Les évènements qui frappent la Côte d’Ivoire sont graves. Quelques soient les conclusions qu’ils trouvent, ils marquent l’amorce de nouvelles instabilités à venir et de tensions croissantes. Ils n’arrivent pas d’ailleurs qu’en Côte d’Ivoire et les institutions des Etats sont systématiquement remises en question. Le débat de la société civile s’envenime au grand profit, comme au détriment, d’acteurs et d’organisations divers. Ces événements appellent donc une attention importante et pas la place réduite qu’ils occupent dans les médias.
Ce qui est en jeu, c’est en effet aussi l’évolution d’un pays qui était il n’y a pas si longtemps qualifié de modèle de stabilité et de développement en Afrique, sous la férule du président Houphouet Boigny. (Un modèle dont la devise est tout de même « Union, Discipline, Travail »).. Pour comprendre ce qui arrive, il faut donc au moins pouvoir entendre les acteurs du débat alors que l’écho de leur voix est noyé dans tourbillon de l’actualité médiatique.
La rédaction du Grand Soir a décidé de s’atteler à cette tâche.
Elle propose à ses lecteurs tout d’abord un article de ATTAC sur la situation en Côte d’Ivoire. L’article est de Olivier Blamangin du groupe ATTAC Afrique France : Côte d’Ivoire : La Côte d’Ivoire au bord de l’implosion L’auteur réalise une analyse fouillée de la crise économique, politique, identitaire et militaire que traverse la Côte d’Ivoire en ce moment. Dans le même temps Le Grand Soir annonce la création d’un collectif d’étudiants ivoiriens en France. Et surtout, le journal met la dernière main à la publication d’un entretien que Mr Bernard Doza a accordé à Philippe Kouhon, journaliste pour le Grand Soir.
Mr Bernard Doza est, entre autres, mais il le précise lui même, animateur d’une émission radio où se sont exprimés de nombreux opposants africains, parmi lesquels l’actuel président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gabgo. Il a accepté de répondre à une dizaine de questions et le journal donnera sous peu à lire cet interview que son auteur a déjà relue et amendée pour publication.
L’entretien à paraître appelle d’ores et déjà quelques remarques tant il est riche. De fait l’opinion de Mr Doza est d’autant plus intéressante qu’elle est exprimée et argumentée par un acteur même du débat qui frappe en ce moment la Côte d’Ivoire. C’est donc indéniablement une opinion de militant engagé. Elle a de plus le mérite d’être documentée et alimentée par plusieurs années d’engagements et de participation à des débats.
A lire cet entretien on est donc assuré d’entrevoir quelques une des lignes de l’actualité ivoirienne. On comprendra par exemple mieux pourquoi la question fondamentale du développement inégal entre le sud et le lord est le fruit d’une histoire politique, économique et ethnique qui reste à rappeler et à expliquer . De même, on entendra le caractère crucial pour la stabilité du pays du débat sur la notion juridico-constitutionnelle de l’ivoirité. Sans parler bien sûr, de la présentation que fait Mr Doza des acteurs et des organisations du champ politique et économique ivoirien.
L’analyse de la situation offerte par Mr Doza sera utile au lecteurs qui ne sont pas au fait de l’histoire de la Côte d’Ivoire et des subtilités de la politique de ce pays ; elle interpellera sans aucun doute ceux qui s’intéressent à la politique ivoirienne. Mais dans la mesure où ces opinions constituent aussi l’expression d’un engagement dans le débat ivoirien en cours, elles prennent de plus un tour incisif qui invite à les interroger.
Pour sa part la rédaction veut poser quatres questions : est-il possible de résoudre le conflit ivoirien sans remettre en cause l’utilisation politique de la notion d’ivoirité, telle qu’elle est faite depuis Houphouet Boigny ? Qui a intérêt à ce qu’une menace de déstabilisation pèse en permanence sur la Côte d’Ivoire et ses institutions ? Comment est-il possible que les instances, tenues pour légitimes, de l’état ivoirien aient eu besoin de faire appel, pour se défendre, à des mercenaires étrangers ? Qui finance cette guerre et quel est le niveau d’engagement des différents réseaux internationaux y compris ceux de la françafrique ?