Transcription et traduction de l’Interview de Nils Melzer, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture par Chris Hedges (Emission Contact sur RT) 8 juin 2019
Chris Hedges : Le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, a été traîné par la police britannique hors de l’ambassade de l’Equateur à Londres il y a 2 mois, après sept années a l’ambassade. Il a été condamné à 50 semaines de prison pour violation des conditions de sa liberté conditionnelle et incarcéré dans la prison de haute sécurité de Belmarsh. La semaine dernière il a été transféré dans le quartier médical de la prison. Il n’a pas pu participer à sa première audience au tribunal par vidéoconférence. Son état psychologique, et physique qui inclut une grande perte de poids et la difficulté à soutenir une conversation a été établi lorsque le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la torture, Nils Melzer a publié un rapport affirmant qu’Assange avait été victime de torture psychologique prolongée. Il a caractérisé comme persécution les procédures judiciaires contre Assange par Le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Suède et l’Equateur. Il a dit qu’Assange risquait un procès politisé, organisé pour l’exemple aux Etats-Unis s’il y était extradé et qu’il ferait l’objet de 17 chefs d’inculpation en vertu de la loi sur l’espionnage pour son rôle dans la publication de dépêches diplomatiques et militaires, de documents et vidéos qui exposaient les crimes de guerre des Etats-Unis en Irak et en Afghanistan. S’il est jugé coupable, Assange pourrait être condamné à 170 années de prison. Avec moi depuis Vienne, pour parler des conditions de détention d’Assange, de sa santé psychologique et physique ainsi que des procédures judiciaires contre lui, voici le Rapporteur Spécial des Nations Unies contre la torture, Monsieur Nils Melzer.
Monsieur Melzer, vous avez rendu visite à Julian le 9 mai, en compagnie de deux médecins spécialistes des cas de torture psychologique, qu’avez-vous pu conclure ?
Nils Melzer : Oui, merci de m’accueillir. Oui en effet, le 9 mai j’ai rendu visite à Monsieur Assange dans la prison de Belmarsh. J’étais accompagné de deux médecins spécialistes, un médecin légiste et un psychiatre. Tous deux spécialistes de la détection, l’examen et la documentation des cas de torture psychologique et physique. Ce que nous avons constaté, c’est que tous les symptômes de M. Assange sont typiques de ceux d’une personne qui a été exposée à une torture psychologique prolongée. Il s’agit de quelqu’un qui est gravement traumatisé, atteint d’anxiété chronique, de stress constant et intense, d’une incapacité à se détendre et à se concentrer, à réfléchir de manière structurée, c’est quelqu’un qui est dans un état d’excitation extrême permanent et n’est plus en mesure de relâcher cette tension.
CH : Et quels sont les effets physiques et psychologiques à court et à long terme, et à quoi attribuez-vous cette torture psychologique, parce que vous en avez imputé la responsabilité à quatre gouvernements différents.
NM : Oui, en effet. La torture psychologique peut avoir différentes conséquences. Il est difficile de prévoir comment va évoluer la situation. Ce que j’ai pu constater pendant ma visite est déjà alarmant, et depuis, nous avons vu que son état de santé s’est encore détérioré de manière importante, comme l’avaient prévu les psychiatres qui m’ont accompagné lors de ma visite. Ce qui peut se produire, si cela se prolonge, ce sont des dommages irréversibles, même au plan physique. D’abord sur le plan émotionnel et psychologique, mais aussi sur le plan physique, cela peut entraîner une dépression nerveuse, ou même un trouble cardio vasculaire irréversible. Il est difficile de le prévoir avec exactitude, et moi-même je ne suis pas médecin, donc je ne veux pas faire de conjectures, mais ce qui est sûr aujourd’hui, c’est que M. Assange n’est pas en état de participer à un long procès.
Pourquoi mon rapport attribue-t-il cela à quatre différents pays ? M. Assange a été dans l’isolement pendant près de sept ans dans une chambre de l’Ambassade de l’Equateur, dans un environnement sujet à fort contrôle, son accès au monde extérieur a été de plus en plus restreint. Par conséquent, les facteurs responsables de ces graves conséquences sont clairement définissables avec certitude, puisqu’il n’y a à notre connaissance aucun autre facteur extérieur. Nous savons parfaitement à quoi il a été exposé. Donc j’ai pu établir quatre facteurs principaux. Un premier facteur a été, je pense, la tentative des Etats-Unis pour obtenir l’extradition d’Assange et pour pouvoir le juger. A mon avis, après étude du dossier, pour l’exemple, pour dissuader d’autres d’imiter Assange et Wikileaks, c’est-à-dire de publier un volume important d’informations compromettant les Etats-Unis.
Ça, c’est l’éléphant présent dans le salon depuis une décennie dans cette affaire. A partir de là, il en découle toutes les procédures judiciaires que l’on a pu observer contre Monsieur Assange. Il est important de voir, à mon avis, que M. Assange a eu une très grande crainte, depuis le début, d’être extradé vers les Etats-Unis et d’y courir le risque d’un traitement dégradant et inhumain là-bas. J’en donnerai des détails dans un instant. Mais une fois que l’on reconnaît cette crainte comme crédible, on comprend qu’il a souhaité éviter le risque d’être extradé par la Suède vers les Etats-Unis. De sorte que lorsque la Suède a ouvert une enquête préalable à son égard pour délits sexuels, il est important de savoir qu’une fois que le plaignant à déposé plainte à la police, le public en a été informé immédiatement, alors qu’Assange n’a jamais été interrogé par la police. Il a appris par la presse la teneur de la plainte. Il était en Suède à ce moment-là. Il s’est rendu au commissariat, a demandé à faire une déposition, pour prendre part à cela. Parce que la législation suédoise interdit la publication du nom de l’auteur de la plainte et de l’auteur suspecté du délit dans une affaire de délit sexuel. L’affaire a été classée rapidement par le procureur suédois pour absence de preuves.
Quelques jours plus tard, un autre procureur a rouvert l’affaire, et Assange est resté volontairement pendant trois semaines de plus en Suède, disant qu’il était à la disposition du procureur pour toute question qu’elle pourrait lui poser. Et lorsqu’il a dû partir pour un engagement à Londres, il a demandé au procureur l’autorisation de partir, cela a été confirmé, donc il a été autorisé à quitter le pays, et dès qu’il s’est trouvé au Royaume-Uni, la Suède a délivré un mandat d’arrêt contre lui, affirmant qu’il avait essayé d’éviter l’interrogatoire, et réclamant qu’il revienne en Suède pour y être interrogé.
Et là, M. Assange a commencé à soupçonner ce qui se passait, il pensait que la question avait été réglée, mais il a commencé à craindre que s’il retournait en Suède celle-ci ne l’extrade vers les Etats-Unis. Et je dois ouvrir une parenthèse à ce sujet : la Suède a une histoire de remise de personnes à la CIA sans aucun respect des garanties judiciaires, puisqu’en 2001, me semble-t-il, deux ressortissants égyptiens qui avaient le statut de réfugiés en Suède ont été remis à la CIA à l’aéroport de Stockholm, renvoyés en Egypte où ils ont été torturés. Donc Assange avait des raisons de craindre que cela ne lui arrive, et il a demandé à la Suède de donner des garanties qu’il ne serait pas extradé vers les Etats-Unis s’il était interrogé dans le cadre de l’enquête pour délit sexuel. La Suède a systématiquement refusé de donner ces garanties. Assange a dit qu’il n’irait pas en Suède sans ces garanties, mais qu’il était à leur disposition s’ils voulaient l’interroger par vidéoconférence, ce que la Suède a refusé, alors qu’elle l’avait accepté dans de multiples autres affaires à la même époque. Assange a proposé alors qu’on vienne l’interroger à Londres en présence de son avocat. La Suède a à nouveau refusé, insistant pour l’interroger en Suède sans donner de garanties de ne pas l’extrader ensuite vers les Etats-Unis.
Voilà la raison – il est important de le comprendre - pour laquelle M. Assange s’est réfugié dans l’ambassade de l’Equateur, une fois que la Cour suprême britannique a tranché contre lui dans la procédure d’extradition vers la Suède. Ce n’est que lorsqu’il était sur le point d’être extradé vers la Suède, qu’il s’est réfugié dans l’ambassade de l’Equateur, non parce qu’il voulait échapper à la procédure en Suède, mais parce qu’il ne voulait pas courir le risque d’être extradé par la Suède vers les Etats-Unis.
Il est également important de souligner que ce que l’on qualifie de viol dans les allégations, ne correspond en aucun cas à ce qui est appelé viol dans aucune autre langue du monde, et je peux l’affirmer parce que je parle suédois. Ce que signifie cette allégation de viol est en fait une infraction qui n’implique aucune violence. Il est accusé d’avoir intentionnellement déchiré un préservatif au cours d’ un rapport sexuel consenti avec une femme. Elle dit que c’était intentionnel, lui que c’était un accident. Personne ne va jamais pouvoir prouver quoique ce soit. La seule preuve qui ait été présentée au procureur, le préservatif, a été examinée, ne contenait pas d’ADN lui appartenant ou appartenant à la plaignante. Il s’agissait d’un préservatif neuf qui a été présenté comme preuve contre lui. Autrement dit, il n’y a aucune preuve qu’il ait commis le moindre délit, et en plus de cela, la législation suédoise interdit au procureur de parler publiquement de toute enquête sur un délit sexuel, alors que depuis le premier jour il a dit au public qu’Assange était soupçonné de viol. Donc c’est une allégation qui dès le départ induit en erreur.
Ils ont également tout fait pour empêcher Assange de présenter de sa version des faits, de se défendre publiquement, sans s’exposer par là à une extradition vers les Etats-Unis où il a toutes les raisons de penser qu’il y risquerait une violation de ses droits de l’homme. Et toute cette histoire est très importante, parce que c’est ce qui explique sa présence à l’ambassade de l’Equateur pendant sept ans.
CH : Nous allons faire une pause, mais avant : pourriez-vous dire que cela s’inscrit dans des poursuites concertées ? Vous avez parlé de concertation entre la Suède, le Royaume-Uni, l’Equateur et les Etats-Unis.
NM : Au départ, l’Equateur a octroyé l’asile et le statut de réfugié n’était pas prévu. Il y a des mails qui ont été publiés, qui montrent que les services du poursuites criminelles britanniques ont incité les Suédois à ne pas revenir sur leur position lorsqu’ils avaient décidé, dans un premier temps, d’abandonner les poursuites et à maintenir la pression contre Assange. Et la manière dont cela a été mené fait que je ne vois pas d’explication pour laquelle la procureure pourrait maintenir ouverte une enquête préalable comme celle-ci, sans inculper, sans fournir de preuve, sauf s’il y a d’autres motifs à cela.
CH : Parlez-nous de vos préoccupations concernant l’extradition. Vous êtes avocat, donc quels sont les arguments juridiques, qui ont été invoqués pour la condamnation à une peine de 50 semaines de prison ? Quelles sont vos préoccupations concernant l’extradition, et que va-t-il se passer maintenant ?
NM : Il est important de comprendre que la peine de prison actuelle concerne la violation des conditions de la liberté conditionnelle qu’avaient fixées les tribunaux britanniques au sujet de la demande d’extradition de la Suède. La Suède avait demandé l’extradition pour les cas des délits sexuels, lorsqu’il s’est réfugié il a violé les conditions de la demande d’extradition.
Lorsque le Président de l’Equateur…
CH : Permettez-moi une interruption. Il y eu un changement de président, c’était Lenin Moreno.
NM : Oui, c’était Lenin Moreno qui a été élu en 2017, et dès son entrée en fonctions, il a cherché à améliorer les relations avec les Etats-Unis, et il semblerait que ce rapprochement passait par la remise d’Assange, donc Moreno a décidé un jour qu’il mettrait un terme au statut de réfugié d’Assange, et qu’il annulerait sa citoyenneté, ce qu’il a fait le 9 avril, sans annonce, sans procédure équitable, il a été expulsé de l’ambassade, arrêté par la police britannique et trois heures après il a été traduit devant un tribunal britannique, condamné après une audience de 15 minutes, après qu’il n’ait disposé que de 15 minutes pour préparer sa défense. Et alors qu’il était dans un état de grande agitation, il venait d’être arrêté après sept ans à l’ambassade, on ne lui a accordé que 15 minutes avec ses avocats pour préparer sa défense. L’avocat pendant l’audience a présenté un dossier au juge, disant que l’un des juges avait un important conflit d’intérêts parce que son conjoint avait été exposé par Wikileaks, et que cela méritait donc une enquête. Il a donc formulé une objection au sujet de cette audience. Le juge a écarté cet argument, disant immédiatement, en se plaignant, « comment vous, avocat de la défense, osez-vous contester une nos juges pour conflit d’intérêts ? », condamnant immédiatement Julian Assange, le traitant de « narcissique qui ne pense qu’à son intérêt », alors que la seule chose qu’ait déclaré Assange pendant l’audience a été « je plaide non coupable ». Comment pourrait-ce là un propos narcissique de quelqu’un qui ne pense qu’à son intérêt ? Je pense que cela montre la partialité du juge, clairement contraire à Monsieur Assange pendant l’audience.
Lors du prononcé du verdict le 13 mai, il a été condamné à la peine de 50 semaines, alors que la peine maximum est d’un an en cas de violation des conditions de la liberté conditionnelle. Les juges ont dit que c’était un des cas les plus graves de violation d’une liberté conditionnelle. Bien que les avocats aient présenté un gros dossier avec des circonstances atténuantes, disant que Assange avait des raisons fondées de craindre une extradition vers les Etats-Unis, qu’il présentait des excuses pour la violation des conditions de sa liberté conditionnelle, mais en en donnant les raisons, en expliquant que c’était pour bénéficier de l’asile octroyé par un état pendant sept ans, et le juge a refusé de prendre cela en considération comme de circonstances atténuantes, et a prononcé la peine maximum. C’est un verdict disproportionné, une violation de ses droits, puisque normalement, ce genre d’infraction est passible d’une amende ou d’une légère peine de prison. Voilà pour ce qui concerne la procédure britannique.
L’éléphant dans le salon étant l’extradition vers les Etats-Unis, il est très important de parler des risques qu’il court en cas d’extradition vers les Etats-Unis. Personnellement, je suis convaincu qu’il n’y a aucune chance qu’il obtienne un procès équitable aux Etats-Unis. Pourquoi ? Pour qu’un procès soit équitable, il faut le respect de la présomption d’innocence. Je n’ai pas besoin de vous expliquer quel est l’état de l’opinion publique aux Etats-Unis au sujet de Julian Assange. Cela après près d’une décennie de harcèlement public sans retenue, d’intimidation, d’appels à son assassinat, d’incitation a la violence contre lui, d’avoir été publiquement ridiculisé, y compris par des fonctionnaires et anciens fonctionnaires du gouvernement, par de personnalités de renom.
Il y a donc un déchaînement de persécutions publiques auquel il a été exposé, il est très difficile qu’il bénéficie d’un procès impartial. Et un procès équitable suppose également la légalité, c’est-à-dire qu’il soit accusé de quelque chose qui soit passible d’une sanction. Si vous examinez les 17 chefs d’inculpation en vertu de la loi sur l’espionnage, tous concernent des activités que tout journaliste d’investigation mènerait, et pour lesquelles il serait protégé par le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis sur la liberté de la presse et la liberté d’expression. Et le 18ème chef d’inculpation, celui d’hacking, ne suppose pas qu’il ait hacké un ordinateur pour obtenir de l’information. Il a obtenu toute l’information qu’il a publiée par le biais de quelqu’un qui était parfaitement autorisée, donc comme tout journaliste d’investigation, il a juste reçu cette information, il a peut-être encouragé la source comme le ferait tout journaliste pour qu’on lui donne l’information, puis l’a publiée. Et l’accusation de hacking ne concerne que le fait qu’il n’ait pas réussi à aider la source à trouver le mot de passe qui l’aiderait à effacer ses traces. Mais il a échoué ! Je crois de la peine maximum serait de 5 années d’emprisonnement pour ce type de délit, mais comme c’était une tentative infructueuse, si jamais elle était passible de sanctions, ce serait la peine minimum qui serait encourue, 5 ans ou une amende. Et je ne vois aucune chance d’acquittement pour Assange aux Etats-Unis, ou qu’il soit condamné à une peine légère de six semaines de prison ou qu’il soit libéré ensuite, ce n’est absolument pas réaliste.
Normalement, lorsqu’on voit le tribunal spécial du district de Virginie pour espionnage, dont il est accusé, aucun accusé n’a été acquitté pour ce type d’affaire. Il y a eu Chelsea Manning, source d’Assange, qui avait été condamnée d’abord a 35 années d’emprisonnement, peine généralement prononcée pour un grand criminel de guerre à La Haye, elle a été graciée par Obama lors des dernières semaines du mandat de celui-ci, mais cela montre le genre de peine qui serait prononcée contre Assange. Et il faut souligner aussi qu’un procès équitable requiert que soit respectée l’égalité devant la loi. Or, lorsqu’un gouvernement poursuit un lanceur d’alerte, et encore plus un journaliste, pour avoir dénoncé de graves crimes commis par des institutions de l’état-nous parlons de crimes de guerre- et que ces crimes de guerre ne font l’objet d’aucune poursuite, et qu’au contraire c’est la source qui est poursuivie, qu’elle encourt la perpétuité sans liberté conditionnelle, alors le gouvernement perd toute crédibilité en termes politiques et juridiques, et c’est là que les poursuites judiciaires deviennent une persécution, parce qu’il n’y a pas d’état de droit, il n’y a pas de procédure judiciaire transparente, lorsque vous avez un Grand Jury qui est secret, des séances secrètes qui discutent d’informations classées « secret », normalement, il faut une procédure assortie de garanties judiciaires, et je ne pense pas que ce sera le cas pour Assange.
CH : Assange n’est pas un citoyen des Etats-Unis, mais un citoyen australien, même si l’Australie a fui sa responsabilité de protection d’un citoyen australien. Deuxièmement, Wikileaks est une organisation d’information non basée aux Etats-Unis, donc la question juridique se pose : comment peut-il être accusé en vertu de la loi sur l’espionnage ? Quelle est votre réponse de juriste ? Pensez-vous qu’Assange a commis un crime ?
NM : A partir des informations dont je dispose, je ne le pense pas. Mais l’interprétation du Code Pénal laisse une marge d’appréciation au juge. Pour être équitable, je crois pouvoir dire que l’on pourrait interpréter un léger délit, si toutes les allégations étaient prouvées quant à la tentative d’aider, de manière infructueuse, une personne à découvrir un code secret. C’est comme accuser quelqu’un de tentative d’excès de vitesse, infructueuse car le moteur n’était pas assez puissant. C’est un argument qui ne tient pas la route devant un juge, et qui en tous cas ne justifie pas les souffrances qu’on a fait subir à Assange et qu’il risquerait s’il était extradé vers les Etats-Unis.
CH : En tant que journaliste d’investigation pour le New York Times, qui a déjà publié au NYT, je le confirme : nous aidions nos sources à se protéger, suivant le protocole standard.
NM : Oui je voudrais donner un exemple qui ne concerne pas cette affaire, mais juste à titre comparatif. Nous avons vu récemment deux journalistes de Reuters qui ont été incarcérés au Myanmar après avoir révélé un massacre commis par des soldats du Myanmar contre des civils. Ils ont été condamnés, je crois, a 10 années d’emprisonnement, ont purgé une année et demie puis ont été graciés. Parallèlement, cependant, le Myanmar a poursuivi les soldats impliqués, les a condamnés à 7 années d’emprisonnement, ou peut-être était-ce le contraire, les uns à 7 ans, les autres à 10 ans, mais il y a eu des peines de prison, et ils ont été eux aussi gracies après un an. Mais ils ont néanmoins poursuivi leurs soldats.
Or les Etats-Unis sont très loin de cela. Ils n’ont engagé aucune poursuite concernant les faits de la vidéo des meurtres collatéraux, ou du rapport du Comité du Sénat sur la torture.
CH : C’est un très bon argument. Les personnes qui ont dénoncé ces crimes de guerre, Manning ou Assange ont été poursuivies ou en prison, ainsi que quelques lanceurs d’alerte, qui ont été l’objet de poursuites sous le gouvernement Obama, donc toutes vos préoccupations au sujet de l’extradition vers les Etats-Unis sont tout à fait fondées. Pour conclure : que recommandez-vous ? Quel devrait être le traitement approprié pour Julian Assange ?
NM : A mon avis, il est hors de question qu’il soit extradé vers les Etats-Unis dans les circonstances actuelles. La Grande-Bretagne, la Suède et l’Equateur doivent reconnaître que dans la manière dont ils traitent cette affaire, ils ont clairement violé la Convention contre la torture, ils devraient libérer Julian Assange. Ils peuvent l’interroger concernant les délits sexuels, mais franchement, je crois qu’il n’y a pas beaucoup de fondement à cela, et s’il y en avait, je crois qu’il a déjà suffisamment souffert, il a déjà eu sa part de souffrances, étant donné ce traitement et devrait être indemnisé par ces états.
Transcription & Traduction par Paula Faraone