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De quoi le pape est-il le nom ?

Je reviens sur l’élection du pape, qui a occupé, hier, tous nos écrans, sans trop de considération pour les protestants, juifs, musulmans, athées et libres-penseurs, dont on peut penser qu’ils ne manifestaient pas le même enthousiasme pour l’événement.

Remarque 1. On notera le ton nettement moins pincé des journalistes lors de cet événement que lors des funérailles d’Hugo Chavez, alors que les raisons de critique (en dehors des entorses à la laïcité) à l’égard de l’Église ne manquent pas, ne serait-ce que d’un point de vue catholique de gauche : conservatisme en matière de moeurs, rapprochement avec les intégristes d’extrême droite, inflexions traditionalistes en matière de liturgie (le Motu proprio, ou permission de célébrer la messe en latin), etc.

Remarque 2. Les journalistes (et certains commentateurs) se sont extasiés sur ce "premier-pape-non-Européen" [sic]. Certes, ce pape est Argentin, mais on peut néanmoins faire remarquer que, de tous les pays sud-américains, l’Argentine est le plus "européen". Les Argentins disent plaisamment que les Mexicains descendent des Aztèques, les Péruviens des Incas et les Argentins... des bateaux (on a également attribué ce mot aux Porteños, habitants de Buenos-Aires). De tous les Latinos-Américains, les Argentins sont les moins métissés de populations amérindiennes, africaines... ou asiatiques.

Remarque 2 bis. Parmi tous les immigrants européens, les plus nombreux ont été les Italiens (durant la Coupe du monde de football de 1978, qui eut lieu en Argentine, il y avait presque autant de spectateurs - argentins - pour suivre l’équipe d’Italie que pour suivre l’équipe nationale). Or, parmi ces immigrants, figuraient les propres parents de l’actuel pape qui, si j’en crois les journaux, étaient originaires du Piémont.

[Pour remonter un peu plus loin, ce "premier-pape-non-Européen" n’est pas sans faire penser à l’empereur Trajan, "premier-empereur-non-romain" (en ce sens qu’il n’était pas né en "Italie", mais en Bétique - Andalousie - de colons "italiens" établis là depuis les débuts de la conquête romaine. Ce rapprochement avec l’empire romain, est de ma part, volontaire : l’Église catholique s’est établie au même lieu que l’empire, en a repris les mêmes prétentions à l’universalité, la même pompe, les mêmes fastes, voire, parfois, les mêmes dénominations (par exemple "pontife"). Même s’il ne faut pas exagérer les différences "ethniques", surtout dans une institution aussi unificatrice que l’Église, le choix du cardinal Bergoglio n’est pas aussi symboliquement voyant que l’aurait été celui d’un prélat asiatique ou africain].

Remarque 3. La totalité des commentateurs (jusqu’à présent et à ma connaissance) ont dit que le cardinal Bergoglio avait pris le nom de François en référence à François d’Assise. Pourquoi ce saint-là , précisément, alors qu’il existe nombre d’autres François canonisés, et célèbres (dont, par exemple, François de Sales, docteur de l’Église) ? Pourquoi ce nom alors que la Compagnie de Jésus - dont est issu le nouveau pape - a fourni des François éminents (par exemple François Borgia, troisième supérieur général, après Ignace de Loyola et Jacques Lainez), ou François-Xavier, évangélisateur de l’Asie, ou François Suarez, philosophe et théologien du XVIe siècle, l’un des plus grands scolastiques de l’Église avec Thomas d’Aquin ?

Le choix d’un "nomen proprium" (nom de pape) n’est pas anodin, car le pape, par ce choix, exprime une tendance, une préférence, se place dans une continuité. [Même si, à part quelques-uns - Benoît XII, Pie II, Jean XXIII - peu nombreux ont été les papes à motiver leur choix]. Il n’est pas exclu, bien entendu, que le cardinal Bergoglio se soit placé dans la continuité de François d’Assise, mais il est curieux qu’il ait pu ainsi honorer le fondateur d’un ordre "concurrent" (et ayant une autre vocation), alors qu’il ne manque pas de continuités où se placer, que celles-ci soient celles du gouvernement (François Borgia), de la mission (François-Xavier) ou de la doctrine (François Suarez). [Il n’est pas indifférent de noter, à cet égard, que nombre de jésuites actuels sont issus de l’Inde ou du Sri Lanka, et que deux des récents supérieurs généraux des jésuites, l’actuel Adolfo Nicolas et Pedro Arrupe, ont été longtemps en fonction au Japon].

Remarque 4. Ce pape est le premier pape jésuite, ce qui est d’autant plus remarquable qu’une légende tenace prétendait que les jésuites ne fourniraient jamais de pape, ayant eux-mêmes leur propre "pape" (le Supérieur général, surnommé le pape "noir"). Peut-être y a-t-il eu là , de la part de certains cardinaux électeurs (qui sait ?) une espèce de compensation (avec mauvaise conscience ?) envers le cardinal Carlo Maria Martini, ancien archevêque de Milan, jésuite lui aussi, récemment décédé, et qui passa longtemps pour "papabile"...

Remarque 5. L’actuel pape porte comme premier prénom Jorge. Jorge, comme son célèbre compatriote Jorge Luis Borges, et comme le "vénérable" Jorge de Burgos, choisi par Umberto Eco pour être l’un des personnages du "Nom de la rose", en référence, précisément, à Jorge Luis Borges, dont il partage l’érudition... et la cécité ! Formons le voeu que le nouveau pape, sur les maux de l’Église, ne soit pas, lui aussi, "aveugle"...

PS : Je reviens sur l’élection du nouveau pape et sur la façon dont elle a été traitée par France 2 (qui peut être exemplaire de la façon dont les médias en ont rendu compte). Cette façon présente un paradoxe : alors que les journalistes (la chaîne elle-même) ont (ingénument ?
spontanément ? allègrement ?) piétiné la laïcité et la neutralité (une seconde fois en quelques jours, mais dans un sens inverse du sens emprunté pour les obsèques d’Hugo Chavez), les modalités de présentation du nouveau pape ont été terriblement désacralisées, voire quasi-païennes.

Il est même étonnant que l’Eglise ne proteste pas davantage. Un catholique fervent, un croyant instruit dans sa foi ne peuvent qu’être consternés : c’est à Dieu qu’on rend un culte, pas à un homme...

L’élection (et, surtout, la présentation) du nouveau pape participe en effet de tous les événements que les médias fabriquent autant qu’ils les retransmettent (et dont on peut se demander, d’ailleurs, dans quelle mesure les intéressés - ici la Curie - ne s’y soumettent pas autant qu’ils les organisent).

1. A l’instar des familles royales d’Europe, qui sont "pipolisées", le souverain pontife, ici, est "papolisé". Son apparition, au balcon du Vatican, est comme la version religieuse de la présentation d’un héritier du trône dans la famille de Windsor, avec les cardinaux dans le rôle des proches parents et le cardinal Tauran, protodiacre [celui qui prononce la formule rituelle "Habemus papam"] dans celui de la reine Elisabeth.

2. Les modalités de révélation du nom du nouveau pape n’ont pas été, non plus, sans faire penser aux remises des Oscars, Césars, Victoires de la Musique et autres Prix de l’Eurovision. C’est le même suspense et la même mise en scène avec les mêmes coups de théâtre. On n’aurait donc pas été étonné qu’au lieu de la formule "Annuntio vobis gaudium magnum. Habemus papam !", le cardinal Tauran proclame : "And the winner is... Jorge Mario Bergoglio !", avec, une fois sur deux, dans un cas comme dans l’autre, une surprise : on attendait l’Angleterre et on a eu la Suède, on attendait Scola et on a eu Bergoglio. [Et, sans surprise, dans tous les cas, on a la France dans les choux].

3. Comme pour les Victoires de la Musique ou de l’Eurovision, le nouvel élu ne manque pas de remercier son entourage proche et lointain : son papa, sa maman, son professeur de piano, son producteur, son réalisateur ou son équipe. Et, de même, à l’issue du conclave on s’attend à ce que le nouveau pape donne son coup de calotte rituel à son prédécesseur, à ses ex-pairs les cardinaux (et salue son public - la foule des fidèles - qui l’acclame en retour).

4. La présentation est également celle des grands événements sportifs : une foule énorme, où chacun (comme à la Coupe du monde de football ou aux Jeux olympiques) agite son drapeau, saute en l’air et se congratule lorsque son champion marque un but, pulvérise un record ou emporte la médaille d’or (ou la Coupe). On peut aussi noter que, comme les joueurs avant les tirs au but (surtout dans les équipes méditerranéennes et sud-américaines), les spectateurs se signent souvent. La seule différence réside en ce que la foule se trouve dans le stade et le champion dans la tribune.

5. Il ne manque pas même, comme dans les compétitions sportives, d’évocations de records battus : on a ainsi annoncé que le pape avait été élu en deux jours et cinq scrutins, et qu’il n’avait pas battu le record de son prédécesseur, comme on dit que tel navigateur solitaire a
presque égalé le record de traversée de l’Atlantique nord détenu par le précédent vainqueur de l’épreuve. Il n’est pas jusqu’aux cardinaux qui sont classés en favoris ou outsiders comme les chevaux du Prix de l’Arc de Triomphe, avec Untel qui tient la tête durant cinq ou six tours de scrutins (comme on dirait des tours d’hippodrome) sans toutefois dominer nettement, et qui se fait doubler à l’extérieur, dans la dernière ligne droite, par un obscur archevêque qu’on n’avait pas vu venir.

6. Comme les chefs ne portent pas, sur leur corps, la marque distinctive de leur élection, il faut bien les distinguer par des attributs vestimentaires. C’est ainsi que la reine d’Angleterre est vêtue de tenues voyantes (et de chapeaux improbables) pour qu’on la reconnaisse dans sa suite affublée de gris, de noir ou de bleu. C’est ainsi que, depuis le dominicain Pie V, le pape se distingue par sa tenue blanche [couleur de l’Ordre des Prêcheurs]. Les spectateurs savent donc qu’il revêt la soutane blanche comme ils savent que le premier au classement général du Tour de France endosse le maillot jaune. En zoomant sur sa tenue blanche, la télévision signifie que, jusqu’au prochain tour, c’est lui qui, désormais, fera la course en tête.

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Gabriel Péri : homme politique, député et journaliste
Bernard GENSANE
Mais c’est vrai que des morts Font sur terre un silence Plus fort que le sommeil (Eugène Guillevic, 1947). Gabriel Péri fut de ces martyrs qui nourrirent l’inspiration des meilleurs poètes : Pierre Emmanuel, Nazim Hikmet, ou encore Paul Eluard : Péri est mort pour ce qui nous fait vivre Tutoyons-le sa poitrine est trouée Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux Tutoyons-nous son espoir est vivant. Et puis, il y eu, bien sûr, l’immortel « La rose et le réséda » (…)
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En Occident, la guerre deviendra la norme, la guerre constante. Les gens grandiront, atteindront la maturité, deviendront adultes, avec l’idée qu’il y a toujours une guerre. Alors la guerre ne sera plus une chose exceptionnelle, inhabituelle ou horrible. La guerre deviendra la nouvelle normalité.

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