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Face à la menace extrême que représente l’épidémie du virus Ebola, les médecins cubains sont une nouvelle fois au rendez-vous.

Gracias à Cuba

À l’heure présente, il n’est pas encore possible d’évaluer avec précision les conséquences en termes de vies humaines de l’épidémie d’Ebola qui touche l’Afrique occidentale, du Sénégal au Nigeria, et se concentre pour l’instant sur la Sierra Leone, le Liberia et la Guinée.

Il faut dire que, de façon générale, l’état sanitaire des populations de cette région est très mal connu – en raison du manque de moyens disponibles ou alloués aux institutions spécialisées locales, et du peu d’efforts consentis internationalement pour les aider. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait, à la mi-septembre 2014, à plus de 2 630 le nombre de morts directement causées par la maladie, et à environ 4 800 celui des personnes atteintes. Mais maints témoignages recueillis dans le terrible chaos des lieux les plus affectés laissent à penser que ces chiffres sont largement sous-évalués.

D’ailleurs, l’OMS elle-même n’a pas démenti le scénario selon lequel 20 000 cas supplémentaires pourraient être enregistrés d’ici à la fin de l’année.

Identifié pour la première fois en 1976 à l’hôpital de Yambuku, dans le nord de l’ex-Zaïre, le virus en question, Ebolavirus Zaïre, est létal à 90 % (neuf cas sur dix sont mortels, par fièvre hémorragique aiguë) et très contagieux dans des circonstances définies : par contact direct avec les liquides organiques. Si rien n’est fait dans les plus brefs délais pour stopper l’amplification de ce fléau, l’enfer ne sera pas seulement celui des autres...

165 Cubains de plus

Le 12 septembre dernier, la directrice générale de l’OMS, Margaret Chan, et le ministre de la Santé publique de Cuba, le Dr Roberto Morales Ojeda, ont donné une conférence de presse à Genève. Au nom du président Raúl Castro, Roberto Morales Ojeda a confirmé que son pays avait répondu présent à l’appel à la coopération anti-Ebola lancé par l’institution onusienne et le secrétaire général Ban Kimoon.

Cuba s’apprête à envoyer 165 professionnels de la santé pour venir en aide aux populations locales. Dans deux des trois pays les plus touchés – Sierra Leone et Guinée-Conakry –, des brigades médicales cubaines de vingt-trois et seize membres respectivement étaient déjà sur place et opérationnelles.

Cent soixante-cinq hommes et femmes en cours de préparation intensive à La Havane, afin d’être entraînés par leurs collègues de l’Institut de médecine tropicale Pedro-Kourí aux protocoles de sécurité et à la manipulation de matériels de protection. Soixante-deux médecins et 103 infirmiers qui ont fait le choix de quitter familles et amis pour aller défier la mort sur le continent africain et tenter d’y sauver le plus de vies possible. Tel est le sens de leur existence ; tel est aussi le message de courage, de solidarité et d’humanité que le peuple de Cuba et son gouvernement nous adressent à tous. Chacun jugera, en son for intérieur, ce qu’il faut en penser. Je dirai juste pour ma part, humblement, ma fierté de vivre dans un monde où, quelque part, malgré les difficultés gigantesques qu’il doit affronter (y compris un blocus !), un peuple a trouvé en lui les forces, les ressources et 165 héros pour agir de la sorte.

Il est vrai qu’aujourd’hui Cuba fournit à elle seule davantage de personnel médical aux pays du Sud que le G7. États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Canada, c’est plus de 36 000 milliards de dollars de richesses produites (près de la moitié du revenu mondial pour 10 % de la population du globe), contre à peine 65 milliards à Cuba (11 millions d’habitants, moins que le Sénégal, le Mali, le Niger). Alors moi, Français, je dis « honte à nos dirigeants du Nord » ! Précisons que ces 165 Cubains sont tous volontaires – cela va sans dire, mais mieux vaut le dire face aux flux incessants de calomnies déversés par les médias dominants occidentaux contre Cuba. Honte aussi à ces médias, dont l’exercice de la « liberté d’expression » consiste à recommander l’achat en Bourse d’actions des firmes transnationales pharmaceutiques susceptibles de réaliser de gros profits durant l’épidémie...

La participation cubaine, c’est pour l’heure, et de loin, l’offre la plus généreuse de docteurs, d’infirmiers, de spécialistes du contrôle des maladies infectieuses et épidémiologiques qu’a reçue l’OMS. Ces brigades médicales cubaines partiront, pour six mois sans rotation, travailler aux côtés d’autres volontaires de la santé – héros eux et elles également, d’où qu’ils viennent, locaux ou étrangers.

Elles sont composées de professionnels de haut niveau, expérimentés (quinze années de pratique minimum), ayant déjà effectué au moins une mission internationaliste et exercé dans des conditions de catastrophes naturelles ou épidémiologiques. Elles interviendront toutes, dans un premier temps, en Sierra Leone, en raison de l’ampleur de l’épidémie et l’urgence de la situation dans ce pays.

Cette décision s’explique aussi du fait d’antécédents de coopération en matière de santé publique entre Cuba et la Sierra Leone et de la nécessité de concentrer les efforts de ces effectifs médicaux afin de les rendre efficaces, de respecter les strictes normes sanitaires en centres de soins et de s’entraider pour éviter l’épuisement, le découragement ou même la contamination du personnel sur place.

Plus de 1,2 milliard de consultations médicales

Dans le même temps, les autorités médicales cubaines annoncent avoir adopté une série de mesures de prévention conformes au dispositif de contrôle sanitaire international sur les entrées et sorties des voyageurs ainsi qu’au renforcement de la « vigilance hygiénico-épidémiologique » nationale.

Les équipes de chercheurs cubains des différents laboratoires du système de santé publique et des industries médico-pharmaceutiques et biotechnologiques, dont les talents ne sont plus à démontrer, ont également été mobilisées pour tenter de trouver des solutions thérapeutiques et/ou préventives à la maladie. La tâche s’avère toutefois extrêmement complexe, et ce dès la phase initiale.

N’oublions pas que, par-delà cette contribution exemplaire au combat contre l’épidémie d’Ebola, plus de 4 000 (4 048, selon les données officielles) travailleurs de la santé cubains, parmi lesquels 2 269 médecins, participent actuellement à des missions internationalistes dans 32 pays africains.

Et que, depuis 1959 – le début de la révolution cubaine –, près de 77 000 ont fait partie des brigades médicales cubaines envoyées dans 39 pays d’Afrique. C’est d’ailleurs sur le continent africain, après une toute première aide apportée à la population chilienne victime d’un tremblement de terre (1960), que s’est ouverte l’histoire de la solidarité médicale de Cuba. C’était en Algérie en mai 1963, avec la venue sur son sol si douloureusement libéré du colonialisme de 55 médecins arrivés de La Havane.

Tout récemment, plus de 36 000 patients africains ont bénéficié de la mission Milagro (« Miracle »), grâce à laquelle ils ont pu recouvrer la vue ou l’améliorer, notamment ceux opérés de la cataracte. Ajouté à cela, et fondamentalement, de nombreux étudiants originaires d’Afrique sont aujourd’hui formés dans les écoles de médecine à Cuba ou, pour d’autres, dans leur propre pays.

Cuba, c’est la présence actuelle dans 66 pays de plus de 50 000 travailleurs de la santé, la moitié étant médecins. Les deux tiers d’entre eux sont des femmes, qui exercent, pour certaines, dans des conditions que l’on peut difficilement imaginer, jusque dans les montagnes du Pakistan. Résultat, en 55 années de solidarité : 595 000 missions accomplies dans 158 pays, 325 000 professionnels de santé engagés, 12 millions d’enfants vaccinés, 8 millions d’interventions chirurgicales effectuées, 2,2 millions d’accouchements accompagnés, plus de 1,2 milliard de consultations médicales réalisées... Il n’y a qu’un seul mot à dire aux Cubains, et ce mot, c’est : gracias.

« Argent et matériel sont importants, mais avec ces seuls moyens, on ne parviendra pas à endiguer l’épidémie d’Ebola, a déclaré Margaret Chan (OMS). Le plus important, ce sont les personnes ; des personnes qui ressentent de la compassion ; des médecins et des infirmiers qui savent comment réconforter leurs patients, en dépit des barrières qui les séparent, par exemple, du fait qu’ils sont obligés d’utiliser des moyens de protection et qu’ils travaillent dans des circonstances très difficiles. Cuba est mondialement reconnue pour sa capacité à former d’excellents médecins et infirmiers. Elle est aussi reconnue pour sa générosité et sa solidarité envers les pays en marche vers le progrès. [...] Je suis très heureuse que Cuba coopère à la lutte contre l’épidémie d’Ebola. Cuba est un exemple ». Les États-Unis, par la voix du président Obama, sont eux aussi restés fidèles à leur réputation, en décidant d’envoyer un contingent de 3 000 militaires au Liberia. Soit. S’il s’était agi de 3 000 médecins et infirmiers, nous aurions pu leur adresser toute notre gratitude ; et il y aurait eu sur place deux fois plus de professionnels de santé que ce dont dit avoir besoin Madame la docteure Chan...

Rémy Herrera

Octobre 2014 - Afrique Asie http://www.afrique-asie.fr/

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Rothschild Brothers of London, citant John Sherman, communiqué aux associés, New York, le 25 juin 1863.

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