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Cuba : La Responsabilité des Intellectuels.

vendredi 23 mai 2003

Une fois de plus les intellectuels sont entrés dans le débat - cette
fois-ci sur les questions de l’impérialisme des États-Unis et des droits de
l’homme à Cuba.

"Quel est l’importance du rôle des intellectuels ?", me suis-je
demandé en marchant devant le Puerto del Sol à Madrid un dimanche après-midi
ensoleillé (le 26 avril 2003). Puis j’ai entendu des slogans anti-castristes
scandés par quelques centaines de manifestants résonner à travers la place
presque vide. Malgré une dizaine d’articles et de commentaires par des
intellectuels de renom dans les plus grands journaux de Madrid, et des
heures de propagande à la télévision et à la radio, plus le soutien accordé
par les bureaucrates des plus grands syndicats et partis politiques, à peine
700 à 800 personnes, la plupart des exilés Cubains, se sont présentées pour
attaquer Cuba. "A l’évidence," me suis-je dit, "les intellectuels
anti-Cubains n’ont que peu ou pas d’influence mobilisatrice, du moins en
Espagne."

Mais l’impuissance politique des écrivains anti-castristes ne signifie
pas que les intellectuels en général ne jouent pas un rôle important ; ni
que leur faible audience signifie qu’ils soient sans ressources, surtout
lorsqu’ils ont l’appui de la machine de propagande et guerrière des
États-Unis, qui amplifie et répand leurs paroles à travers le monde entier.
Afin de se faire une idée du débat qui fait rage entre les intellectuels sur
les questions des droits de l’homme à Cuba et de l’impérialisme US, il est
important d’examiner le rôle des intellectuels, du contexte et des enjeux
majeurs dans le cadre du conflit entre les États-Unis et Cuba.


LE RôLE DES INTELLECTUELS

Le rôle des intellectuels est de clarifier les enjeux majeurs et de
définir les principales menaces pour la paix, la justice sociale,
l’indépendance nationale et la liberté à chaque époque historique ainsi que
d’identifier et soutenir les principaux défenseurs de ces mêmes principes.
Les intellectuels ont la responsabilité de faire la distinction entre les
mesures de défense prises par des états et les peuples soumis à une
agression impérialiste et les méthodes agressives des puissances impériales
à la recherche de conquêtes. C’est le summum de l’hypocrisie que de placer
sur un pied d’égalité la violence et la répression des pays impérialistes
avec celles de pays du Tiers-monde victimes d’attaques militaires et
terroristes. Un intellectuel responsable examine sans concessions le
contexte politique et analyse les relations entre une puissance impériale et
ses fonctionnaires salariés locaux, qualifiés de "dissidents", au lieu de
lancer des anathèmes selon son degré de myopie ou ses impératifs politiques
personnels.

Les intellectuels engagés qui prétendent parler avec une autorité
morale, surtout ceux qui se prétendent critiques de l’impérialisme, ont la
responsabilité politique de démystifier les manipulations du pouvoir, de
l’état et des médias, particulièrement lorsque la rhétorique impériale
s’exprime sur les violations des droits de l’homme dans des états
indépendants du Tiers-monde. Nous avons récemment vu trop d’intellectuels
occidentaux "progressistes" soutenir ou se taire devant la destruction de la
Yougoslavie par les États-Unis, du nettoyage ethnique de plus de 250.000
serbes, gitans et autres au Kosovo, et se rallier à la propagande US d’une
"intervention humanitaire".

Tous les intellectuels Etats-Uniens (Chomsky, Zinn, Wallerstein, etc.)
ont soutenu le soulèvement violent des intégristes en Afghanistan, financé
par les États-Unis, contre le gouvernement séculaire soutenu par les
Soviétiques - sous le prétexte que les Soviétiques avaient "envahi"
l’Afghanistan et que les fanatiques intégristes qui envahissaient le pays
des quatre coins du monde étaient des "dissidents" venus défendre
"l’auto-détermination" - une manipulation réussie et avouée par l’ancien
Conseiller à la Sécurité Nationale, Zbig Bryzinski.

Hier comme aujourd’hui, des intellectuels prestigieux brandissent
leurs passés de "critiques" à l’égard de la politique étrangère des
États-Unis pour donner plus de poids à leur dénonciation unanime des
supposées entorses à la morale dont seraient rendus coupables les Cubains.
Ils mettent sur le même pied d’égalité, d’une part, l’arrestation par Cuba
de fonctionnaires à la solde du Département d’État et l’exécution de trois
pirates terroristes et, d’autre part, les crimes de guerre génocidaires de
l’impérialisme US. Ces pratiquants des équivalences morales examinent Cuba
avec un microscope et les crimes États-uniens avec un télescope. Et c’est
pour ça qu’ils sont tolérés dans les milieux libéraux de l’empire.


IMPÉRATIFS MORAUX ET RÉALITÉS CUBAINES : MORALITÉ ET MALHONNÊTETÉ

Les intellectuels sont divisés sur le conflit entre les États-Unis et
Cuba : Benedetti, Sastre, Petras, Sanchez-Vazquez et Pablo Gonzalez Casanova
et beaucoup d’autres défendent Cuba ; des intellectuels de droite tels que
Vargas Llosa, Savater, et Carlos Fuentes ont prononcé sans surprise leurs
diatribes habituelles contre Cuba ; et une petite armée d’intellectuels
généralement considérés comme des progressistes - Chomsky, Saramago, Sontag,
Zinn, et Wallerstein - ont condamné Cuba, tout en brandissant leurs
Curriculums d’opposants critiques pour ne pas être confondus avec les
opposants de droite ou du Département d’État. C’est ce groupe de
"progressistes" qui a provoqué le plus de dégâts dans le mouvement
anti-impérialiste et c’est à eux que j’adresse mes remarques.

Une morale qui s’appuie sur une propagande constitue un mélange
dangereux - particulièrement lorsque les jugements sont émis par des
intellectuels prestigieux de la gauche et que la propagande en question
émane de l’extrême droite de l’administration Bush.

Beaucoup de ces critiques "progressistes" reconnaissent, comme ça en
passant en sans entrer dans les détails, que les États-Unis ont eu une
attitude hostile et agressive envers Cuba, et ils reconnaissent
"généreusement" le droit de Cuba à l’auto-détermination - puis ils se
lancent dans une série d’accusations sans fondements et de déformations
sorties de tout contexte - le contraire aurait pu aider à clarifier le débat
et fournir une justification à ces "impératifs moraux".

Le mieux serait de revenir vérités premières. Les critiques de gauche
acceptent les définitions fournies par le Département d’État et dénoncent la
répression par le gouvernement Cubain d’individus, de dissidents, y compris
des journalistes, de propriétaires de bibliothèques privées et de membres de
partis politiques non-violents qui tentent d’exercer leurs droits
démocratiques. Ce que les "progressistes" sont incapables de reconnaître, ou
refusent de reconnaître, c’est que les personnes arrêtées étaient des
fonctionnaires payées par le gouvernement des États-Unis.

Selon l’Agence pour le Développement International (AID), la
principale agence fédérale chargée de la distribution des dons et des prêts
dans l’intérêt de la politique étrangère des États-Unis, et dans le cadre du
Programme USAID Cuba (résultat de la loi Helms-Burton de 1996), AID a
distribué plus de 8.5 millions de dollars aux opposants Cubains depuis 1997
afin qu’ils puissent publier, organiser des réunions, faire de la propagande
pour le renversement du gouvernement Cubain en coordination avec toute une
variété d’ONG états-uniennes, d’universités, de fondations et autres groupes
qui servent de couverture. (voir le contenu de programme USAID Cuba sur le
site d’AID).

Le programme USAID, contrairement aux pratiques habituelles, ne
transfert pas les fonds au gouvernement Cubain mais directement à ses
clients "dissidents" Cubains. Les critères pour bénéficier du financement
sont clairement énoncées - les bénéficiaires des paiements et des prêts
doivent avoir démontré un engagement clair en faveur du projet US pour une
"transformation du régime" vers une "économie de marché" et la
"démocratie" - sans doute proche de la dictature coloniale en Irak. La loi
Helms-Burton, tout comme le manifeste rédigé par des progressistes
états-uniens, "condamne l’absence de liberté à Cuba, l’emprisonnement de
dissidents innocents, et appelle à un changement démocratique du régime
Cubain".

Ce sont là des coïncidences étranges qui demandent une analyse. Les
journalistes Cubains qui ont reçu 280.000 dollars de Cuba Free Press - une
façade d’AID - ne sont pas des dissidents mais des fonctionnaires salariés.
Les groupes de "défense des droits de l’homme" cubains qui ont reçu 775.000
dollars de Freedom House - façade de la CIA - ne sont pas des dissidents -
surtout lorsque leur mission consiste à promouvoir une "transition"
(renversement) du régime Cubain. La liste des dons et des financements des
"dissidents" cubains (fonctionnaires) par le gouvernement des États-Unis est
longue et détaillée et accessible à tous les critiques moralisateurs
progressistes. Le fait est que les opposants emprisonnés par le gouvernement
Cubain sont des fonctionnaires payés par le gouvernement des États-Unis,
payés pour mettre en oeuvre les objectifs de la loi Helms-Burton en accord
avec les critères de USAID et sous la direction du chef de la Section des
Intérêts US à la Havane.

Entre le 2 Septembre 2002 et Mars 2003, James Cason, chef de la
Section des Intérêts US à la Havane, a tenu des dizaines de réunions avec
ses "dissidents" cubains dans sa résidence et dans son bureau, leur
fournissant des instructions et des indications sur ce qu’ils devaient
écrire, comment recruter, tout en attaquant le gouvernement Cubain en des
termes fort peu diplomatiques.

Les fonctionnaires Cubains de Washington recevaient du matériel
électronique et du matériel de communication de USAID, des livres et autres
matériels de propagande et de l’argent pour financer des "syndicats" pro-US
à travers leur couverture du "Centre Américain pour la Solidarité
Internationale du Travail". Il ne s’agit pas de "dissidents" bien
intentionnés, ignorants de l’identité de leur bienfaiteur ou de leur rôle en
tant qu’agents au service des États-Unis, puisque le rapport d’USAID indique
(dans la section intitulée ""The US Institutional Context"), "le Programme
Cuba est financé à travers le Fonds de Soutien Économique - Economic Support
Fund - qui est destiné à soutenir les intérêts économiques et politiques des
États-Unis par la fourniture d’une aide financière aux alliés (sic) et pays
sur la voie de la démocratisation."

Aucun pays au monde ne tolère, ou ne désigne comme "dissidents", des
citoyens payés par, et travaillant pour, une puissance étrangère dans le but
de servir les intérêts impériaux de ce dernier. Ceci est particulièrement
vraie aux États-Unis, ou dans l’article 18, paragraphe 951 du Code US,
"toute personne qui accepte d’opérer à l’intérieur des États-Unis sous la
direction ou le contrôle d’un gouvernement ou officiel étranger sera inculpé
de crime et risque une peine de 10 ans de prison". Sauf bien-sur si ces
personnes se font enregistrer comme des agents étrangers ou si elles
travaillent pour le gouvernement Israélien.

Les intellectuels "progressistes" états-uniens ont manqué à leur
devoir d’analyste et de critique et prennent pour argent comptant les
affirmations du Département d’État selon lesquelles les fonctionnaires
payées par les États-Unis, et qualifiés de dissidents, lutteraient pour la
"liberté".

Certains défenseurs des agents-dissidents états-uniens prétendent que
les fonctionnaires ont été condamnés à de "lourdes peines scandaleuses". Une
fois de plus, la myopie empirique se mélange avec une moralisation
fallacieuse. Cuba est sur le pied de guerre. L’administration Bush a déclaré
que Cuba était sur la liste des cibles militaires pouvant être soumises à 
une destruction massive et à une guerre. Et au cas où nos intellectuels
moralisateurs ne s’en seraient pas rendus compte : Bush, Rumsfeld et les
sionistes va-t-en-guerre de l’Administration ont l’habitude de faire ce
qu’ils annoncent.

L’absence totale de sérieux chez Chomsky, Zinn, Sontag et Wallerstein
laisse penser qu’ils ne perçoivent pas l’imminence d’une menace de guerre de
la part des États-Unis au moyen d’armes de destruction massive, annoncée à 
l’avance. Ceci est particulièrement désespérant lorsque l’on sait que
beaucoup de ces critiques vivent aux États-Unis, lisent la presse
états-unienne et sont conscients de la rapidité avec laquelle les annonces
belliqueuses peuvent être suivies par des actions génocidaires. Mais nos
moralistes ne se sentent pas concernés par le contexte, par les menaces US
contre Cuba, imminentes ou prévues. Ils sont surtout impatients de démontrer
au Département d’État qu’ils s’opposent non seulement à la politique
étrangère des États-Unis mais qu’ils condamnent aussi chaque pays, système
ou dirigeant indépendant qui s’oppose aux États-Unis. En d’autres termes :
cher M. Ashcroft, lorsque vous vous en prendrez aux "défenseurs" de la
"terreur" Cubaine, rappelez-vous que nous sommes différents, que nous aussi
nous condamnons Cuba et que nous aussi nous demandons un changement de
régime là -bas.

Ceux qui critiquent Cuba ignorent le fait que les États-Unis ont déjà 
mis en marche une stratégie à deux voies, militaire et politique, pour
prendre le contrôle de Cuba. Washington fournit l’asile aux terroristes
pirates de l’air, encourageant ainsi les efforts de déstabilisation d’une
économie basée sur le tourisme, tout en travaillant étroitement avec
l’organisation terroriste de la Fondation Nationale Cubano-Américaine qui
cherche à assassiner les dirigeants Cubains. De nouvelles bases militaires
ont été construites dans la République Dominicaine, en Colombie, au
Salvador, et il y a l’extension du camp de concentration à Guantanamo - le
tout pour faciliter une invasion. L’embargo US est sur le point être
resserré avec le soutien des régimes de droite de Berlusconi et d’Aznar en
Italie et en Espagne.

L’activité agressive et ouvertement politique de James Cason, de la
Section des Intérêts, en coordination avec ses partisans Cubains
fonctionnaires-salariés-"dissidents", fait partie d’une stratégie appliquée
à l’intérieur du pays et destinée à affaiblir le soutien de la population
cubaine au régime et à la révolution. Les relations entre les deux tactiques
et leur convergence stratégique sont ignorées par nos prestigieux
intellectuels critiques qui préfèrent le confort de pouvoir prononcer
quelques banalités sur la liberté partout et pour tous, même lorsqu’un
psychopathe à Washington place un couteau sous la gorge des Cubains. Non
merci, Chomsky, Sontag, Wallerstein - Cuba a raison de donner à ses
agresseurs un coup de pied dans les parties et de les envoyer couper de la
canne à sucre pour gagner honnêtement leur vie.

La peine de mort pour trois terroristes qui ont détourné un ferry est
sévère - mais tout comme la menace contre les vies des quarante passagers
Cubains qui ont frôlé la mort entre les mains de ces pirates. Encore une
fois, nos moralistes ont oublié de parler des actes de piraterie aérienne et
de tous les autres plans de détournement déjoués à temps. Les moralistes ne
comprennent pas pourquoi des terroristes desperados cherchent à quitter Cuba
par des moyens illégaux.

L’Administration de Bush a pratiquement supprimé le programme de visas
pour les Cubains qui désirent partir. Le nombre de visas accordés a diminué
de 9000 pour les quatre premiers mois de 2002 à 700 pour 2003. Il s’agit
d’une tactique intelligente pour encourager les actes terroristes à Cuba et
pour ensuite dénoncer les lourdes peines, tout en rameutant les béni oui-oui
de la chorale des "Amen" de l’élite intellectuelle progressiste US et
Européenne. Est-ce simplement l’ignorance qui est à l’origine de ces
condamnations contre Cuba ou y a-t-il encore autre chose - un chantage moral
par exemple ? - qui voudrait obliger leurs collègues intellectuels Cubains à 
prendre position contre le régime, contre le peuple, ou sinon courir le
risque de subir la désapprobation des intellectuels prestigieux et de se
retrouver encore plus isolés et stigmatisés en tant "qu’apologistes de
Castro".

Saramago a formulé des menaces précises d’abandonner ses amis Cubains
et d’embrasser la cause des fonctionnaires salariés Etats-Uniens. Il a
menacé implicitement de ne plus visiter Cuba et de boycotter les
conférences. N’est-ce pas une lâcheté morale que de prendre fait et cause
pour l’empire et de s’en prendre à Cuba lorsque celle-ci est menacée d’une
destruction massive et ceci pour la liberté de quelques agents payés que
n’importe quel pays au monde aurait fait arrêter ? Ce qui est hautement
malhonnête c’est d’ignorer totalement les grandes réussites de la révolution
dans les domaines de l’emploi, de l’éducation, de la santé, de l’égalité, et
de l’opposition héroïque et sans concession de Cuba aux guerres impériales -
le seul pays au monde à les appeler ainsi - et sa capacité à résister à 
presque 50 ans d’interventions. Ceci ne compte pas pour les intellectuels
États-uniens - c’est scandaleux ! ! C’est une honte. Ils font des
concessions en échange d’un peu de respectabilité. Et ceci après qu’ils
aient "osé" s’opposer à une guerre états-unienne en compagnie de seulement
30 millions de personnes à travers le monde. Ce n’est pas le moment pour
rééquilibrer la balance - en condamnant Cuba, en demandant un changement de
régime, en soutenant la cause des "libre-échangistes"
fonctionnaires-dissidents Cubains.

Souvenons-nous que les mêmes progressistes intellectuels ont soutenu
les "dissidents" en Europe de l’Est et en Russie qui étaient financés par
Soros et le Département d’État des États-Unis. Les "dissidents" ont remis
leur pays entre les mains de la mafia Russe, l’espérance de vie a baissé de
5 ans (plus de 10 millions de Russes sont morts prématurément suite à la
destruction du système de santé), tandis que les "dissidents" de l’Europe de
l’Est fermaient les chantiers navals de Gdansk, entraient dans l’OTAN et
fournissaient des mercenaires aux États-Unis pour conquérir l’Irak. Et
jamais on n’entend de la part de ces supporters des "dissidents" Cubains la
moindre critique des résultats catastrophiques de leurs diatribes
anti-communistes et de leurs manifestes en faveur des "dissidents" qui sont
devenus les soldats de l’empire US au Moyen Orient et en Europe centrale.

Nos moralistes américains n’ont jamais, je répète, jamais réfléchi sur
leurs échecs moraux, passés ou présents, parce que, voyez vous, ils sont
partisans de la "liberté partout", même lorsque les "mauvaises" personnes
prennent le pouvoir et que "l’autre" empire prend le dessus, et que des
millions meurent de maladies curables et que le champ de l’esclavagisme
blanc s’élargit. La réponse est toujours la même : "Ce n’est pas ce que nous
voulions - nous étions pour une société indépendante, libre et juste - c’est
seulement qu’en appelant à un changement de régime, en soutenant les
dissidents, nous n’avions jamais pensé que l’Empire "raflerait tout", qu’il
deviendrait l’unique superpuissance et se lancerait dans la colonisation du
monde."

Les intellectuels moralisateurs doivent reconnaître leurs
responsabilités et ne pas se cacher derrière des platitudes morales
abstraites, reconnaître leur complicité passée dans la construction de
l’empire et leurs responsabilités présentes dans les déclarations
scandaleuses contre Cuba. Ils ne peuvent pas ignorer les conséquences de
leurs paroles et de leurs actes. Ils ne peuvent pas se prétendre innocents
après tout ce que nous avons vu, lu et entendu sur les plans de guerre des
États-Unis contre Cuba.

Le principal auteur et promoteur de la déclaration anti-cubaine aux
États-Unis (signée par Chomsky, Zinn et Wallerstein) est Joanne Landy, une
auto-proclamée "socialiste démocrate", et partisane depuis toujours d’un
renversement violent du gouvernement Cubain depuis ces quarante dernières
années. Elle est actuellement membre de la Commission des Relations
Étrangères(CFR), une des principales institutions qui conseillent le
gouvernement des États-Unis sur la politique impériale depuis plus d’un
demi-siècle.

Landy a soutenu l’invasion par les États-Unis de l’Afghanistan et de
la Yougoslavie. Elle a soutenu le groupe terroriste albanais, l’UCK -
appelant publiquement à un soutien militaire ouvert - responsable du meurtre
de 2000 Serbes et du nettoyage ethnique de centaines de milliers de Serbes
et d’autres au Kosovo. Ce n’est pas une surprise que de constater que la
déclaration rédigée par cette extrémiste de droite déguisée ne fait aucune
mention des réussites sociales à Cuba ou d’une opposition à l’impérialisme.
Il faut noter aussi que Landy était viscéralement opposée aux Chinois, aux
Vietnamiens et autres révolutions sociales lorsqu’elle montait les échelons
de la CFR

Malgré tout leur esprit critique tant vanté, les intellectuels
"progressistes" ont ignoré la politique douteuse de l’auteur à l’origine de
la diatribe anti-Cubaine.


LE RôLE DE L’INTELLECTUEL AUJOURD’HUI

De nombreux critiques de Cuba parlent de "principes" comme s’il n’y
avait qu’un seul jeu de principes applicables dans toutes les situations
quels que soient les acteurs et les conséquences. Réclamer l’application de
principes" tels que la "liberté" pour les personnes impliquées dans le
renversement du gouvernement Cubain avec la complicité du Département d’État
transformerait Cuba en un nouveau Chili - où Allende fut renversé par
Pinochet - et mènerait à la destruction des acquis de la révolution.

Il y a des principes qui sont plus fondamentaux que la liberté de
quelques cubains fonctionnaires des États-Unis, tels que la sécurité
nationale et la souveraineté populaire. Il existe, surtout parmi la gauche
progressiste aux États-Unis, une certaine attirance pour les victimes du
Tiers-monde, ceux qui échouent, et une aversion pour les révolutionnaires
qui réussissent. Il semblerait que les intellectuels progressistes
états-uniens trouvent toujours un alibi pour éviter de s’engager aux cotés
d’une révolution. Pour certains, c’est le vieux refrain du "stalinisme" - si
l’état joue un rôle majeur dans l’économie, ou s’il y a des mobilisations de
masses - qu’ils qualifient de "dictature plébiscitaire". C’est parfois les
services de sécurité qui luttent contre le terrorisme qu’ils qualifient
"d’état policier répressif".

Ces intellectuels vivent dans un des pays les moins politisés au
monde, avec un des appareils syndicaux les plus serviles et corrompus du
monde occidental. Ils n’ont pratiquement aucune influence politique en
dehors de quelques villes universitaires. Ces intellectuels états-uniens qui
se disent pratiques n’ont cependant aucune connaissance ou expérience
pratique des menaces et violences quotidiennes qui planent au-dessus des
gouvernements révolutionnaires et des militants en Amérique latine. Leurs
concepts politiques, à l’aune desquels ils approuvent ou condamnent toute
activité politique, n’existent que dans leurs esprits, dans un cadre
universitaire sympathique et progressiste où ils bénéficient de tous les
privilèges accordés par la liberté capitalistes, sans courir aucun des
dangers qu’affrontent les révolutionnaires du tiers-monde.

Un peu de modestie, chers intellectuels prestigieux, critiques, et
prêcheurs de liberté. Posez-vous sincèrement la question de savoir si vous
aimeriez être piratés par une organisation terroriste basée à Miami.
Posez-vous la question si vous aimeriez vous asseoir dans un grand hôtel
touristique à la Havane au moment où une bombe explose - cadeau des
terroristes en train de siroter une bière avec le frère du Président, Jeb.
Essayez d’imaginer la vie dans un pays qui est le premier sur la liste des
cibles du régime impérial le plus violent depuis l’Allemagne nazie - alors
peut-être votre sensiblerie morale accepterait de modérer vos critiques sur
la politique sécuritaire Cubaine et de relativiser vos sermons.

Je voudrais conclure en précisant mes propres "impératifs moraux" - à 
l’attention des intellectuels critiques.

1 - Le premier devoir des intellectuels occidentaux est de s’opposer à 
leurs propres dirigeants impérialistes et à leur conquête du monde.

2 - Le deuxième devoir est de clarifier les enjeux moraux dans la
lutte entre militaires impérialistes et résistance populaire/nationale et
rejeter l’attitude hypocrite qui consiste à mettre sur le même plan
d’égalité la terreur de masse des uns et les contraintes de sécurité
justifiées des autres, mêmes si elles sont parfois excessives.

3 - Définir les limites de l’honnêteté politique et individuel en
tenant compte des réalités et des enjeux avant de porter des jugements.

4 - Résister à la tentation de devenir un "héros moral de l’empire" en
refusant de soutenir des luttes populaires victorieuses et les régimes
révolutionnaires qui ne sont pas parfaits et qui ne jouissent pas de toutes
les libertés accordées à des intellectuels impuissants qui ne représentent
aucune menace et qui sont donc autorisés à se réunir, discuter et critiquer.

5 - Refuser de se poser en tant que Juge, Procureur et Jury qui
condamnerait les progressistes qui ont le courage de défendre des
révolutionnaires. L’exemple le plus scandaleux est l’attaque calomnieuse
lancée par Susan Sontag contre le Prix Nobel Gabriel Garcia Marquez, qu’elle
a accusé de manquer d’intégrité et être un apologiste de la terreur Cubaine
(sic). Sontag a prononcé ces accusations sanguinaires à Bogota, Colombie.
Les escadrons de la mort Colombiens, en complicité avec le régime,
assassinent plus de syndicalistes et de journalistes que dans n’importe quel
autre pays au monde, et ils sont loin être des "apologistes" du régime de
Castro. C’est la même Sontag qui a soutenu avec enthousiasme l’invasion
impériale et le bombardement de la Yougoslavie, qui a soutenu le régime
intégriste Bosniaque et qui est restée silencieuse devant le meurtre et le
nettoyage ethnique des Serbes et d’autres au Kosovo. Tu parles d’une
intégrité morale ! Le sens précieux de supériorité morale qu’on rencontre
chez les intellectuels New-Yorkais autorise Sontag à désigner Marquez aux
escadrons de la mort et à penser qu’elle vient de prononcer une déclaration
hautement morale.

Les intellectuels occidentaux ne devraient pas confondre leur propre
futilité politique et positions inconséquentes avec celles de certains
intellectuels latino-américains engagés. Il y a un espace pour un dialogue
constructif mais pas pour des attaques personnelles contre ceux qui risquent
leurs vies tous les jours.

Il est facile pour un intellectuel d’être un "ami de Cuba" pendant les
fêtes et les conférences, lorsque le risque est minime. Il est beaucoup plus
difficile être un "ami de Cuba" lorsque l’empire totalitaire menace l’île
héroïque et pèse de tout son poids sur ses défenseurs.

A une époque de guerres permanentes, de génocides et d’agressions
militaires, Cuba a besoin de la solidarité des intellectuels critiques,
qu’elle reçoit de partout en Europe et surtout d’Amérique latine. N’est-il
pas temps que nous, aux États-Unis, avec nos illustres et prestigieux
intellectuels et toutes nos majestueuses sensibilités morales,
reconnaissions l’existence d’une révolution vivante et héroïque qui lutte
pour se défendre contre l’agresseur US et que nous laissions de coté nos
déclarations qui n’ont d’importance que pour nous, que nous soutenions la
révolution et que nous rejoignions le million de Cubains qui ont fêté le
premier Mai avec leur dirigeant Fidel Castro ?


 Source : L’école démocratique
http://www.ecoledemocratique.org

- Traduction : CUBA SOLIDARITY PROJECT

"Lorsque les Etats-Unis sont venus chercher Cuba,
nous n’avons rien dit, nous n’étions pas Cubains."

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On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent.

Bertolt Brecht

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