Résumé
Texte intégral (anglais)
Depuis bientôt deux ans, Ottawa est impliqué dans la négociation d'un
accord de coopération militaire qui permet à l'armée américaine de traverser la
frontière et de déployer des troupes partout au Canada, ainsi que de stationner
des navires de guerre américains dans les eaux territoriales canadiennes. La
redéfinition du système de défense canadien est discutée à huis clos, non pas
au Canada mais à la base aérienne de Peterson, au Colorado, au quartier général
du Commandement Nord américain (Northcom).
La création du Northcom, en avril 2002, constitue une violation
flagrante de la souveraineté territoriale du Canada et du Mexique. Le
Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld avait annoncé de manière unilatérale
que le Commandement Nord (Northcom) aurait juridiction sur l'ensemble de
l'Amérique du Nord. Le Canada et le Mexique furent mis devant le fait accompli.
La juridiction du Commandement Nord, telle que présentée par le Département de
la Défense américain, inclus, en plus des États-Unis continentaux, l'ensemble
du Canada, le Mexique, ainsi que des portions des Caraïbes, les eaux adjacentes
de l'Atlantique et du Pacifique jusqu'à 500 miles au large des côtes des trois
pays, ainsi que l'Arctique canadien.
Le mandat annoncé du Northcom est d'offrir « une convergence
nécessaire pour les défenses aérospatiales, terrestres et maritimes [du
continent], et un support crucial pour les autorités civiles en temps de besoin
national. »
Rumsfeld se serait même vanté que « le Northcom -avec l'ensemble
de l'Amérique du Nord comme commandement géographique- fait partie de la plus
grande transformation du Plan de Commandement Unifié (UCP) depuis son
introduction en 1947. »
A la suite du refus du premier ministre Jean Chrétien de joindre le
Northcom, un soi-disant groupe « consultatif » de planification
binational (Binational Planning Group, BPG), opérant à partir de la base
aérienne de Peterson, fut mis sur pied vers la fin 2002. Son mandat était de
« préparer des plans d'urgence pour répondre aux menaces et attaques
[terrestres et maritimes] et autres urgences majeures au Canada et aux
États-Unis. »
Le mandat du BPG va beaucoup plus loin que celui d'un simple corps
consultatif militaire faisant des « recommandations » au
gouvernement. En pratique, il n'est redevable ni devant le Congrès américain,
ni devant la Chambre des communes canadienne.
Le BPG possède un personnel de 50 « planificateurs
militaires » canadiens et américains qui ont travaillé assidûment au cours
des deux dernières années à poser les bases d'une intégration des structures de
commandement militaire canadiennes et américaines. Le BPG travaille en
coordination avec le Comité de coopération militaire Canada-États-Unis sise au
Pentagone, un soi-disant comité responsable de « la planification
militaire conjointe ».
Ses activités comprennent deux blocs principaux : le Plan combiné
de défense (Combined Defense Plan, CDP) et le Plan d'assistance civile (Civil
Assistance Plan, CAP).
A travers son Plan d'assistance civile (CAP), le BPG est impliqué dans
le soutien à la militarisation des fonctions civiles en ce qui a trait au
judiciaire et à la police, aux États-Unis et au Canada. Le BPG a établi des
« plans militaires d'urgence » qui seraient activés « des deux
côtés de la frontière canado-américaine » en cas d'attaque terroriste ou
de « menace ». En vertu du Plan d'assistance civile du BPG, ces
soi-disant « scénarios de menaces » impliqueraient une « réponse
coordonnée aux requêtes nationales pour une assistance miliaire [de la part des
autorités civiles]. »
En décembre 2001, en réponse aux attentats du 11 septembre, le
gouvernement canadien a conclu un accord avec le responsable de la Sécurité
intérieure Tom Ridge, intitulé « Canada-US Smart Border
Declaration ». Cet accord donne au Département de la Sécurité intérieure
américain un accès à des informations confidentielles sur les citoyens et
résidents canadiens. Il procure aussi aux autorités américaines un accès aux
dossiers fiscaux des Canadiens.
Ces développements suggèrent que le processus « d'intégration
binationale » ne s'opère pas seulement dans les structures de commandement
militaire mais aussi dans les domaines de l'immigration, de la police et du
renseignement. La question est : que restera-t-il de la juridiction du
Canada en tant que nation souveraine, une fois que ce processus déjà amorcé,
incluant le partage et/ou la fusion de banques de données, sera complété?
Le Canada est destiné à devenir un membre du Northcom à la fin du
mandat de deux ans du BPG. Sans doute le projet sera-t-il présenté au parlement
comme étant « dans l'intérêt du pays. » Il « créera des emplois
pour les Canadiens » et « rendra le Canada plus sécuritaire ».
Pendant ce temps, l'important débat sur la participation canadienne au
bouclier anti-missiles, lorsque considéré hors d'un contexte plus large, peu
servir à détourner l'attention de l'opinion publique sur la question plus
fondamentale de l'intégration militaire, qui impliquerait l'acceptation par le
Canada non seulement du bouclier anti-missiles mais aussi de l'ensemble de
l'agenda militaire américain, y compris des hausses significatives des dépenses
militaires, qui seront allouées à un programme de défense de l'Amérique du Nord
contrôlé par le Pentagone.
Le Canada cesserait de fonctionner en tant que nation. Ses frontières
seraient contrôlées par des responsables américains et des informations
confidentielles sur les Canadiens seraient partagées avec le Département de la
Sécurité intérieure. Les troupes et les forces spéciales américaines pourront
entrer au Canada, en raison des accords binationaux. Les citoyens canadiens
peuvent être arrêtés par des agents américains agissant au nom de leurs
vis-à -vis canadiens, et vice-versa.
Le monde est à l'aube d'une des crises les plus sérieuses de
l'histoire moderne. Les États-Unis ont lancé une aventure militaire qui menace
l'avenir de l'humanité. Ils ont élaboré un projet de conquête et de domination
à l`échelle planétaire. Le Canada se trouve en quelque sorte sur la frontière
immédiate du « centre de l'empire ». Le contrôle territorial du
Canada fait partie du projet géopolitique et militaire des États-Unis.
Les libéraux ainsi que l'opposition du Parti conservateur ont endossé
le project militaire des États-Unis. En appuyant l'intégration des deux pays
dans les sphères de la défense, de la sécurité intérieure, de la police et du
renseignement, le Canada ne devient pas seulement un membre en règle de la
« coalition » de George W. Bush. Il participera directement, à
travers des structures de commandement militaire intégrées, au projet de
conquête des États-Unis en Asie centrale et au Moyen-Orient, incluant le
massacre de civils en Irak et en Afghanistan, la torture de prisonniers de
guerre, l'établissement de camps de concentration, etc.