La campagne pour les élections municipales au Venezuela est sur le point de se terminer. Le peuple sera de nouveau convoqué aux urnes cette année le 8 décembre prochain pour désigner qui, des 16.800 candidats en lice, occupera les 365 postes de maires et 2389 postes de conseillers municipaux.
Lors de la dernière confrontation électorale municipale, le Parti Socialiste Uni du Venezuela (Psuv) et ses alliés avaient remporté 64% des mairies et surtout 18 des 22 capitales régionales. Le Psuv pourra-t-il désormais maintenir ce pouvoir local ?
La guerre économique
Profitant du départ, puis du décès du Comandante Chávez, certains secteurs économique et financier se sont lancés dans une véritable guerre contre le Peuple vénézuélien. Que le gouvernement ait une part de responsabilité, certes. Que le fléau de la corruption existe toujours au Venezuela, et favorise les diverses marchés de contrebande (essence, produits alimentaires, devises), certes. Il n´empêche. En seulement quelques mois, l´inflation a enregistré son pire niveau depuis près de 20 ans. Plusieurs produits de première nécessité sont plus difficiles à trouver, des coupures d´électricité irrationnelles sont venues perturber la vie quotidienne des vénézuéliens, notamment en province.
Dans le même temps, les politiciens d´opposition et l´écrasante majorité des media vénézuéliens pointent du doigt « l´incompétence » du président Nicolas Maduro. Nul ne peut nier qu´il s´agit d´une nouvelle épreuve de force contre la Révolution Bolivarienne orchestrée par de puissants secteurs économiques nationaux et internationaux, pour tester le premier gouvernement révolutionnaire de l´ère post-Chávez. L´histoire chilienne (1) , ou encore les attaques similaires contre le Peuple vénézuélien durant l´année 2007(2) viennent rappeler que la bourgeoisie vénézuélienne est résolue à reprendre le contrôle du pouvoir, peu importe les conséquences sur la vie de leurs compatriotes.
La stratégie de l´opposition n´évolue guère mais elle s´adapte : créer des conditions de vie impossibles pour capter ce mécontentement dans les urnes. En somme, un remake du lock-out pétrolier de 2002 ou du blocus organisé de 2007. Les candidats de la Mesa de Unidad Democrática (MUD, plateforme qui regroupe tous les partis d´opposition) ne font pratiquement pas campagne électorale. Il est vrai que l´absence de programmes sérieux de gestion locale ne joue pas en leur faveur. Lors de leur rares apparitions, les candidats se limitent à offrir tous types de solutions afin de résoudre des problèmes qui dépassent de bien loin les simples compétences d´un maire ou d´un conseiller municipal. La stratégie est avant tout de capitaliser la grogne suscitée par les attaques économiques.
Pour Henrique Capriles, éternel candidat à la Présidence de la République, cette élection pourtant municipale doit être “un plébiscite pour en finir avec ce gouvernement” (3) . L´enjeu pour la droite vénézuélienne n´est pas de conquérir le plus de mairies mais de dépasser le chavisme en nombre d´électeurs, afin de légitimer la prise de pouvoir de manière légale, ou pas.
La réponse de l´Etat
Le 6 novembre 2013, le président Nicolas Maduro a annoncé une série de mesures visant à stabiliser la situation économique : inspection des commerces, création d´une Corporation Nationale du commerce extérieur affirmant la participation de l´Etat dans l´importation de certaines marchandises, créer un fond de compensation pour la sécurité de l´approvisionnement des biens de première nécessité -ce fond sera financé en parti par les amendes payées par les commerçants spéculateurs (4) . Quelques jours plus tard, le 19 novembre 2013, l´Assemblée Nationale vota la ley habilitante permettant au président de gouverner par décret dans le domaine économique pour une durée d´un an. Celui-ci renforça les premières mesures : l´Etat fixera à 30% le bénéfice maximum des entreprises importatrices, le prix des loyers des petits commerçants dans les malls sera fixé par l´Etat à un prix raisonnable, les banques devront augmenter le taux d´intérêt des plans d´épargne, afin d´enrayer la spirale consumériste.
Le gouvernement, l´armée et les conseils communaux sont envoyés dans les boutiques des grands importateurs pour rétablir une rationalité des prix de vente au public. On découvre qu´en plus de cacher de la marchandise, les grands importateurs réalisaient des bénéfices de plus de 1000% ! La chaine mafieuse de la spéculation organisée est touchée. Maduro s´attaque à la bourgeoisie compradore véritable responsable de l´envolée des prix en quelques mois (5) .
Même s´il est un peu tôt pour pronostiquer une conséquence électorale de ces mesures, l´action de l´Etat á laissé l´opposition sans voix. Le referendum symbolique contre “l´incompétence” du chef de l´Etat que souhaitait Capriles est désormais hors de propos. L´Etat semble, enfin, agir avec force, ce que souhaitait une grande majorité des vénézuéliens au delà de la couleur politique.
D´un plébiscite contre Maduro à un referendum contre Capriles ?
La stratégie de Capriles Radonski et de ceux qui le suivent au sein de la MUD était tracée : transformer des élections locales en un plébiscite national contre le gouvernement. Dans le cas où l´opposition arriverait à obtenir une nette majorité d´électeurs, elle lancerait ses partisans dans des actions de rue pour prendre le pouvoir de manière illégale. Point de paranoïa chaviste, plusieurs dirigeants de l´opposition, dont Capriles, avaient laissé entrevoir leur plan dans les media privés. (6) Ce dernier prévoit d´ailleurs que le gouvernement “réprimera” les manifestations suivant les élections municipales indiquant ainsi sa tentative de déstabilisation. Rappelons que le mandat de Nicolas Maduro vient à échéance en 2019, et que la seule façon démocratique de le destituer est un référendum révocatoire á mi-mandat.
Mais comme dit Capriles, en cas de victoire de l´opposition aux élections municipales : “si le gouvernement ne comprend pas le message de changement, le peuple lui passera dessus” (7). Très élégant et très peu démocratique. Il serait intéressant de savoir ce que penserait François Hollande d´une telle déclaration à la veille des élections municipales en France…
Cependant, le pari de Capriles est loin d´être acquis. Loin d´un raz de marée de l’opposition, on se dirige plutôt vers le renforcement de deux blocs d´électeurs assez similaires en quantité (8) . De plus, il n´est pas aisé d´hurler à la fraude comme lors de l´élection présidentielle. Les maires élus de l´opposition ne contesteront pas la validité de leur élection.
L´opposition n´est pas un bloc monolithique. Plusieurs forces politiques la traversent (9) . Son leadership est aujourd´hui assumé par la frange la plus radicale et la plus néolibérale. Or, si la stratégie de Capriles est défaite dans les urnes, il y a fort à parier que les autres courants de la MUD régleront leurs compte avec cette machine à perdre qu´est le gouverneur de Miranda.
Le plébiscite contre Maduro pourrait alors se retourner contre son inventeur. Réponse le 8 décembre au soir dans les urnes.
Romain MIGUS