« Les Etats-unis et l’Etat israélien ne sont pas dans le système internationale, ils sont au-dessus. Surplombant les nations, ils sont prêts à être les porteurs de la Loi. » (1)
Après Trump 1, voici venu le temps de Trump 2
En peu de temps, le Président américain a changé de position concernant la Syrie, en passant du chaud au froid. Pour mémoire, au yeux de Trump 1 , le Président syrien n’était plus une priorité dans la stratégie américaine au Moyen-Orient. L’effort serait concentré sur l’éradication des groupes terroristes selon ses dires.
En autorisant, le 7 avril, le bombardement de la base aérienne d’Al Charayrate tout en déclarant que Bachar El Assad n’est plus une option, le monde a pris connaissance de l’existence de Trump 2.Dans la foulée, l’ambassadrice américaine, Nikki Haley, a jugé utile de préciser que Washington demeure focaliser sur la lutte contre l’Etat islamique et l’influence iranienne dans la région. Cependant, le besoin de rappeler que les Etats-Unis reste concentrés sur la lutte contre Daech , laisse perplexe. Car un tel rappel des dirigeants d’un Etat qui se veut l’étendard des Droits de l’Homme sous-entend que l’implication américaine dans la lutte contre les groupes terroristes ne va pas de soi !
Enfin, il serait trompeur de considérer ce changement d’attitude comme inhérent au personnage Trump lui-même et non comme la conséquence de causes internes et externes. En définitive, Trump1 et 2 ne font qu’un, puisqu’ une des causes réside dans l’équipe dirigeante choisie dont le militaire Mattis, le Chien fou. A ce choix, s’ajoute la pression exercée par la majorité du congrès, démocrates et républicains confondus, pour une stratégie musclée au Moyen-Orient qui tient compte des recommandations exprimées par l’Etat israélien. Sur ce point, la satisfaction exprimée par l’ancienne Secrétaire d’Etat, la démocrate Hillary Clinton, suite au bombardement d’un Etat souverain en dit long sur les convergences géostratégiques entre Démocrates et Républicains.
C’est oublier également que les Monarchies du Golfe, Royaume jordanien inclus, partageant le même projet que les israéliens face à l’Iran et au Hezbollah ont plus que sollicité D.Trump pour agir dans ce sens. Les visites du roi jordanien, du Premier Ministre israélien et les entrevues téléphoniques avec le roi saoudien convergeaient vers le même objectif.
Convaincre un convaincu de la ’’ menace ’’ iranienne et hezbollahie n’est pas si difficile d’autant plus que celui qui assume les dépenses militaires est wahhabite.
Un allié, financier et idéologue des groupes terroristes, que le Président égyptien vient de condamner sans le nommer, suite aux atroces et sauvages attentats dont furent victimes les coptes égyptiens.
A ce stade de la réflexion, trois questions se posent.
1°) Le personnage Trump1, homme d’affaire, n’a t’-il pas préparé Trump2 pour obliger les Monarchies wahhabites à supporter un plus lourd fardeau financier pour les futures interventions américaines au Moyen-Orient ?
2°) Les attentats perpétrés par Daech en Egypte ne sont-ils pas une réponse au refus égyptien de s’impliquer au côté du wahhabisme ?
3°) Le réveil des organisations terroristes dans le camp de réfugié palestinien, Aïn Helouéh au Liban, n’est-il pas la conséquence de la courageuse demande du Président libanais Michel Aoun pour le retour de la Syrie dans la ligue arabe.
En effet, étendre le conflit régional au Liban pour gêner le Hezbollah est un calcul stratégique fait dès 2007, au lendemain de l’agression israélienne de 2006. Un calcul où est impliquée la CIA en collaboration étroite avec le ministre des Affaires étrangères saoudien de l’époque, Sultan Bandar. (2)
En tout cas, la concordance de tous ces événements n’est pas fortuite. En effet, l’armée syrienne aidée par l’Iran, le Hezbollah et la Russie a marqué des victoires fondamentales face aux groupes terroristes. Parmi ces victoires, la libération d’Alep et de sa région constitue une étape fondamentale dans la pacification de la Syrie. Il faut souligner que Khan Cheikhoun où a eu lieu l’attaque chimique était sur le point d’être libérée par l’armée syrienne. Sans oublier le processus de négociation avec certaines organisations syriennes et dont sont exclues celles qui reçoivent subsides et ordres des monarchies du Golfe, de la Turquie, des puissances occidentales et aidées par Israël.
C’est le commandant des opérations militaires américaines aux Moyen-Orient, Joseph Votel, qui résume les véritables intentions des Etats-unis et de ses alliés en qualifiant l’ l’Iran de « la plus grande menace à long terme pour les intérêts des Etats-unis » . En ajoutant que « les États-Unis devraient envisager d’utiliser des « moyens militaires » contre l’Iran . » (3)
Une prise de position que saoudiens et israéliens suggèrent sans relâche depuis longtemps.
C’est dans ce contexte géopolitique qu’il faut lire le bombardement de la base aérienne syrienne où la DCA syrienne a abattu dernièrement un bombardier israélien.
Notons au passage que le prétexte de l’intervention militaire américaine, soutenue par la France et l’Angleterre, à savoir, l’arme chimique utilisée prétendument par l’armée syrienne, rappelle ‘’l’éprouvette du général Collins Powell’’. Et les dirigeants occidentaux n’ignorent pas que les faits ne manquent pas pour réfuter un tel prétexte. Il en sera question dans la conclusion de cet article. Pour le moment, concentrons-nous sur la lecture de l’agression américaine.
Deux messages et un test
Pour aborder ce point, il faut rappeler la prise de position du Président français.
Après avoir rappelé que la France avait raison en 2013 quand elle voulait réaliser le scénario libyen en Syrie, c’est à dire une ’’somalisation’’, F.Hollande a exprimé sa satisfaction suite au bombardement qui a coûté la vie à une centaine de civils dont une vingtaine d’enfants et a affirmé que« ce que la France a exigé, c’est qu’il y ait une résolution, du Conseil de Sécurité dans les prochaines heures pour diligenter une enquête et à la suite de cette enquête , il doit y avoir des sanctions qui seront prises par rapport au régime syrien. » (4)
Et n’ayant pas peur du ridicule, il ajoute : « ceux qui revendiquent être proches du régime de Bachar El Assad sont complices de crimes de guerre. »
Ridicule parce que, avant même de finir sa phrase, le Président français désigne le Président syrien coupable tout en voulant une enquête. Tout cela aurait été risible si la région n’était pas à feu et à sang.
Mais n’en demeure pas moins que cette déclaration comme le bombardement américain ont délivré deux messages. L’un adressé aux organisations terroristes qui n’ont pas hésité, d’ailleurs, à applaudir et à agir en dehors de la Syrie, au Liban ,en Egypte... L’autre est adressé aux Monarchies wahhabites, à la Turquie et à Israël. Un feu vert signifiant : ’’Je vous ai compris. A vous de préparer le terrain pour les interventions militaires futures.’’
Enfin, tester la Russie. Il s’agit de tester, grandeur nature, la réaction politique et militaire de la Russie.
La réponse politique russe n’a pas tardé. Au Conseil de Sécurité de l’ONU, l’ambassadeur russe condamna, sans ambiguïté, l’agression américaine contre un Etat souverain tout en posant son veto à la Résolution française.
Une Résolution n’exprimant aucune impartialité et qui exige, en autres, l’inspection de toutes les bases aériennes syriennes. Autrement dit, collecter des renseignements sur un pays en guerre.
Un prétexte fallacieux pour préparer les contours futurs de la guerre
Comme pour contredire F. Hollande et dénoncer en même temps le bombardement américain, l’ex-député républicain américain, Ron Paul, qualifia le gazage présumée de Khan Cheikhoun par l’armée syrienne de « mise en scène fabriquée de toute pièce et d’ajouter « avant l’ attaque chimique, tout se passait bien et le président Trump disait que c’est au peuple syrien de décider lui-même qui dirigera le pays...Je crois que certains n’ont pas apprécié cela et il fallait qu’il se passe quelque chose . » (5)
Cette position est partagée par d’autres femmes et hommes politiques qui n’ont aucun lien avec le Président syrien et qui sont loin de l’adouber mais ils n’iront pas jusqu’à dire des bêtises comme a osé le faire le Porte- parole de D.Trump (6). Après les Hitler égyptien, irakien et libyen, est-il venu le temps du syrien ?
Il est inutile de préciser que le tollé qui a suivi le propos du Porte- parole, concerne la comparaison avec le mal absolue ! Toute autre tragédie qui a meurtrie ou meurtrira l’humanité, n’est qu’une absence des Droits de l’Homme et impose donc une meilleure gestion de ces Droits. Des Droits de l’Homme qui servent doublement, doter l’occidental d’une conscience bonne afin de détruire des peuples en toute impunité pour garantir sa suprématie.
On peut effectivement émettre l’hypothèse que D.Trump a été trompé par les va en guerre, et il n’en manque pas aux Etats-Unis et ailleurs. Dans tous les cas de figure, un Etat syrien en phase d’asseoir son emprise sur l’ensemble du territoire syrien et dans un contexte politique plutôt favorable, en étroite collaboration géostratégique avec l’Iran, le Hezbollah et la Russie, n’a aucun un intérêt a utilisé l’arme chimique. Ceci d’autant plus que l’armée syrienne était en passe de conquérir Khan Chekhoun, un passage obligé vers la province de Homs où existe une importante concentration de Daech. Sur la dite arme chimique, le Président russe Vladimir Poutine a prévenu que les groupes terroristes en possèdent avec le risque d’autres attaques. En revanche, il n’a pas précisé le nom des pays fournisseurs...
Toujours est-il que le changement d’attitude de l’Administration américaine est en train de changer le climat géostratégique régional et international. D’une part, le Conseil de Sécurité de l’ONU n’est plus un passage obligé même pour faire semblant, désormais, c’est América First…D’autre part, ce nouveau climat géostratégique est annonciateur d’une tempête d’une grande ampleur.
Tel est le desiderata de la Sainte Alliance wahhabo-sioniste. (7)
Une tempête face à laquelle l’Iran et la résistance libanaise dont le Hezbollah, semblent s’y préparer comme l’indique différentes déclarations de responsables iraniens et du Hezbollah.
A ce sujet, le communiqué militaire du centre de commandement conjoint des alliés de Damas iraniens, syriens et russes auquel participe le Hezbollah est clair, « l’Amérique connaît notre capacité à répondre comme il se doit », Cette mise en garde est à prendre au sérieux d’autant plus que la présence de soldats américains dans le nord de la Syrie est, désormais, qualifiée « de forces d’occupation ».(8)
A cette prise de position militaire, s’ajoute une déclaration du Président iranien qui, après avoir rappelé l’avertissement donné en 2013 aux dirigeants européens en ces termes « leur soutien aux terroristes est dangereux, il vous coûtera cher car les conséquences de ce soutien se répercuteront dans vos capitales », prépare l’Iran « à toute éventualité » après « l’agression américaine » contre la Syrie. Et pour mettre en évidence la phase dangereuse que traverse la région, de l’Irak jusqu’au huis-clos yéménite, il affirme que « nous ne savons pas ce que préparent les nouveaux dirigeants américains pour la région. »
Une tempête dévastatrice à grande échelle si on prend au sérieux le ministre de la défense iranien Hossein Dehgan qui avertit en ces termes : « les Américains devront payer un prix élevé s’ils répètent leur action et ils doivent savoir que leur action ne restera pas sans réponse. » (9)
Enfin, pour détendre l’atmosphère et prouver que l’argument de l‘utilisation de l’arme chimique par l’armée syrienne est fallacieux, les responsables russe et syrien sont disposés pour « mettre à disposition tous les moyens, assurer la sécurité et ouvrir l’accès à l’aérodrome de Charayrate à des experts indépendants et représentants de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques afin qu’ils y réalisent une expertise. »
Et afin de lever toute ambiguïté, le Ministre des Affaires étrangères Russe, Serguë Lavrov, énonce, à sa manière, l’interrogation du Président iranien, Rohani, au Secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson en l’interpellant ainsi : « pour nous, il est extrêmement important de comprendre la position des États-Unis, les intentions réelles de votre administration. » Tout en soulignant que la ligne politique de la Russie ne s’élaborait pas « sous l’emprise de la conjoncture instantanée ou d’un faux choix : avec ou contre nous. » (10)
Pour conclure, une interrogation : malgré, d’une part, son implication militaire avérée dans le conflit syrien et , d’autre part, la question palestinienne, Israël reste étrangement absente de toute déclaration ou prise de position politique de la part des dirigeants occidentaux...
Pendant ce temps la Sainte Alliance…
M. El Bachir