RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher
Au « trou » par 50°, enfermement pendant des semaines dans un cercueil sale, privation sensorielle totale...

Déclaration de Leonard Peltier pour la 24ème commémoration du 48ème anniversaire de la bataille à Oglagla en 1975

Leonard Peltier est un militant amérindien (Native American) anishinaabe/lakota, né le 12 septembre 1944, incarcéré depuis 1976 et condamné à deux peines à perpétuité. Il est membre de l’American Indian Movement.
L’organisation Amnesty International le considère comme un prisonnier politique, qui « devrait être libéré immédiatement et sans condition » (Wikipedia).

Salutations, mes parents, amis, soutiens, ceux que j’aime. Je veux que vous compreniez qu’après toutes ces années en prison, je peux ne pas penser comme vous, je peux ne pas parler de la façon dont vous aimeriez que je parle, mais des temps comme ça pèsent.

On vieillit. Les genoux font mal. Le dos fait mal. Tout fait mal.

On arrive à un point où on voit les choses comme elles sont réellement, au-delà des doux mots qu’utilisent les gens pour qu’on se sente bien, à propos de choses qui n’ont rien à voir.

Parlant de mon affaire, quelques fois je pense que j’en parle trop, quelques fois pas assez. En pensant à la liberté et la justice, c’est très difficile de ne pas y penser. Quand on est en prison, quand on est dans une boite, un grand cercueil, jour après jour, année après année, ça ne finit jamais. C’est comme être enterré vivant. À ce point particulier de mon emprisonnement, non seulement moi, mais d’autres prisonniers dans cette prison de sécurité maximum, sommes tout le temps placés en isolement injustifiable, au cours duquel nous sommes confinés à nos cellules jour après jour.

C’est comme une prison dans la prison. Nous sommes confinés dans un espace d’1,8 sur 3 mètres, avec à peine la place pour bouger et nous ne pouvons pas faire d’exercice, prendre de douche, ou avoir une aide médicale. Ça s’est produit constamment, c’est une forme de torture et tout à fait illégal.

Quelque part dans la Constitution, il y a une loi contre les punitions cruelles et inhabituelles. Ça arrive si souvent que c’est un enfer de cruauté et on en arrive à ce que ne soit même plus inhabituel.

Il faut qu’un changement se produise. Nous avons besoin que des gens prennent contact avec leurs Représentants au Congrès, leurs Sénateurs et le Président. Les Etats-Unis ne sont pas supposés être ce qu’ils sont en train de devenir.

Ce qui m’arrive, et à ces autres prisonniers, pourrait vous arriver, à vous et votre famille et aux membres de votre communauté. Si nous ne pouvons pas arrêter ça, ça va devenir normal et des gens mourront et se suicideront en prison. Ils perdront tout espoir d’être soulagés de leur souffrance. Adressez-vous partout où vous pouvez pour faire la différence, pour amener un changement. Je parle peut-être trop de prison, mais je ne peux pas parler de justice dans ce monde, dans cette nation.

Chaque preuve utilisée pour me condamner a été prouvée fausse au tribunal. Ça repose sur des mensonges. Ils ont violé toutes sortes de lois internationales pour m’extrader du Canada. Ils n’ont pas respecté les accords qu’ils avaient signé quand ils m’ont extradé. Ce sont des questions pour le dossier du tribunal – pas juste pour que je le dise avec une opinion. Des informations continuent d’apparaitre à propos de la collusion de deux nations pour m’enterrer.

Ce jour de 1975, je résistais à l’extermination de notre peuple. Près de cinq décennies plus tard, je résiste toujours, je ne suis pas détruit.

Depuis près de cinq décennies, ma vie a été une série de tortures. Au Canada, j’étais détenu dans le couloir de la mort, dans une cellule sans lumière, attendant d’être exécuté. À Leavenworth, ils m’ont détenu au trou pendant des semaines, sans le dire à mes proches, alors qu’il faisait plus de 50°. À Marion j’étais détenu dans une privation sensorielle totale. À Coleman 1, j’ai été enfermé pendant deux ans dans un cercueil sale, sans soins médicaux, même pas une douche, pendant des semaines d’affilé.

Cependant, je suis dans le vrai.

J’aurais pu quitter la prison sur un mensonge, mais mon sacrifice doit servir à quelque chose, ou ma vie ne compterait pour rien.

Au-delà de ça, je veux rappeler à tous la nécessité d’aider nos enfants à développer de fortes capacités d’adaptation. Aidez-les à avoir des activités de loisir saines. Nous devons trouver le moyen de combattre l’utilisation rampante de méthadone dont je me rends compte qu’elle existe partout dans nos réserves, et l’alcoolisme, qui a toujours signifié notre effondrement. L’alcool est une drogue. Les gens ordinaires ne pensent pas que c’est une drogue, mais ça a causé un traumatisme générationnel qui persiste. Et des atteintes durables à travers les générations à l’ADN de notre peuple et des enfants à venir.

À part tout cela, nous devons développer des capacités de survie afin que nos enfants sachent comment parler, se conduire, et à quoi faire attention dans ce pays qui nous hait.

Ils veulent ce que nous avons, et nous y faisons obstacle. Ils veulent les ressources qui restent dans nos réserves. Ils veulent de l’or. De l’uranium. Maintenant, ils veulent tout ce qui sert à faire des batteries et ils se tournent vers les réserves, des terres qui n’ont pas encore été exploitées.

Nous n’entendons pas dire qu’ils creusent le champ d’un agriculteur, où que ce soit, ou déplacent la maison d’un riche, mais ça ne les gêne pas de condamner une maison Indienne, ou une terre, et de les prendre.

Nous devons nous préparer. Nous devons prendre la responsabilité de notre santé et de notre bien-être. La nourriture que nous sommes forcés de manger est, d’une manière ou d’une autre, contaminée par des poisons. On nous donne la quantité de nourriture pour des années, mais elle pourrira en une journée.

Tout cela a contribué à une mauvaise santé. Maladies de cœur. Cancer.

Ces choses, je suis forcé d’y penser, en prison. J’aime notre peuple. Je soutien notre peuple. Sinon, je ne sais pas où je serais, mais probablement pas ici.

Vous devez faire votre part. Vous devez résister. Vous devez parler. Vous devez, non seulement parler, mais faire des choses. Vous devez faire ce qui est nécessaire pour arrêter l’exploitation et la destruction de notre peuple et notre terre. Le meilleur moyen de le faire est par l’éducation. Assurez-vous que nos enfants sachent comment satisfaire eux-mêmes leurs besoins, ceux des générations futures et de Notre Mère la Terre.

Le système d’éducation qui nous a menés là où nous sommes maintenant est préjudiciable à la vie même. La vie cherche la vie. La vie n’est pas fondée sur les produits chimiques et le pétrole. La vie est fondée sur les choses naturelles que le Créateur a faites pour nous. Nous sommes reliés aux arbres. Les arbres nous donnent de l’oxygène. Ils nous donnent de l’ombre. Ils nous donnent de la nourriture. Ils nous donnent des matériaux pour construire – toutes ces choses.

C’est pourquoi j’essaie de promouvoir un mouvement « plantez un arbre » partout dans le monde. Une forêt de nourriture.

Vous savez, je ne peux rien faire d’ici. Je fais de mon mieux pour utiliser les contacts limités que j’ai pour renforcer la vie pour des générations futures, les enfants de nos enfants, les enfants de toute la terre.

C’est une chose que nous devons tous faire.

Tout en parlant, je veux me rappeler Joe Stuntz. Beaucoup de gens ont donné leurs vies pour le Mouvement. Joe Stuntz a donné sa vie ce jour-là, le 26 juin. Un jeune homme s’est dressé comme un homme et dit « Vous ne pouvez pas venir ici. Vous ne pouvez pas nous traiter comme cela. »

Ils ont tiré et l’ont tué.

Joe n’est pas mort. Son esprit vit. L’esprit de résistance. L’esprit de résister pour ce qui est bien et essayer de corriger ce qui est mal.

Ce jour du souvenir, c’est un jour pour honorer les gens qui ont résisté sur ces terres. Quand je dis « ces terres », toutes les terres de la planète sont les nôtres. Nous sommes Autochtones de ce pays. Il y a d’autres gens qui sont citoyens, mais ils ne sont pas Autochtones de ce pays. Ils peuvent être d’Europe, d’Asie, ou n’importe quel endroit sur terre, mais nous sommes Autochtones de ce pays.

Partout où nous nous tenons. Partout où nous marchons, nous marchons parmi les cendres de notre peuple. Je veux que vous profitiez de ce jour, que vous profitiez de demain, mais faites ce que vous devez faire. Pour être prêts, pour préparer vos enfants à toutes ces choses qui nous tombent dessus, à cause de cette société qui croit toujours être à un achat du bonheur.

Tout le monde et toutes les entreprises de cette société vous apprennent à vivre comme un drogué – n’importe quoi pour un shoot.

Nous devons vivre pour toutes les générations. Nous devons vivre pour notre peuple.

Si mes mots et mes pensées ont l’air un peu éparpillés, je n’ai pas souvent l’occasion de m’exprimer. Il y a tant de choses que je veux dire. Peut-être j’en ai dit trop, ou pas assez.

Je vous aime. Je me préoccupe de vous. Je prie pour vous.

Je cherche ma liberté. En cherchant ma liberté, j’espère pouvoir défaire les attitudes illégales qui m’ont mis ici et font que beaucoup de gens de notre peuple surchargent les prisons.

Dans le Dakota du Sud, je pense que 15% de la population de l’État sont Autochtones, mais nous sommes 45% de la population des prisons.

Ce n’est pas bon. C’est à cause de la pauvreté, du manque d’éducation, des pensionnats qui ont fait tout leur possible pour nous détruire.

Tout cela étant dit – je vous aime. Je me préoccupe de vous. Je veux que vous soyez en sécurité. Je veux que vous viviez en sécurité, je veux que vous viviez en bonne santé.

Souvenez-vous de moi. Si vous pouvez, plantez un arbre.

Pour le moment, votre parent, frère, ancien, Leonard Peltier.

Mitakuye Oyasin, In the Spirit of Crazy Horse.

Doksha.

26 juin 2023
Publié par Censored News
Traduction Christine Prat, CSIA-Nitassinan

»» https://chrisp.lautre.net/wpblog/?p=8091
URL de cet article 38751
   
Derrière les fronts : chroniques d’une psychiatre psychothérapeute palestinienne sous occupation
Samah JABR
EN LIBRAIRIE LE 22 MARS 2018 En coordination avec la sortie en salle du documentaire d’Alexandra Dols – Derrière les fronts : résistances et résiliences en Palestine – nous vous proposons en coédition avec Hybrid Pulse le premier livre de la psychiatre et écrivaine Palestinienne Samah Jabr. Le livre ne sera pas disponible en librairie pour le moment mais seulement sur notre site ou par demande par courrier à PMN Éditions. « Nous voulons une vie décente, pas n’importe quelle vie. Notre (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

On l’appelle le "Rêve Américain" parce qu’il faut être endormi pour y croire.

George Carlin

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.