Le système éducatif est dans la société contemporaine le principal facteur de socialisation. De sorte que si l’on veut étudier l’idéologie dominante d’un pays, il faut commencer par se pencher sur l’enseignement, et si on veut élargir le champ d’étude, examiner le secteur social. Vers la fin de la « perestroïka », non seulement on parlait de réformes dans l’enseignement, on avait même entamé leur mise en œuvre. Sous la consigne de la « désidéologisation ». Curieusement, les anciens responsables de la propagande du parti disaient que le rôle de la propagande et de l’idéologie dans la société contemporaine n’était rien, qu’il pouvait être limité aux connaissances positives et aux « valeurs spirituelles ». Voilà comment on allait transformer la société soviétique soi-disant arriérée.
Naturellement, quand l’objectif principal de l’économie était auparavant de satisfaire les besoins de la société, il y avait une idéologie en conséquence. Aujourd’hui, alors que le principal objectif est d’obtenir le maximum de profit, l’idéologie est toute autre.
Le pronostic de Trotsky s’est confirmé :
« Si… un parti bourgeois renversait la caste soviétique dirigeante, il trouverait bon nombre de serviteurs parmi les bureaucrates d’aujourd’hui, les techniciens, les directeurs, les secrétaires du parti, bref les privilégiés du sommet. Une épuration des services de l’Etat s’imposerait aussi dans ce cas ; mais la restauration bourgeoise aurait vraisemblablement à se débarrasser de moins de monde qu’un parti révolutionnaire. L’objectif principal du nouveau pouvoir serait de rétablir la propriété privée des moyens de production. Il devrait avant tout donner aux kolkhozes faibles la possibilité de former de gros fermiers et transformer les kolkhozes riches en coopératives de production du type bourgeois, en sociétés par actions. Dans l’industrie, la dénationalisation commencerait par les entreprises de l’industrie légère et de l’alimentation. Le principe de la planification deviendrait pendant une période de transition une série de compromis entre le pouvoir de l’état et les « grands groupes », c’est-à-dire les propriétaires potentiels parmi les capitaines de l’industrie soviétique, les anciens propriétaires émigrés et les capitalistes étrangers. Bien que la bureaucratie soviétique ait beaucoup fait pour préparer cette restauration bourgeoise, le nouveau régime serait obligé d’accomplir sur le terrain de la propriété et du mode de gestion non une réforme mais un véritable bouleversement social. » [1]
Il faut dire que la Russie, de même que d’autres ex-républiques soviétiques, s’est inscrite dans l’économie mondiale en s’adaptant à la gestion mondiale de l’économie et en occupant la place qui lui était strictement réservée. Dans ces conditions, certaines branches ont été quasiment entièrement supprimées, ne laissant pour source de revenus que le secteur effectivement important des matières premières.
L’éducation des masses et un enseignement gratuit de qualité ne sont pas tout de suite apparus comme un impératif. Les institutions sociales héritées de l’URSS continuaient de fonctionner par inertie, mais il ne fallait pas parler de progrès dans une telle situation.
Les débuts
Dans la Russie contemporaine, l’effondrement de l’enseignement était associé au début au manque de moyens, notamment pour éliminer les « restes » soviétiques. Pendant les premières années qui ont suivi l’effondrement de l’Union Soviétique, on suivait encore les anciens programmes et on utilisait toujours les manuels scolaires soviétiques. On voulait sincèrement rectifier une situation aussi « lamentable », mais on ne voulait pas dépenser « son » argent, obtenu grâce au pillage de la propriété de l’état et de la propriété publique.
Une aubaine pour les « mécénats » occidentaux, notamment celui de George Soros. Le spéculateur réussit à séduire les fonctionnaires du ministère de l’éducation, de telle sorte que dans le primaire et le secondaire, on privilégiait l’achat des manuels édités grâce au financement de Soros. A l’époque, on appelait cela « la rénovation de l’enseignement humanitaire en Russie ».
Les buts n’étaient pas seulement lucratifs, mais aussi idéologiques. Dans le cadre de la lutte contre toute forme d’idéologie, on imposait aux élèves le néolibéralisme et l’obscurantisme. D’un côté, on affirmait que le marché libre allait tout réguler de façon idéale, que l’état ne devait pas s’immiscer dans ce secteur dans lequel un oligarque ou une multinationale pouvaient faire du profit, et de l’autre, on disait qu’il fallait ranimer la spiritualité. Il ne faut donc pas s’étonner, si dans les mêmes disciplines, un manuel imposait le positivisme, le post-modernisme, et un autre la religion et des points de vue proches des « slavophiles ».
L’effet d’une telle salade éclectique s’est vite fait sentir sur le niveau éducatif, conduisant à une atomisation de la société, où la « réussite » signifie gagner le maximum d’argent, en balayant tout éventuel concurrent sur son passage, au-dessus non seulement de toute norme morale, mais aussi de la loi. C’est ainsi qu’on sera considéré comme ayant effectivement réussi. Comme disait Mark Twain : « Si tu voles un pain, tu vas en prison. Si tu voles un chemin de fer, tu deviens sénateur. »
La situation s’est aggravée d’année en année. Les sociologues observent une tendance intéressante dès le début du XXIème siècle :
« Il y a quelques années, mes collègues et moi avons été confrontés à un phénomène sans précédent dans l’enseignement supérieur du pays : dans certains établissements, en général dans les filières littéraires et prestigieuses, il n’y avait pratiquement aucune communication entre les étudiants des différents cursus. Comme s’ils ne pouvaient pas trouver de langage commun par manque de bagage culturel commun. Ils avaient suivi des programmes scolaires différents, on leur avait inculqué des valeurs différentes, leurs lectures (lorsqu’ils lisaient) étaient radicalement différentes, ils écoutaient des musiques différentes, avaient une attitude différente (parfois diamétralement opposée) à l’égard de sujets tels que la religion, les drogues, la séxualité, la carrière, le patriotisme ».
En général, c’était la même chose dans le secondaire. Il pouvait y avoir dans le même district, plusieurs écoles et des programmes scolaires différents. Surtout lorsqu’il s’agissait des établissements des républiques constitutives de la Fédération de Russie, par exemple au Tatarstan, où dans quelques établissements on avait le programme standard, et dans d’autres un programme nationaliste.
Ce genre de conflits ne troublait pas particulièrement le pouvoir, en définitive, le principe « diviser pour régner » fonctionne assez bien même aujourd’hui. L’essentiel, c’est de préserver le statu quo. Au plus haut niveau, les philosophes affirment que l’homme doit être « au-dessus » des intérêts temporels, qu’il doit s’intéresser à l’absolu et à l’éternel. Et du côté de la « divulgation scientifique » contemporaine, nous avons les « biologiseurs », qui vantent les vertus du néolibéralisme et du social-darwinisme en s’inspirant de la biologie.
L’obscurantisme
Le pouvoir des possédants promeut activement l’obscurantisme. Tantôt c’est le maire de Kazan qui s’étonne que l’on enseigne encore dans les écoles la théorie de l’évolution, alors qu’il faudrait faire le récit de la Genèse, tantôt c’est le maire de Kaliningrad qui déclare que lorsque des voitures sont brûlées il s’agit d’un châtiment de qui s’abat sur leurs propriétaires pour leurs péchés.
Les principales fêtes religieuses sont célébrées à l’aide de fonds publics, et les plus hautes personnalités de l’état sont constamment à l’église pendant ces dates, pour montrer à la population qu’il convient de faire de même. Celle-ci ne semble toutefois pas particulièrement prête à perdre son temps à de tels « divertissements », puisque moins de 3% se rend à l’église lors des grandes fêtes religieuses.
Mais comme la réaction de la population ne servira jamais d’indicateur, les expériences se poursuivent. D’autant plus que ces petits pourcentages, aussi infimes soient-ils, sont tout de même une bonne chose, si ces gens se trouvent ne serait-ce que formellement sous le contrôle de l’Eglise orthodoxe russe.
Malheureusement, de plus en plus souvent, l’obscurantisme s’infiltre dans le domaine de l’éducation et de la science. Il n’y a pas si longtemps, sur la chaîne scientifique très populaire du service public « Science 2.0 », une émission parlait des propriétés particulières des cierges d’église :
« En termes scientifiques, le cierge c’est de la cire, c’est-à-dire un matériau isolant diélectrique. Des serviteurs du culte compétents fabriquent des cierges à la composition exacte, dans le champ électrique correct. Lorsque la cire durcit, on obtient ce que l’on appelle un électret, qui dispose grosso modo d’un champ électrique gelé. Lors de la combustion, il se produit naturellement un dégagement d’électrons et la personne ressent alors de la bonté et de la bienveillance car un processus thérapeutique est en cours ».
Réjouissons-nous du scandale que cela a provoqué et de ce que la direction de la chaîne ait même reconnu son erreur, déclarant que ce film était passé à l’antenne « par accident », même si c’est naturellement difficile à croire.
L’émission télé scientifique, passe encore. Il y a pire, quand on essaye de faire passer de la propagande obscurantiste dans une publication de l’Agence fédérale de l’énergie atomique (Rosatom), sous le titre « le programme nucléaire de l’URSS », où dans un chapitre entier intitulé « Séraphin le Bienheureux [2] et l’arme nucléaire » on peut lire :
« Si Séraphin le Bienheureux n’avait pas permis la fabrication de la bombe atomique, alors il n’y aurait ici aucun centre ».
« La renaissance de la spiritualité » est un thème privilégié pour le pouvoir russe, qui veut ramener à l’église la majorité de la population, pour qu’il y ait davantage de « patriotes » obéissants. Ils semblent considérer actuellement que plus il y a de propagande aussi grossière que celle-là, plus il leur sera aisé de convaincre.
Les réformes
Le principal objectif de la réforme actuelle du système éducatif, comme l’a déclaré l’ancien ministre Fourcenko, est de former des consommateurs compétents. A cette fin, il convient de simplifier au maximum le programme, d’insister pour qu’il n’y ait ni une personnalité créative, ni quelqu’un apte à travailler de manière pluridisciplinaire. Il faut former la personne à une tâche bien définie, et qu’il ne s’avise pas d’aller voir plus loin, sauf en autodidacte.
Dans le domaine social, le regard de Chouvalov ( N.D.T. vice-premier ministre) est intéressant :
« Mais sommes-nous disposés à fermer brusquement, brutalement, comme cela a été fait dans certains pays de la CEI, des établissements de santé, des dispensaires, des hôpitaux de district dans les coins reculés du pays, sommes-nous prêts à fermer totalement nos écoles ? Bien sûr que non. Ni le président, ni la Douma ne le permettront, les gens ne sont pas prêts pour cela. Mais ce serait efficace du point de vue économique, du point de vue du bon sens’.
Qu’est-ce que c’est que ce « bon sens » ? Ce sont des points de vue de dirigeants du type Murray Rothbard, qui incarnent le bons sens du point de vue des fonctionnaires russes. En fait c’est un programme-maximum pour les prochaines années, que l’on appliquera, quoique moins vite.
Il y a d’ores et déjà en vigueur à l’école des normes suivant lesquelles il y a des matières gratuites, et d’autres payantes. C’est supportable dans un premier temps, toutefois les fonctionnaires ont toujours le projet de réduire progressivement le nombre des premières, et d’augmenter celui des dernières.
Ce qui indique seulement que très bientôt l’enseignement payant sera synonyme d’un enseignement de qualité, et les élèves qui auront suivi un enseignement gratuit, surtout les enfants des familles pauvres, seront condamnés d’avance. Pour eux, l’enseignement obligatoire aura un horaire réduit en physique, en chimie, en littérature, on augmentera le nombre d’heures d’éducation physique et de Principes élémentaires de sécurité humaine [3], on y ajoutera peut-être des matières « patriotiques », dont on parle depuis longtemps déjà. Dans les établissements où l’on fait des « expériences », on n’alloue que quelques heures hebdomadaires à l’enseignement du russe et des mathématiques.
La Russie voit baisser le niveau de son enseignement. Dans le classement de l’UNESCO, l’URSS occupait le troisième rang en 1990, alors que la Russie en 2012 occupait le 35ème rang. Apparemment, on est loin de toucher le fond. A la clé, il y a un enseignement qui n’est pas défini par sa qualité, mais par la productivité du travail de l’enseignant. Est efficace celui qui peut enseigner 10 matières en même temps, dans des classes surchargées (plus il y a d’élèves, mieux c’est), afin de pouvoir en fonction de cela supprimer les collègues « inefficaces ».
Cela s’est particulièrement fait sentir dans les établissements scolaires des zones rurales, où l’on a tout simplement réduit massivement le nombre d’enseignants et de cours, des enseignants pouvant, à certains endroits , faire cours à plusieurs classes en même temps. Des coupes analogues sont attendues concernant la majorité des établissements scolaires prévus dans le budget.
L’idéologie : l’église et le patriotisme
On peut constater dans la Russie d’aujourd’hui que l’on ferme massivement des écoles, alors que l’on ouvre des églises. On appelle cela « la renaissance de la spiritualité », quand on ouvre en 15 ans plus de 20 000 églises orthodoxes, alors que l’on ferme dans le même temps plus de 23 000 établissements scolaires.
Par-dessus le marché, on impose ouvertement la religion à l’école, malgré les interdictions expresses dans la loi. Les cours de soi-disant culture orthodoxe sont assez curieux. Il existe aujourd’hui de nombreuses vidéos de ces cours, où l’on peut constater que l’enseignement de la matière n’est pas de la culture mais de la propagande. Avec une particularité intéressante : ce n’est pas un spécialiste de la culture qui est l’auteur du manuel, mais l’ecclésiastique orthodoxe Kouraev.
On n’en est pas arrivé là sans conflits. Le fait est que l’on ne pouvait pas à introduire la matière « les bases de la culture orthodoxe » sans offre alternative, dans un pays multinational, on a donc proposé d’en faire une option. Et c’est là que c’est devenu effrayant : la majorité ne choisit pas ce qui est nécessaire. Les problèmes ont donc commencé. Dans certains établissements, « les bases de la culture orthodoxe » a été proposée sans aucune alternative, dans de nombreux endroits on l’a imposée sans donner le choix.
Actuellement, l’Eglise orthodoxe russe fait du lobbying pour qu’on l’impose dans toutes les classes. Des experts laïques sont contre, mais on a déjà ignoré leur avis à maintes reprises. Le mieux que l’on puisse espérer, c’est un compromis, mais pas davantage. En effet, l’Eglise orthodoxe russe laisse entendre que si elle introduit cette matière dans toutes les classes, ce sera d’emblée sans aucune alternative. En même temps, il faut rappeler que la propagande du culte religieux est souvent contenue dans les manuels scolaires dans d’autres matières, par exemple en éducation civique, en littérature, en histoire, etc.
Un exemple du manuel d’éducation civique de Gourevitch ( N.D.T. manuel de terminale en 2014) :
« Nous sommes mortels. Mais l’histoire connaît des exceptions à cette règle. La date de la mort du Christ est effacée par le miracle de la Résurrection. Cette vie extraordinaire s’arrache aux limites imposées à l’homme, réfutant ce que nous sommes habitués à considérer comme une des lois les plus indiscutables de la nature ».
On sera à peine étonnés d’apprendre que le même auteur rédigeait jadis des manuels contre la religion et le mysticisme. Ce genre de personnes, et il y en a en fait encore beaucoup, reflètent dans leurs œuvres ce que le pouvoir veut voir comme idéologie. Car tous ces « communistes » au début des années 90 ont vite fait leur perestroïka : au début, ils pouvaient faire l’éloge du néolibéralisme, ensuite ils sont devenus adeptes de la religion orthodoxe, puis sont redevenus partisans du néolibéralisme. Suivant les manuels, et ils sont capables d’en écrire une dizaine tous les deux ans, ils peuvent très bien défendre des positions opposées.
De toute évidence, ces auteurs-là ont fait leur gagne-pain dans les années 90 de ce qu’on a appelé l’idée nationale. Eltsine voulait effectivement l’incarner, mais ne s’y est pas décidé. On y a consacré des moyens, sans rien concrétiser. La journaliste Elena Tregoubova, dans son brûlot « Petites histoires d’une fouineuse du Kremlin » affirme que les fonctionnaires ont fini par considérer que l’idée nationale, c’était le « capitalisme populaire » avec une égalité des chances. Même dans ces termes, on ne l’a pas lancée. Mais la recherche s’est poursuivie.
Ces dernières années, les fonctionnaires disent de plus en plus qu’il faut tirer les leçons du patriotisme. Dans une certaine mesure, ce genre de propagande existe dans d’autres domaines, mais c’est peu, il faut tout de même exploiter au maximum la cote de popularité de Poutine. Car c’est bien connu : c’est justement Poutine qui sera « l’icône des patriotes ». C’est précisément Poutine qui déclarait récemment qu’il se trouve que le patriotisme est l’idée nationale des Russes.
L’idéologie d’une société de l’antagonisme est restée pratiquement la même pendant des années. Sous l’apartheid, voici quelles étaient les recommandations en matière d’enseignement de l’histoire :
« La base de l’instruction et de l’enseignement pour les enfants de parents blancs, ce sont les idées des parents ; par conséquent, l’enseignement doit être fondé sur les Saintes Ecritures…sur l’amour de ce qui est notre patrie, sa langue et son histoire.
L’histoire doit être enseignée à la lumière de la Révélation et doit être comprise comme l’exécution de la volonté de Dieu à l’égard du monde et de l’humanité. Nous croyons que la Création du monde, la Chute et la Résurrection de Jésus Christ sont les faits historiques fondateurs et que la vie de Jésus Christ a été un grand tournant dans l’histoire du monde.
Nous pensons que Dieu a conçu l’existence de nations séparées, de peuples séparés et qu’il a fait à chacun le don de sa vocation, de son objectif et de ses capacités propres. La jeunesse ne fait siens les vœux de ses aînés qu’à condition de connaître l’histoire, c’est-à-dire à condition d’avoir une idée claire de la nation et de son patrimoine. Nous considérons qu’après l’enseignement de la langue maternelle, le seul moyen d’inspirer l’amour des uns envers les autres est l’enseignement patriotique de l’histoire nationale ».
De cette manière, on peut justifier tout simplement n’importe quel ordre de choses existant, et en plus tous sont des patriotes. Dans la mesure où dans un tel contexte, le socialisme ne peut en aucun cas être une valeur, il faut absolument rabâcher cela partout. C’est ainsi que dans pratiquement chaque manuel, y compris du secondaire, on peut constater que la période soviétique est appelée totalitaire, le régime est quasiment globalement stigmatisé pour misanthropie, quoique la conquête spatiale et la victoire de la Grande Guerre Patriotique continuent d’être évaluées de manière favorable, mais on précise que ces réalisations furent possibles « malgré le communisme ». Tout ce qu’il y a eu de positif en URSS, l’a été, bien entendu, malgré le communisme.
En revanche, Alexandre II est toujours un « libérateur », et Nicolas II, un martyr. La période de la Russie impériale est décrite comme « dorée », et la religion orthodoxe comme si elle n’avait pas été le culte obligatoire pour la majorité de la population, et comme si elle avait été considérée par tous comme la vérité. Et ils vécurent ainsi, tous heureux, jusqu’à ce que les bolcheviks arrivent et fassent une « révolution sanglante ».
La science et une société périphérique
Il est clair que les opposants à la réforme en Russie sont assez nombreux, notamment parmi les enseignants et les scientifiques, qui se sont manifestés contre la réforme scolaire aussi bien que contre celle de l’Académie des sciences de Russie. Cependant l’opinion n’a pas soutenue ces manifestations, parce que le problème de l’enseignement et de la science en Russie est bien plus profond que ce que pense la communauté scientifique.
Très souvent, de l’avis des scientifiques, tous les problèmes se réduisent au seul fait qu’il y a peu d’argent. Et l’on pense que si l’état allouait davantage de moyens, alors tout serait formidable. Est-ce aussi simple que cela ?
En réalité le principal problème tient au fait que depuis l’époque de la « renaissance de la spiritualité », on élimine précisément l’organisation scientifique de la société, ce qui est logique, puisqu’on « optimise » le secteur social. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui on n’est plus obligé d’aborder scientifiquement la question de l’organisation du temps de travail, du temps des loisirs et même celle du traitement des maladies graves. L’organisation de la société capitaliste elle-même porte en elle cette contradiction fondamentale, qui ne peut en aucun cas trouver une solution exclusivement financière.
En effet, l’activité scientifique aujourd’hui est réalisée dans le strict intérêt d’un groupe, la classe dirigeante. Son objectif principal est le profit, tout, y compris les académies est orienté sur le profit. Par conséquent, même si dans les conditions actuelles quelque chose est créée qui représente un progrès, pouvant être utile à l’humanité, cela ne sera pas à la portée de tous, mais accessible seulement à ceux qui ont beaucoup d’argent.
Tant que l’on conserve les rapports sociaux du marché, et que la science dépend du financement qui accorde la priorité aux projets rentables, il est peu probable que la société soutienne l’Académie des sciences de Russie ou toute autre institution du même genre. Il faut que la science ne soit pas déterminée par le profit, mais par les besoins de la société.
Stanislav Tchinkov, sociologue, journaliste
http://rabkor.ru/columns/debates/2016/06/09/ideology-and-education/
traduction : Paula Raonefa