[Au contraire tout est fait au moment présent pour convaincre la
classe ouvrière, la jeunesse qui il y a un an exactement déferlait contre le
CPE, l’électorat de gauche, qu’ils sont plus faibles, voire plus coupables
et plus nuls, plus médiocres, qu’ils n’ont jamais été.
Cette campagne est en réalité à l’image de la peur dans les sommets de
l’Etat et du capital qui savent évaluer, eux, les réalités. Bien entendu,
cette campagne vise à jouer un rôle actif : à nous vaincre, à nous
désorienter, à faire de ces présidentielles une défaite pour la classe
ouvrière, en tentant de nous faire croire que nous sommes vaincus avant même
que nous le soyions réellement, et pour que nous le soyions. En disant qu’en
haut on a peur et qu’en bas on est forts mais qu’on ne le sait pas, nous ne
cédons donc pas à l’euphorie, au contraire, nous tentons la lucidité pour
cerner précisément les dangers du moment. Et ils sont grands.]
Lettre de Liaisons, 3 mars 2007.
Ils ont peur !
Chirac est et reste, à ce jour et à cette heure, le pilier du régime
français. Il a largement discouru, ces derniers jours, au niveau européen
puis français. Une nouvelle candidature de sa part était impossible, non pas
tant d’ailleurs parce qu’absurde en soi (l’absurdité ne retient pas les
dirigeants politiques) que parce qu’elle aurait ouverte une grave crise au
sommet de l’Etat et des partis du capital, déjà largement marqués de tels
conflits. Pas de "scoop" donc de ce côté là .
Ce lot de discours est avant tout marqué de la peur. Car qu’est-ce que ces
appels répétés à l’union nationale contre "les extrémismes", ces invocations
de la "grandeur de la France" et ces refus de la "division des Français"
peuvent bien signifier de réel, si ce n’est la peur de la lutte de classe
des salariés, actifs, chômeurs, retraités ou en formation ? Conformément à
sa fonction, le président de la V° République tente de conjurer les
affrontements qui s’annoncent, car ces affrontements seront provoqués par
l’agenda anti-social que sa situation serrée dicte au capital français et
qu’il tentera de faire appliquer par le prochain gouvernement quel qu’il
soit.
La seconde caractéristique des discours de Chirac est la déclaration de
guerre à la volonté démocratique de cette "France" et de cette "nation"
qu’il aime tant invoquer par ailleurs pour tenter de faire taire les
oppositions : le vote majoritaire du 29 mai 2005 est dénoncé par lui comme
l’hydre à conjurer, à annuler, à contrecarrer. Lui qui aurait dû être chassé
dés le 30 mai, se permet de dénoncer le vote majoritaire du pays.
Nous noterons accessoirement que J.Chirac nous appelle à une "révolution"
consistant à réduire les émissions de gaz d’échappement de moins de moitié
en une trentaine d’année, car ce n’est certainement pas cela qui va nous
sauver de la crise climatique grave engendrée par le recours à la combustion
des matières premières à bas prix par le capitalisme. La combustion du
pétrole dans les moteurs s’est généralisée, voici quelques décennies, en
moins de temps que la pseudo "révolution imaginée par Chirac, qui n’est rien
d’autre que la poursuite de la fuite en avant vers la catastrophe
environnementale.
Enfin, les commentateurs n’auront pas manqué de noter que la rhétorique du
discours de J.Chirac ce dimanche soir à la télévision pourrait largement
couvrir un soutien à la candidature Bayrou, plus qu’à la candidature
Sarkozy. La phraséologie contre "les extrémismes" et les références à la
laïcité arrivent précisément quelques jours aprés que Sarkozy ait annoncé la
création, s’il gagnait, d’un "ministère de l’immigration et de l’identité
nationale".
Il y a crise dans le staff de Sarkozy, parce qu’il y a interrogation à
grande échelle dans la bourgeoisie française : le patronat veut certes sa
"rupture" (avec le Code du travail, les conventions collectives, le statut
des fonctionnaires ...), mais il craint l’affrontement que pourrait ouvrir
son élection à la présidence : "en 5 ans depuis 2002, nous ne sommes pas
arrivés à battre cette satanée classe ouvrière française, et si nous n’y
arrivions toujours pas ? " La stratégie d’enveloppement par recherche de
l’union nationale n’est-elle pas préférable ? Dans le staff de Sarkozy,
l’interrogation du coup se fait plus précise à l’approche du 16 mars, jour
d’enregistrement des candidatures à la présidentielle par le Conseil
constitutionnel : si on donne ses signatures à Le Pen on risque de ne pas
passer le premier tour, coincés entre lui et Bayrou ; si on ne les lui donne
pas on risque de ne pas passer le second tour, car ses voix ne se
reporteront pas. Que d’états-d’âmes dans le Sarkozy land !
Voila qui explique le côté, certes peu souligné par nos grands commentateurs
journalistiques, de plus en plus erratique des orientations déclinées par le
petit aspirant Napoléon : un coup il invite les élus UMP à signer pour Le
Pen et ... Besancenot, puis il fait le coup, d’inspiration lepéniste, du
ministère "de l’immigration et de l’identité nationale", autrement dit du
ministère de la discrimination et de la préférence nationale - à juste titre
qualifié d’ "immonde’" par S.Royal.
La peur, voila le sentiment réel qui inspire la politique des grands leaders
de la droite, de l’Etat, de la classe capitaliste. Peur de l’avenir proche,
peur de l’affrontement social, volonté de réaliser leur "rupture" mais
hésitation sur comment y parvenir, n’ont jamais été aussi forts aux sommets
de l’Etat. Voila qui nourrit, à droite, la montée de Bayrou, candidat de
l’accommodation avec la peur qui entend réaliser le même programme, la même
"rupture" que le MEDEF et Sarkozy, mais en commençant par un appel à l’union
nationale et à l’association maximum du PS, de l’ensemble de la gauche et
des organisations syndicales.
Paradoxe.
L’analyse qui précède est lucide et repose sur la conscience des rapports de
forces réels, nous allons y revenir. Mais il est clair qu’elle n’est pas
partagée. Au contraire tout est fait au moment présent pour convaincre la
classe ouvrière, la jeunesse qui il y a un an exactement déferlait contre le
CPE, l’électorat de gauche, qu’ils sont plus faibles, voire plus coupables
et plus nuls, plus médiocres, qu’ils n’ont jamais été.
Cette campagne est en réalité à l’image de la peur dans les sommets de
l’Etat et du capital qui savent évaluer, eux, les réalités. Bien entendu,
cette campagne vise à jouer un rôle actif : à nous vaincre, à nous
désorienter, à faire de ces présidentielles une défaite pour la classe
ouvrière, en tentant de nous faire croire que nous sommes vaincus avant même
que nous le soyions réellement, et pour que nous le soyions. En disant qu’en
haut on a peur et qu’en bas on est forts mais qu’on ne le sait pas, nous ne
cédons donc pas à l’euphorie, au contraire, nous tentons la lucidité pour
cerner précisément les dangers du moment. Et ils sont grands.
Quel paradoxe, pourtant. En 2002 Chirac (19% au premier tour) n’était élu
que par l’entourloupe de l’union nationale au moyen de Le Pen comme
repoussoir utile. En 2003 une poussée vers la grève générale, étayée sur une
longue grève reconductible des enseignants, tentait de s’imposer mais,
contenue par les dirigeants syndicaux, elle se soldait par notre défaite sur
les retraites et sur la décentralisation, sans que nous soyions cassés dans
notre capacité à combattre. En 2004 déjà la droite a été battue, et
largement, aux élections locales et régionales ! Et que dire de 2005, où la
victoire contre le traité constitutionnel capitaliste (et non pas
"européen") a été construite par la discussion dans le mouvement ouvrier et
les partis de gauche ? En 2006 encore, une majorité manifestait, en des
cortèges gigantesques, pour imposer une défaite politique au gouvernement de
M.M. Chirac, aussi bien que Sarkozy et De Villepin ... et parvenait à
l’imposer en partie avec le retrait du CPE !
Et voila que selon les sondages le total des candidats des partis issus du
mouvement ouvrier (outre le fait qu’ils ne sont pas tous sûrs d’avoir leurs
signatures), Royal cumulée avec Buffet, Besancenot, Laguiller, Schivardi,
Bové ... est historiquement le plus bas de l’histoire de la V° République !
Attention, nous ne disons pas que les sondages mentent purement et
simplement. Ce serait trop simple. L’arme majeure de ceux qui ont peur et
qui veulent nous battre en nous faisant croire que nous sommes déjà vaincus,
ce sont nos propres "dirigeants", en l’occurence les candidats même qui
viennent d’être énumérés (abstraction faite des différences que l’on peut
par ailleurs reconnaître parmi eux). Jamais le sentiment, justifié, que l’
"offre politique" à gauche est catastrophique, n’a été aussi répandu. Jamais
le mécontentement, la révolte, contre notre propre représentation politique
dans son ensemble (car sur ce plan l’extrême-gauche est dans le même sac ! )
n’a été aussi généralisé.
La crise de la représentation politique de la classe salariale se traduit
par ce mécontentement et cette hésitation, vraisemblablement amplifié par le
fait que les sondés de gauche jouent avec les sondages pour manifester leur
mécontementement. Plus précisément, se conjuguent deux faits qui réunnis
aboutissent à ce résultat :
1°) L’opération Ségolène Royal, conçue pour noyer le PS dans un
rassemblement au dessus des classes et des partis, ne marche pas. Ce qui
marche électoralement, c’est tout ce qui va à gauche, ce qui est perçu comme
faisant barrage à Sarkozy et à la droite sur le service public ou
l’immigration, et seulement cela. La "nouveauté" de cette
candidate-Bonaparte new look ne fait plus recette : les couches électorales
qu’elle avait séduites au delà de l’électorat de gauche traditionnel
regardent maintenant vers Bayrou. Ségolène Royal sait que pour gagner, elle
doit se constituer "otage" du Parti socialiste et, à travers lui et
indirectement, se faire peu ou prou la mandataire de sa base sociale. Notez
bien qu’elle n’en a aucune envie : dans une déclaration toute récente elle
vient de faire endosser par avance la responsabilité d’une éventuelle
défaite à ces "éléphants", c’est-à -dire au Parti socialiste, accusés de ne
pas l’avoir soutenue au moment même où elle faisait tout pour les tenir à
l’écart ! Mais s’il s’agit maintenant pour elle de gagner les élections,
elle n’a pourtant pas le choix ...
2°) L’interdiction d’une candidature présentant une alternative à cette
opération par le "rassemblement antilibéral" puis par ses divisions compléte
le tableau : le même mécontentement, la même crise, les mêmes confusions
jusque et y compris sur le prétendu charme d’un "vote Bayrou", gagnent ces
secteurs qui se veulent et se pensent à la gauche du PS (il est vrai que les
candidatures Laguiller ; Schivardi et en partie Besancenot, ne sont pas
entièrement réductibles à ce rapide tableau, mais cela ne modifie pas pour
l’heure les grandes tendances).
Ainsi donc, cette crise qui est celle de la direction, crise qui pose
objectivement la question d’un parti représentant réellement la majorité
exploitée et opprimée, parti socialiste digne de ce nom ou parti ouvrier
révolutionnaire ou parti démocratique du salariat ... cette crise dont les
dirigeants sont les responsables, engendre ces sondages, est utilisée pour
nous battre réellement et nous démoraliser en semant parmi nous la confusion
... et en plus pour nous culpabiliser.
Il faut en effet, faire une "campagne d’explication" et faire de l’
"éducation populaire", entend-on de plus en plus à gauche, éduquer ce peuple
qui ne comprend pas, ces jeunes sans repères, ces ouvriers tentés par Le Pen
et ces profs qui jouent avec le vote Bayrou. Ici, l’ "éducation populaire"
veut en réalité dire "faire la leçon au bon peuple"’, fut-ce avec des
méthodes pédagogiques "modernes" -et non pas promouvoir l’auto-éducation
libre des travailleurs eux-mêmes, comme l’entendent par exemple nos
camarades de l’Association populaire d’Entraide qui font à leur façon une
vraie "éducation populaire". Inutile de dire que ces velleités de faire la
morale aux gens seront contre-productives et ne feront qu’aggraver les
problèmes. Ce peuple n’a pas à être éduqué par les dirigeants, ce sont au
contraire ces derniers que le peuple pourrait éduquer, et rudement.
Le paradoxe, la contradiction entre le reflet aggravé dans les sondages de
la crise de représentation de la majorité travailleuse, et la combativité
ainsi que la conscience sociales réelles, marquent plus que jamais le moment
présent : dans le scrutin des 22 avril et 5 mai elle peut se développer de
deux manières, vers notre victoire ou vers notre défaite.
La voie de la défaite et la voie de la victoire.
La voie de la défaite est pour l’essentiel tracée : si à gauche les
militants s’imaginent qu’il faut faire la morale au bon peuple et faire peur
sur le danger (réel) de Sarkozy et d’un "nouveau 21 avril", ils fraieront
eux-mêmes la voie vers ce qu’ils craignent tant.
Nous sommes en train d’en avoir la démonstration douloureuse, et quasi
mathématique. "Il faut éviter un nouveau 21 avril, il faut éviter un nouveau
21 avril", nous disent pas mal de bons camarades qui ne sont pas enchantés
de la candidature Royal et de son orientation politique mais qui veulent
éviter ce scénario. Mais l’histoire ne se répète pas, attention à ne pas
être en retard d’une guerre ... Car pour "éviter le 21 avril" médias et
sondages ont entrepris de nous asséner une pseudo-solution qui se présente
comme réponse à ceux qui voulaient assurer la présence de S.Royal au second
tour : le vote Bayrou ! Autant dire que pour éviter le "21 avril" ceux qui
nous ont appelé à voter Chirac au second tour devaient le faire dés le
premier !!! On cherche à nous faire croire que Bayrou pourrait battre
Sarkozy, ce qui ne serait possible que par un vote de collaboration des
classes, d’union nationale, derrière Bayrou : rien de plus dangereux pour la
classe ouvrière.
Bayrou monte en raison de la crise à droite, d’une part, et de cette
confusion entretenue à gauche, d’autre part, à laquelle les slogans du genre
"évitons le 21 avril" ont pavé la voie alors qu’ils croyaient la conjurer.
La confusion politique est réelle : on voit des militants socialistes de
gauche, des "antilibéraux", jouer avec des syllogismes du genre : éviter
Sarkozy qui va vouloir tout casser, et éviter Ségolène qui va liquider le PS
et la gauche traditionnelle au profit d’un rassemblement centriste, c’est se
ménager 5 ans de répit en votant Bayrou ! 5 ans de répit, allons-donc ! Son
programme économique et social est celui de Sarkozy et l’union nationale
qu’il offre au PS et que DSK a de fait acceptée (en déclarant qu’il espère
que Bayrou se désistera pour Royal !) c’est la même liquidation du PS qui
avançait derrière l’opération Royal cet automne ! Alors, vraiment,
intelligent, le syllogisme ? T’as voulu éviter Sarko, t’as voulu éviter
Ségo, t’auras les inconvénients des deux, idiot, si tu vote Bayrou, alors on
se calme ! [1]
Pour comprendre cela, point n’est besoin de nier que ce qui fait
temporairement et, nous l’espérons bien, fugitivement, illusion chez Bayrou
est un phénomène négatif : quiconque essayera d’expliquer aux profs par
exemple que Bayrou a été pour eux un ministre réactionnaire se verra
répondre que peut-être, mais que Allègre l’était beaucoup plus, et il n’y a
rien à répondre à cela parce que c’est vrai. Mais ceci ne change rien à la
réalité politique présente : voter Bayrou, ce serait tomber dans le piège
que ces dirigeants traîtres et nuls de notre gauche officielle nous ont
eux-mêmes (et se sont eux-mêmes) construit, ni plus ni moins. Si cette
tendance se confirmait dans les urnes, ce serait une défaite de la classe
ouvrière de même que le serait une élection de Sarkozy, au même titre, et en
aucun cas un "répit".
La voie de la défaite, c’est donc de faire campagne dans la ligne des
états-majors. En ce qui concerne le score de S.Royal au premier tour, pour
qu’elle soit au second, 2002 n’est pas 2007 (d’ailleurs en 2002 ce sont
Jospin et Hue les responsables de leur défaite, et personne d’autre). Que
ceux qui, en général aprés coup car à l’époque ils n’avaient rien perçu,
viennent nous faire ce coup là , réfléchissent à une chose : si Bayrou menace
de dépasser Ségolène Royal dans les sondages, celle-ci ne peut pas régler le
problème en grignotant les faibles scores annoncés pour Buffet, Besancenot,
etc. Deuxième chose : ce faible total, répétons-le, ne traduit pas le
rapport de force social réel de ces dernières années. Mais il est clair que
s’il se réalise le 22 avril ce sera pour nous, pour notre camp, pour notre
classe, une vraie défaite.
Donc le problème n’est pas de dissuader du vote à gauche du PS en faveur de
Royal, il est de donner confiance par une autre orientation visant :
1) à battre Sarkozy, Bayrou, Le Pen ...
2) à imposer une assemblée nationale PS-PCF mandatée et pressionnée,
3) à discuter du programme d’un gouvernement qui nous représente réellement,
4) à s’organiser sur ces objectifs.
C’est là la position contenue dans l’appel commun du CLSRD, du CCI(T) et du
Militant. Il nous semble qu’au moment actuel, on peut préciser que cela veut
dire que la victoire de la classe ouvrière le 22 avril ne saurait être ni la
victoire de "Ségolène" sur la gauche traditionnelle ni la victoire de la
"gauche de la gauche" sur le PS, mais une majorité absolue à la totalité des
candidats présentés par des organisations issues du mouvement ouvrier,
préparant d’ailleurs la majorité que nous voulons à l’Assemblée nationale
pour l’abrogation des lois de la droite et l’adoption des mesures d’urgence
sociale nécessaires.
C’est donc ensemble, travailleurs, électeurs qui veulent voter Royal ou
Besancenot ou etc. ..., qu’il faut nous organiser pour battre le capital. La
présence de Bayrou au second tour ou non n’est pas notre affaire : s’il est
au second tour, nous élirons Royal contre lui, et contre l’orientation
d’union nationale que Royal et DSK ont chacun à leur façon tentée d’incarner !
Vincent Présumey
– Source : Lettre de Liaisons
http://site.voila.fr/bulletin_Liaisons
Hôpital entreprise contre hôpital public, par Pr. André Grimaldi.
Sans casque, ni bouclier : témoignage d’un ex-officier de police, par Regarde à vue.
Forum Souveraineté Alimentaire - délaration de Nyéléni : Pourquoi nous battons-nous ?