Un exemple d’aliénation linguistique que j’affectionne particulièrement : « Les couples mixtes franco-russes étaient pratiquement bannis en RDA » (entendu sur les antennes de France Inter ou France Info).
Voici un bon exemple d’appauvrissement de la langue française par le biais de l’anglais. Cela est dû, bien sûr, au fait qu’une bonne proportion des nouvelles d’agence parviennent à Paris en anglais et que les journalistes ne savent pas, ou ne veulent pas savoir, que " to ban " vient d’un mot du vieil anglais qui signifiait " maudire" et qu’il veut dire aujourd’hui " interdire " . " Bannir " se dit en anglais " to banish " . Les couples mixtes étaient donc pratiquement interdits et non bannis.
" Bannir " , en français, c’est " mettre au ban " , envoyer hors des limites de la cité. Avec, par conséquent, les mots et expressions " banlieue " (le territoire d’une lieue autour d’une ville, d’où - consciemment ou inconsciemment - l’aspect très péjoratif du générique " les banlieues " ), un " four banal " (four villageois communal), " publier des bans " (informer les habitants de la cité de l’annonce d’un mariage), " être en rupture de ban " (enfreindre une interdiction de séjour dans la cité).
Il vaut toujours mieux s’exprimer simplement. " Interdire " est un verbe que tous les francophones connaissent. Mais lorsqu’on pense en anglais et qu’on veut en mettre plein les oreilles à ses auditeurs, on utilise " bannir " à la place d’" interdire " et l’on appauvrit le sémantisme de deux mots français en semant la confusion.
Même problème pour le mot " incident " . En français, il s’agit de quelque chose d’accessoire, de pas très important. En anglais, " incident " peut avoir un sens plus fort : un avion qui s’écrase (pardon qui se " crashe " quand il ne se " scratche " pas - " to scratch " = gratter), cela peut être qualifié en anglais d’" incident " . Tout comme des combats frontaliers qui font 200 morts. Donc, maintenant, en français, on utilise le mot " incident " pour un avion qui laisse tomber par mégarde quelques bombes sur un village afghan.
Il faut donc faire preuve de prudence quand on souhaite s’exprimer dans la langue des maîtres du monde. Ce que n’a pas fait, tout récemment, Pierre Lellouche lors d’un entretien à un journaliste anglais. Lellouche qui voulait faire l’interview en anglais car, selon lui, il parle très bien la langue, a insulté les conservateurs britanniques en les traitant d’" autistes " . Il voulait dire qu’ils étaient " sourds à " certains arguments (en anglais " deaf to " ). Le problème est qu’" autistic " en anglais ne s’emploie qu’au sens propre. L’impétueux ministre sarkozyste s’est excusé.
(A suivre…)