De la FRACTURE SOCIALE – essentiellement entre les classe(s) dominante(s) (soit le grand patronat, une fraction du petit patronat et globalement les riches du 1% d’en-haut) et classes dominées (l’ensemble du monde du travail public ou privé dans sa diversité) on est passé à la FRACTURE POLITIQUE (entre les élites politiques et le peuple politique). Ce qui est plus grave pour la démocratie, pour la "démocratie réellement existante" soit la démocratie-gouvernance ou la "démocratie rabougrie".
On nomme ordinairement cette fracture "crise de la représentation" mais c’est plus là un terme générique, introductif et très euphémisé du réel . C’est une formule qui mesure mal la béance qui s’est créée, petit à petit, entre les couches et classes populaires et les élites politiques (en collusion avec les élites économiques) . On voit qu’il y a abandon . Bien qu’il subsiste, une "culture de l’Etat de droit" et du respect des règles chez les cadres supérieurs (pas le temps de préciser ici) il y a abandon car cette culture n’empêche plus en rien le "fait oligarchique". C’est une donnée lourde du néolibéralisme.
De plus, l’Etat semi-policier, répressif et autoritaire, façon 2015-2016 (à caractériser mieux - 1) renforce le fait oligarchique (outre le néolibéralisme). Au-delà du discrédit de la police (sa "haine" est relative et moins grave que son discrédit surtout par rapport à d’autres polices servant de comparaison) c’est le discrédit d’un gouvernement qui se diffuse largement. Et qui ne voit que la droite ferait pire que Hollande ! Ce qui discrédite largement ce qu’on appelle la "classe politique" qui ne combat plus la finance prédatrice mais la sert (loin de servir le peuple ou l’intérêt général). En quelques annèes Hollande a changé d’ennemi : ce n’est plus la finance mais le peuple l’ennemi ! Derrière les critiques de Nuits Debout puis les insultes et diffamations à Philippe MARTINEZ et à la CGT c’est tout le syndicalisme de la "double besogne" (Amiens 1906) et même tout le mouvement social et populaire qui est frappé d’indignité (2 ) ! Cela fait beaucoup de monde. Et au même moment, se diffuse les exigences de casse du code du travail par Bruxelles.
La caractérisation d’une oligarchie – avec ses typologies – était le fait d’une minorité d’intellectuels étudiant la science politique mais il y a eu vulgarisation. Mais ce n’est pas tant le mot et sa très relative diffusion depuis sa réapparition que (surtout) la perception sociale et massive d’un "en-haut" nettement coupé du peuple qui fait problème, et pas qu’au plan social et économique – ou les perceptions relatives à la forte hiérarchie sociale peuvent varier même si on sait que les riches sont plus riches avec le néolibéralisme – mais aussi au plan politique. Ce qui met frontalement en question la "communauté politique" nationale, l’idèe de "communauté citoyenne". L’abstentionnisme n’est alors que l’indice de cette scission interne à la Nation comme communauté politique. Scission dans le champ politique global, c’est autre chose que "crise de la représentation" politique ou la "fracture sociale" et économique.
La perception du "fait oligarchique" par le peuple-classe 99%, est celle qui voit une collusion structurelle entre élites politiques et classe(s) dominante(s), tant au plan national (MEDEF et grandes entreprises) qu’au plan européen (Troïka, BCE ) . Ce n’est même plus une histoire de groupes de pressions économiques (étudiés là encore par les politologues) qu’un "vivre ensemble" des hommes politiques et des hommes d’affaires et banquiers (avec des femmes, certes, mais peu nombreuses) et dans un micro-monde relativement séparé. Relativement car la petite minorité d’en-haut a besoin d’une classe d’appui qu’elle rémunère bien, d’ou la notion de 1% qui s’est largement diffusèe.
Dans l’arène politique, il n’y a plus guère que Jean-Luc Mélenchon (dit "JLM l’insoumis") à vouloir hurler contre la droite et le FN ainsi que contre Hollande (en totale perte de crédibilité pour réunir les gauches) que, lui, est différent, qu’il ne cèdera pas ! Ce qui est sans doute fort bien. Mais il n’empêche que le peuple-classe agressé doit s’auto-organiser hors de tout "sauveur" (dit sans mépris aucun), et donc créer son front populaire de mobilisation offensive et ce sur deux fronts, l’un interne (contre nos "dominants"), l’autre externe (contre la Troïka). Ce qui n’est pas simple car la tendance est à cibler l’un et pas l’autre. La gauche pro-Europe se tait sur la Troïka et la gauche souverainiste ou nationale efface le mot gauche et oublie de cibler sa propre oligarchie.
1) Ce qui arrive à Hugo Melchior – que je connais – est le symbole de la brutale transformation de l’Etat français de ces derniers mois. Difficile de décrire précisément les contradictions à l’œuvre mais on sent qu’un réel "saut qualitatif" négatif s’est produit dans le sens de l’inversion démocratique, un nouveau "saut" pour moi puisque j’avais déjà pointé avec d’autres une telle dégradation avec l’apparition de divers mécanismes pro-gouvernance loin de l’intervention citoyenne. Mais on restait dans un Etat de droit . On y est sans doute encore du fait du poid culturel d’une large fraction des cadres supérieurs qui tiennent toujours au maintien d’un tel Etat de droit. Cela ne change pas du jour au lendemain. Mais, pour autant, il s’agit déjà d’une forme dégradée.
C’est qu’en très peu de semaines la France de fin 2015 à la crise de société actuelle (autour du rejet de la loi Travail) a connu une transformation de type nettement "autoritaire", avec une crise de son "Etat de droit" dont le volet "répression policière" est l’aspect visible et une probable dégradation de la justice le volet caché .
2) "A travers le flot d’insultes de ces derniers jours contre Monsieur Martinez et la CGT, c’est aussi tout le mouvement syndical offensif, tout le mouvement social mobilisé, tous les citoyens jeunes ou moins jeunes qui sont insultés ! - En tout cas, moi, qui ne le suis pas car trop jeune, je me sens atteint par cette haine anti-CGT ! (un jeune lycéen rennais qui pourrait très bien cotiser !)
Christian DELARUE