Alors que le nombre de cancers de la thyroïde des enfants de Fukushima augmente (12 cancers confirmés et 15 suspectés), une nouvelle étape de désinformation massive a été franchie le 31 mai 2013 : la diffusion en masse de dépêches de l’AFP ou de REUTERS intitulée « Fukushima : pas de risque pour la santé après les émissions radioactives ». Ça me rappelle la mi-décembre 2011 quand le gouvernement japonais avait décidé que la centrale de Fukushima était en « arrêt à froid », et que les médias du monde entier avaient repris cette information en chœur. On se souvient, suite à cet « arrêt à froid de l’information », que la centrale crachait en fait toujours de la vapeur radioactive en 2012… On sait maintenant ce que vaut ce genre de dépêche expéditive. Le titre est trompeur, mais tout le monde le reprend ! Cherchez l’erreur. Honneur aux publications et aux journalistes qui reviendront sur ce sujet majeur qu’est la santé des populations, car tout est fait pour taire la vérité.
Quand je tape le titre de cette dépêche, mon moteur de recherche propose 143 000 résultats le 1er juin, 225 000 le 2 juin, 608 000 le 5 juin ! Quel buzz ! Et pourtant, il est facilement démontrable qu’il s’agit d’une supercherie. Honte à cette « équipe de chercheurs » de l’UNSCEAR (=United Nations Scientific Comittee on the Effects of Atomic Radiation, organe de l’ONU) supervisée par Wolfgang Weiss. Car la réalité est toute autre.
En fait, cette conférence de presse de l’UNSCEAR est faite pour contrer les derniers rapports de l’OMS et de l’ONU qui n’étaient pas assez complaisants avec l’AIEA, organisme qui n’existe que pour faire la promotion du nucléaire dans le monde.
D’une part, un rapport de l’OMS a indiqué en mars 2013 que les radiations provoqueraient un surnombre de cancers dans la région de Fukushima, d’autre part Anand Grover, représentant de l’ONU, a établi un rapport accablant téléchargeable ici et dont il fait état dans cette vidéo sous-titrée en français :http://www.youtube.com/watch?v=k-ASDK7YrPw&feature=player_embedded
Manifestement, il y a des forces contraires au sein de l’ONU. Il y a des gens à la base qui font le boulot pour lequel ils ont été embauchés, c’est-à-dire qu’ils informent les populations des dangers de la radioactivité, et il y a les dirigeants qui souhaitent étouffer le crime en cours au bénéfice des objectifs de l’AIEA toute puissante.
Voici des extraits du communiqué de l’AFP et mes commentaires :
« Les émissions radioactives après la catastrophe à la centrale nucléaire japonaise de Fukushima en 2011 ne devraient pas avoir de conséquences sur la santé à l’avenir, a estimé vendredi un comité de chercheurs de l’ONU à Vienne. »
Hormis Wolfgang Weiss, le communiqué ne donne pas les noms des autres chercheurs, les voici : Fred Mettler, Malcom Crick, Carl-Magnus Larsson et un cinquième individu qu’on aperçoit sur la photo mais dont le nom n’est pas mentionné. A moins que ces gens reviennent sur leur communiqué indigne de leurs fonctions, on retiendra bien ces noms quand la catastrophe sanitaire prendra de l’ampleur et qu’on recherchera des responsables pour non assistance à personne en danger.
http://img.over-blog-kiwi.com/0/54/77/39/201306/phpaafVZ2
Fred Mettler, Wolfgang Weiss, Malcom Crick, Carl-Magnus Larsson et ...
« L’exposition aux radiations qui a suivi l’accident nucléaire à Fukushima-Daiichi n’a pas entraîné d’effet immédiat sur la santé. »
Manifestement, ces experts sont mal renseignés. Ce n’est pas l’avis de la population qui a constaté de nombreux troubles suite à la contamination radioactive : diarrhées, saignements de nez, nausées, goût de métal dans la bouche, conjonctivites, pneumonies, etc. Tout cela n’est que fables pour l’UNSCEAR.
« Il est peu probable de pouvoir y attribuer à l’avenir des conséquences sur la santé pour la population globale et la grande majorité des travailleurs, pour qui l’historique de l’exposition aux radiations a été établi. »
C’est très bien rédigé ! L’UNSCEAR est très subtil car Tepco traine les pieds pour communiquer les listes des personnes qui travaillent à la centrale de Fukushima Daiichi. Il y a de nombreux oubliés et disparus, ceux-là ne seront jamais comptabilisés. L’Asahi Shimbun a rapporté le 28 février 2013 que Tepco n’a pas transmis les données concernant les doses reçues par 21 000 travailleurs à la centrale de Fukushima Daiichi. Ces données devaient pourtant être fournies à la Radiation Effects Association, une société d’intérêt public qui gère les données de dose des travailleurs de centrales nucléaires. L’UNSCEAR est-il au courant de cette pratique honteuse ?
« Les mesures prises par les autorités pour protéger la population (évacuation et protection sous abri) ont réduit de manière significative l’exposition aux radiations, qui aurait été dans le cas contraire multipliée par 10. »
Le rapport officiel de la commission d’enquête de la Diète sur la catastrophe de Fukushima n’expose pas ces choses de la même manière. L’UNSCEAR ignore totalement les conclusions de ce rapport dont voici un extrait :
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Des ordres d’évacuation chaotiques
L’enquête de la commission a révélé que de nombreux habitants n’ont pas été informés qu’un accident s’était produit ou qu’il s’aggravait rapidement et que des fuites radioactives avaient lieu, et cela, même après que le gouvernement et certaines municipalités en aient été informés.
Lorsque les conséquences de l’accident ont commencé à s’aggraver, les destinations d’évacuation et d’autres aspects de l’évacuation ont été souvent modifiés. Mais, même durant la période d’aggravation, la plupart des habitants proches sont restés dans l’ignorance de la catastrophe ou de sa gravité, sans parler du risque accru.
Un total de 146 520 habitants ont été évacués à la suite des ordres d’évacuation du gouvernement. Pourtant, de nombreux habitants proches ont été évacués sans informations précises. Dans l’ignorance de la gravité de l’accident, ils pensaient ne partir que pour quelques jours et n’ont emporté que le strict nécessaire. Les ordres d’évacuation ont été régulièrement révisés tandis que les zones d’évacuation passaient du rayon initial de 3 km à 10 km, puis 20 km, tout cela en une seule journée. A chaque fois que la zone d’évacuation était étendue, les habitants devaient se déplacer. Certains évacués n’ont pas été informés qu’ils avaient été envoyés sur des sites de forte radioactivité. Les hôpitaux et les crèches dans la zone des 20 km se sont débattus pour assurer des moyens de transport et trouver des hébergements ; 60 patients sont morts en mars de complications liées à l’évacuation. L’exaspération a monté parmi les habitants.
Le 15 mars, les habitants de la zone entre les 20 et 30 km ont reçu l’ordre de se calfeutrer. Comme cette mesure a duré plusieurs semaines, ces habitants ont été victimes d’un grand manque d’information et de moyens. L’ordre de calfeutrage a été en conséquence revu en évacuation volontaire. Mais là aussi, l’information sur cette modification a été tristement déficiente et les habitants se sont retrouvés à devoir évacuer sans posséder les informations indispensables. La Commission conclut que le gouvernement a de fait abdiqué sa responsabilité envers la sécurité publique.
Le fait que certaines parties de la zone des 30 km subissaient de forts niveaux de radiation a été connu avec la publication du Système pour la Prédiction de l’Information environnementale sur la dose d’urgence (SPEEDI), le 23 mars. Mais ni le gouvernement ni le Centre de Réponse d’Urgence nucléaire n’ont pris de décision rapide pour l’évacuation des résidents de ces zones qui n’ont été évacuées qu’un mois plus tard. »
(source) Rapport NAIIC
« Aucune mort liée à l’exposition aux radiations n’a été observée auprès des quelque 25.000 travailleurs envoyés sur le site de l’accident. Au vu du faible nombre de travailleurs très exposés, il est peu probable de pouvoir détecter dans les prochaines années une augmentation des cas de cancers de la thyroïde dû aux radiations ».
C’est faux. Des morts ont été observées. Mais l’UNSCEAR détourne les yeux. Il suffit de se limiter aux données officielles et c’est bon : il n’y en a aucune concernant les décès directement liés aux radiations nucléaires émanant de la centrale : des morts sont observées depuis deux ans, mais le gouvernement et Tepco refusent systématiquement de les lier à la radioactivité. Quand un crime a lieu et que le suspect nie, normalement on mène une enquête pour rechercher la vérité. Au Japon, qui mènera cette enquête puisque le déni officiel est permanent ?
« Les doses (de radiations) reçue après Tchernobyl, en particulier dans le cas des enfants et de la thyroïde, étaient beaucoup plus élevées que celles que nous avons mesurées à Fukushima. »
Il est manifeste que l’UNSCEAR va à l’inverse des conclusions d’Anand Grover, rejetées par le Japon : « Les autorités Japonaises ont finalement établi des zones radioactives bien plus restreintes que celles établies consécutivement à l’accident de Tchernobyl, M. Grover estime ainsi que le seuil de contamination de la Zone Rouge de Fukushima est "environ 4 fois plus élevé qu’en Ukraine". » (source)
Enfin, le communiqué de l’UNSCEAR d’origine parle aussi de la santé des enfants, l’AFP oublie de le mentionner, est-ce un hasard ou une volonté ? Le communiqué complet de l’UNSCEAR est disponible ici (langue anglaise).
Pour terminer, voici une vidéo qui va dans le même sens que le communiqué de l’UNSCEAR, produite par la préfecture de Fukushima : tout va bien dans le meilleur des mondes. Moi quand je visionne cette vidéo, j’ai des frissons, je vois les poussières radioactives qui volent partout, je vois les gens qui décontaminent sans protection, je vois les enfants jouer innocemment, c’est de la grande propagande…
http://www.youtube.com/watch?v=84pwrlih3Gk&feature=player_embedded
Pierre Fetet