Le livre porte sur les ALE de l’UE (Accords de libre-échange de Union européenne) avec le Maroc et principalement sur l’aspect non démocratique.
Refuser la conception campiste du monde.
Ce livre évoque à propos de ces Accords de libre-échange (ALE) entre l’Union européenne et le Maroc un aspect d’accord colonial . Cela mérite réflexion et débat sur l’impérialisme d’aujourd’hui. Non pas que la formule « accord colonial » soit fausse mais elle peut laisser entendre à tort qu’une vision du monde historiquement dépassée perdure comme l’exprime à raison Renaud Duterme dans son article « Quand le Sud rattrape le Nord... Et vice et versa » (1).
Il faut dire et répéter qu’il est faux de poser de façon idéologique un schéma binaire (le campisme) avec un Nord méchant et prédateur et un Sud totalement victime de ce Nord ou de l’Occident ou de la Triade, ces terminologies se recoupant parfois largement, à peu de chose près. Il est plus juste de dire qu’il y a du Nord au Sud (grosso modo les 1% d’en-haut) et du Sud au Nord (soit les peuples-classe à grosso modo 99% d’en-bas). Mais ce n’est pas encore suffisant. Il est encore plus « scientifique » de souligner l’existence d’un rapport conflictuel de prédation plus ou moins visible - souvent caché - d’une triple nature 1) anti-social (austérité notamment), 2) oligarchique (mépris démocratique) et 3) anti-écologique (mépris écologique) entre ceux d’en-haut et les peuples-classe, et ce dans chaque pays ou nation. S’y ajoutent le racisme et le sexisme.
L’autre démocratie en réponse à la prédation oligarchique.
C’est l’analyse concrète qui doit préciser dans le détail ce rapport de prédation. Les peuples-classe ont vocation à s’émanciper via une « alter-démocratie », via une autre démocratie que celle réellement existante (celle dite « représentative »). L’autre démocratie que le peuple-classe peut porter serait plus « chargée » en justice sociale et fiscale, plus anti-raciste et anti-sexiste mais aussi et surtout en appropriation sociale, et notamment en socialisation des banques.
L’idée d’appropriation sociale et de socialisation n’est jamais omise par les « progressistes » qui maintiennent la perspective d’une transition éco-socialiste. Lire ici le dernier chapitre de Bancocratie. Comme Éric Toussaint - l’auteur de Bancocratie" aime à le souligner, « le secteur bancaire est trop important pour être laissé aux mains du privé ». D’ou la socialisation des grandes banques. Et cette idée-force vaut pour tous les peuples-classe, ceux du Nord comme ceux du Sud. On dira qu’il s’agit d’une revendication transversale (aux frontières) ou internationale. Parfois c’est la nationalisation qui est appliquée par les élites avec l’appui plus ou moins fort des syndicats. Cette démarche peut être positive que si elle va jusqu’au bout. Si elle demeure l’affaire des élites il y a risque de bureaucratisation et donc blocage de la pleine appropriation sociale, blocage de la socialisation. Le rôle des syndicats et celui des associations de citoyens est décisif en la matière.
Au Maroc, qui est à la manoeuvre ? Ceux d’en-haut !
Ceci étant précisé, revenons au livre. Les ALE sont « l’affaire des milieux d’affaire » et des technocrates, pas des peuples au sens des 99% d’en-bas.
Ce que met en avant l’ouvrage c’est l’inexistence d’accord (de libre échange) impliquant les peuples ou plus précisément les peuples-classe, soit les 99% d’en-bas car les accords sont le fait des puissants et possédants des deux bords, tant marocain qu’européen, mais la « puissance de feu » des experts d’appui de l’oligarchie européenne est largement supérieure à celle des milieux d’affaire du Maroc. Mais globalement ceux d’en-haut du Maroc et ceux d’en-haut de l’Union européenne partagent la même conception du monde néolibérale et visent à renforcer les uns comme les autres leur position sociale avantageuse face aux peuples-classe qui eux vont subir de plein fouet les ALE .
Christian Delarue
Secrétaire du CADTM France
1) « Quand le Sud rattrape le Nord… Et vice et versa » de Renaud Duterme
http://cadtm.org/Quand-le-Sud-rattrape-le-Nord-Et
2) « Bancocratie » d’Eric Toussaint (avec une préface instruite de Patrick Saurin) complète avantageusement un autre bon livre qui est « Le livre noir des banques » (ATTAC et Basta).