République Islamique d’Iran.

Les porte-voix des médias se sont donc vus couper l’herbe sous les pieds dans leurs tentatives de créer un « printemps arabe » en Iran. Le changement en douceur du pouvoir, la réponse qui ne s’est pas fait attendre devant une surprise démocratique, la participation massive - imaginez le dilemme pour les journalistes qui ont du mettre au rebut leurs éditoriaux indignés et les producteurs de télévision obligés de repenser leurs programmes préparés d’avance sur l’Iran. Evidemment, ils n’ont pas changé de ton, mais certains de leurs invités les plus intelligents se sont adaptés à la nouvelle donne.

« Mais, » se sont exclamés en bafouillant les commentateurs occidentaux : « Qu’en est-il du printemps arabe en Iran ? »

Bien sûr, l’Iran a déjà connu son « printemps arabe », la révolution populaire, son soulèvement démocratique pour renverser leur dictateur fantoche des puissances étrangères, ses efforts pour adhérer à la ligue des démocraties, son effort pour refléter la volonté populaire et rejoindre la modernité. Qu’en est-il du printemps arabe en Iran ? ... oh la. Les Iraniens - à défaut de la diaspora mécontente – ont le sentiment d’avoir passé ce cap.

La révolution populaire de l’Iran pour renverser une dictateur réactionnaire et reconquérir sa souveraineté - que le résultat vous plaise ou non - a sans doute eu lieu en 1979, une génération avant de devenir en vogue chez les voisins arabes.

L’Iran a mis en place tellement de réformes sociales que l’indice du développement humain des Nations unies (IDH) a placé à plusieurs reprises l’Iran au-dessus de la Turquie (et, bien sûr, de tous les pays musulmans d’Afrique du Nord qui sont si étroitement alliés à la France). De 1980 à 2012, l’IDH a progressé de 67%. Je suis sûr que tout participant à un printemps arabe serait ravi de voir son gouvernement produire de tels résultats. Encore une fois, ce sont des faits que les analystes ne peuvent ignorer, même si les propagandistes ne s’en privent pas.

Pendant ce temps, l’Iran a accompli beaucoup de choses : alors que l’Egypte de Sadate a fait la paix avec les sionistes impérialistes, rapidement suivi par d’autres pays arabes, l’Iran a soutenu la résistance palestinienne, et la résistance réussie du Liban à l’occupation de 23 ans du sud Liban par Israël ; L’Iran s’est défendu avec succès contre l’agression de l’Irak de Saddam Hussein, encouragé d’attaquer l’Iran par les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux (de nombreux Iraniens notent le tollé provoqué par les morts présumés causés par des armes chimiques en Syrie, alors qu’il n’y a pas eu de tollé similaire lorsque quelques 10.000 victimes iraniennes furent tuées par les armes chimiques de Saddam Hussein).

L’Iran a payé un prix très élevé pour avoir choisi sa propre voie, un peu comme Cuba, le Venezuela et quelques autres nations qui vont de l’avant avec leur système unique et auto-déterminé. L’embargo international est arrivé à un tel point que le droit de l’Iran de faire des affaires et de vendre des biens (principalement le pétrole) a été tellement étouffé que les acquis sociaux sont de plus en plus mis en péril.

Bien sûr, comme presque tout le monde musulman et le monde communiste, l’Iran a essentiellement mis en place un système de parti unique (au lieu d’un culte de la personnalité typique construit autour d’un dictateur, un parti politique ne peut exister que s’il accepte d’abord l’état théocratique ), l’Iran a toléré des manifestations antigouvernementales pendant une courte période avant d’envoyer les flics (comme pour les protestations en Turquie dans le parc Gezi, ou les manifestations du mouvement Occupy aux Etats-Unis), et l’Iran a considérablement limité les libertés individuelles d’une manière très peu européenne ce qui a été un désastre du point de vue des relations publiques, même si la République Islamique de l’Iran n’a jamais semblée très préoccupée par l’opinion publique internationale.

Le président élu Rohani a une tâche très difficile devant lui : il doit obtenir que le monde international accepte la légitimité de l’Iran. C’est quelque chose à quoi le peuple iranien adhère - comme le prouve le taux de 73% de participation (note : ce taux est en fait légèrement inférieur à ceux des élections précédentes.).

Mais lorsqu’on est assis sur la plus grande réserve de gaz au monde et sur la deuxième réserve de pétrole, on pourrait s’attendre à un autre traitement. Cuba, par exemple, n’a pas un tel trésor qui fait baver d’envie et pourtant combien de vies cubaines ont été étouffées et touchées négativement par les sanctions américaines, auxquelles la communauté internationale n’ose pas s’opposer ? La même chose peut être dite pour la Corée du Nord. Pyongyang vient de proposer la tenue de pourparlers directs avec les Etats-Unis mais, si l’histoire est un guide, les Etats-Unis ignoreront la proposition, comme d’habitude.

Quel rôle peuvent jouer les progressistes et communistes de France pour mettre fin à l’isolement diplomatique de l’Iran ?

Le rôle des communistes qui insistent sur l’athéisme est plutôt limité. Cela a été prouvé lors de la révolte populaire en 1979, lorsque seulement deux alternatives à une monarchie pilotée par l’occident ont été sérieusement proposées : le communisme et la théocratie. Beaucoup de communistes iraniens ont reconnu que les conditions d’une révolution communiste étaient loin d’être réunies, et aussi que l’Iranien moyen était plutôt démocratiquement attaché à sa religion. C’est une situation similaire que nous retrouvons aujourd’hui avec la « vague rose » en Amérique latine, qui a si bien réussi. Ces communistes iraniens qui étaient prêts à mettre en œuvre les idées communistes dans un contexte unique iranien et islamique ont bien évidemment eu une grande influence dans un pays où l’économie est majoritairement étatique et hostile au capitalisme.

Les progressistes français, en supposant qu’ils ne sont pas hostiles à la religion, et qu’ils n’insistent pas non plus dans l’immédiat pour un Iran remodelé à l’image d’une nation occidentale, ont un rôle beaucoup plus intéressant à jouer. Ils peuvent même apporter un changement énorme et même crucial, parce que depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, aucun pays autres qu’Israël et les Etats-Unis n’a eu une politique anti-Iranienne plus virulente et dommageable que la France.

Le premier choix qu’un libre-penseur de gauche devrait prendre serait celui de mettre fin aux efforts clairement contre-révolutionnaires contre la révolution iranienne populaire de 1979. Cela signifie plaider pour l’acceptation internationale et immédiate de l’Iran, la coopération immédiate au lieu de sanctions et la fin du soutien à la guerre froide qui dure depuis près de 35 ans contre l’Iran et qui est très clairement menée par les impérialistes et les capitalistes occidentaux. Cela signifie accepter l’Iran, avec tous ses défauts.

Et les réformistes en Iran devraient insister pour que Rohani passe des paroles aux actes en acceptant la décision de la France d’adhérer à l’OTAN, en admettant la collusion implicite de la France dans un siècle de colonialisme occidental exploiteur de l’Iran et aussi les nombreux défauts impérialistes (Libye, Mali, Syrie - pour ne citer que des plus récents) et capitalistes de la France.

Parce que l’alternative au statu quo serait d’avoir une nouvelle révolution populaire en Iran : Si c’est ce que vous voulez, très bien, mais il faut admettre que ce serait pour créer une 2ème République, et non pas pour revenir à la première.

Ramin Mazaheri
correspondant à Paris pour Press TV de l’IRI

Traduction de l’anglais "la première surprise pour les occidentaux, c’est qu’il y a des élections en Iran" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

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