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Entre Résistance et guerres civiles, le Liban aux avants-postes de la grande guerre régionale, par Nicolas Qualander.








[Si la situation ne bascule pas d’ici quelques semaines, l’opposition libanaise pourrait se retrouver dans une situation d’isolement international et institutionnel favorable aux positions militaires et politiques israéliennes.]




solidaritéS, 14 février 2007.


La crise ouverte au Liban, depuis décembre 2006, ne peut se comprendre qu’à partir de trois éléments : les conséquences politiques de la guerre des trente-trois jours entre Israël et la résistance libanaise ; la structure interne du Liban - un régime fondé sur le confessionnalisme politique - ; la situation régionale qui prévaut au Moyen-Orient et voit l’offensive impériale s’étendre à une multitude de fronts, du Liban à la Palestine, en passant par l’Irak, et sous peu l’Iran.


Lorsque le Hezbollah et ses alliés ont décidé de lancer un mouvement massif de protestation contre le gouvernement de Fouad Siniora, très proche de la France et des USA, c’était essentiellement pour transformer et capitaliser les acquis politiques de la guerre de juillet- août : il s’agissait de renforcer le camp de la résistance au sein du gouvernement, voire, par de nouvelles élections anticipées, de faire gagner l’Etat à la résistance. La situation reste en effet alarmante pour la résistance libanaise, dans toutes ses composantes : présence de forces occidentales sous l’égide de la FINUL au Sud-Liban, préparation d’Israël à une nouvelle guerre, collaboration d’une partie de la majorité gouvernementale avec l’ambassade américaine, arrivée massive d’armes - légères ou lourdes - dans les mains de nouvelles milices opposées au Hezbollah, notamment celles du Parti socialiste progressiste (druze), du Courant du Futur (sunnite) de Saad Hariri, et des Forces libanaises de Samir Geagea (chrétien).

Ce sont ces dernières qui ont provoqué une série d’incidents violents, lors de la grève générale initiée par l’opposition, le 23 janvier, et à la sortie de l’Université arabe de Beyrouth, le 25 janvier, causant une dizaine de morts et une centaine de blessés. Enfin, l’opposition n’oublie pas qu’en septembre 2007, les élections présidentielles ne manqueront pas de mettre à la tête de l’Etat un président pro-occidental, si la majorité gouvernementale reste au pouvoir, ce dernier étant élu par le parlement. Si la situation ne bascule pas d’ici quelques semaines, l’opposition libanaise pourrait se retrouver dans une situation d’isolement international et institutionnel favorable aux positions militaires et politiques israéliennes.


Le poids du confessionnalisme politique.

La structure constitutionnelle et sociale du Liban est marquée par le confessionnalisme politique : le gouvernement ne manque pas de jouer sur les oppositions entre chiites et sunnites, ou sur les divisions affectant la communauté chrétienne. C’est ainsi qu’un conflit de type politique opposant les forces qui résistent au plan américain de Grand Moyen-Orient à un gouvernement tourné vers l’Occident, est toujours à deux doigts de basculer vers la guerre civile. D’où la position cohérente du Parti communiste libanais vis-à -vis du Hezbollah : si l’opposition se contente d’un changement de gouvernement sans abolir le système confessionnel, alors la possibilité d’un conflit guerrier entre confessions aux intérêts opposés reste possible. Le Parti communiste soutient donc l’opposition, mais de manière très critique, l’encourageant fermement à adopter un programme social non confessionnel afin de renforcer le camp de la résistance.

Le conflit politique actuel reste en effet, en dépit des efforts de l’opposition et du Hezbollah pour fédérer l’ensemble des confessions contre le gouvernement, un conflit entre un bloc chiite allié à une forte majorité de chrétiens et à une minorité sunnite, et un autre bloc gouvernemental ralliant la quasi-totalité des Druzes, la majorité des sunnites et une partie des chrétiens. Force est de constater que ces logiques confessionnelles sont aujourd’hui alimentées par la situation régionale et par les événements en cours en Irak. L’horreur y atteint des sommets inégalés : une véritable guerre civile se développe sous nos yeux entre sunnites et chiites, encouragée, alimentée et amplifiée par la politique américaine dans la région.

Diviser pour régner, tel semble désormais le maître mot d’Israël et des Etats-Unis. Ces derniers ont favorisé l’opposition entre sunnites et chiites en Irak en théorisant une partition en trois zones, chiite, sunnite et kurde. En Palestine, il ne s’agit pas d’une guerre confessionnelle, mais d’une situation latente de guerre civile entre le Fatah et le Hamas, le Fatah étant largement encouragé et armé par les Etats-Unis et les puissances arabes saoudienne, égyptienne ou jordanienne.

Trois espaces moyen-orientaux subissent aujourd’hui une occupation directe, partielle ou totale, et des interventions militaires américaines et israéliennes : le Liban, la Palestine, l’Irak. C’est là où se déploient les logiques de partition et de guerre civile, et ce n’est pas un hasard. Les puissances coloniales ont toujours joué sur les réalités sociales et historiques des sociétés occupées, découpant et remodelant les frontières, opposant les confessions : ce qui aurait pu être une pluralité constituante riche et féconde - l’existence de cultures arabes multiconfessionnelles et diversifiées - s’est ainsi transformé en un abîme de divisions et d’éclatements sectaires.

Avec les menaces actuelles des Etats-Unis sur l’Iran, il y a désormais la promesse et la certitude d’une nouvelle guerre : celle du Liban, en juillet et août 2006, n’a été que le prologue d’une nouvelle phase offensive qui se jouera dans les prochains mois, et sur plusieurs fronts : au Liban, en Iran, en Irak, en Palestine, et dans la Péninsule arabique.

Car il faut comprendre ces guerres locales comme des pièces conjoncturelles d’un moment plus vaste, celui d’une grande guerre régionale, avec à la clé les dessins impériaux états-uniens. Le Liban s’est retrouvé aux avant-postes de ce conflit. Il l’est encore symboliquement et à double titre, car c’est là que se déploient le mieux les stratégies de résistance : la guerre des trente-trois jours en a été la preuve. C’est là aussi que la possibilité reste ouverte de voir se rouvrir et s’amplifier les spectres de la guerre civile et confessionnelle.

Nicolas Qualander


- Source : solidaritéS www.solidarites.ch




Mythes israéliens - De la Tromperie érigée en mode de vie, par Jonathan Cook.


L’horloge de L’Iran fait Tic Tac, par Robert Parry.

La saga des Gemayel : la Phalange, par Stefano Chiarini.


Liban : les forces spéciales de Samir Geagea sont de retour, par Nidal.






- Dessin : Allan McDonald www.allanmcdonald.com


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