RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
Nouvelle d’un samedi en Lacrymocratie

Eléments de langage pour passer en public pour un con ou un salaud

Un samedi ordinaire. Ça canarde, ça court, ça matraque sur la grande avenue. Je tousse, je pleure, j’en ai marre. Je m’engage dans une rue adjacente et j’avise un café. La terrasse ne sent pas trop la lacrymo. Un peu quand même, mais bon, le samedi, en ville, hein ?

Surprise, j’aperçois Jojo le Gilet Jaune qui s’est exfiltré aussi, tout seul comme un grand prévoyant qui veut ménager ses poumons. La rumeur dit qu’il y a du cyanure dans les gaz. Il est avec une fille, allure sportive, épaule tatouée, clope roulée, 20 piges, à vue de nez. Elle me dit son prénom : Rita. Ouais, un pseudo, je subodore.

- Tu tombes bien, me dit Jojo, on jouait à trouver des éléments de langage pour passer pour un con ou un salaud en public. On imagine qu’on est invités chez des amis et, avant de passer à table, la flute de blanquette de Limoux en main, on dit, on dit, heu, tu vas voir.
Ils ont noté sur un bout de papier. Rita lit à haute voix en prenant une voix d’idiote :
- les gilets jaunes sont trop violents,
les centres villes sont pris en otage,
les commerçants sont au bord de la faillite,
Steve est« tombé » dans la Loire alors qu’il n’y avait même pas de charge policière,
l’enquête en cours déterminera les circonstances de l’accident,
je fais confiance à la Justice de mon pays,
je respecte la présomption d’innocence pour les policiers
le téléphone de Steve ne bornait plus une heure avant la charge des policiers,
va savoir s’il n’était pas bourré ou drogué,
Zineb Redouane n’a pas été tuée à sa fenêtre par une grenade, elle est morte à l’hôpital pendant qu’un chirurgien l’opérait.

Jojo avale une bonne goulée de bière et s’esclaffe. Je commande un demi au serveur qui passe à proximité et qui ne semble pas réjoui plus que ça de voir attablés des individus porteurs de gilets jaunes. Rita reprend, la diction et les mimiques de plus en plus idiotes.
- les gilets jaunes sont
d’extrême gauche,
d’extrême droite,
récupérés par La France Insoumise,
antisémites,
anti-migrants,
misogynes,
violents
fumeurs de clopes,
manifestants sans autorisation,
incendiaires,
casseurs,
consommateurs de diésel,
énergivores,
complotistes,
manipulés par les Russes.

Elle fait une pause pour boire dans le verre de Jojo. Elle me demande, avec un mouvement du menton :
- Tu peux en ajouter ?
- Oui, Bon, voyons,
C’est la Peste brune,
ils ne savent pas ce qu’ils veulent,
il faut faire appel à l’armée,
le mouvement s’essouffle,
ils font des bouchons aux ronds-points, ces cons-là,
Macron les a compris,
pourquoi ils s’attaquent aux vitrines des banques ?
les LBD sont indispensables,
la police fait preuve de modération,
ils ne respectent pas les symboles de la République,
ils font fuir les touristes sur les Champs-Elysées,
ils ruinent notre économie,
il faudrait leur supprimer le RSA,
ils ont brûlé une effigie du président, c’est grave,
la Justice est indépendante.

Ha ! Ha ! Elle rit, Jojo aussi, et moi aussi. Le garçon apporte mon demi, je prends le verre et je me dessine une moustache de mousse.

-Si ça ne vous dérange pas de me payer tout de suite ? dit le serveur.
Il jette un œil inquiet vers le bout de la rue d’où déboulent une douzaine de gardiens de l’ordre, de la sécurité, de la République et de la liberté. Il se demande si on aura le temps de finir nos consos.
On se lève, calmes comme des qui auraient fait ça toute leur vie, on prend nos verres et on rentre dans le café.
Jojo, qui parle couramment le langage de la poulaille suggère :
-A priori, il faudrait fermer votre établissement pour qu’ils n’entrent pas tout casser.
J’ajoute :
- Je crois a posteriori qu’il a raison.
- Moi aussi, subséquemment et nonobstant, conclut Rita qui aime bien les mots flicards qu’elle ne comprend pas.
Le garçon obtempère, il nous pousse vers le fond de la pièce, derrière un paravent. On se marre en voyant passer les monstres, mi-vautours, mi-taureaux.

Nous, on est des lions mais, là, ça ne se voit pas bien.

Vincent MORET
(Fiction).

URL de cet article 35542
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Un autre regard sur le 11 septembre
David Ray GRIFFIN
« En s’appuyant sur des milliers de sources, cette critique détaillée, loin de partir d’idées préconçues ou d’exprimer une opinion réactionnaire, soulève assez de questions précises et dérangeantes pour étayer une demande de nouvelle enquête plus convaincante que jamais. » - Publishers Weekly Présentation de l’auteur David Ray Griffin est professeur émérite de philosophie des religions et de théologie à la Claremont School of Theology et à la Claremont Graduate University. Il est également, co-directeur du (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au VietNam une tête coupée et un oeil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées. de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. [...]

Aimé Césaire

"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.