La Syrie compte de 100.000 à 120.000 djihadistes, repartis en un millier de formations combattantes, selon une déclinaison religieuse-ethnico tribale, reflet des clivages politico sociales du pays et de leurs parrains respectifs, opérant au sein de PC conjoint, sur fond de violentes rivalités et d‘une opposition instable.
Autant dire que la Syrie n’est pas un long fleuve tranquille et la guerre qui s’y déroule ne reflète pas l’image d’Epinal que les médias occidentaux, particulièrement français, s’évertue à véhiculer d’un combat de démocrates contre un odieux tyran.
Le verdict est sans nuance. Il porte la signature, non d’un complotiste, ni d’un révisionniste, mais d’une prestigieuse institution « The Brookings Institution », dont le centre régional à Doha (Qatar), « Brookings Doha Center Report » vient de publier à la mi-mai, son rapport périodique : « Syria Military Landscape Mai 2014 », sous la plume de Charles Lester Lister.
« De 100.000 à 120.00 djihadistes dont 7.000 à 10.000 étrangers, repartis en un millier de formations combattantes, selon une déclinaison reflétant les segments de la société (Politique, religieux, confessionnel, ethnique et tribal) opèrent au sein de PC commun, indique le rapport dont ci-joint des extraits de ce document de 50 pages.
Les Etats Unis et les Occidentaux
« La préoccupation majeure des Etats Unis est de mettre un terme à l’extension régionale du conflit et faire face à la menace croissante que représente le djihadisme. L’idée de départ des Occidentaux de mettre sur pied une opposition unifiée et disciplinée a été contrariée par les interférences grandissantes et les intérêts contradictoires des protagonistes aboutissant à un accroissement des actes de sauvagerie et à l’avènement d’un djihadisme sans pareil. Les Occidentaux doivent surmonter leurs erreurs antérieures et œuvrer en vue de favoriser l’adoption d’une résolution à l’effet de contribuer à la stabilité régionale et la sécurité internationale.
« Les Etats Unis qui envisageaient au départ un soutien à l’opposition jusqu’à la chute du régime, ont modulé leur stratégie et vise désormais un règlement politique. Ils se soucient désormais de fournir aux forces modérées un soutien qui les mette en mesure de mener des négociations avec le régime syrien.
Une opposition instable
« La concurrence pour les subsides notamment auprès des associations caritatives pétro monarchiques a favorisé la division et la dispersion. Le style de vie des opposants en exil a suscité des moqueries en ce qu’il leur était reproché leur gout pour les hôtels cinq étoiles, occultant la dure réalité syrienne. Le chef de l’Armée Syrienne Libre, pendant cette période a assumé un rôle de « Public Relations » chargé de la répartition des armes et de l’assistance matérielle. L’échec de l’opposition pro occidentale a favorisé la montée en puissance de l’extrémisme, dont les Frères Musulmans, constituaient la force la plus modérée.
Par « Le Manifeste d’Alep », le 24 septembre 2013, onze organisations parmi les plus puissantes ont refusé la tutelle de la coalition de l’opposition syrienne, soutenue par les pays occidentaux et les pétro monarchies arabes. Cinquante groupements, réunis sous l’autorité de Mohamad Allouche, fonderont alors « Jaych Al Islam », assumant un rôle axial en Syrie.
Le Front Islamique
Sept groupements fédérés au sein de ce front disposent de 60.000 combattants en Syrie et constituent la plus importante formation militaire du pays. Trois de ces formations -Ahrar As Cham (les hommes libres du levant), Soukour As Cham (Les Aigles du Levant) et Jaych al Islam (l’Armée de l’Islam)- opèrent en coordination étroite avec Al Qaida, via Jobhat an Nosra. « Le Front Islamique est un acteur décisif dans la dynamique de l’opposition en raison de sa capacité d’impulser l’orientation idéologique du soulèvement. Il constitue la relève radicale d’Al Qaida sur le plan idéologique et son but ultime est la création d’un Etat islamique en Syrie, point de départ de la guerre de libération d’Al Qods (Jérusalem) et la Palestine.
Dahech
Acronyme de « l’Etat Islamique d’Irak et de Syrie » s’est distingué par davantage de sauvagerie dans les combats, entrainant son expulsion par Al Qaida en Février 2014. Dahech a été expulsé d’Alep, Lattaquieh et Idlib, mais contrôle encore l’axe routier Alep Raqqa. L’isolement de Dahech en Syrie l’incite à se doter une dimension internationale. Son ambition est de se constituer en un mouvement transfrontière avec des objectifs qui vont au-delà de ses deux points focaux actuels l’Irak et la Syrie.
Les parrains de l’opposition
L’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie ont contribué à l’évolution de l’opposition vers l’extrémisme, de même que le régime syrien en libérant des prisonniers salafistes.
Souheil Idriss, le chef de l’ASL, le partenaire préféré des Occidentaux, a été évincé de son poste en raison de sa relation avec le Qatar et remplacé par Abdallah Bachir, un pro saoudien. Le dégagement de Souheil Idriss a conduit les Occidentaux à une prise de distance vis-à-vis de cette institution, (...) alors que, parallèlement, la réélection d’Ahmad Jarba, appartenant à la confédération tribale que le Roi Abdallah (la tribu Al Shammar) a contribué à propager un sentiment d’abattement au sein de l’opposition. Abdallah Bachir, le nouveau chef de l’ASL, son adjoint Haytham Al Oujeiry, de même que le ministre de la défense, Assaad Moustapha relèvent de la mouvance saoudienne.
L’Arabie a décidé de favoriser la montée en puissance des milices de l’Islam modéré pour se conformer à la nouvelle relation saoudo américaine, mais maintient sa pression sur l’Iran. En contrechamps, le Qatar et la Turquie continuent leur soutien aux formations radicales, tout en ménageant l’Iran dans l’attente des résultats du conflit syrien.
Le plateau du Golan, nouvelle place forte de l’opposition armée.
Le Front Sud, dans la région de Quneitra, chef-lieu du plateau du Golan, adossé à Israël qui en occupe encore une large partie, constitue désormais « la place forte de l’opposition armée (...), laquelle a bénéficié de livraisons d’armes notamment des missiles anti chars AGTMS et des Missiles TOW BGM 71. « La formation de combattants syriens par l’armée américaine augurent de batailles décisives dans ce secteur dans les prochains mois. La livraison de missiles anti chars de fabrication américaine à Hazm (un segment proche de l’ancien chef de l’ASL Souheil Idriss) constitue en outre un indice du rétablissement des relations entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis.
Russie : L’usage du veto en faveur d’un allié indéfectible a paru plus important à la Russie que de vaines joutes oratoires d’accusations et de contre accusations avec ses rivaux occidentaux. Par son soutien résolu et son aide multiforme, la Russie a assuré une maitrise du comportement syrien, comme en témoigne l’accord sur la destruction de l‘arsenal chimique syrien.
Iran-Le Hezbollah : des drones en surveillance du champ de bataille syrien
L’Iran a accordé un soutien matériel et financier constant à la Syrie en ce que la défaite de son allié aurait neutralisé sa capacité de riposte face à Israël en cas d’attaque contre ses installations nucléaires. Via « Faylaq al Qods » (Jerusalem brigade) des gardiens de la révolution iranienne, elle a assumé un rôle fondamental dans la formation des milices chiites, notamment des chiites d’Irak sans compter la contribution de la formation chiite libanaise.
« Le Hezbollah a réussi à assumer un rôle distinctif croissant dans la direction des opérations de l’armée syrienne lors d’offensives majeurs des forces gouvernementales. A Qoussayr (Juin 2013), le Hezbollah a pris directement en main le commandement des opérations, assumant, parallèlement, la surveillance aérienne permanente du champ de bataille, via des drones.
« Toutefois la prolongation du conflit rend une solution politique difficile. Avec 1000 unités combattantes rebelles à travers le pays, la transition politique parait quasiment impossible. En cas de paix, la reconstruction syrienne prendra entre 15 et 20 ans. Le cout de reconstruction est estimé à 165 milliards de dollars, soit « 18 fois le budget annuel de la Syrie ».
Epilogue
Deux des journaux d’accompagnement de la diplomatie hollando-fabiusienne dans la guerre de Syrie - Le Monde et Libération - ont implosé par perte de sens et de finance, évinçant dans l’urgence leur directeur : Nicolas Demorand (Libération) par suite d’une motion de défiance et Nathalie Nougayrède (Le Monde) dans la foulée de la démission collective de sept rédacteurs en chef.
Amplificateur multiplex des thèses atlantistes du pouvoir socialiste, le journal Le Monde actera la défaite française, dans son édition du 1 er octobre 2013. « Loin d’être à la remorque des Américains, la France a cherché à les tirer vers une politique plus décisive sur une politique qui a fait 110.000 morts et menace tout le Moyen orient », soutiendra la directrice du quotidien Nathalie Nougayrède. Dans un éditorial intitulé « les limites de l’influence française », elle vantera la fonction de « diplomatie de repère » de la France. Non Nathalie Nougayrède, la France n’assume pas une fonction de « diplomatie de repère », ni de balises, mais une diplomatie de repaires et de tanières. Point n’était besoin d’abriter au sein de votre journal un agent d’influence de la diplomatie française, la grande oreille Ignace Leverrier Wladimir Glassman Al Kazzaz. Un choix fatal à votre magistère.
« Le Monde et Libération, deux bateaux ivres, bientôt fantômes ?, s’interroge, au vu de ce bilan, Jacques LeBohec, spécialiste de la sociologie des Médias à l’Université Lyon III qui soutient que ce qui les menace est une « déchéance et une implosion progressives...
« Deux quotidiens qui furent prestigieux, que l’on consomma avidement et qui ne servent plus que de moyens de pression dans le secteur de la téléphonie mobile ». (Golias hebdo N° 337- semaine du 22 au 28 mai 2014)
Sauf erreur de la part de l’auteur de ce texte, le rapport fait une omission de taille : Il ne mentionne la moindre exaction du Hezbollah, pas plus son narcotrafic, comme le propage Yves Mamou, un ancien du Monde, que ses viols intensifs, comme le colporte Annick Cojean, journaliste au Monde. Venant d’une institution américaine nullement suspectée de sympathies pro Hezbollah, ce constat vaut brevet.
Le rapport constitue, en creux, un désaveu de la cohorte des islamophilistes français qui ont saturé les ondes de leur fausse science, notamment le chef de meute, François Burgat, et ses acolytes Thomas Pierret, Romain Caillet, Nabil Ennsari, dont les approximations et la véhémence leur ont conféré le titre nullement envieux de « branquignoles de la pensée stratégique française ».
Une poignée de dollars a sabordé la géostratégie du Monde arabe.
Merci pour Bourhane Ghalioune. Merci aussi pour les Kodmanis’ sisters, Basma Kodmani et Hala Kodmani. Merci pour la Syrie, leur patrie d’origine. Merci pour la Palestine, la patrie de leurs enfants.
René Naba