La capture de 89 paramilitaires colombiens au coeur du Venezuela révèle l’internationalisation accélérée du "Plan Colombie".
Par Paul-Emile Dupret
Les services de sécurité du Venezuela viennent de capturer, samedi 8
Mai, 89 des 150 paramilitaires, presque tous réservistes de l’armée
colombienne, qui s’entraînaient dans une hacienda voisine de Caracas, au
coeur du pays. Cette hacienda appartient à Roberto Alonso, un opposant vénézuélien d’origine cubaine. Le groupe paramilitaire s’apprêtait mener à un nouveau coup d’état, dont le scénario fait actuellement l’objet des interrogatoires, mais qui comprenait en tout cas la prise de contrôle d’une caserne de la garde nationale.
Une nouvelle tentative de déstabilisation déjouée
Le gouvernement vénézuélien a déjoué de la sorte une nouvelle tentative de déstabilisation, la plus importante entreprise par l’opposition du
Venezuela, après le coup d’état d’Avril 2002, la paralysie pétolière de
janvier 2003, et les deux tentatives de fraude liées au référendum
révocatoire, respectivement en février et en décembre 2003.
Ces captures interviennent quelques jours seulement après les déclarations de l’ex-président Carlos Andrés Perez, exilé pour échapper à la justice de son pays pour cause de corruption, à la radio colombienne (Radio Caracol) au sujet du président Chavez : "Nous sommes disposés à le renverser, mais nous sommes convaincus que ce ne sera pas par la voie pacifique, mais par la force", "ce ne sera pas une
guerre civile, mais il y aura des morts".
Ce coup de filet qui est évidemment très positif, révèle cependant une
réalité préoccupante. Alors que nombre d’observateurs internationaux
estimaient que l’opposition vénézuélienne serait dissuadée de tenter un
nouveau coup de force contre Chavez tant que les américains sont embourbés en Irak et que le prix du pétrole est aussi haut, il faut aujourd’hui déchanter. Les avertissements répétés du gouvernement vénézuélien qui dénonce que des plans de déstabilisation sont en marche, viennent d’être confirmés de façon dramatique.
L’opposition vénézuélienne et ses parrains internationaux ne donnent pas
de répit. Ils sont prêts à entreprendre sur le champ une nouvelle
tentative de coup d’état, qui risque, s’il prospère, de faire sombrer le
Venezuela dans une violence prolongée similaire à celle que traverse la
Colombie depuis plus de 50 ans, c’est à dire lorsque, suite à l’assassinat
du dirigeant libéral Jorge Eliecer Gaitan, l’etablishment minoritaire a
dérobé le pouvoir à la majorité des colombiens, et instauré le front
national, puis la doctrine de sécurité nationale qui ont verrouillé la
démocratie et empêché toute alternance politique.
Profil bas à Bogota
Face à la récente capture des paramilitaires par le Venezuela, les
autorités colombiennes ne ricanent pas faussement, comme l’opposition
vénézuélienne, mais au contraire elles ont décidé de garder un profil bas.
D’une part parce que le fait d’avoir offert le refuge politique au
principal acteur du coup d’état d’Avril 2002, le patron des patrons, Pedro Carmona, (dit Pedro le Bref) les compromet fortement.
Ensuite parce que personne n’ignore en Colombie et au Venezuela, les
appuis permanents apportés par le président aux groupes paramilitaires,
qui a facilité leur armement, par son appui aux coopératives de sécurité
"Convivir", alors qu’il était gouverneur de département d’Antioquia, et
leur impunité par un soi-disant "processus de paix", maintenant qu’il est
président du pays.
Mais si les autorités colombiennes sont embarassées, c’est surtout parce
qu’il est clair qu’une telle opération n’a pas pu être menée sans la
complicité d’un ou plusieurs gouvernements étrangers, d’autant plus que la plupart des paramilitaires capturés sont en fait des militaires de réserve
de l’armée colombienne, ce qui révèle la vraie nature du paramilitarisme
colombien et met en évidence ce lien par les autorités toujours nié entre
l’armée colombiennet et les groupes appelés "d’autodéfense".
Internationalisation du Plan Colombie
Le gouvernement Uribe a fait du département de Arauca, qui longe la
frontière du Venezuela, un exemple de son projet de sécurité démocratique : c’est une zone qui a été militarisée et para-militarisée, où le mouvement social, initialement très présent, a été décapité par les assassinats sélectifs, les multiples emprisonnements et la persécution judiciaire. Y sont aussi présents en permanence entre 80 et 200 marines et conseillers de l’armée américaine et agents de firmes privées qui contribuent à sécuriser l’extraction du pétrole et à diriger les opérations des paramilitaires au Venezuela.
Si l’on ajoute à ce cadre, le fait que la Colombie a acheté à l’Espagne,
peu avant la débâcle de José Maria Aznar, plusieurs dizaines de tanks de
guerre d’origine française, considérés comme offensifs par les
spécialistes, et destinés, selon le président colombien à "sécuriser" la
frontière de son pays avec le Venezuela, il faut conclure que
l’internationalisation du "Plan Colombie" est en train de s’accélérer, et
que son objectif le plus immédiat est de déstabiliser le Venezuela et son
projet populaire.
Un projet qui est, il est vrai, un contre-modèle insupportable pour les
Etats-unis qui s’obstinent à imposer un libéralisation néolibérale à la
pointe de la baillonette à toute l’Amérique latine, dont l’exécutant le
plus empressé et zélé est le président actuel de la Colombie, Alvaro Uribe Velez.
Paul-Emile Dupret
pour Indymedia pabloe@collectifs.net
Source : Collectif Venezuela-13 avril, Bruxelles.