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Etats-Unis : Des dizaines de milliers de personnes manifestent contre les attaques sur les fonctionnaires au Wisconsin

Mercredi, une foule évaluée à environ 30 000 personnes a manifesté à Madison, la capitale du Wisconsin, contre les attaques sur les salaires et les conditions des travailleurs du secteur public déclenchées par le gouverneur Scott Walker. La participation aux manifestations, qui se sont tenues toute la journée, a été la plus forte à midi et en début de soirée. La veille, une manifestation dont la participation avait été évaluée entre 13 000 et 20 000 personnes, et une série de rassemblements, de protestations et d’annulations de cours avaient été organisés à travers l’État.

Les responsables ont ordonné la fermeture du système d’éducation public du Wisconsin après que 40 pour cent des enseignants ont signalé avant mercredi matin qu’ils allaient prendre un congé maladie afin de participer à la manifestation. Des autobus de manifestants venant de partout à travers l’État ont afflué vers la capitale. Près de Milwaukee, une foule évaluée à 1500 personnes s’est rendue jusqu’à la maison de banlieue de Walker.
Environ 1000 lycéens ont fait grève dans la ville d’Appleton.

Dans un geste inspiré des manifestants égyptiens de la place Tahrir au Caire, des dizaines de travailleurs et de jeunes ont campé au siège de la législature d’État durant la nuit de mardi à mercredi. Ils ont juré de maintenir l’occupation jusqu’à ce que le projet de loi de Walker soit défait.

On croit que les manifestations vont se poursuivre jeudi et vendredi. Les écoles à travers l’État se préparent à des absences de professeurs et à des grèves étudiantes. Une importante grève des étudiants et des diplômés de l’Université du Wisconsin-Madison est prévue pour jeudi.

Un étudiant qui tient une pancarte disant : "Ne renoncez pas à mon
avenir !"

Le plan de Walker, qui pourrait être adopté, sous une forme ou une autre, d’ici le week-end, est un assaut considérable sur les travailleurs. Parmi une foule de propositions, le projet de loi empêcherait entre autres les travailleurs de négocier les retraites, les régimes de santé ou les conditions de travail. Seuls les salaires pourraient être négociés, mais les augmentations auraient pour limite supérieure la hausse annuelle de l’indice des prix à la consommation. Les salariés du secteur public seraient forcés de presque doubler leurs contributions aux régimes de retraite et de santé.

Au-delà de ces mesures radicales, Walker a rendu les travailleurs furieux par la façon antidémocratique qu’il les a exigées. Le 11 février, il a annoncé qu’il avait placé la Garde nationale sur un pied d’alerte pour faire face à toute résistance ouvrière.

La dernière fois que la Garde nationale avait été déployée au Wisconsin pour mater un groupe de travailleurs en grève a été le 1er mai 1886, lors du mouvement pour la journée de huit heures. Dans les jours qui avaient suivi la révolte de Haymarket à Chicago, la milice d’État avait ouvert le feu sur des métallurgistes en grève à Milwaukee, faisant sept morts.

Par ce projet de loi, le gouvernement de Walker s’arroge des pouvoirs dictatoriaux qui rappellent les abus de pouvoir exécutifs endémiques des gouverneurs du 19e siècle. D’après un communiqué de presse émis par le bureau de Walker, « si le gouverneur déclare l’état d’urgence, le projet de loi permet de nommer des responsables prêts à licencier tout employé qui serait absent durant trois jours sans la permission de son employeur ou de tout employé qui participerait à une action organisée dans le but de stopper ou ralentir le travail ».

Un des éléments les plus frappants des manifestations à Madison est le soutien qu’elles ont obtenu de la jeunesse. En plus de la grève de mercredi à Appleton, plus de 800 étudiants de Madison East High School, soit plus de 50 pour cent de l’école, ont organisé un débrayage et ont marché plus de 4 km jusqu’au State Capitol mardi. Une seule lycéenne, Ona Powell, aurait organisé la grève par l’entremise d’une page Facebook et par le bouche-à -oreille. Lundi, les étudiants ont fait la grève à Stoughton, une ville industrielle près de Madison.

Des étudiants du premier cycle et des étudiants diplômés de l’Université du Wisconsin-Madison, ont été très en vue dans ces manifestations, et des étudiants des campus de l’Université du Wisconsin à Milwaukee et Superior se sont aussi joints aux protestations

Mardi, Walker a tenté de faire campagne pour son projet de loi dans les villes de La Crosse et d’Eau Claire dans l’ouest du Wisconsin. Dans chacune des villes, il a été accueilli par des centaines de manifestants. A Eau Claire, son véhicule a dû modifier son trajet pour entrer dans une usine, en utilisant l’entrée arrière.

Walker tente consciemment d’opposer les travailleurs du secteur privé à leurs frères et soeurs de classe du secteur public. A La Crosse, il a dit aux métallurgistes que les travailleurs industriels avaient fait d’énormes « sacrifices », donc les travailleurs de l’État devraient faire de même. « Ce que je demande n’est rien en comparaison à tout ce que les autres font dans le secteur privé », a-t-il dit. « Nous croyons que ce sont des changements modestes et raisonnables. Je crois que la plupart des employés hors du gouvernement diraient que c’est une très bonne affaire ».

Toutefois, ces tentatives n’ont pas eu de succès. De l’avis général, de nombreux travailleurs du secteur privé ont participé aux importantes démonstrations à Madison.

Les syndicats de la fonction publique qui ont organisé les protestations, dont les branches de l’American Federation of Teachers (AFT), de la National Education Association (NEA) et l’American Federation of State, County and Municipal Employees (AFSCME) du Wisconsin, ont présenté leur campagne comme un effort de lobbying visant à influencer une poignée de sénateurs républicains afin qu’ils votent contre des éléments du projet de loi de Walker.

Les syndicats ne souhaitent défendre ni les conditions de vie de la classe ouvrière, ni le droit de grève, comme trop bien démontré par la NEA et l’AFT, lesquelles ont chacune appuyé l’assaut de l’administration Obama sur l’éducation publique et les normes du travail connu sous le nom de Race to the Top. Tous les syndicats de la fonction publique ont respecté les lois réactionnaires interdisant aux travailleurs de l’État de faire grève.

Au Wisconsin, les syndicats sont d’abord motivés par une mesure dans le projet de loi qui interdirait les cotisations syndicales automatiques, ce qui menacerait d’éliminer des millions de dollars de leurs revenus. Les syndicats acheminent cet argent au même Parti démocrate qui, dans de nombreux États aussi bien qu’un niveau national sous l’administration Obama, est le fer de lance des attaques contre les salaires et les emplois des travailleurs du secteur public. La seule différence est que les démocrates « collaborent » avec les responsables syndicaux pour implanter les coupures, alors que les républicains préfèrent ne pas négocier avec les bureaucraties syndicales.

Les demandes sociales qui animent les manifestants à Madison et à travers le Wisconsin sont complètement opposées à la ligne pro-austérité soutenue par les syndicats. Les protestataires voient leur combat comme une lutte contre les baisses de salaires, les attaques antidémocratiques sur les droits des travailleurs et les abus et les humiliations d’un système politique qui rabaisse constamment leur travail. En fait, de nombreuses pancartes et plusieurs commentaires faits lors d’entrevues montrent clairement que les travailleurs et les jeunes au Wisconsin s’identifient au soulèvement des travailleurs et des jeunes arabes contre les tyrans appuyés par les États-Unis au Moyen-Orient.

Christine Hendricks and Melinda Foster

« Le gouvernement veut que seuls les riches s’enrichissent, en oubliant la classe ouvrière et la classe moyenne », a dit Melinda Foster, une technicienne en radiologie à l’hôpital de l’Université du Wisconsin, au World Socialist Web Site. « Pourquoi ne peut-on pas couper le salaire des milliardaires et des cadres ? »

Sally, une enseignante, a dit que les coupes budgétaires rendraient le paiement des factures beaucoup plus ardu. « L’hiver dernier a été vraiment difficile pour moi », a-t-elle dit. « J’ai dû finalement emprunter de l’argent juste pour payer mon impôt foncier. J’ai un autre emploi en plus d’être professeur. Au moins, je n’ai pas d’enfant à l’université. Nous n’avons pas des boulots de rêve ; plusieurs parmi nous vivent d’un chèque de paye à l’autre en essayant de joindre les deux bouts. »

Edson, un professeur auxiliaire de l’Université du Wisconsin-Madison, a comparé les développements au renversement de dictateurs au Moyen-Orient. « Quand le gouvernement arrête de nous écouter, ça fait comme en Égypte », a-t-il dit.

En voulant défendre leurs emplois, leurs salaires et leurs droits et en luttant pour une plus grande solidarité avec les autres travailleurs - dans différents syndicats, différents États et même différentes nations - les travailleurs et les jeunes sont amenés inévitablement à entrer en conflit avec les syndicats et le système bipartite contrôlé par la grande entreprise. Mais ces sentiments doivent trouver expression dans des formes indépendantes de luttes et ultimement une expression politique consciente dans la lutte pour le socialisme.

Les manifestations au Wisconsin ont mis à mal le mythe du travailleur américain passif et arriéré. La prochaine étape de cette lutte est que de plus larges sections de la classe ouvrière suivent l’initiative au Wisconsin et entrent en lutte contre les baisses de salaires et les abus de pouvoir antidémocratiques.

(Article original paru le 17 février 2011)

http://www.wsws.org/francais/News/2011/fev2011/wisc-f19.shtml

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