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Du culte des rebelles en peau de lapin à la deuxième mort des révolutionnaires…

James Dean est mort, Amand et Jean-Marc Aussi

Il y a soixante ans, l’acteur James Dean se tuait au volant de sa voiture, une Porsche Spyder 550 dont le journaliste de l’Huma Dimanche, qui signe un papier de cinq pages dans le dernier numéro du journal sur ce « génie dramatique novateur et sans pareil », nous indique qu’elle était « grise et ultrabasse, décapotée, carrossée en aluminium, produite à seulement 90 exemplaires ».

Suivent, entre autres erreurs (non, James Dean n’a pas tourné que dans 3 films puisqu’il était apparu dans huit productions cinématographiques ou télévisées depuis 1951 ) - et commentaires contestables (des concerts d’Elvis Priestley interdits par les autorités sous prétexte que l’assistance « paraît bien trop bicolorée » ça ne risquait pas d’arriver à l’époque, ou l’affirmation péremptoire que le « maccarthysme s’essouffle », ce qui aurait fait bondir Howard Fast ou Dalton Trumbo et tant d’autres, comme Pete Seeger et Paul Robeson toujours inscrits sur les listes noires et boycottés par les médias), un article apologétique où, à grand renfort de références « incontestables », Truffaut ou le critique André Labarthe, le journaliste contribue à renforcer encore le mythe James Dean, que les marchands de soupe nécrologues alimentent régulièrement en produits dérivés.

Que Jean-Louis Ivani estime que Dean soit « un génie dramatique novateur et sans pareil », après tout, pourquoi pas. C’est un jugement, une opinion, j’allais écrire personnelle, même si, en l’occurrence, c’est l’avis quasi général. Mais que L’HD s’extasie ni plus ni moins que toute la presse spécialisée ou pas devant un « rebelle sans cause », me fait pousser du poil sur les dents.

Je laisserai de côté les remarques acerbes (comment ne pas constater que Dean s’applique à copier Brando et Newman ? Comment juger d’une carrière sur trois rôles marquants ?, Comment ne pas s’étonner que le « rebelle sans cause » ait eu la détestable réputation d’un arriviste forcené ?) pour rappeler qu’aux États-Unis des années cinquante les vraies raisons de se rebeller ne manquent pas et qu’à Hollywood quelques acteurs courageux mènent le combat contre le maccarthysme rampant et pour l’égalité raciale, Burt Lancaster et Sydney Poitiers au premier rang, et Charlton Heston, Shelley Winters, Humphrey Bogart et quelques autres. Que les opposants à la Guerre de Corée se sont comptés en quelques centaines, que la répression syndicale bat son plein, que…

La bourgeoisie, et derrière elle le Capital, a toujours favorisé, protégé, adulé, encensé les rebelles sans cause, petits bourgeois jetant leur gourme, grands donneurs de leçons, brûleurs de billets. On commence par casser les fauteuils et on finit décoré de l’Ordre de la jarretière par la reine d’Angleterre. On menace de faire sauter la bourse (en s’abstenant de le faire) et on finit député européen libéral-libertaire mais toujours anticommuniste. Ferrat avait parfaitement cerné le phénomène, lui qui ne s’étonnait pas de voir en 68 des gens qui ne s’étaient jamais battus venir faire la leçon aux artistes qui se démenaient depuis des années pour la défense de la profession, au sens large, puisqu’elle concernait aussi bien l’ingénieur du son ou l’éclairagiste que la « vedette » (*).

"Quand le temps de vos colères,

De vos contorsions,

Ne sera plus qu’éphémère,

Et vieille illusions,

Fils de bourgeois ordinaires,

Pour qui nous savons,

Vous voterez comme vos pères

Pauvres petits cons…"

En 2015, Amand et Jean-Marc sont morts.

Amand allait avoir 80 ans, Jean-Marc 51.
La même saloperie a eu leur peau : l’amiante.

Je les avais connus en 1992, au Havre, où m’avait entraîné un projet d’écriture. Trois écrivains qui exploreraient chez les travailleurs d’Air France, des chantiers navals du Havre et les cheminots de Marseille la façon dont ceux qui fabriquaient l’évasion pour les autres pouvaient vivre la leur. L’initiative, soutenue par la DRAC, émanait de CE dirigés par la CGT.

Pendant un an, une semaine par mois, je me rendais donc au Havre. La plupart du temps, avec la CGT (et parfois la CGC) mes hôtes étaient en grève, organisant la lutte, occupant les chantiers, manifestant au Havre ou dans Deauville, au grand dam de l’aristocratie locale ! Il n’avait pas fallu longtemps pour que se nouent des liens solides et fraternels. Jacques Defortescu, le secrétaire de l’UL, Jean-Louis Jegaden, le secrétaire du syndicat des ACH (*), puis Michel, Odette, Amand, Jean-Marc, et Johnny et « La Risette », et beaucoup d’autres.

L’amiante frappait déjà. Au CHSCT du chantier Amand et Jean-Marc menaient un combat incessant pour la protection des salariés. Ils étaient aussi de tous les combats pour la construction navale et je n’oublierai jamais Amand et ses cassettes de musique classique, que les autres chinaient, et Jean-Marc qui fredonnait sans cesse Ferrat, Aznavour et Barbara.

La casse des chantiers mit Amand à la retraite. Jean-Marc partit à Renault Sandouville. Trajet, cadences épuisantes et surtout la nostalgie de la fraternité des ACH à présent démantelés. Et la maladie qui progresse, les luttes qui continuent dans des conditions qui n’ont plus rien à voir avec les années passées. La peste brune qui s’immisce, s’infiltre, pourrit jusqu’à cette classe ouvrière dont ils sont et qu’ils ne trahiront jamais.

Coup sur coup, ils disparaissent. Dans des souffrances indicibles. Jean-Louis Jegaden m’écrit : « Le vide laissé est effroyable, on a perdu deux Camarades, deux Amis, deux Frères ».

Amand Pitte, Jean-Marc Leparmentier.

Militants de la CGT et du Parti communiste. Jusqu’au bout.

La presse people ne vous connaît pas, les médias non plus.

James Dean est mort ? Et alors !

Roger Martin

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