« Ceux qui perdent leur temps à dénoncer le « péril oriental », alors que les Orientaux ne menacent personne, ne font aucun prosélytisme et demandent simplement qu’on les laisse tranquilles chez eux, ce qui est assez légitime, ceux-là , dis-je, devraient bien se rendre compte que le vrai péril, pour l’Occident moderne, est celui qui vient de ses propres défauts. »
René Guénon (1)
Coup de sang…
« Il entra dans le Temple, et il se mit à chasser ceux qui vendaient, leur disant : Ma maison sera une maison de prière. Mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs. » (2)
Jésus, multipliant les coups de cordes de chanvre sur le dos des « marchands » qu’il chassait du Temple, les traitant de voleurs.
Lui… Non-violence, douceur, tendresse…
Dès que prière et spiritualité en sont infestées. Tièdes, hypocrites, voleurs, trafiquants, il ne peut s’empêcher de les "vomir" . Expressions, qualificatifs, repris par les Evangiles, dans leur crudité, leur dureté.
Moment fort, explosion d’indignation, qui m’a le plus marqué à leur lecture.
Comment ne pas y penser, devant le grouillement des manipulations engluant les Eglises d’Orient, mosaïque fascinante de communautés chrétiennes souvent férocement antagonistes entre elles, au cours des siècles, dans la préservation de leurs identités schismatiques ?...
Coups tordus…
Oui, je sais. Des politiciens affirment que "la religion n’a rien à voir avec la politique" . Mais, l’aveuglement doctrinaire n’est-il pas, actuellement, la pathologie intellectuelle la mieux partagée ?…
L’instrumentalisation des religions est aussi ancienne que leur apparition dans nos sociétés. Trafiquer n’est pas limité aux biens matériels, mais s’applique tout autant aux informations, aux faits. Religieux ou pas. L’art de duper étant le même.
Quand hiérarchie, dignitaires, prélats et autres notables des Eglises d’Orient, souscrivent, "les yeux fermés" aux pires campagnes de propagande islamophobes. Pas tous, mais presque… Ils dupent ceux qui leur font confiance. Sur leur sincérité, leur honnêteté, leur sens des responsabilités.
Car, s’effectue un travail, intense, méthodique, alimenté par des moyens financiers considérables, pour dresser les chrétiens d’Orient contre leurs compatriotes musulmans, leurs « frères », devrait-on dire… Et, via leurs relais en Occident, les chrétiens, tout particulièrement, d’Europe, d’Amérique du nord, et même d’Australie, contre le monde musulman dans son ensemble. Opinion publique occidentale méticuleusement désinformée par les médias, publics ou privés, laïcs ou pas, de la propagande officielle.
Je cite à dessein l’Australie, ouvrant une parenthèse, nos "journalistes d’investigation" , "décrypteurs" autoproclamés de l’information, n’en parlent jamais. Sauf pour nous enfumer dans l’opium des peuples, les rituels : JO, rugby, surf et tournois de tennis.
Ce pays joue pourtant un rôle, en Asie - Pacifique sud, équivalent à celui d’Israël au Moyen Orient. En plus discret, moins "sanguinairement explosif" . Ses troupes se sont retrouvées à guerroyer au Vietnam aux côtés des USA ; sont en Irak et, inévitablement, en Afghanistan et au Pakistan. Sa marine, aux marges des eaux territoriales chinoises, en posture permanente de provocation OTANesque. En échange, la nomenklatura australienne reçoit son bout de gras…
Menant une politique étrangère agressive et conquérante, totalement alignée sur l’extrême-droite US, elle s’est emparée de la moitié de l’île de Timor en 1999, le Timor Oriental. Partie de l’Indonésie arrachée à sa souveraineté, avec la complicité de la Communauté Internationale qui, à son habitude, installa un gouvernement "indépendant" fantoche. Imposant sa force, elle en pille les ressources minières : pétrole, gaz, manganèse, marbre, or…
Tout comme en Papouasie-Nouvelle Guinée. En principe, Etat "indépendant" , équivalent en superficie à la France, membre du Commonwealth, qu’elle pille tout aussi systématiquement. Laissant, pour soulager leur misère, coquillages et tatouages aux "indigènes" . On y trouve, il est vrai, parmi les plus grandes mines d’or et de cuivre du monde, avec du pétrole en prime…
N’oublions pas, dans notre réflexion de "géopolitique religieuse" , que les principaux grands groupes miniers mondialisés sont "domiciliés fiscalement" en Australie. Dans un souci de rationalisation de la prédation entre ses membres, Big Business procède, en effet, à une répartition des zones ou des spécialisations d’intervention : militaires, minières, financières, etc.
A charge pour les services spéciaux australiens, de propagande, de guerres psychologiques, de diaboliser l’Islam dans sa zone géographique où les communautés musulmanes sont majoritaires.
Deux pays sont très "travaillés" dans cet exercice de déstabilisation, avec même une accentuation des opérations spéciales (psyops, dans le jargon du métier…), depuis une bonne décennie : Indonésie et Malaisie.
L’objectif étant, à terme, de démanteler, éclater, ces pays ; comme l’Irak en ce moment, le Pakistan ou l’Afghanistan dans un futur immédiat, et l’Iran dans une perspective proche. Facteur aggravant, Indonésie et Malaisie se permettent de critiquer le comportement occidental dans les pays musulmans, de la Palestine au Pakistan. Impardonnable crime de lèse-Empire…
Là , la thématique de la désinformation n’est plus celle de la jupe, des minarets, de la burqa, ou de l’hamburger halal. Du musulman "incapable de s’intégrer dans une société occidentale" , dite "moderne" , à moins qu’il ne se décide, de gré ou de force, à abandonner sa religion.
L’angle d’attaque est différent. Nous sommes dans la manipulation des religions sur le plan de leur coexistence. En l’occurrence, prouver, démontrer, l’incapacité de l’Islam à "cohabiter" avec d’autres religions. Les tolérer. Au Moyen-Orient, comme en Asie…
Induisant, dans des campagnes de propagande parfaitement coordonnées entre plusieurs continents, le réflexe pavlovien, ou subliminal, du vieux slogan colonial :
"Cogner pour civiliser" .
La presse rugit…
La presse rugit, intoxiquée par l’argent pétrolier… », écrivait Louis Massignon (3) à son ami Vincent Monteil, (4) qui, ajoutait-il en parlant de certains médias, « … rivalisent d’injures contre
l’Islam… ».
Comprendre les relations Islam et Eglises d’Orient ?... Facile, il suffit de prendre pour "passeur" : Louis Massignon. Personnalité exceptionnelle. (5) Et, de bien s’accrocher. Car c’est évoluer, avec lui, à un haut niveau de culture, de connaissance, de réflexion et de spiritualité.
Diplomate de métier, connaissant tous les rouages géopolitiques du Moyen-Orient pour avoir été membre de l’équipe française chargée de mettre au point le plan de partage de l’Empire Ottoman avec la création d’un foyer juif en Palestine, entre la Grande-Bretagne et la France à l’issue de la première guerre mondiale.
Les tristement célèbres "accords secrets Sykes-Picot" de 1916, liant les deux superpuissances de l’époque. Dont il mesurera et dénoncera, bien plus tard, l’absurdité, l’irréalisme du cynisme colonial, semant les germes des sanguinaires conflits actuels dans la région.
Spécialiste de l’Islam, dans toutes ses composantes, et des Eglises d’Orient, l’intensité, la générosité de sa spiritualité, lui font respecter et aimer ces religions. Sur un même plan. A tel point que certains le considèrent, affectueusement, comme un "catholique musulman" . Ses travaux de recherche sont un exemple de rigueur intellectuelle et d’ouverture à l’Autre. Sa thèse monumentale, ses recherches, sur le célèbre mystique musulman Al-Hajjaj, en quatre volumes, restent, à ce jour, inégalées.
Marié, il fut ordonné prêtre de l’Eglise d’Orient dite melkite, dont la liturgie est en langue arabe, rattachée à Rome depuis 1724. Eglise qui présente la particularité d’autoriser le mariage de ses prêtres. Comme quoi, la hiérarchie catholique peut s’accommoder de "la modernité" , quand elle le veut.
Il était atterré par le quasi analphabétisme d’une grande partie du clergé des Eglises d’Orient sur la religion musulmane, son islamophobie primaire, son racisme soigneusement dissimulé, profondément influencé par l’expansionnisme occidental dans cette région.
L’esprit des Croisades, dans sa survivance primitive. Louis Massignon, en excellent géopoliticien qu’il était, dénonçait le mythe et l’imposture, déjà , le 2 novembre 1949 :
"Toute croisade coloniale des judéo-chrétiens contre le « fanatisme » islamique est vouée tôt ou tard à l’échec. »
Trop tard, l’inconscient collectif occidental en est profondément gangréné.
Le dilemme des communautés chrétiennes d’Orient est pourtant clair :
=> soit, en tant qu’orientaux eux-mêmes, partager le présent et l’avenir de leurs frères musulmans, leurs luttes pour l’indépendance et la souveraineté de leurs nations, constituant "un pont" entre l’Occident et l’Orient aux racines spirituelles communes. A l’exemple des Palestiniens chrétiens ;
=> soit, être instrumentalisées en "tête de pont" d’un Empire conquérant dont elles seraient la cinquième colonne, les auxiliaires, les fondés de pouvoir, dans l’administration, la gestion des conquêtes occidentales.
Par irresponsabilité, pour ne pas dire par intérêt personnel, une grande partie des leaders des Eglises d’Orient ont choisi depuis l’époque des Croisades, entraînant avec eux les fidèles qui leur font confiance, d’agir en supplétifs d’un Occident prédateur à chaque période de faiblesse traversée par les nations de
confession musulmane. Partager les moments de gloire et de prospérité des périodes fastes du monde musulman, et se désolidariser dès qu’il y a agression ou envahissement de l’Occident.
Choix impardonnable, car malhonnête et funeste pour le devenir des communautés chrétiennes d’Orient, leur faisant assumer le rôle du "traitre" dans l’épreuve subie par l’ensemble de la collectivité.
Ce que rappelait Louis Massignon (6) :
« Déjà , il y a mille ans, la chrétienté occidentale avait trahi. Mobilisée par la croisade pour libérer les Lieux Saints de l’occupation musulmane, qui y tolérait, elle, des chrétiens arabes, parce que l’Islam honore la sainteté de Jésus, et vénère la pureté de sa Mère, elle avait vite cédé, à cette époque de sentimentalité naïve et barbare, au machiavélisme des politiciens annexionnistes, avides d’exploiter et d’asservir leurs frères chrétiens d’Orient. »
Aujourd’hui, le martèlement permanent, systématique, d’une désinformation atteignant les dérives extrêmes d’une propagande stalinienne, n’est que la suite ou la conséquence de cette attitude irresponsable. Avec pour slogan :
"Les communautés chrétiennes d’Orient en péril" .
La propagande "rugit" donc, y compris les médias s’affichant chrétiens. Multipliant articles, conférences, documentaires à sensation, le tout savamment orchestré par des campagnes de presse simultanées dans plusieurs pays occidentaux. Nourrissant ses rugissements dans des évènements dramatiques, aussi violents que suspects.
Un exemple. Gros titre du journal La Croix du 8 janvier 2010, soutenu par un dossier de trois pages (7) :
« En Egypte les coptes se sentent menacés. »
Le mois dernier, à Nagaa-Hammadi près de Louxor, à la sortie de la messe de Noël qui est fêtée par les coptes le 6 janvier, une voiture passant à vive allure mitraille la foule. On relève six chrétiens et un policier tués, plus une dizaine de blessés. Dans une ville, composée à 70% de coptes, tout le monde a compris. A commencer par la communauté musulmane. La provocation va permettre tous les amalgames, et toutes les répressions.
Comme par hasard, autre attentat deux jours plus tard, plus artisanal, moins meurtrier, mais tout aussi bruyant. Le 8 janvier, en Malaisie, des bouteilles incendiaires jetées par des individus, depuis une motocyclette, sur deux églises. Quelques dégâts mineurs sur les portes d’entrée. Le genre de non évènement, lorsqu’en France cela se produit sur une mosquée. Mais là , inflation de titres dans la presse occidentale : églises "incendiés" , "bombardées" , etc. (8)
Deux cas de figure intéressants en termes de techniques de désinformation. Même si l’oeil le plus endormi décèle immédiatement, dans ces pseudos attentats, la barbouzerie la plus ringarde, les réactions sont typiques. Aucune analyse : Pourquoi ? Comment ? A qui profite le crime ?...
Ce ne sont que grands moulinets démagogiques : victimisations, émotions, condamnations. Pour, bien sûr, ouvrir la voie à des revendications sur fond de stigmatisation.
Sans nuance.
Mgr Philippe Brizard, directeur général de l’Å’uvre d’Orient, parlant de l’attentat d’Egypte :
« … Il y a un foyer de Frères musulmans qui profite de la mollesse des autorités publiques… Une montée des intégrismes dans les pays musulmans, on va vers l’explosion…
C’est tout l’enjeu aujourd’hui du rapport entre foi et raison, comme l’a si bien compris Benoît XVI, afin que l’Occident traditionnellement chrétien puisse aider l’islam à approfondir et à développer une démarche religieuse compatible avec la raison. » (9)
Propos de ces curés de campagne des XVIII° ou XIX° siècles, quasi analphabètes qu’on envoyait "évangéliser les sauvages" de nos colonies… La référence au discours islamophobe de Benoit XVI témoigne du niveau de pertinence et d’honnêteté dans la réflexion. (10)
Comme si 1,5 milliard de musulmans attendaient de l’Occident une aide quant à une « démarche religieuse compatible avec la raison »… Denise Masson, Henri Corbin, Louis Massignon, Edward Saïd, d’autres encore, authentiques chrétiens s’il en est, ont déjà ridiculisé ces inusables clichés de caniveaux, traduisant un obscurantisme sidérant sur tous les trésors de logique, de philosophie, de spiritualité de l’Islam. (11)
Mais, dans le fanatisme l’important est d’enfoncer le clou de la peur et de l’ignorance.
Ainsi, un synode des évêques pour les "églises catholiques orientales" va se réunir du 10 au 24 octobre 2010, sous le titre fédérateur : « L’Eglise catholique au Moyen-Orient, communion et témoignage ». Avec pour vecteur de méditation :
« L’occasion pour les communautés chrétiennes … d’exprimer leurs inquiétudes face à la montée de l’intolérance et des fondamentalismes musulmans. »
Groupes de pression, lobbies et officines
Outre les médias, on retrouve cette propagande relayée, amplifiée, par un réseau de groupes de pression, de lobbies et d’officines spécialisées, notamment auprès des instances européennes.
Un des lobbies les plus puissants est la COMECE (Commission des Episcopats de la Communauté Européenne). Ses exigences sont claires : "Violences contre les Chrétiens dans le monde : L’UE doit mettre en place une action diplomatique ferme et efficace" . Du religieux, on passe à une diplomatie. "Ferme et efficace" . Autrement dit : La Loi du Bâton.
Animant réunions, interventions, pressions, pour ne pas dire harcèlements, auprès des députés européens. Un des grands passe-temps du parlement européen étant, non pas de résoudre crises économique et catastrophes sociales mais d’émettre, à répétition, des résolutions pour complaire à tous les groupes de pression qui pullulent dans les couloirs de la Bureaucratie Européenne, pourquoi se gêner ?...
« … Des résolutions dénonçant les persécutions religieuses, notamment de chrétiens, sont souvent adoptées à l’initiative de quelques députés européens », écrivent benoîtement les journalistes de La Croix. (12) Sauf que la brochette, des quelques députés européens qu’ils nous présentent, est constituée de gens au cursus plutôt bizarre…
Charles Tannock, britannique, dirige la délégation des conservateurs britanniques chargée des "affaires étrangères et des libertés" … Plus Blair ou Bush que lui, tu meurs comme dit le comique. Il est vrai que ces chefs d’Etat sont de bons chrétiens, ils ne manqueraient aucun office le dimanche, après avoir ordonné massacres, destructions et tortures, sur fond de mensonges. Certainement, un exemple de démarche religieuse compatible avec la raison, comme diraient Benoit XVI et ses disciples…
Il s’est fait remarquer comme un des membres du parlement européen les plus actifs dans le soutien de "la révolution orange" en Ukraine, du parti antirusse et pro-OTAN. Créateur, ou membre zélé, d’une multitude d’amicales de députés européens pour soutenir causes ou pays. Parmi les plus notables :
Créateur de l’amicale des parlementaires européens de l’Inde, président de celle de Taïwan, vice-président de celle des amis européens d’Israël, membre du comité directeur d’autres amicales du Tibet, d’Arménie, du Bengladesh. Cette lourde charge l’empêche probablement d’être membre des amicales de Russie, Chine, Turquie, Palestine, Pakistan. Il convient d’être indulgent. Les amicales ça use…
Mario Mauro, italien, représentant personnel du président en exercice de l’OSCE "contre le racisme, la xénophobie et les discriminations, avec mention spéciale de la discrimination des chrétiens" (2009). Il se dit et se veut : "catholique radical à la droite de Berlusconi" … Nos amis italiens le surnomment le porte-flingue de Berlusconi. La fine fleur de l’extrême droite italienne.
On le retrouve avec Bastiann Belder, protestant hollandais, non seulement, dans la défense des minorités chrétiennes, mais encore dans toutes les manifestations et manoeuvres politiques anti-avortement (antichoice, dans le jargon des lobbies…).
Pourquoi pas ?... Défendre le droit à la vie, au respect de l’innocence, c’est méritoire. Mais ce militantisme devient suspect, au niveau de sa dimension chrétienne et charitable, lorsqu’il s’arrête à l’embryon. Qu’en est-il des milliers d’enfants, tués, infirmes, traumatisés, affamés, dans des bombardements aveugles et des conflits coloniaux aux motivations mensongères ?... Chaque jour. Silence… Des "non-être" : ils ne sont pas chrétiens.
Vitore Bonsignore, italien proche du Vatican dit-on, un de mes eurodéputés préférés, tant il m’amuse. Il me fait penser à ces canards qui traversent tous les orages, en secouant leurs plumes, poursuivant leur trottinement, impassibles. En France aussi, nous avons ce type de canards… Certains s’autorisent même à recommander au gouvernement les ministres "à virer" . En dehors de la défense des minorités chrétiennes, spécialiste des budgets et des affaires financières.
Impliqué, à plusieurs reprises, par la justice italienne dans des affaires de corruption de marchés publics. Notamment, au cours de l’opération anticorruption Mains Propres (Mani pulite) pour avoir encaissé plus de 100 millions de lires en tant que secrétaire d’Etat au Budget. Puis, condamné pour deux ans de prison, encore en Italie, dans une affaire de détournement de fonds lors de la construction d’un hôpital à Asti. (13)
Dans ce choeur de pleureuses des "minorités chrétiennes en péril" , on trouve même, à ma grande surprise, un "expert en liberté religieuse" auprès des évêques catholiques européens à Bruxelles (Comece) : Vincent Legrand !... Du coup, j’ai cherché un "expert en tolérance religieuse" .
En vain, cette expertise n’existe pas encore…
Grâce à la réunion de ces talents, à la grandeur d’âme incommensurable, on aboutit à des résolutions votées par le parlement européen. Quand elles ne condamnent pas nommément des pays, en général musulmans tenant compagnie à la Chine et à la Corée du nord, elles batifolent dans l’hypocrisie onctueuse. Dans le genre de celle du 16 novembre 2009, inspirées par le Quai d’Orsay nous souffle-t-on, à la suite de la réunion des ministres des affaires étrangères :
« … Les Etats ont le devoir de protéger chaque individu, y compris les personnes qui appartiennent à des minorités, de la discrimination, de la violence et d’autres formes de violation ».
Autre variante, il existe des Index des persécutions antichrétiennes, avec des cartes en couleurs, publiés par des officines aux financements occultes. On y apprend ainsi, sans surprise, que "… sur les 50 pays où les chrétiens sont le plus persécutés, 35 sont des pays où l’islam est majoritaire…" .
Inévitablement, on y retrouve par superposition la carte des pays considérés avec hostilité par l’extrême-droite occidentale. L’opposition, la résistance des populations ou des gouvernements à l’hégémonie et à la prédation occidentales étant, en fait, le critère déterminant de la stigmatisation.
Car, dans ces cartes et dénonciations, beaucoup de "trous noirs" apparaissent. Les minorités chrétiennes qui, en Amérique latine, sont marginalisées, exploitées, dépouillées de leurs terres, de leurs langues et de leurs cultures à partir du moment où elles sont amérindiennes ou indigènes. Spoliées par les colons européens et leurs descendants, qui se revendiquent "chrétiens" , mais présentent la particularité d’être au service des multinationales…
Sans parler, évidemment, des minorités musulmanes martyrisées à Gaza, au Liban. Ou encore, en Inde, celles du Gujarat ou du Cachemire. Sans compter les horreurs, massacres et destructions accomplies par les armées occidentales à l’encontre des populations musulmanes, en Palestine, Irak, Afghanistan, Pakistan, sud des Philippines.
Là , la vigilance des valeurs chrétiennes ne peut s’y exercer, nous sommes en Terra Incognita de la Conscience…
Mensonge par omission
Comment ne pas éprouver compassion pour ces défenseurs des Eglises d’Orient "en péril" , ces preux chevaliers sans peur et sans reproche, adeptes de la démarche religieuse compatible avec la raison ?... Ils souffrent. Leur mémoire, d’amnésie. Leur vision, d’angle mort. A un degré tel, qu’on peut parler du culte de l’oubli, du refus de voir. Du déni constant.
Syndrome d’une maladie qui les ronge en permanence, à mon avis, incurable : l’omission.
Ils omettent de dire, que la plus grande église catholique construite dans le monde depuis ces vingt dernières années, avec un budget dépassant 20 millions de dollars, a été édifiée dans la capitale d’un Etat musulman.
Oui. Notre Dame du Rosaire, inaugurée lors des fêtes de Pâques, le samedi 15 mars 2008. Pouvant accueillir 5000 fidèles. A Doha, au Qatar. (14) Lors de son inauguration, il y en avait 15000 venus de toute la région.
D’autres centres de prière vont être créés autour de cette splendide réalisation architecturale, pour les orthodoxes, hindous, bouddhistes, shintoïstes, protestants. Constituant un exemple exceptionnel de rapprochements spirituels entre "hommes de bonne volonté" .
Imaginez le même budget pour une mosquée édifiée dans la capitale d’un Etat occidental… De quoi provoquer des apoplexies chez les pourfendeurs du hamburger halal ou de l<’arrachage libérateur du voile !...
Ils omettent de dire, que les chrétiens ont toujours connu la liberté de culte en terre d’Islam, dès lors qu’ils respectaient les musulmans, et le pays dont ils partageaient la nationalité.
Ils omettent de rappeler que la terre d’Islam a toujours été une terre d’hospitalité, un refuge pour les fidèles des religions persécutées dans d’autres contrées. Qu’ils soient Juifs ou Chrétiens.
Comme les Nestoriens, persécutés par Byzance, qui y ont trouvé le meilleur accueil. Beaucoup occupant des fonctions importantes, auprès des chefs d’Etat musulmans, conseillers, banquiers, médecins, traducteurs. Notamment sous la dynastie abbasside, et même à la cour de Gengis Khan. Communauté prospère et respectée, certains de ses membres devenant richissimes.
Ils omettent de citer l’exemple le plus récent : Tarik Aziz. Le puissant ministre des Affaires Etrangères de l’Irak, sous Saddam Hussein. Chrétien de rite chaldéen, église composée de nestoriens ralliés à Rome en 1551. Sa communauté était une des plus prospères d’Irak et du Moyen-Orient avant la destruction du pays, sur fondement de mensonges, par l’Occident judéo-chrétien.
Se sentant profondément Irakien, modèle de courage et de probité, Tarik Aziz n’a jamais plié devant l’humiliation que lui infligeaient les occidentaux. Qui ne lui ont jamais pardonné son refus de devenir un « collabo ». On vient d’apprendre, le 17 janvier dernier, qu’il vient, suite aux mauvais traitements infligés par ses geôliers américains (soins médicaux réduits au minimum), d’être victime d’un accident vasculaire cérébral le privant de l’usage de la parole.
Ils omettent de reconnaître que, dans tout l’Empire Ottoman, les chrétiens ont bénéficié d’avantages exorbitants. Allant, progressivement, jusqu’à monopoliser l’intégralité de son commerce extérieur, son système bancaire, son transport maritime et ferroviaire, son réseau portuaire. Ces activités cumulées, en liaison avec des sociétés et intérêts occidentaux, ont donné lieu à un colossal enrichissement des communautés chrétiennes, dans le libre exercice de leurs religions et rites, aux cotés des juifs et des musulmans.
Ils omettent de relever qu’à Istanbul, aux XVII° et XVIII° siècles, on recense parmi les principaux édifices religieux, 23 mosquées ; et, implantés dans les quartiers où se regroupent les communautés, notamment arméniennes, grecques et juives : 18 églises et 6 synagogues. (15)
Ils omettent de souligner que tout au long de l’histoire ottomane « Les non musulmans peuvent pratiquer leur religion sous l’autorité de leurs patriarches (grec-orthodoxe, arménien) ou de leur grand rabbin qui sont leurs représentants et leurs responsables auprès du gouvernement ottoman. Chrétiens et juifs vivent en symbiose avec des musulmans… Dans une ville comme Istanbul, la cohabitation est un fait patent et les mesures d’intolérance ou les manifestations antiminoritaires sont exceptionnelles. » (16)
Ils omettent de témoigner qu’ « En 1700, la ville de Smyrne (Izmir) comptait dix-neuf mosquées, trois églises catholiques latines, deux églises grecques orthodoxes, deux églises arméniennes et huit synagogues. Dans la rue Franque, on pouvait se croire dans une ville chrétienne. Certains marchands européens, qui n’avaient jamais appris le turc, opéraient leurs échanges en italien, exclusivement grâce à des intermédiaires juifs. » (17)
Ils omettent de dire qu’ « En 1871, la communauté arménienne dispose à Istanbul de 48 écoles et la communauté grecque par l’intermédiaire de l’Association Littéraire Hellénique, d’au moins autant ; les juifs n’ont alors qu’une demi-douzaine d’établissements mais l’Alliance Israélite Universelle permet la création de plus de cinquante écoles avant 1900. A cela, il faut ajouter les écoles fondées par des congrégations religieuses catholiques - françaises, italiennes, puis autrichiennes - ou par les missions protestantes, en particulier les missions américaines qui ont ouvert en 1863, à Belbek, le Robert College. » (18)
Ils omettent de dénoncer, le calvaire actuel des musulmans pratiquants d’Egypte, de son peuple, dans une des pires dictatures, par son niveau de corruption et de terreur, qu’a connue la région et le monde. Depuis celle du Shah d’Iran et de sa terrible police secrète la SAVAK, réputée pour son art de torturer les enfants devant leurs parents, ou les parents devant leurs enfants. Suivant l’humeur changeante des tortionnaires formés par les occidentaux…
La violence des répressions, infligées par le régime du général Moubarak, est tout aussi horrible : enlèvements, tortures, viols, rafles, internements arbitraires. Tout musulman pratiquant "suspect d’opposition" sera considéré comme islamiste, terroriste ou sympathisant. L’enlèvement des mères, épouses, femmes, soeurs ou filles des
"opposants" est pratique courante. Les "déshonorant" dans des tortures sexuelles, pour pétrifier toute résistance à l’oppression.
En Haute Egypte, les fidèles qui refusent d’aller dans les mosquées pour écouter les prêches du clergé "formaté" par le régime sont interdits de prière en public. Les services de police allant jusqu’à répandre des eaux d’égouts dans les rues et sur les places, où ils souhaiteraient se réunir pour prier. (19)
Pratiques que certains prélats chrétiens assimilent, dans leur élan fraternel et caritatif, à "… de la mollesse des autorités publiques…" .
Ils omettent d’écouter et de diffuser les déclarations des responsables de la communauté musulmane d’Egypte, et des observateurs appliquant un minimum d’honnêteté dans le traitement de l’information :
« Nous considérons que ce qui se passe entre chrétiens et musulmans en Egypte relève la plupart du temps de la provocation, dénonce aujourd’hui un leader de la Gemaa islamyya (20).
Le régime les provoque pour y trouver un prétexte devant l’opinion publique mondiale pour frapper les musulmans : il a besoin de pouvoir dire qu’ils attaquent la minorité chrétienne. » (21)
« … Force est de constater que chacune des occurrences de violence confessionnelle "intercommunautaire" aboutit avant tout à conforter localement et internationalement l’option répressive du régime et donc sa seule chance de survie ». (22)
« Tous rejettent généralement la responsabilité sur des "services secrets étrangers qui souhaiteraient aggraver les difficultés économiques et politiques de l’Egypte" , ou plus vraisemblablement encore les services égyptiens qui -tout en légitimant ainsi l’option répressive- auraient tenté de prévenir une possible connivence entre la population et les « justiciers islamistes ». (23)
Ces Bonnes Ames omettent de reconnaître, d’admettre, que « Les éclats de voix de la "lutte contre le terrorisme" n’ont pour objectif que de masquer le blocage du système politique tout entier. » (24)
Comment ne pas comprendre frustration et colère de beaucoup de chrétiens de Palestine, du Liban, d’Irak, de Syrie, d’Egypte, de Turquie, de se voir manipulés par une nomenklatura ecclésiastique au service non pas de l’intérêt de leurs communautés, fondé sur la Paix et la Justice, mais de celui de la prédation cynique et hyperviolente de
l’Occident ?...
Ils n’ont nul besoin de traîneurs de sabre en costume d’évêque ou de patriarche, adeptes de la "diplomatie ferme et efficace" , mais d’hommes porteurs de paroles de compassion, de charité et de respect.
Tels ces magnifiques chrétiens arabes, Makram Ebeid affirmant « ma patrie est l’Islam, ma religion le christianisme » (25), ou encore le père Khodr qui se sentait « … peut-être pas musulman, mais néanmoins islamique » (26) dans le sens noble du terme.
Eux ont compris, que l’avenir des communautés chrétiennes en Orient … « dépend … de leur capacité à ne pas entrer dans le jeu pervers des régimes ou de l’environnement occidental… » (27)
Voir ces ecclésiastiques, prélats, hiérarques, politiciens, se prétendre "chrétiens" , instrumentaliser les Eglises d’Orient, incapables de rendre à Dieu ce qui est à Dieu, et à César ce qui est à César.
"Trafiquants" de la désinformation, insensibles, sourds et muets, devant les plus grands crimes contre l’humanité endurés par leurs frères et soeurs. Autour d’eux, devant eux, populations musulmanes accablées de guerres, d’occupations militaires et de dictatures, par l’Occident Judéo-Chrétien.
Depuis des décennies, bientôt un siècle, et même plus dans certaines régions. Au mépris du droit international, des Conventions de Genève, des résolutions de l’ONU, du droit à l’autodétermination des peuples et nations. Des simples « valeurs » humaines.
Devant ces faux dévots sortant leurs mouchoirs sur "le péril des Eglises d’Orient" , confits d’hypocrisie et de fanatisme...
Je pense à Jésus…
Rêvant de Le voir, de toutes Ses forces, chasser de Ses Eglises, d’Orient ou d’ailleurs, ces « marchands » de mensonges et d’obscurantisme…
Dans une volée de cordes de chanvre.
Georges STANECHY
(1)
Les Appels de l’Orient,
Les Cahiers du Mois, 9/10, Paris, 1925, pp. 277-280 (Guénon) et pp. 297-298 (Massignon)
http://www.moncelon.com/appels.htm
(2) Evangile selon Luc 19, 45-46 ; ou, encore, Evangile selon Matthieu 21, 12-17 et Jean 2, 13-22.
(3) Louis Massignon, lettre du 25 août 1959 à Vincent Monteil, http://www.moncelon.com/louismassignon.htm
(4) Vincent Monteil, personnage hors du commun par sa culture et sa générosité, est un ancien militaire, grand spécialiste de l’Afrique et du Moyen-0rient. Il fut observateur de l’ONU en Palestine. Il se convertit à l’Islam et adopta le prénom de Mansour. Ses ouvrages passionnants sont à
lire.
(5) Christian Destremau et Jean Moncelon, Biographie de Louis Massignon, rééditée aux Éditions Le Capucin - Lagarde - Fimarcon - B.P. 8 - 32700 Lectoure.
(6) Louis Massignon, Article paru dans la Vie franciscaine, 1948, http://www.moncelon.com/nazareth.htm
(7) En Egypte, les coptes se sentent menacés, La Croix, 8 janvier 2010 ; avec les contributions de Nina Hubinet, Sébastien Maillard et Claire Lesegretain, pp. 1, 2, 3.
(8) Two Malaysian churches bombed ahead of Muslim protest, 8 janvier 2010, http://www.earthtimes.org/articles/show/302630,two-malaysian-churches-bombed-ahead-of-muslim-protest.html#
(9) Claire Lesegretain, Entretien avec Mgr Philippe Brizard, La Croix, Op. Cit., p. 3.
(10) Discours islamophobe du pape Benoit XVI à Ratisbonne (Allemagne), du mardi 12 septembre 2006. Lire l’article de Henri Tincq, Islam : un faux pas de Benoît XVI, Le Monde, 20 septembre 2006.
(11) Suggérons à cet ecclésiastique de feuilleter le splendide volume édité par L’Institut du Monde Arabe de Paris (octobre 2009) sur l’exposition Arts de l’Islam - chefs d’oeuvre de la collection Khalili (6 octobre 2009 - 14 mars 2010). Il lui reste encore 15 jours pour se rendre à cette exposition et y méditer, dans l’humilité…
(12) Sébastien Maillard, Des élus veillent à la défense de la liberté religieuse, La Croix, Op. Cit., p.2.
(13) Marco Travaglio, La scomparsa dei fatti, il Saggiatore tascabili, 2006, p.80-81.
(14) Paroisse Notre-dame du Rosaire : http://www.vivreauqatar.com/paroisse.html
(15) Histoire de l’Empire Ottoman, ouvrage collectif sous la direction de Robert Mantran, Fayard, 1989. carte d’Istanbul p. 260.
(16) Histoire de l’Empire Ottoman, Op. Cit., p. 261.
(17) Philip Mansel, Smyrne, deux mille sept cents ans d’une histoire tourmentée, http://www.monde-diplomatique.fr/2008/03/MANSEL/15723
(18) Robert Mantran, Histoire d’Istanbul, Fayard, 1996, p. 109.
(19) Quelques échantillons de ces persécutions, tortures et humiliations, individuelles et collectives, à l’encontre des musulmans égyptiens opposés à la dictature, sont présentés dans François Burgat, L’islamisme en face, La Découverte, 1996, p. 150 & 151.
(20) Un des plus actifs mouvements d’opposition au régime dictatorial du général Moubarak.
(21) François Burgat, L’islamisme en face, La Découverte, 1996, note 6, p. 126.
(22) François Burgat, Op. Cit., p. 132.
(23) François Burgat, Op. Cit., p. 154.
(24) François Burgat, Op. Cit., p. 156.
(25) François Burgat, Op. Cit., p. 135.
(26) François Burgat, Op. Cit., p. 136.
(27) François Burgat, Op. Cit., p. 138.