La première opération de détournement dans la filière Café-Cacao :
La création de SIFCA-COOP
Première partie
Grandeur et décadence du groupe SIFCA
Crée en 1964, la société SIFCA connaîtra une expansion très rapide dans les années 90. Elle contrôlait environ 40% de la production ivoirienne de cacao et 25% de celle du café avant la cession au groupe ADM.
En effet, depuis 1995, SIFCA a utilisé les programmes de privatisations africains afin de poursuivre une forte stratégie de diversification dans les filières stratégiques de l’économie ouest- africaine : Cacao- café- plantation de palmiers à huile- plantation de cannes et d’hévéas- production d’huiles- production de savons- production d’alcool distillé- production de sucre- production de caoutchouc- importation et traitement de riz ect…
Cette politique d’acquisition avait fait de SIFCA la plus grande société privée de Côte d’Ivoire, créant un groupe verticalement intégré et complexe. Ce processus d’expansion s’était par ailleurs intensifié jusqu’en 99, notamment avec la reprise des complexes sucriers de Borotou et Zuénoula, ex-fleurons de la société d’Etat de Sodesucre, en 97 ; le rachat de la SAPH (société africaine de plantation d’hévéas), premier producteur de caoutchouc en Côte d’Ivoire, ex-fleuron du groupe Octile et la fusion de ses activités de négoce avec Jean Abile Gal, créant ainsi le groupe SIFCA-JAG en 99.
Le résultat 1999 constituait le tout premier exercice stabilisé postérieur aux grandes privatisations ivoiriennes dans les secteurs oléagineux et sucriers. Avec un apport brut de 35 504 Milliards de Fcfa, SIFCA consolide un résulta net de 8 441 milliards et fait un chiffre d’Affaires net de 421 591 milliards. C’est ce résultat positif qui avait permis de compenser les pertes des secteurs plus récemment acquis que sont SUCREIVOIRE et SHB. Et cela grâce à l’activité café-cacao et celle de la filière oléagineuse. Au 31 décembre 1999, l’activité café-cacao était fortement bénéficiaire en dépit des facteurs qui ont eu un effet néfaste sur la campagne : conditions météorologique, baisse des cours du cacao et du café, rétrécissement des marges sur les produits dérivés et opérations de « h edging » sur les matières premières. Par contre, la fusion des activités de négoce de SIFCA avec JAG et l’acquisition de SAPH du groupe Octile dans un contexte devenu plus difficile a fortement pénalisé le groupe. La santé financière du groupe à la fin de 1999 est très précaire du fait d’un endettement très lourd (104 milliards de francs Cfa dont 67 milliards à moyen et long terme) et d’un retournement brutal de conjoncture.
Les évènements politiques de l’année 2000 rendront encore plus difficile la situation du groupe. Avec un chiffre d’Affaire passant à 346 964 milliards, cette fois-ci pour un capital propre de 22 764 milliards, le groupe a fait en 2000 un résultat net consolidé négatif : -16 665 milliards.
La nécessaire restructuration du groupe SIFCA à partir de 2000.
La politique de libéralisation du secteur du cacao, la baisse drastique des cours du cacao, la concurrence acharnée de ses deux principaux concurrents, CARGILL et KRAFT JACOB, et le fort endettement lié aux acquisitions effectuées durant les dernières années, avaient mis le groupe dans une situation financière très difficile à la fin de 1999. Les évènements politiques n’ont fait que précipité le groupe dans une situation de paralysie totale au début de l’année 2000. Cette dernière était due : A l’assèchement progressif des financements octroyés par la place bancaire d’Abidjan. La BICICI, la SGBCI, la BIAO et la SIB, principaux créanciers du groupe SIFCA, n’ont pas pu ou souhaité renouveler certaines lignes de crédit sur ce groupe.
Aux vues divergentes de l’actionnariat de SIFCA (ADM, privés ivoiriens, SIFCOM) en terme de stratégie pour les prochaines années, un de leurs principaux créanciers a proposé de les conseiller afin de trouver une solution susceptible de relancer le groupe agro-industriel. Après moult tergiversations, les principaux actionnaires et le management de SIFCA ont décidé à la fin du mois de janvier 2000 de donner mandat à l’African Merchant Bank (AMB) du groupe Belgolaise, de trouver une solution à ce blocage. AMB était dirigé par Jean-Luc Lecorre.
Malheureusement, les stratégies envisagées par la direction de SIFCA sur les conseils d’AMB ont été variées et peu cohérentes entre elles durant les années 2000, 2001 et 2002. Elles ont induit globalement une dévalorisation progressive du groupe et l’ont poussé dans une situation financière encore plus difficile, l’obligeant à trouver une solution illégale, le montage « SIFCA-COOP ». Qui intervient après la cession de certaines participations du groupe SIFCA et son retrait de la filière par la cession de la majeure partie de ces activités à ADM.
En somme, c’est au regard des difficultés rencontrées dans la politique de cession de participation et de la situation monopolistique qu’une organisation de producteurs, ANAPROCI, AMB et le cabinet Chauveau, conseiller juridique du groupe SIFCA et d’Henri Amouzou, ont envisagé un montage financier pour utiliser les fonds des producteurs disponibles au sein du FDPCC afin de rembourser les dettes de SIFCA et permettre au groupe SIFCA de pouvoir ainsi continuer son activité.
Dans une prochaine publication, je m’efforcerai d’analyser de très près cette opération « Montage Financier SIFCA-COOP » qui repose d’ores et déjà sur la création de deux structures et d’un contrat de location gérance très défavorable aux producteurs et récusé par le ministre Alphonse DOUATI, ce qui lui a valu son départ du ministère de l’Agriculture le 25 février 2002….
PHILIPPE KOUHON
Philippe.kouhon Wef gmail.com