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Guido Audino à Algerie patriotique : « La France a été un des piliers des différentes étapes du colonialisme »

Les quatre mots d’ordre de votre mouvement sont : condamnation, réconciliation, excuses et dédommagements. Quelles activités avez-vous menées jusqu’à présent ?

La première activité que nous avons menée a consisté en la création d’archives historiques sur notre site (www.colonialismreparation.org) qui montre la situation actuelle concernant la condamnation, la réconciliation, les excuses et les dédommagements du colonialisme, avec des mises à jour permanentes. Nous ne prenons en compte que les situations qui ont vu la participation des autorités internationales ou nationales (lois, décrets, prises de position officielles). Une autre activité concerne les prises de position que nous diffusons, aussi, à travers des communiqués de presse et des newsletters. Enfin, la campagne Stop colonialisme-Haïti, une campagne visant à faire pression sur les gouvernements de France et des Etats-Unis pour qu’ils dédommagent Haïti, et sur le gouvernement d’Haïti pour qu’il demande des dédommagements à ses anciens colonisateurs. Notre analyse considère que le sujet du dédommagement est aujourd’hui négligé, compte tenu de l’importance historique du colonialisme.

Qu’avez-vous obtenu ?

L’activité de Colonialism Reparation est menée au niveau international. Nous sommes en réseau avec des organisations similaires en Allemagne, en Espagne, en Indonésie, en Italie, au Nigéria, aux Pays-Bas, au Sénégal et en Suisse. Nos prises de position sont en train d’attirer plus d’attention de la part des personnalités, des organisations et des médias. Ceci nous permet d’accentuer la pression sur les autorités concernées.

Vous dites que le colonialisme devra être condamné par les pays qui en sont responsables eux-mêmes. Croyez-vous qu’une telle démarche est réellement réalisable ?

Oui, nous croyons que l’histoire humaine va dans cette direction ; les peuples demandent justice. Il n’y aura pas d’évolution positive dans le relations internationales sans passer par la reconnaissance des erreurs du passé. Il s’agit d’un processus qui est déjà en place. L’esclavagisme est désormais condamné au niveau international, à savoir par les Nations Unies et même par les pays qui l’ont largement pratiqué. Les Etats-Unis se sont excusés auprès des Noirs américains pour l’esclavagisme qu’ils leur ont fait subir, l’Afrique du Sud a mis en place un processus de réconciliation, l’Italie a dédommagé la Libye. Il faut tenir compte aussi du fait que, aujourd’hui, les équilibres internationaux sont en train de changer en faveur des ex-colonies, à l’exemple de l’Inde et de la Chine. Ces ex-colonies sont beaucoup plus nombreuses que les anciens pays colonisateurs.

Pourquoi la France fait-elle exception et refuse de reconnaître ses crimes en Algérie ?

Parce que la France a été un des piliers des différentes étapes du colonialisme : esclavagisme, impérialisme et néocolonialisme. Ce n’est pas un hasard si les organisations les plus actives en faveur des dédommagements se trouvent dans d’anciennes colonies ou d’anciennes puissances coloniales d’importance mineure.

Pensez-vous qu’une réconciliation historique entre anciennes puissances colonisatrices et anciens pays colonisés conduirait à une meilleure coexistence entre les peuples et diminuerait les tentations bellicistes ?

Oui, nous pensons qu’une telle réconciliaiton est indubitable. Mais celle-ci devra être réelle, pas seulement sur le papier ; elle devra impliquer aussi la societé civile à travers des campagnes d’information. Aujourd’hui, les citoyens des anciennes colonies vivent dans un climat de refoulement collectif du passé. Quand les peuples sont conscients, il sont aussi libres. Si cette réconciliation est fondamentale, elle doit être accompagnée, en tout cas, d’une condamnation au niveau juridique du colonialisme sur le plan international, afin d’éviter qu’il ne se reproduise à l’avenir. Cette condamnation doit être accompagnée aussi des excuses officielles et de dédommagements afin d’arriver à un accord commun et mutuellement satisfaisant. Il faut favoriser la suprématie de la « force du droit » sur le « droit de la force ».

Vous avez demandé à Israël de restituer les colonies occupées. La communauté internationale a-t-elle les moyens d’obliger Tel-Aviv à reconnaître la spoliation de terres appartenant au peuple palestinien, connaissant l’arrogance de cet Etat ?

La communauté international a les moyens d’obliger Israël à se plier aux lois internationales. En fait, les nombreuses resolutions de l’ONU contre Israël n’ont jamais été respectées à cause du veto des Etats-Unis. Si les Etats-Unis changent de position, cet objectif pourra être atteint.

Pourquoi Israël jouit-il d’une telle impunité, selon vous ?

Israël est toujours plus isolé au niveau international. Seuls neuf pays ont voté contre la résolution de l’ONU du 29 novembre 2012 qui a réaffirmé le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’indépendance. Le seul pays qui continue d’appuyer Israël, c’est les Etats-Unis. L’impunité cessera quand les Etats-Unis arrêteront leur aide militaire considérable à cette énorme base militaire appelée Israël. Il faut tenir compte, en outre, du fait que la politique israélienne est divisée et que, donc, il n’est pas dit que la pensée belliciste restera toujours majoritaire dans ce pays.

Nous sommes au XXIe siècle, pourtant beaucoup de pays vivent encore sous le joug du colonialisme, et ce, bien que les résolutions des Nations unies accordent le droit aux peuples de disposer d’eux-mêmes. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

Nous expliquons cela en disant, toujours, qu’il y a une inertie. La période historique précédente, à savoir l’impérialisme, continue de peser, mais moins qu’avant. La phase néocoloniale actuelle est caractérisée par l’exploitation économique, mais elle est en train d’évoluer parce que les équilibres internationaux se déplacent en faveur des pays anciennement colonisés. C’est ce qui a conduit à la crise que l’Occident est en train de vivre. Tout ceci laisse présager un avenir meilleur car les nouvelles puissances montantes n’ont pas les mêmes tendances bellicistes que les anciennes.

Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi
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