Alex Falco Chang
Rouge, 20 juillet 2007.
Derrière la hausse de l’euro, il y a surtout la baisse du dollar due aux craintes de retournement de l’économie américaine, une spéculation effrénée sur tout ce qui s’achète et ce qui se vend, la boulimie de capitaux en recherche permanente de profits...
Aux récriminations de Sarkozy contre la hausse de l’euro, le ministre des Finances allemand avait répondu, à la réunion de l’Eurogroupe : « L’euro fort, j’adore. » L’Allemagne exporte des biens d’équipement, actuellement très demandés et dont elle est en mesure de fixer le prix parce qu’elle en détient un quasi-monopole. C’est pourquoi elle ne craint pas cette hausse de la monnaie. Les exportations françaises, davantage concurrencées par les produits d’autres pays, sont handicapées par une monnaie forte qui les rend plus chères. D’où les prises de position de Sarkozy contre le « dollar faible ».
Au passage, l’épisode est révélateur des contradictions inhérentes à la construction européenne dont le moteur, nous dit-on, est le couple franco-allemand. Et, de fait, les bourgeoisies allemande et française n’ont d’autre choix que de s’adosser l’une à l’autre pour faire face à leurs concurrentes américaine et asiatiques. Comme les autres bourgeoisies de la zone euro, elles se sont résignées à la création d’une monnaie unique, acceptant pour cela que leur État se départisse d’un de leurs pouvoirs les plus importants pour intervenir dans l’économie, celui de jouer sur le cours de leur monnaie. C’était le seul moyen de rendre effectif un vaste marché européen, terrain d’intervention privilégié de leurs trusts, en le protégeant des fluctuations monétaires qui rendaient les transactions commerciales et financières incertaines.
Mais les intérêts divergents de bourgeoisies ayant construit, chacune, leur économie à travers des cadres nationaux et rivaux, n’en demeurent pas moins, même s’ils sont fortement atténués par rapport à une époque où ils étaient à l’origine des guerres qui ensanglantaient le monde. Les Etats-Unis possèdent, eux, l’avantage de disposer, avec leur État, d’une direction unifiée, capable d’intervenir pour cette raison avec beaucoup plus d’efficacité pour soutenir leurs trusts, en jouant, en particulier, sur le cours de leur monnaie. Or, ils ont intérêt actuellement à un dollar faible pour rendre leurs exportations plus concurrentielles.
Cela dit, le pouvoir des États en la matière est devenu plus que limité depuis que les capitaux, au début des années 1990, ont eu toute liberté pour aller s’investir là où ils le veulent et s’en retirer tout aussi vite pour trouver de nouvelles sources de profit. Tout devient l’objet de spéculation, pourvu qu’il y ait un bénéfice à la clef, entre autres les monnaies, en jouant sur la différence de leurs cours.
Retournement de l’économie ?
Sur les marchés des changes, les possesseurs de capitaux empruntent de l’argent ou des actifs dans les monnaies dont les cours et le taux d’intérêt sont les plus bas pour acheter des actifs financiers libellés dans des monnaies fortes. Ce faisant, ils poussent encore davantage le cours des monnaies fortes à la hausse, et celui des faibles à la baisse. L’euro, la livre anglaise, les dollars canadien et néozélandais sont au plus haut, le dollar baisse, le yen est au sous-sol, on peut l’acheter avec un taux d’intérêt de 0, 75 %.
Mais la hausse de l’euro, c’est surtout la baisse du dollar, due aux craintes de retournement de l’économie américaine. La baisse des prix de l’immobilier menace de rendre insolvables les prêts hypothécaires qui, parce qu’ils permettent de contracter de nouveaux crédits gagés sur l’augmentation de la valeur de l’appartement ou de la maison de l’emprunteur, stimulaient la consommation intérieure. Mais la méfiance gagne aussi les rachats d’entreprise par LBO, c’est-à -dire avec un fort levier d’endettement.
Plus généralement, c’est toute l’économie qui repose sur une montagne de dettes, contractées pour investir et rentabiliser des capitaux partout dans le monde, et dans n’importe quelle activité susceptible de rapporter du profit, lequel ne peut provenir au bout du compte que du travail humain. Tant que la chaudière à profits fonctionne, alimentée aujourd’hui par l’exploitation des travailleurs chinois ou indiens, la spéculation s’enhardit, puis s’emballe, réclamant insatiablement de nouveaux profits, l’élargissement et l’intensification de l’exploitation. Que la machine à profits ralentisse, et de défauts de paiement en faillites, c’est toute l’économie mondiale qui pourrait être touchée. Signe avant-coureur ou menace plus sérieuse ? Personne ne peut le dire.
Galia Trépère
– Source : Rouge www.lcr-rouge.org
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