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Guerre contre l’Iran : un scénario vers le chaos ou le renouveau de l’Occident et du Monde arabo-musulman ?

Aujourd’hui, avec la crise économique mondiale, l’émergence de grands pôles économiques, le " Printemps arabe " et surtout les formidables avancées technologiques, le monde est en train de subir de profonds changements. Et une guerre que l’on annonce régulièrement contre l’Iran sans que l’on ne prenne en compte les risques qu’elle déborde et provoque un embrasement généralisé de la situation au Proche et Moyen-Orient, dont les conséquences seraient incalculables.

Depuis 67 ans, l’arme nucléaire, par sa démesure, a empêché l’affrontement majeur entre les grandes puissances. Au point qu’elles sont devenues ce que Raymond Aron appelait des " adversaires-partenaires ". En cas d’emploi, la précision ayant relayé la puissance, aucune puissance nucléaire quel que soit son dispositif antimissile ne pourrait échapper à la saturation de sa défense par le feu nucléaire de la puissance adverse. Mais, aujourd’hui, la situation a changé. L’Inde et le Pakistan sont devenus depuis 1998 des puissances nucléaires. La Corée du Nord aussi depuis 2006. Ces puissances moyennes sont-elles pour autant des " adversaires-partenaires ". Si on peut le considérer pour l’Inde et le Pakistan, pour la Corée du Nord, la situation reste posée. Il est évident que, dotée d’un armement nucléaire quantitativement limité, mais d’une stratégie telle que la Corée du Nord peut appliquer une stratégie du faible au fort menaçant ainsi un agresseur éventuel d’une sanction exorbitante par rapport à l’enjeu. Mais qu’en est-il pour l’Iran qui n’a pas dépassé le seuil du feu nucléaire. Si celui-ci s’avérait acquis, il placerait l’Iran dans le rang de la Corée du Nord. Pour comprendre, il faut remonter à la révolution islamiste d’Iran.

1. Le sens de l’avènement de la République islamiste d’Iran dans l’Histoire

Les Américains et les Anglais ont déjà été en 1953 l’artisan d’un coup d’Etat contre le Dr Mossadegh. Premier ministre iranien à l’époque, il a cherché à mettre à exécution une loi votée sur la nationalisation des puits de pétrole. Vingt cinq plus tard, c’est le tour du chah d’Iran qui est déchu, il prend le chemin de l’exil en janvier 1979. Le motif, il a cherché à briser un tabou : doter l’Iran de centrales nucléaires et de centres de recherche nucléaire pour une utilisation pacifique de l’atome. Dans les années 1970, l’Iran était considéré le gendarme du Moyen-Orient, et Israël, le gendarme du Proche-Orient, tous deux alliés des États-Unis.

De nouveau, cette ambition du chah de doter l’Iran d’un programme nucléaire rebondit avec la République islamique. Ce que l’on croyait résolu n’a été différé dans le temps. Force de constater que l’ambition de l’Iran pour le nucléaire est restée intacte.

Cependant, au-delà de la chute du chah et de l’ambition nucléaire de l’Iran, on est en droit de chercher le sens de la révolution islamique dans l’Histoire. L’utilisation de l’Islam à des fins politiques n’est pas nouvelle. Les États-Unis et leurs alliés, les riches pays du Golfe persique (Arabie saoudite, Qatar, Bahrein…) l’ont utilisé contre les pays arabes dits progressistes pour endiguer l’influence soviétique sur la région (où se trouvent les plus grands gisements de pétrole du monde). On est en droit de se poser une question. Si la révolution islamiste en Iran ne s’était pas opposée à la superpuissance américaine dès l’arrivée de l’ayatollah Khomeiny au pouvoir, quelle aurait été l’évolution des principaux conflits à l’époque (guerre civile au Liban, conflit israélo-palestinien) ? Il faut rappeler que l’Egypte pour récupérer le Sinaï avait fait défection à la cause palestinienne. En s’engageant à normaliser ses relations avec Israël, il a reçu une aide financière annuelle des États-Unis. Pour s’opposer au nouvel ordre israélo-américain dans le monde arabe, un " front de fermeté " (Algérie, Irak, Syrie, Libye, Yémen, et OLP) s’est constitué. Et c’est là où la République islamiste d’Iran a joué un rôle historique important. En s’opposant à l’Amérique, elle a mis en échec la stratégie américaine dite la " ceinture verte ". Si l’Iran s’était alignée à la puissance américaine, d’autant plus que la République islamique doit sa naissance à l’action discrète des États-Unis sur l’armée impériale du chah qui est restée pratiquement neutre, la " ceinture islamique " du stratège Brezinski autour de l’Union soviétique aurait doublement fonctionné. A la fois sur l’URSS et les pays arabes socialistes.

Que représenterait le " front de fermeté " devenu " front du refus " face au États-Unis et ses alliés monarchiques et iranien ? Le premier maillon du front du refus, c’est-à -dire l’Irak, serait emporté. La guerre Irak-Iran aurait tourné certainement à l’avantage de la République islamiste d’Iran. Le régime pro-soviétique d’Irak disparu laissera place à un régime islamiste. Par effet de domino, le régime syrien sera remplacé par un régime islamiste. Du front du refus, il ne restera que la Libye et l’Algérie. A voir ce qui est advenu au régime de Mu’ammar al-Kadhafi en 2011. Il est évident que la Libye comme l’Algérie n’échapperont pas à la vague islamiste. Au final, le monde arabo-musulman sera entièrement islamiste, du Maroc au Pakistan.

Le problème qui va se poser avec l’islamisme, ce sont les peuples qui, bien que fervents croyants, vont prendre progressivement conscience que les régimes islamiques seraient incapables de résoudre leurs problèmes économiques. Dans l’incapacité de répondre aux besoins des peuples, ces régimes procèderont de la même façon que les régimes autoritaires précédents. C’est-à -dire, ils seront prêts à toutes les démesures et compromissions avec la superpuissance américaine pour se maintenir au pouvoir. Plus grave, l’URSS évincé de la région, les Occidentaux, face aux désordres qui vont certainement apparaître au sein de ces pays (liés au chômage et à la mal-vie des populations), seraient tentés de procéder à un remodelage du monde arabo-musulman sur des bases ethniques, religieuses et communautaires.

La création de petites entités nationales musulmanes permettra à la superpuissance la sécurisation de la région convoitée par les autres puissances et en même temps une mainmise totale sur les gisements de pétrole. De plus, le monde musulman muselé, elle permettra aux sionistes, de réaliser leur rêve du " Grand Israël ", qui se fera au détriment des territoires des pays voisins. Ainsi apparaît que l’avènement de la République islamiste en 1979 n’est pas fortuit en Histoire, mais constitue un " frein " à l’hégémonie américaine sur le monde musulman.

2. Une situation de pré-guerre existe au Moyen-Orient

Soixante ans de violence ininterrompue dans un monde arabe divisé ont fini par épuiser l’élan nationaliste des régimes politiques en place.

Précisément l’attaque terroriste du 11 septembre 2001 et les guerres qui ont suivi en Afghanistan et en Irak sont venus remettre en question le statu quo imposé par les États-Unis et Israël. Le court temps d’euphorie dû à la victoire américaine en Irak en 2003 et l’annonce du remodelage du monde arabe (Grand Moyen-Orient) se transformant ensuite en véritable cauchemar pour la superpuissance, ont changé complètement l’équilibre géostratégique de la région. Dans le GMO, tous les pays réfractaires à la puissance américaine était visé, et en premier chef, l’Iran.

Mais l’influence grandissante de l’Iran sur le théâtre irakien et la volonté du peuple irakien de rejeter hors de leur territoire les forces étrangères ont changé les donnes. Précisément, cette guerre menée au Moyen-Orient et en Asie centrale et les débâcles qui ont suivi pour les forces occidentales ont eu un impact considérable dans le réveil des masses arabes. Au point que les États-Unis dont les forces américaines enlisées en Afghanistan et surtout en Irak, virent dans la République islamique d’Iran, l’ennemi N°1. Dès 2005, les États-Unis, prenant prétexte sur le programme d’enrichissement nucléaire, menaçait l’Iran de frappes préventives.

En 2006, les préparatifs de guerre achevés avec d’énormes effectifs militaires se dirigeant dans le Golfe arabo-persique, le déclenchement d’une guerre totale n’attendait qu’un assentiment du Président américain. Si le suspense a longtemps duré et, malgré la rhétorique des responsables néoconservateurs de plus en plus belliqueuse, le passage à l’acte ne s’est pas produit, c’est que déclencher une guerre requiert avant même l’assentiment du Président l’accord des chefs militaires. En termes d’analyse de la situation et des conséquences qui peuvent résulter d’une guerre étendue à l’Iran.

Précisément, embourbés en Irak, les responsables du Pentagone doutaient sérieusement quant à l’efficacité d’une attaque militaire US contre l’Iran. Une attaque contre l’Iran pouvait non seulement d’embraser la région mais risquait d’être improductive voire dévoiler la faiblesse des forces américaines dans une guerre à la fois conventionnelle et asymétrique. Des précédents existent déjà . La guerre du Vietnam et la débâcle soviétique en Afghanistan en témoignent si besoin est.

Dans une analyse en 2007, Zbigniew Brzezinski l’exprimait de manière abrupte : " Nous faisons face à une crise très sérieuse concernant l’avenir. Les vingt mois qui viennent vont être absolument décisifs. Si nous les surmontons sans que la guerre en Irak empire et s’étende à une guerre avec l’Iran, je pense qu’il y a de fortes chances que nous récupérions [...] Mais si nous entrons dans ce conflit plus grand, alors j’ai peur que l’ère de la suprématie mondiale américaine s’avérera avoir été historiquement très, très courte. "

Échec sur échec, en Afghanistan et en Irak, les Américains ont encore été fortement affectés par la crise financière de 2008. Pour ce qui concerne le dossier nucléaire iranien, les États-Unis privilégient les négociations internationales, tout en mettant en garde qu’ils n’accepteront jamais le statu quo. Quant aux menaces israéliennes de bombarder les installations nucléaires d’Iran, elles expriment simplement une connivence avec les États-Unis, pour maintenir la pression que " toutes les options sont sur la table ".

Une situation de pré-guerre existe réellement dans le Golfe persique tant les positions des parties sont éloignées les unes des autres. Qu’en sera-t-il de ce bras de fer sur le programme nucléaire iranien et d’une guerre annoncée contre l’Iran ?

3. La stratégie de contre-insurrection en Irak de l’ex-chef de la CIA

David Petraeus, annonciatrice du « Printemps arabe »

Bien qu’initialement couronnée de succès avec la chute rapide du régime irakien et le changement opéré au profit d’un gouvernement allié chiite, l’intervention américaine trouva rapidement ses limites face à la violence inattendue des situations alors improprement qualifiées de " post-conflit ". L’incapacité même des autorités américaines à parler d’insurrection avant 2005 montre au demeurant leur impréparation en la matière. Le modèle appliqué dit de haute intensité appliqué initialement, c’est-à -dire l’utilisation massive de la puissance de feu qui n’entre normalement que dans le cadre de guerre dite conventionnelle, s’est épuisé à déloger en vain des insurgés qui se dérobent au combat et dématérialisent les réseaux de commandement américain, les rendant ainsi invulnérables. D’autant plus que l’adversaire était agressif et aguerri par plusieurs guerres (contre l’Iran, la coalition en 1991 et les frappes aériennes durant l’embargo).

En réalité, cela ne devrait pas surprendre, les Américains ne faisaient que l’expérience que les Soviétiques ont déjà faite avant eux en Afghanistan. Dans une guerre asymétrique, les armées étrangères ne peuvent rien contre une insurrection armée intérieure (méconnaissance du terrain, ennemi diffus, pratiquement insaisissable, se fondant dans la population) sinon à procéder à des représailles qui ne feront que les enliser dans un conflit sans fin.

Précisément, dans cet échec de la stratégie américaine que le général David Petraeus qui a été dans les premières lignes dans la chute de Bagdad et ensuite dans l’occupation de Mossoul qu’il va tenter de comprendre les " erreurs " de l’armée américaine face à l’insurrection irakienne. Rentré aux États-Unis, il reprend les travaux de R. Trinquier et D. Galula qu’il fait rééditer et se passionne pour M. Bigeard et ses expériences en Indochine et en Algérie. Docteur en sciences politiques à l’université de Princeton et théoricien de nouvelles méthodes anti-insurrectionnelles de l’US Army, il réécrit un manuel de contre-insurrection (2004-2005).

En janvier 2007, alors que les forces américaines sont de plus en plus embourbées dans un conflit qui se double d’une guerre confessionnelle, il est rappelé en Irak. Le Surge (Sursaut) qu’il a mené contre l’insurrection irakienne à partir de cette date a permis de sauver in extremis l’administration Georges W. Bush du fiasco que beaucoup prédisaient à l’époque. Le plan reposait sur trois points. Un renfort de 30 000 soldats américains auquel il faut ajouter les 120 000 hommes des sociétés militaires privées (des sous-traitants avec l’US Army) déjà présents. Le deuxième point a porté sur l’achat des chefs de tribus sunnites dans la province d’el Anbar et leur ralliement à soutenir les forces américaines contre les insurgés. Financement et armement des milices sunnites ont joué, comme le souligne le général Petraeus, " l’argent est une munition ". Enfin, le troisième point a été le rapprochement des États-Unis avec l’Iran. Une série de rencontres officielles ont eu lieu à Bagdad. Ce qu’on croyait impossible à réaliser en 2006 en Irak s’est concrétisé en 2008. Grâce au tournant qu’a pris la politique des États-Unis en Irak, les attaques contre les troupes américaines ont diminué de 80% en deux ans. Bien que la contribution iranienne dans cette diminution du regain de la violence soit peu reconnue par les États-Unis, ces succès placent désormais l’Iran comme un interlocuteur incontournable sur la scène irakienne

En juin 2010, après un court passage au CENTCOM (Commandement central en Floride qui supervise les opérations au Moyen-Orient et en Asie centrale), David Petraeus est nommé par le président Barack Obama chef des troupes de l’OTAN et commandant de la Force internationale d’assistance et de sécurité (ISAF) en Afghanistan remplaçant le général Stanley McChrystal relevé de ses fonctions. Mais la stratégie de ce général intellectuel dans ce nouveau théâtre de combat n’a pas donné les résultats escomptés comme en Irak. Plusieurs raisons sont évoquées. On invoque que le général McChrystral n’a pas obtenu les troupes suffisantes pour rééditer le Surge en 2009, d’où ses relations crispées avec Obama. Il a reçu un renfort de 30 000 au lieu des 40 000 hommes qu’il a demandé. Alors que ce " Surge " n’était pas négligeable, puisqu’il ajoute 30 000 soldats aux renforts déjà envoyés par le président Obama après son entrée en fonction : en un an le contingent américain a triplé passant de 32 000 à quelque 100 000 hommes. Que pourrait faire son remplaçant, le général quatre étoiles David Petraeus, l’auteur de la stratégie, en 2010 ?

En réalité, la situation en Afghanistan n’est pas la même qu’en Irak. Pour comprendre, il faut recontextualiser ce qui a été dit sur la contre-insurrection en Irak. Les Sunnites n’ont pas été " retournés " comme on l’a fait croire. Il était clair pour tous les insurgés sunnites, chiites ou kurdes que l’occupation de l’Irak par les Américains n’était que temporaire. Les difficultés de l’armée US tant la situation devenait intenable, Washington, face à l’insurrection irakienne, prévoyait déjà un retrait de ses forces. L’occupation n’étant prorogée que par des Résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Par conséquent, les insurgés sunnites ont " sauté " sur la perche tendue par les Américains qui leur avait permis de " financer et d’armer à moindre frais " une force de 100 000 miliciens (les Sahwas). Une milice sunnite qui aura à s’aligner face aux 90 000 hommes chiites de l’imam Moktada al-Sadr et les 90 000 hommes de la force militaire kurde, les Peshmergas, pour, le moment venu, " peser sur le partage du pouvoir politique et économique " du pays de l’après-occupation. L’approche tactique des Sunnites, comme celui réciproque des États-Unis qui cherchaient à s’assurer d’une baisse de violence et une " sortie honorable de l’Irak " (sans défaite) peut se comprendre dans cette alliance scellée qui relève de la conjoncture politique et militaire de l’Irak.

En revanche, en Afghanistan, il n’y a pas de communauté à " acheter ou à retourner " dans le cadre de la " contre-insurrection ". La majorité de la population pachtoune, ouzbek, tadjik… est sunnite. Quant aux Hazaras chiites afghans, ils ne représentent qu’une petite frange de la communauté afghane qui est d’ailleurs représentée dans le gouvernement de Hamid Karzaï. C’est dans cette situation de stagnation, d’enlisement en Afghanistan et les nombreuses bavures sur les civils qui ne font qu’augmenter les ressentiments de la population envers les forces d’occupation et aussi de crise économique qu’un formidable événement va apparaître et redonner vie à la stratégie occidentale : le " Printemps arabe ".

4. L’irruption du " Printemps arabe " dans la stratégie de domination des États-Unis

L’immolation de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, un jeune tunisien, le 17 décembre 2010, va mettre le feu au poudre dans les rues arabes et faire tomber en moins de deux mois deux régimes jusque-là jugés comme les plus solides de la région. Le président Ben Ali fuit le 17 janvier 2011, après vingt-trois ans de dictature. Le président Moubarak démissionne le 11 février 2011, après vingt-neuf ans de pouvoir sans partage.

Le vent de la révolution tunisienne parcourt le monde arabe, déclenchant des contestations populaires de grande ampleur. La peur tombe et les foules défient les régimes. Les mouvements de manifestations débutent le 28 décembre en Algérie, le 14 janvier en Jordanie, le 17 janvier en Mauritanie et à Oman, le 18 janvier au Yémen, le 21 janvier en Arabie Saoudite, le 24 janvier au Liban, le 25 janvier en Egypte, le 26 janvier en Syrie, le 28 janvier dans les territoires palestiniens, le 30 janvier au Soudan et au Maroc, le 1er février à Djibouti, le 13 février en Libye, le 14 février au Bahreïn… Un incroyable mouvement contestataire synchronisé rappelle la Révolution de 1848 en Europe.

Le monde entier prend conscience du tournant historique que vivent les peuples arabes et l’on s’attend alors à une chute en cascade de tous les régimes autocratiques du Maghreb et du Machrek. En réalité, il n’en est rien. Le " Printemps arabe ", amplifié par la caisse de résonance extraordinaire qu’est l’Internet et magnifié par les chaînes de télévision satellitaires comme Al-Jazeera, permettant aux peuples de vivre la révolution en direct, à partir de la place de la Libération (Tahrir) du Caire et d’ailleurs, ne ciblent surtout que des pays non islamistes. Parmi ceux-ci, il y a les pays qui font allégeance à la superpuissance américaine comme la Tunisie, l’Egypte et dans une moindre mesure le Yémen, la Mauritanie. Et ceux qui ne sont pas alignés à la superpuissance comme la Libye, la Syrie, l’Algérie. Il est évident que les manifestations qui se sont propagées très rapidement et qui sont certainement spontanées compte tenu du ras-le-bol des peuples sur la précarité, le chômage, etc., ont néanmoins été " aidées " par l’Occident. Un Occident qui se trouve sans solution ni en Afghanistan ni en Irak ni en Iran. Plus grave, l’Iran non seulement ne se conforme pas aux résolutions internationales qui le somment à ouvrir tous ces centres nucléaires à l’AIEA mais, par son alignement à la Russie et à la Chine et son refus de se soumettre au diktat occidental, rompt totalement l’équilibre géostratégique de la région. Et tous les déboires américains et occidentaux au Moyen-Orient le doivent à l’Iran.

Des questions se posent pour l’Occident. " Comment combattre l’Iran ? " " Mener une guerre préventive ? " Des mesures qui ne doivent être entreprises que lorsque tous les moyens diplomatiques seraient épuisés. Or il s’avère que l’Iran est chiite, il n’est pas sunnite. Précisément le général D. Petraeus (nommé chef de la CIA en avril 2011) a éprouvé sa stratégie anti-insurrectionnelle en opposant les Sunnites contre les Chiites. Et sa stratégie s’est avérée payante. Si sa stratégie n’a pas fonctionné en Afghanistan pour des raisons qu’on a déjà développées, il reste que le monde arabo-musulman est un ensemble qui, pris globalement, présente des similarités avec l’Irak. Deux grandes tendances confessionnelles le traversent : le sunnisme et le chiisme. D’ailleurs, pour rappel, la révolution islamiste en Iran en 1979 a obligé l’Arabie Saoudite à exporter plus l’idéologie wahhabite pour lutter contre la nouvelle politique iranienne. Ce qui n’est pas nouveau pour les Américains puisqu’ils ont concouru avec le Pakistan dans la propagation de l’idéologie wahhabite sunnite, lors de la guerre d’Afghanistan, pour chasser les forces soviétiques occupantes.

Ainsi se comprend mieux l’essence du " Printemps arabe " et la nécessité pour les États-Unis de chasser des oligarques arabes et de les remplacer par des " régimes islamistes sunnites ". D’autant plus que les Frères musulmans et Salafistes sont les mieux organisés des partis l’opposition. Noyautés par l’Arabie saoudite et l’Occident, réprimés par la police, ayant une base très large grâce aux multiples oeuvres caritatives, ils ont tout pour remplir le rôle qui leur est assigné dans l’endiguement de la Russie et la Chine via la neutralisation projetée de l’axe Iran-Irak-Syrie-Hezbollah chiite.

C’est ainsi que les forces armées tunisiennes et égyptienne dépendantes indirectement des États-Unis sont restées très discrètes dans les mouvements populaires " spontanées " alors que le régime de Kadhafi sur lequel l’Amérique n’a pas de prise a nécessité le concours de l’OTAN pour le faire " tomber ". Quant à la Syrie, elle se trouve aujourd’hui projetée dans une guerre civile, et le conflit armé s’internationalise sans visibilité sur le futur.

Au-delà des stratégies occidentales et des enjeux qui opposent les puissances, il reste que le " Printemps arabe " a été un formidable succès pour les peuples arabes au point qu’il a suscité en Occident un mouvement pacifique, les " indignés ". Cependant, les monarchies arabes grâce aux pétrodollars ont échappé au " Printemps arabe ", comme d’ailleurs l’Iran face à la pression occidentale. Mais le mouvement populaire est enclenché dans les pays arabes, et il n’a pas épuisé toute cette énergie émancipatrice. Qu’en résultera-t-il dans les années à venir ?

5. Préparatifs d’une guerre contre l’Iran ?

Le monde aujourd’hui est à la croisée des chemins. Le " Printemps arabe " toussote. Les régimes islamistes sont implantés dans la plupart des pays de la " ceinture verte sunnite ". Cette " ceinture " qui a eu raison de l’URS en 1988 reste néanmoins fragile. Avec les heurts sociaux et l’instabilité, la situation des nouveaux régimes islamiques inquiète la superpuissance américaine.

Les peuples arabes dans le " Printemps arabe " ont montré qu’ils sont comme tous les autres peuples du monde. Ils rejettent la dictature et exigent la démocratie et l’équité dans le partage des richesses, donc de meilleures conditions de vie, de l’emploi et de la dignité. Ils s’opposent au verrouillage de la vie politique par les nouveaux pouvoirs. Parvenus démocratiquement au pouvoir, les partis islamistes face aux problèmes économiques détournent le débat politique sur l’identité collective. En faisant ressortir les racines islamiques, et donc des valeurs islamiques, ils tentent de dissoudre l’identité collective dans une sorte d’identité arabo-musulmane voire saoudo-wahhabite qui prêche la soumission des peuples à la domination du Qatar et de l’Arabie Saoudite. Evidemment, la stratégie aurait été possible si ces pays avaient les mêmes richesses que le Qatar et l’Arabie saoudite et si la majorité de la population avait accès à un emploi utile, ou, à défaut d’emplois, une aide substantielle de l’Etat garantissant les perspectives d’avenir à toutes les franges des sociétés. Or ce n’est pas le cas. Le fonctionnement politique des nouveaux régimes islamistes repose sur l’islamisme couplé à une force policière et militaire qui appuie le gouvernement. Comme cela fut dans les régimes autoritaires précédents. Y compris d’ailleurs en Iran où le système est verrouillé et largement dominé par les conservateurs qui se réclament du Guide suprême Ali Khamenei. La crise politique, lors des élections iraniennes en 2009, a montré que le peuple iranien a les mêmes aspirations que les autres peuples du monde.

La démocratie n’est pas un bien exclusif à l’Occident, mais une donnée universelle à tous les peuples. Les Occidentaux ont lutté pour y parvenir durant des siècles, et le chemin a été parsemé de nombreuses guerres jusqu’aux deux conflits mondiaux du XXe siècle. Par conséquent, le " Printemps arabe " ne signifie pas pour les peuples sunnites de " sortir d’une dictature " pour s’engouffrer dans une " autre dictature dusse-t-elle être islamiste ". Si cela aurait été le cas, le " Printemps arabe " serait alors un non-sens dans l’Histoire. Ce qui est impossible. Et on n’apprend pas l’Islam à des peuples dont l’identité des peuples est pétrie de quatorze siècles d’Islam.

Précisément, les États-Unis en sont conscients que la démocratie ne peut être pendant longtemps instrumentalisée pour mettre un régime qui n’a rien à voir avec elle. Les fondamentalistes, en réalité, ne sont que des éléments dans l’échiquier politico-militaire des États-Unis pour dominer le monde. Face aux violences populaires, ils doivent agir vite avant que le camp sunnite ne se lézarde, d’autant plus que les événements se précipitent. Une attaque terroriste à Benghazi qui a couté la vie à des diplomates dont l’ambassadeur américain, des troubles en Egypte, en Libye, en Tunisie, en Jordanie, au Bahreïn. Le grain de sable de la France qui, pour défendre ses intérêts dans la région (exploitation de mines nucléaires au Niger près de la frontière malienne), s’est attaqué au point extrême ouest de la " ceinture verte ", le Mali, alors que les pays de la CEDEAO, depuis une année, de réunion en réunion, promettent une force d’intervention pour chasser les islamistes du Nord du Mali sans que celle-ci ne voit le jour. Les États-Unis ont décidé que la crise malienne se résoudra politiquement et non militairement.

Enfin, le dernier grain de sable, l’Algérie a procédé rapidement à une riposte contre la prise d’otage par des terroristes islamiques sur un site pétrolier gazier de Tiguentourine (In Aménas). La rapidité et l’efficacité de l’intervention a surpris les puissances. Un autre pays qui fait peur. Au début, accablée vu les pertes occidentales en vies humaines, l’Algérie se trouve ensuite presque honorée. Le Premier ministre britannique David Cameron en personne s’est rendu en Algérie pour apporter un message de soutien de la Grande-Bretagne en matière de lutte contre le terrorisme mais, en même temps, informe qu’il faut combiner une réponse sécuritaire et politique à la crise malienne. Vu les enjeux, Le Premier ministre appelle à l’apaisement.

Quelques jours plus tard, à Londres, le Premier ministre Cameron parraine une rencontre entre le président Hamid Karzaï et son homologue pakistanais. " Les parties (...) se sont engagées à prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre le but d’un accord sur la paix dans les six prochains mois ", a indiqué un communiqué transmis par Downing Street à l’issue de discussions impliquant les deux dirigeants et le Premier ministre Cameron. " Le président Karzaï, le président Zardari et le Premier ministre (Cameron) ont affirmé qu’ils soutenaient l’ouverture d’un bureau à Doha (Qatar) pour des négociations entre les talibans et le Haut Conseil pour la paix en Afghanistan, dans le cadre d’un processus de paix mené par l’Afghanistan ", poursuit le texte (Le Monde.fr). Les présidents des deux pays voisins ont également " décidé de prendre des dispositions pour renforcer la coordination des libérations de talibans détenus au Pakistan, afin de soutenir le processus de paix et de réconciliation ".

Les forces de l’OTAN et européennes (ISAF) ne procèdent plus d’opérations militaires en Afghanistan. Plus encore, les États-Unis ont annoncé leur retrait en 2014. La situation donc s’assainit en Afghanistan, et les Talibans qui sont sunnites sont invités à rentrer dans les rangs. La " ceinture verte " est en train de se fermer à l’Est.

Un autre indice : les États-Unis, en décembre 2012, reconnaissent à leur tour (après la France, les monarchies arabes…) la nouvelle Coalition de l’opposition syrienne comme la " représentante légitime " des Syriens. "Nous avons décidé que la Coalition de l’opposition syrienne rassemblait désormais suffisament (de groupes), reflétait et représentait suffisamment la population syrienne, pour que nous la considérions comme la représentante légitime des Syriens ", a déclaré M. Obama dans un entretien à la chaîne de télévision américaine ABC. Cette décision américaine se comprend, elle est renforcée par la libération d’une partie du territoire syrien. Et les rebelles syriens utilisent désormais de l’armement lourd et des missiles anti-aériens.

On peut ouvrir une parenthèse sur la Syrie. Le conflit en Syrie et au Mali nous rappelle étrangement la situation en 1975. Une guerre civile au Liban et un conflit armé au Sud-Ouest de l’Algérie, le Sahara Occidental. Ces mêmes conflits sont survenus après l’affaiblissement du tandem israélo-américain suite à la débâcle américaine au Vietnam et la guerre du Kippour en 1973. Les mêmes causes produisent les mêmes effets.

La visite de l’émir du Qatar à Gaza est autre indice. Il cherche à éloigner le Hamas, un parti sunnite, de l’orbite de l’Iran.

Ceci étant, on peut dire que les préparatifs de guerre sont en train d’avancer discrètement. Cela se voit même dans le raid israélien contre des objectifs militaires en Syrie alors que ce pays est fortement éprouvé par la guerre civile. " Premier maillon de l’axe chiite " à briser, la Syrie livre des combats acharnés aux rebelles et aux groupes djihaddistes étrangers, soutenus par l’Occident et les pétromonarchies. De son côté, l’armée syrienne loyaliste est soutenue par ses alliés. On a donc une situation explosive où l’axe chiite Iran-Irak-Syrie-Hezbollah, soutenu par la Chine et la Russie, fait face à l’axe sunnite, pétromonarchies du Golfe-royaumes du Maroc et de Jordanie, Israël et Occident, auquel on tente d’allier l’Egypte,la Tunisie et la Libye. L’Algérie n’est pas dans ce cas de figure, par son histoire et sa guerre de libération, elle est opposée à toute forme de domination étrangère.

Le problème n’est pas seulement que la Russie et la Chine aient jusque là tout au plus bloqué des résolutions du Conseil de sécurité sur une intervention militaire sur la Syrie, le maillon faible de l’axe Iran-(Irak)-Syrie-Hezbollah, et contre l’Iran, ont laissé passer les sanctions économiques qui somme toute n’ont affecté l’Iran que sur le plan économique. Il est évident que si la Chine et la Russie avaient la conviction que leurs intérêts stratégiques en Iran étaient menacés, elles auraient opposés leur droit de veto aux sanctions économiques internationales. Ce qui veut dire que les dirigeants iraniens étaient très conscients du rapport des forces, comme d’ailleurs la Russie, la Chine et l’Occident.

Dès lors que les responsables iraniens n’étaient pas " fous " vu la disproportion manifeste des potentiels de guerre qui existe entre leurs forces et l’arsenal américain, force de dire qu’ils ont des " cartes maîtresses ", ou en d’autres termes, une " puissance de dissuasion " qui n’a pas été mise sur la " table " mais sous-entendue, ce qui explique pourquoi les puissances occidentales dont les États-Unis ont attendu si longtemps pour déclencher une guerre contre l’Iran. Il est évident que ces " cartes maîtresses " reposent sur le problème même qui oppose l’Occident à l’Iran, c’est-à -dire le " problème nucléaire ".

Et encore aujourd’hui, en ce début de février 2013, le Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, réitère la position de l’Iran sur le nucléaire. Il a opposé une fin de non-recevoir à l’offre américaine de négociations directes dans le dossier nucléaire, dénonçant la stratégie de Washington qui mêle sanctions et offre de dialogue. Il l’a clairement exprimé. " Cette déclaration du numéro un iranien intervient au lendemain de la confirmation par les États-Unis de nouvelles sanctions économiques contre l’Iran, quelques jours seulement après une " offre sérieuse " du vice-président américain Joe Biden à Téhéran sur des négociations directes dans le cadre du groupe 5+1 (États-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie, Chine et Allemagne). " Vous pointez une arme sur l’Iran en disant +négociez ou nous tirons+. Mais faire pression et négocier n’est pas cohérent et la nation ne se laissera pas intimider ", a lancé à l’adresse des États-Unis le Guide, lors d’un discours à Téhéran dont le texte a été publié sur son site internet (www.leader.ir). " L’Iran n’acceptera pas de négocier avec celui qui nous menace par des pressions ", a-t-il affirmé, estimant qu’une " offre de dialogue n’a de sens que quand l’autre partie montre de la bonne volonté. " Ceci en dit long non seulement sur le bras de fer Iran-Occident mais aussi sur le rapport des forces. En d’autres termes Ali Khamenei " pense très bien la partie de guerre qui s’annonce avec les États-Unis au cas où elle aura lieu ".

Ceci étant, qu’en est-il réellement des " cartes maîtresses iraniennes " ? Il est évident que le problème qui se pose n’est pas que la guerre se déclenche en 2013, ou à une date ultérieure (2014 ou 2015…), mais qu’il réside essentiellement dans l’" évolution de la guerre " ? C’est-à -dire qui aura le dernier mot, les États-Unis ou l’Iran ?

Probablement la guerre va se jouer dans les premières semaines, en cas de déclenchement d’un conflit armé, et ce quel que soit le prétexte invoqué. Il faut encore rappeler que l’Iran n’a agressé aucun pays, les seuls griefs que l’Occident lui reproche est d’avoir soutenu un pays allié (Syrie) comme le font d’ailleurs les Américains avec la Corée du Sud, le Japon, Taiwan…, ou de poursuivre un programme nucléaire que l’Iran déclare pacifique alors que l’Occident dément. L’Iran poursuit un programme militaire.

Donc il n’y a pas de grief militaire proprement dit comme fut l’invasion du Koweït par l’Irak.

La guerre déclenchée, il est clair que l’Iran, malgré sa riposte sur des cibles ennemies, ne peut attendre que le rouleau-compresseur de la puissance de feu américaine déferlée sur ses installations militaires et civiles les réduise à néant. L’Iran est contre les armes nucléaires, qu’il a maintes fois dénoncées comme contraire aux valeurs de l’Islam. Ce qui est vrai, la traduction même du mot de l’Islam est " Paix ", mais " Paix " ne signifie pas pour autant " se laisser détruire ". La seule solution qui se pose à l’Iran est alors d’équilibrer ses " moyens de puissance " avec ceux des États-Unis. Ce qui est licite dans l’Islam, et ce quel que soit le moyen utilisé.

Bien qu’il ne vise dans le programme de l’enrichissement nucléaire que des applications civiles, on peut penser que l’Iran, face aux menaces persistantes de l’Occident, a été poussé à se prémunir en se lançant dans un programme nucléaire secret qui vise des applications militaires. D’autant plus que " Installer des centrales nucléaires en produisant le combustible nécessaire, ce que l’Iran qualifie comme un droit naturel et inaliénable du peuple iranien ", est, dans un sens, légitime. " Pourquoi de nombreux pays en dehors des cinq grandes puissances du Conseil de sécurité ont le droit d’enrichir l’uranium pour leurs centrales ou de procéder à des applications à caractère pacifique et non l’Iran ou à tout autre pays musulman. Ou parce qu’ils sont musulmans ? " Le Pakistan est bien une puissance nucléaire. D’autant plus que l’Iran a signé très tôt le TNP (Traité de non-prolifération nucléaire).

Ainsi, par ce programme secret, l’Iran, en tant que " puissance non-nucléaire ", en cas d’agression par une " grande puissance nucléaire ", peut se transformer rapidement en " puissance nucléaire déclarée " pour équilibrer le rapport des forces. Ce cas est intéressant à formuler puisque Israël lui-même est aujourd’hui qualifié de " puissance nucléaire non déclarée ". C’est-à -dire qu’il a un arsenal de missiles à tête nucléaire, et, en cas de guerre globale avec le monde arabo-musulman, Israël sera prêt à lancé le feu nucléaire sur des villes et regroupements importants militaires des pays arabo-musulmans. Ainsi Israël s’immunise, en cas de perte du parapluie militaire américain, d’une guerre globale avec le monde musulman. L’arsenal nucléaire israélien joue un rôle de " dissuasion à la guerre ".

Précisément, l’Iran, de la même façon, raisonne. C’est ainsi que, " acculé par la guerre déclenchée par l’Occident ", il procèdera dans les premières semaines qui suivent le conflit à des " essais nucléaires (probablement) souterrains en cascades " comme un " avertissement " à la superpuissance. Il est évident que l’Iran va alors se dévoiler comme une " puissance nucléaire attestée ". On peut même dire que ses Shahabs 3B et Shahabs 2, de portée respectivement 2000 et 500 km, armés d’ogives nucléaires, sont déjà pointés sur Tel-Aviv, Ryad, Doha, Koweït-city, et sur le Bahreïn où se trouvent le commandement américain, position avancée du CENTCOM en Floride, et bien d’autres ville-cibles. On comprend d’ailleurs pourquoi le président Bush mettait l’accent dans l’implantation d’un dispositif NMD (projet de défense missiles-anti-missiles) en Pologne, en Tchéquie... contre une attaque nucléaire par l’Iran.

Quelle sera alors la réaction des États-Unis face à la nouvelle situation ? Ne penseront-ils pas que les Iraniens " bluffent ". Et qu’ils ne sont encore qu’au stade des premiers essais nucléaires. C’est possible, et les bombardements américains vont probablement continuer. Mais si Moscou et Pékin en tant qu’alliés à l’Iran informent Washington du changement de l’équilibre des forces au Moyen-Orient et surtout que la région du Proche et du Moyen-Orient court un réel danger de guerre nucléaire ? Ce n’est plus comme les analyses le font penser, un embrasement qui pourrait durer des mois voire des années, mais une apocalypse qui surgira en quelques jours. Ce qui est complètement différent. Les responsables iraniens qui voient leur pays attaqué, agressé par les Américains et leurs alliés qui procèdent à des destructions massives de leurs infrastructures et entraînant des milliers de morts vu la disproportion des forces en faveur des forces adverses, n’auront alors plus d’alternative. Mentionnons la déclaration de l’ex-président d’Iran, Hachemi Rafsandjani, le 14 décembre 2001, lors d’un sermon à l’université de Téhéran : " L’emploi d’une seule arme nucléaire contre Israël détruirait tout, mais, contre le monde islamique, ne causerait que des dommages limités ". Ce qui suggère que l’emploi de l’arme nucléaire pourrait être concevable contre Israël en tant que puissance ennemie.

Les États-Unis continueront-ils leurs bombardements massifs sur l’Iran encore longtemps, en se laissant espérer que les missiles patriots protègeraient Tel-Aviv, Ryad, Doha… de l’apocalypse venant des Shahabs 3B et E, vecteurs porteurs d’ogives nucléaires ? Vont-ils jouer à " la roulette russe sur l’existence des autres peuples " ? Les responsables iraniens ont déjà assimilé le " prix qu’ils auront à payer " s’ils déclenchent une guerre nucléaire dans la région, ce sera la " destruction de Téhéran, d’Ispahan, et d’autres villes iraniennes ". Adeptes du martyr et profonds croyants, les Iraniens estimeront que ce sera un sacrifice venant de Dieu.

Qu’en sera-t-il des villes israéliennes, Tel-Aviv, Haïfa, dont 40% de la population d’Israël sont concentrés dans ces villes ? La panique, l’exode. Qu’en sera-t-il des populations arabes à Ryad, la capitale saoudienne, à Doha, la capitale du Qatar, et ailleurs ? Une panique générale sera étendue à l’ensemble de ces pays et du monde ! Le monde entier sera tenu en haleine. Les médias occidentaux qui appelaient dans un certain sens à la guerre se verraient à changer leur " une " en appelant à la fin immédiate des hostilités.

Le peuple américain acceptera-il l’" aventurisme " de l’establishment américain ? Des millions de morts en Israël, en Arabie Saoudite, au Qatar, en Iran ? Une disparition totale des villes-capitales et des villes de provinces comme si elles n’avaient jamais existé. Cette " guerre apocalyptique extrêmement tendue " des premières semaines de guerre car il y va de plusieurs millions de vies humaines vient à point nommé confirmer les rumeurs de grands généraux de l’armée américaine, comme l’amiral William Fallon, alors chef du CENTCOM (2007-2008), qui a démissionné parce qu’il a refusé de cautionner la politique de Bush d’étendre la guerre à l’Iran, de l’amiral Michael Mullen, ex-chef d’état-major interarmées des États-Unis (le plus haut gradé de l’armée US à l’époque) qui est parti en retraite et qui, à maintes reprises, a affirmé qu’une guerre contre l’Iran, c’est l’ " inconnu ", pour ainsi dire le " noir ". En 2010, il s’est opposé à un raid israélien sur les installations nucléaires iraniennes. Et d’autres prestigieux généraux parmi lesquels le général Stanley A. McChrystal (il a quitté l’armée et travaille comme civil dans la firme Siemens) qui a compris en Afghanistan que ce n’est pas la guerre qui apportera une solution mais en respectant les peuples, en tentant de convaincre les peuples que l’Amérique est là pour les aider. Ce qui n’et pas le cas malheureusement. L’Amérique poursuit une stratégie de domination et non pour aider les peuples. Mais cette domination risque de déboucher sur plusieurs Hiroshima, plusieurs Nakasaki.

Il est évident que ces chefs militaires américains n’auraient pas été réticents pour porter le feu contre l’Iran s’ils n’avaient pas entrevu les risques qu’aurait entraînés un tel conflit. Dans toutes les armées du monde, ce sont toujours les chefs militaires qui apprécient les théâtres de guerre et non les politiques. C’est ainsi que la pression des politiques l’ayant emporté malgré l’éclairage des chefs militaires, une guerre est déclenchée contre l’Iran et le " monde entier aura tremblé ". C’est ce qu’il faut attendre lorsque les " politiques se mêlent de la guerre ". Quelle serait la réaction de la Russie et de la Chine si les " politiques américains " seraient poussés à provoquer l’" apocalypse " ? Une alerte mondiale ou pire, des " menaces " viendraient s’ajoutaient à d’autres menaces ?

Il est évident que le monde entier, surtout Israël, l’Arabie Saoudite et le Qatar qui attendront dans la peur l’issue de la guerre. Ils espéreront que l’Amérique arrête la guerre contre l’Iran. Et surtout que gagneraient-ils les États-Unis dans une apocalypse au Proche et au Moyen-Orient ? Une partie de leurs alliés qui disparaîtraient de la terre ! Et le monde ne serait plus comme avant.

Précisément, non seulement le Congrès américain s’interposera, mais le lobby juif qui a un très fort ascendant sur le pouvoir américain, dont l’American Israël Public Affairs Comittee (AIPAC), la puissante Republican Jewish Coalition et son équivalent démocrate, le NJDC), les puissants banquiers de Wall Street et enfin Benyamin Netanyahu qui aura perdu de sa superbe, vont de tout leur poids intercéder pour Israël, amenant les États-Unis à mettre fin à la guerre. Ce sera désormais un nouveau monde qui apparaîtra après la guerre Iran-Occident.

Ce qu’il faut dire sur cette donne que, depuis l’avènement de l’arme nucléaire en 1945, toutes les puissances qui sont devenues des " puissances nucléaires " l’ont été par la force des choses, à commencer par l’URSS et la Chine. Ces pays cherchaient à se faire contrepoids mutuellement. Donc l’URSS et la Chine ont été poussées à l’être, il y allait de leur survie, de leur poids dans le monde. De même pour l’Angleterre et la France. Après la défaite cinglante à Suez en 1956 (ultimatum de l’URSS), et leur retrait d’Egypte, ces deux pays, ayant perdu la face devant l’Union soviétique, sont devenus ensuite des puissances nucléaires. L’Inde face à la Chine aussi est devenue une puissance nucléaire, en 1998. Quelques jours après, c’est le Pakistan face à l’Inde. Là encore, la menace a prévalu. Israël et son complexe de Dimona, même principe, face au monde arabo-musulman. La Corée du Nord, en 2006, face à la Corée du Sud et son grand allié, les États-Unis. Aujourd’hui encore, l’Iran, une puissance nucléaire non déclarée face à Israël et les États-Unis. Il deviendra probablement demain une " puissance nucléaire déclarée " par la force des choses. L’Iran a déjà annoncé la maîtrise complète du cycle nucléaire. Tous ces pays ont été poussés pour une raison ou une autre, à s’armer de moyens nucléaires. L’Iran ne fera pas exception tant que l’embargo et les menaces de bombardements et d’invasion pèsent sur lui. Les mêmes causes produiront les mêmes effets.

Si la Corée du nord est aujourd’hui une puissance nucléaire, cela ne veut pas dire que la Corée du Sud ne peut pas l’être. Et le Japon non plus. Simplement, ces pays n’y sont pas poussés, estimant l’ " arme nucléaire non-utile " pour vivre pacifiquement avec leurs voisins. Malgré les litiges qui se posent pour le Japon et la Corée du Sud dans leurs aires respectives, ces deux pays ne sont pas tentés de passer ce seuil. Donc, chaque pays a une histoire et l’armement nucléaire est lié à cette histoire.

C’est dans cette vision de l’Histoire que cette étude se conclut en espérant qu’elle apporte un éclairage, une base de réflexion sur les conséquences géostratégiques et politiques que peuvent impliquer une guerre contre l’Iran. Une guerre asymétrique, conventionnelle ou nucléaire n’est pas une fatalité, elle n’est que ce qu’en font les hommes, et surtout les puissances. Un renouveau pointera peut-être pour les peuples des trois religions monothéistes qui comprendront que l’arme nucléaire, par la crainte qu’elle suscite, doit au contraire " rassembler " au lieu de " diviser ". Que les richesses pétrolières du monde arabo-musulman et technologiques du monde chrétien et juif sont au contraire " complémentaires ". Telle sera peut-être la finalité dans les frictions qui opposent aujourd’hui l’Occident au monde musulman.

Medjdoub Hamed

Officier de l’ANP en retraite (Forces Navales) Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective.

http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5180004
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5180087
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5180239

Notes :

* " Les fondamentaux économiques de l’année 2013 ", par Nouriel Roubini. Project Syndicate

" PROSPECTIVE : Pourquoi l’Occident et les pays pétroliers n’échapperont pas à une crise économique majeure ? ", par Medjdoub Hamed. www.sens-du-monde.com

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