Au début du dix-neuvième siècle, Mayotte est un sultanat et une plaque tournante de la traite orientale, commerce arabo-musulman fournissant le Proche-Orient en esclaves, à son apogée durant cette période. En 1841, le sultan local, affaibli par un conflit l’opposant aux autres sultanats comoriens, choisit pour sa protection de vendre Mayotte à la France alors en plein projet de conquête de Madagascar et qui voyait avec cette acquisition stratégique l’opportunité de compenser la perte de l’île de France (aujourd’hui Maurice).
En 1846, la France y abolit l’esclavage.
L’île est alors peu peuplée car elle s’est progressivement vidée de ses habitants partis se réfugier sur les îles voisines des Comores après des années d’incursions et de pillages constants par les pirates malgaches. Avec l’objectif de redémarrer l’économie locale, la France met en oeuvre une politique de repeuplement en incitant au retour des réfugiés mahorais et des anciens maîtres d’esclaves ainsi qu’à l’installation de riches familles anjouanaises.
Suite à la Conférence de Berlin sur le partage et le découpage de l’Afrique par les nations européennes, la France s’empare successivement des Comores (1886) puis de Madagascar (1895) qui deviennent des protectorats sous autorité française. Si géographiquement Mayotte fait partie de l’archipel des Comores avec les îles de Grande Comore, Anjouan et Mohéli, ces dernières n’ont jusqu’alors jamais formé une entité nationale unie. En 1946, quand la France procède à la séparation administrative entre Madagascar et l’archipel, pour la première fois de leur histoire elles sont réunies, avec la colonie de Mayotte, sous la forme d’un ensemble administratif unique, une collectivité territoriale d’outre-mer (TOM). En 1961, trois ans après avoir massivement rejeté l’indépendance lors d’un référendum, les Comores se voient tout de même attribuer un statut d’autonomie et élisent un gouvernement comorien. La loi 1412 du 22 décembre 1961 fait explicitement mention de Mayotte comme partie intégrante de l’ensemble administratif des Comores.
Les années qui suivent, déterminantes pour la future départementalisation de l’île, voient la politisation du débat local opposant indépendantisme et (r)attachement à la France. À Mayotte, des mouvements politiques naissent de cette opposition et de la crainte que les revendications en faveur d’une incorporation de l’île à la nation comorienne en devenir soient satisfaites, craintes accentuées par le fait que Mayotte était alors en minorité démographique. Le plus connu d’entre eux est le Mouvement Populaire Mahorais (MPM), fervent avocat de la départementalisation.
S’engage une lutte insulaire entre les tenants de l’indépendance et de l’appartenance nationale de Mayotte aux Comores et ceux du maintien dans le giron de la France, largement dominée par les derniers. En effet, l’île étant majoritairement analphabète, ce sont les élites mahoraises qui mènent le débat sur l’île. Ces élites sont alors représentées par le MPM mais aussi les Sorodats wa Maore plus connues sous le nom des Chatouilleuses dont les actions parfois musclées ont sans conteste eu une influence significative sur le choix d’une population plutôt passive sur la question à cette époque. L’indépendance est, elle, soutenue par une autre élite, anjouanaise et minoritaire mais dont les vues sont partagés en cette période de décolonisation par les Nations Unies qui réaffirment avec pas moins de vingt résolutions la souveraineté des Comores sur Mayotte.
Pourtant, fin décembre 1974, la population mahoraise consultée lors d’un référendum se prononce majoritairement en faveur du maintien dans la République. À rebours des résultats dans les autres îles des Comores où l’on vote pour l’indépendance dans des proportions écrasantes, les résultats de Mayotte sont équilibrés. Les partisans de l’indépendance qu’ils soient de Mayotte ou de métropole, d’hier et d’aujourd’hui, suspectent une emprise des partis anti-indépendantistes dont les pressions auraient piloté le vote mahorais, en plus du rôle incontestable joué par la forte présence militaire française. Si c’est plus que probable bien que dans des proportions certainement moindres, il serait alors légitime de se poser la même question sur la situation dans les autres îles des Comores. En tout cas, comme prévu, un deuxième référendum se tient un an et demie plus tard, en avril 1976, et cette fois, malgré des irrégularités flagrantes, les votants de Mayotte choisissent à la quasi-unanimité de rester français.
On ne peut évidemment pas mettre ce résultat uniquement sur le compte du désir mahorais, qu’il soit majoritaire ou pas, de se maintenir dans la République française. L’île représente pour la France un intérêt stratégique indéniable sans lequel son destin aurait peut-être été différent. Son rôle avéré dans la déstabilisation des Comores, notamment avec le mercenaire Bob Denard, lui a permis de rendre inattractif pour Mayotte un rattachement à la république comorienne et ainsi opérer une scission claire entre elle et les trois autres îles pour n’en conserver qu’une. La sourde oreille qu’elle oppose aux injonctions onusiennes, non dénuées d’hypocrisie on le verra, est un autre signe de sa résolution à garder un pied dans la région.
Les années qui suivent ces scrutins verront le débat se recentrer sur le futur statut administratif de l’île. Même si la volonté française de faire de Mayotte un territoire ultra-marin est inversement proportionnelle à son degré d’investissement local. Ses anciennes colonies, petits bouts de terre disséminés aux quatre coins du monde, vérifient l’adage « loin des yeux, loin du coeur ». Ils sont souvent traités comme la douzième roue du carrosse et Mayotte ne fait pas exception. Dans les années 80, les Mahorais sont des citoyens de seconde zone, les dépenses publiques sont quatre fois moins importantes à Mayotte que dans le reste des DOM-TOM eux-mêmes déjà beaucoup moins privilégiés que la métropole. Alors que la séparation entre Mayotte et les Comores est entérinée par les visas Balladur dont les conséquences migratoires seront dramatiques pour les Comoriens, la voie vers la départementalisation de l’île s’engage, non sans obstacles. Tandis que les Comores s’enfoncent encore davantage dans l’instabilité politique, Mayotte se voit accorder en 2001 le statut hybride de « Collectivité départementale d’Outre-Mer » dont l’adjectif a plus une valeur politique que juridique.
Et c’est justement au niveau juridique que se trouve à ce moment-là la difficulté pour Mayotte de pleinement accéder au statut de département français. En effet, Mayotte est le seul territoire français de culture musulmane et ce particularisme représente jusqu’en 2003 une entrave à l’application du droit civil de droit commun aux habitants de l’île. Les années 2000 consistent pour les partisans de la départementalisation qui y est de facto conditionnée à faire accepter l’idée d’une substitution du droit coranique par le droit civil. À Mayotte, jusqu’alors, c’est la figure du cadi, à la fois juge, notaire et imam qui prend en charge l’état civil et les litiges. Ses prérogatives s’effacent progressivement, à l’instar de certains droits incompatibles avec le reste de la République, comme la polygamie et la répudiation qui sont proscrites à partir de 2005. Cela étant dit, il ne faut pas que ces évolutions locales minimisent voire occultent la lenteur des institutions françaises dans la mise en oeuvre de l’égalité de droits pour nos concitoyens ultra-marins. C’est hélas une histoire commune aux DOM. Le 31 mars 2011, un an après la tenue d’un nouveau référendum, cette fois sur la départementalisation de Mayotte auquel plus de 60% des Mahorais en âge de voter participent, Mayotte devient officiellement le cent-unième département français.
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En juillet 1998, le soir de la finale de la Coupe du monde de football, je prends la route pour la première fois de ma vie en direction de l’aéroport Charles de Gaulle. À l’approche de Paris, on sent l’euphorie footballistique de la future France « Bleu, Blanc, Beur » et les supporters partis à l’assaut du stade de France s’amoncellent au dernier péage avant la capitale. Je ne me sens guère concerné, tout à l’excitation de quitter le sol européen. Je vais passer quelques semaines auprès de ma soeur qui travaille à Mayotte comme institutrice. Dans l’avion, à quelques milliers de mètres d’altitude entre la Méditerranée et la Corne de l’Afrique, le pilote nous annonce un par un les buts des Bleus.
La brève escale d’une nuit à la Réunion se passe comme dans un tunnel étouffant. Atterrissage, bagages, taxi, hôtel. Le peu que je vois de l’île me semble terne, mais je me sens loin déjà, ailleurs. Je repars le lendemain.
À mon arrivée à Mayotte, la première chose que je remarque, c’est la France. Certes une France tropicale, mais une France quand même : routes, passages piétons, feux de circulation, panneaux de signalisation, gendarmes, voitures jaunes de la Poste. Et puis, bien sûr les vestiges de la finale de l’avant-veille et de la fête qui a dû s’ensuivre. Mon premier vrai contact avec Maoré, c’est la barge entre Dzaoudzi et Mamoudzou sur Grande-Terre. Car il faut quitter Petite-Terre pour arriver à Mayotte, l’île aux Parfums, surnom qui n’est pas immérité tant l’ylang-ylang embaume l’air à son approche.
Je ne vais bien sûr pas raconter en détail mon séjour là-bas qui n’a d’autre intérêt que des souvenirs personnels et l’émerveillement égoïste d’un touriste débutant. Je précise aussi que ce n’est pas parce que j’ai passé quelques semaines à Mayotte que j’ai toute légitimité pour en parler. Ce texte, comme d’autres, part plutôt d’un questionnement, de la frustration de mal comprendre.
Un épisode cependant a marqué ma mémoire et a peut-être déclenché un désir tardif de voir le monde après cela. Dans le dernier quart de mon séjour, nous avions été invités par une amie mahoraise à son mariage avec un homme d’Anjouan, une des trois îles de la République des Comores située à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Mayotte. On est partis tôt le matin, au lever du jour. Deux bateaux avaient été affrétés : l’un pour les passagers, l’autre pour les cadeaux et les marchandises. Après une traversée qui a duré le temps de celle que le soleil fait dans le ciel, Anjouan était en vue à la tombée de la nuit. On la devinait sans la voir car en raison de coupures d’électricité, l’île se trouvait fréquemment dans le noir. Ce n’est qu’à l’approche du quai de débarquement que l’on a aperçu les premières lueurs. La foule des passagers s’est amassée sous les ampoules électriques des vieux lampadaires du port probablement alimentées par un générateur caché quelque part. Elle a été vite dispersée dans les taxis-brousse à l’arrière de chacun desquels se tenait un homme en armes. La colonne s’est mise en marche et on a entrepris le trajet vers le lieu des festivités. C’était par une nuit de pleine lune qui nous permettait de distinguer facilement le paysage nocturne de l’île. Nous croisions des villages dans lesquels certains d’entre nous faisaient le plein de choses dont ils avaient un grand besoin à ce moment-là. Pour ma part, de cigarettes, mais pas moyen de trouver quelques bières, l’alcool étant proscrite. Une heure plus tard environ, nous sommes arrivés à Domoni où la famille qui nous accueillait avait mis une maison entière à notre disposition. Les jours qui ont suivi ont laissé dans ma mémoire une impression presque magique à laquelle l’atmosphère islamique n’était pas étrangère. Des images que je conserve, il y a cette ville de bord de mer aux quelques palmiers décoiffés par le vent, les nuits passées sur le toit de la maison pour échapper à la chaleur, les futures épouses (les mariages étaient célébrés au même moment pendant plusieurs semaines) au visage voilé de tulle, conduites, exhibées, sur de hautes chaises à porteurs, ma rencontre avec un professeur anjouanais qui n’était plus payé depuis des mois, ces gens qui nous accostaient en nous demandant de faire revenir la France à Anjouan et les slogans anti-francais tagués sur les murs, les rituels du mariage réservés aux hommes et ceux réservés aux femmes, le costume de l’époux, digne des Mille et une nuits, poignard à lame recourbée glissé dans une large ceinture de tissu bordeaux, le bateau de Bob Denard, le pick-up à l’arrière duquel des hommes armés s’entassaient roulant à vive allure et dont on nous disait qu’il transportait une personnalité comorienne importante, un ministre, des kwassa kwassa en bord de mer dont je ne sais pas s’ils ont jamais servis au passage de migrants anjouanais vers Mayotte...
En 1998, Anjouan et Mohéli venaient de faire sécession d’avec la République des Comores et demandaient leur rattachement à la France qui le leur refusait évidemment. L’armée de Grande Comores procédait régulièrement à des opérations militaires pour reprendre les deux îles.
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En 1998, la population de Mayotte était moitié moins importante qu’elle ne l’est aujourd’hui. La vie y paraissait douce, calme, les rapports paisibles entre les populations locales et métropolitaines. Beaucoup de choses ont changé depuis, bwana Guerlain a quitté Mayotte parce que les cueilleuses mahoraises d’ylang-ylang commençaient à revendiquer des choses que la loi française leur permettait de revendiquer et qu’il leur préférait des clandestins moins exigeants. Il n’est pas allé bien loin pour cela, les Comores voisines offrent de bien plus grandes facilités d’exploitation de son prochain. Beaucoup de choses ont changé depuis mais pas le mode de fonctionnement socio-économique mahorais fait d’agriculture vivrière et de solidarité.
Au second tour des présidentielles de 2022, près de 60% des électeurs mahorais ont voté pour Marine Le Pen qui était arrivée largement en tête au premier tour, faisant de Mayotte son plus gros score national. De manière globale, sur l’ensemble des scrutins nationaux, la gauche a été totalement écartée ou du moins réduite à sa portion congrue. Il ne fait aucun doute que la question migratoire en est le principal facteur, mais le prisme du racisme ou de la xénophobie ne permet pas d’éclairer les raisons du vote mahorais avec pertinence. Un début d’explication peut se trouver dans le passé. Lors de la période durant laquelle l’archipel formait un ensemble administratif français, et encore davantage après la loi-cadre Defferre de 1956 ayant établi des conseils de gouvernement élus, la représentation mahoraise s’est retrouvée minoritaire par le fait qu’hormis Mohéli, Mayotte était la moins peuplée, donnant ainsi à l’élite locale le sentiment que la France favorisait les autres îles. Sentiment qui se doublait d’un sentiment d’impuissance face aux évolutions générales auxquelles, en minorité, ils ne pouvaient s’opposer et d’injustice après tant d’efforts consentis. Le transfert en 1966 du chef-lieu, de Dzaoudzi (Mayotte) à Moroni (Grande Comore), est un point de repère traumatique durable dans la mémoire des Mahorais, une dépossession ayant contribué au déclenchement d’une politisation locale aux prétentions départementalistes. Une rivalité redoublée dont les échos se font encore entendre aujourd’hui où Mayotte se sent encore si mal aimée, à raison en réalité, qu’un rien réveille ses vieilles craintes toujours vivaces. Les propos récents d’Azali Assoumani, l’actuel président des Comores qui revendiquent toujours officiellement Mayotte, estimant que les Comoriens y sont chez eux et manifestant un laisser-faire ostensible face aux flux migratoires en direction de Mayotte, une posture « à la Ponce Pilate », laissant à la France le soin d’en gérer les conséquences. Ce que semblent craindre les Mahorais avant tout et qui s’exprime dans leur vote, c’est la démographie. C’est d’être à nouveau minoritaires et de voir Mayotte devenir un territoire comorien de facto.
Et puis, il y a cette hypocrisie de la communauté internationale évoquée plus haut. Détail qui conforte probablement le sentiment d’insécurité nationale éprouvé par les habitants de l’île, les Nations Unies n’ont jamais reconnu le rattachement de Mayotte à la France au motif que la décolonisation devait être mise en oeuvre dans le cadre des anciennes frontières. Or, c’est là que le bât blesse. Avant que l’archipel des Comores ne soit colonisé par la France, d’abord Mayotte puis plus tardivement les trois autres îles, il n’y avait pas, comme on l’a vu, d’entité nationale à laquelle pouvait se référer les habitants de chaque île. S’ils partagent la même origine ethnique, la même langue, la même religion et la même culture, il n’en reste pas moins que la République des Comores est un produit ex nihilo de la colonisation. Il est donc parfaitement légitime, sans remettre en cause ni sa souveraineté ni son existence même, de poser la question du sentiment d’appartenance des Mahorais à la nation comorienne. On trouve des exemples à foison au sein de territoires qui furent appropriés puis colonisés dans l’histoire de l’expansion européenne. L’Afrique et son découpage arbitraire en est l’archétype. Mais il en est un qui approche de très près la situation de Mayotte, bien que différant par l’histoire et par son dénouement.
La République du Vanuatu, en Océanie, anciennement nommée Nouvelles-Hébrides jusqu’à leur indépendance en 1981, est un chapelet de 80 îles dont une douzaine majeures parmi lesquelles les plus connues sont Pentecôte, Tanna et Espiritu Santo. Ces îles que rien n’unissaient à l’exception de ponctuelles escarmouches tribales sont colonisées à partir du milieu du dix-neuvième siècle par la France et l’Angleterre et deviennent le Condominium des Nouvelles-Hébrides en 1906. Durant le deuxième conflit mondial, l’île d’Espiritu Santo deviendra, au moment de la guerre du Pacifique, une base rapprochée du théâtre des opérations pour l’aviation américaine, ce qui sera entre autres choses à l’origine pour des populations au mode de vie archaïque du Culte du cargo de John Frum. Dans les années qui précèdent l’indépendance naissent des mouvements anti-coloniaux dont le plus ancien est le Nagriamel de Jimmy Stevens, localisé sur Santo et soutenu par la France qui cherche à désorganiser l’inévitable processus de la décolonisation, consciente qu’elle est de sa faiblesse géostratégique sur place en regard de la proximité d’une Australie inféodée à la Couronne d’Angleterre. En conséquence, l’île d’Espiritu Santo fait sécession et déclare son indépendance. En 1980, Jimmy Stevens forme un gouvernement à Luganville. Le gouvernement central de Port-Vila, ne l’entendant pas de cette oreille, fait appel aux forces Kumul de Papouasie-Nouvelle-Guinée qui matent la rébellion et emprisonnent des centaines de personnes. Beaucoup parmi mes amis Ni-Vanuatu seront plus tard de ces anciens rebelles embastillés.
Ici aussi, destin régional et appartenance à un seul et même drapeau s’entrechoquent car ils sont les rejetons indésirés du colonialisme. Toutefois, faire nation reste le meilleur moyen de repousser une présence étrangère, et il ne s’agit pas du tout, encore une fois, de remettre en cause l’existence d’un pays, fut-elle le fruit de la colonisation.
Évidemment, et c’est un truisme, la France n’est pas exonérable de ses responsabilités dans cette histoire et dans celle de Mayotte. La situation migratoire et démographique mahoraise liée à celles de ces voisines comoriennes résulte non seulement des combines et autres barbouzeries françaises au cours de l’histoire récente, mais également de l’abandon de ces territoires lointains relégués loin derrière la marche du progrès. Le surpeuplement de Mayotte, amplifié par l’insularité, atteindra son point de rupture et on assiste déjà aujourd’hui aux prémisses d’une haïtisation de Mayotte, non pas par la corruption de ses élites, endémique dans l’île caribéenne, mais par une criminalité et une violence en hausse empêchant tous les principes de la République, y compris l’un des plus importants d’entre eux, celui de l’éducation de la jeunesse, de s’appliquer à égalité avec la métropole. Mayotte devient peu à peu un « ghetto d’Outre-Mer », une poudrière qu’on ne désamorcera pas à coups de ré-émigrations médiatiques, faites au détriment des liens qui unissent ces territoires entre eux, mais en collaboration équitable avec la République des Comores dont la stabilisation et le développement sont les clefs d’une sortie de crise. Qu’on le veuille ou non, la France est actrice de premier rang dans la région et tant qu’elle regardera ailleurs ou ne pensera à Mayotte qu’en période électorale, celle-ci s’enfoncera dans un état des choses à l’issue dramatique de plus en plus inéluctable.
Xiao PIGNOUF
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BIBLIOGRAPHIE
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Découvrir Mayotte, une géopolitique singulière, Gérard-François Dumont, diploweb.com.
Mayotte, les décasages : expulsions d’étrangers proches dans le monde rural, Florentin BROCHETON, diploweb.com
Mayotte, une société disloquée, Rémi Carayol, afriquexxi.info
Mayotte, chronique d’une colonisation consentie, Rémi Carayol, afriquexxi.info
L’évolution du statut de Mayotte de 1841 à nos jours : Image d’une relation particulière avec la métropole, Isabelle Denis, Ultramarine n°24, AMAROM, Aix-en Provence, 2004.
Françaises et Français de Mayotte. Un rapport inquiet à la nationalité, Myriam Hachimi-Alaoui, Politix 2016/4, n° 116.
Quelques réflexions critiques sur la conception française du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes à la lumière du différend franco-comorien sur l’île de Mayotte, André Oraison.
Fractures (post)coloniales à Mayotte, Emmanuel Blanchard, Vacarme 2007/1, n°38.
Repères sur l’histoire politique et institutionnelle récente de Mayotte, Annexe 1, Chronique internationale de l’IRES n°134, janvier 2012.
« Nous voulons rester Français pour être libres ! » Autour d’une « petite phrase » française de Mayotte, Christophe Cosker, Expressions n°9, 2019.
La départementalisation vue d’en-bas : figures de la pauvreté et de l’exclusion à Mayotte, Nicolas Roinsard, Laboratoire d’études sociologiques sur la construction et la reproduction sociales (LESCORES), janvier 2022.
Mayotte : « française à tout prix », Sophie Blanchy, Ethnologie française 2002/4, n°32.
Outre-mer : une évolution institutionnelle chaotique et paradoxale, Danièle Lochak, Hommes et Libertés n°155.
L’histoire de Mayotte depuis 2000, Rémi Carayol.
Mayotte fabrique un peu d’Europe dans le Canal du Mozambique et prépare l’avenir, Matso, Multitudes 2005/4, n°23.