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Un des cratères sur les lieux de la frappe après l’attaque. Logiquement il doit exister autant de cratères que de têtes MIRV, (Note de Geb).
Décrire un système d’armes comme changeant la donne sur le champ de bataille est toujours sujet à moquerie. De nombreux systèmes d’armes livrés à l’Ukraine ont été qualifiés de changeurs de donne, mais n’ont rien changé à l’issue de la guerre.
Alors pourquoi ai-je qualifié le nouveau missile russe Oreshnik de « changeur de donne » ?
Il y a plusieurs raisons à cela.
Tout d’abord, le missile, avec ses 36 têtes cinétiques, est une réponse inattendue à l’abolition par les États-Unis du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI). Les États-Unis espéraient que le stationnement de missiles nucléaires en Europe leur donnerait un avantage sur la Russie. L’Oreshnik réfute cet avantage SANS avoir recours à la force nucléaire.
Toute tentative des États-Unis de faire pression sur la Russie pour qu’elle cède aux États-Unis ou qu’elle se dote d’armes nucléaires a été anéantie.
C’est en Ukraine que ce phénomène est le plus visible. Au cours des deux années et plus de guerre, les États-Unis ont utilisé une stratégie consistant à « faire bouillir la grenouille » contre la Russie. Ils ont fait monter la température en augmentant lentement la portée et la létalité des armes qu’ils ont fournies à l’Ukraine. À chaque fois, la livraison de chars, d’HIMARS, d’ATACMS, l’autorisation donnée à l’Ukraine d’utiliser ces armes sur le territoire russe, ont été déclarées comme un franchissement des lignes rouges imaginaires de la Russie. Chacune de ces étapes a été accompagnée d’une propagande affirmant que la Russie envisageait une réponse nucléaire.
L’objectif était de pousser la Russie dans une situation où elle pourrait soit faire des concessions sur l’Ukraine, soit utiliser des armes nucléaires. Les États-Unis étaient convaincus que la Russie s’abstiendrait de recourir à cette dernière solution, car elle se retrouverait alors dans la position d’un paria international. En utilisant l’arme nucléaire, elle perdrait le soutien de ses alliés en Chine et au-delà. Elle risquerait également une guerre nucléaire totale.
Cette stratégie aurait probablement fonctionné si la Russie n’avait pas trouvé une réponse asymétrique. Elle dispose désormais d’armes non nucléaires (l’Oreshnik ne sera pas le seul) qui lui permettent d’appliquer l’équivalent de frappes nucléaires sans les effets secondaires néfastes de l’utilisation d’une arme nucléaire.
La Russie a annoncé que les futurs déploiements d’Oreshnik seraient placés sous le commandement de ses forces stratégiques qui, jusqu’à présent, n’étaient que nucléaires. Il s’agit là d’un signe clair que ces nouvelles armes sont considérées comme ayant des effets stratégiques similaires.
Le concept cinétique de la charge utile de l’Oreshnik n’est pas nouveau. La masse multipliée par la vitesse est la quantité d’énergie destructrice que ces armes peuvent délivrer (Correction d’un commentaire pour mon écriture négligée :
La force est égale à la moitié de la masse multipliée par la vitesse au carré. F = 1/2 m * v^2). Le fait d’être hypersonique et d’atteindre les cibles à une vitesse de Mach 10 permet même à de petits pénétrateurs sans explosifs d’avoir des effets très puissants, semblables à ceux d’une bombe.
Au début des années 1980, l’initiative de défense stratégique du président Reagan comprenait plusieurs tentatives d’introduction d’armes cinétiques. Les « Tiges de Dieu » (et plus tard les « Cailloux brillants ») étaient conçues comme des fléchettes cinétiques à lancer à partir de satellites pour frapper les missiles ICBM soviétiques :
« Un système décrit dans le rapport de 2003 de l’armée de l’air des États-Unis intitulé « Hypervelocity Rod Bundles » est constitué de tiges de tungstène de 6,1 m de long et de 0,30 m de diamètre, contrôlées par satellite et dotées d’une capacité de frappe globale, avec des vitesses d’impact de Mach 10.
La bombe contiendrait naturellement une grande énergie cinétique car elle se déplace à des vitesses orbitales, soit environ 8 kilomètres par seconde (Mach 24) en orbite et 3 kilomètres par seconde (Mach 8,8) au moment de l’impact. En rentrant dans l’atmosphère terrestre, le barreau perdrait la majeure partie de sa vitesse, mais l’énergie restante causerait des dégâts considérables. Certains systèmes ont une puissance équivalente à celle d’une petite bombe nucléaire tactique. Ces systèmes sont considérés comme des destructeurs de bunkers ».
Il n’en a rien été. Les pénétrateurs envisagés étaient trop grands et trop lourds pour être positionnés dans l’espace. La taille gigantesque des pénétrateurs était nécessaire parce qu’ils auraient brûlé pendant le vol hypersonique dans l’atmosphère.
Les pénétrateurs utilisés par l’Oreshnik sont beaucoup plus petits.
La Russie semble avoir résolu certains problèmes physiques généraux liés aux objets volant à une vitesse hypersonique. En mars 2018, le président russe Vladimir Poutine a annoncé l’introduction de plusieurs nouvelles armes conçues pour pénétrer les défenses antimissiles américaines. L’une d’entre elles est le véhicule de vol plané hypersonique connu aujourd’hui sous le nom d’Avangard :
« L’utilisation de nouveaux matériaux composites a permis au planeur de croisière d’effectuer un vol guidé sur une longue distance pratiquement dans des conditions de formation de plasma. Il vole vers sa cible comme une météorite, comme une boule de feu. La température à sa surface atteint 1600 à 2000 degrés Celsius, mais le bloc de croisière est guidé de manière fiable. ... Nous sommes bien conscients qu’un certain nombre d’autres pays développent des armes avancées dotées de nouvelles propriétés physiques. Nous avons toutes les raisons de penser que nous avons également une longueur d’avance dans ce domaine, en tout cas dans les domaines les plus importants.
Depuis lors, j’ai cherché quelles « nouvelles propriétés physiques » ou quels principes les scientifiques russes auraient pu découvrir pour résoudre les problèmes du voyage hypersonique guidé dans une enveloppe de plasma. Je n’ai rien trouvé jusqu’à présent. Mais le fait que l’Oreshnik utilise des projectiles guidés relativement petits à une vitesse hypersonique fait qu’il est probable que les nouvelles propriétés physiques ou les nouveaux principes découverts par les Russes ont également été appliqués à cette arme ».
Tant que ces découvertes scientifiques fondamentales ne seront pas connues de l’Occident, celui-ci n’aura aucune chance de fabriquer des armes capables d’égaler les caractéristiques de l’Oreshnik et de l’Avanguard.
Jusqu’à présent, l’Oreshnik est une arme non nucléaire dont la portée est limitée (5000 kilomètres). Mais rien n’empêche en principe la Russie d’équiper un missile ICBM de capacités non nucléaires similaires. Cela permettrait à la Russie d’effectuer des frappes non nucléaires sur le territoire américain ou, plus probablement, sur des bases étrangères et des porte-avions étasuniens.
Mais ces faits, et leurs conséquences, n’ont pas encore pénétré l’esprit des décideurs occidentaux.
Même après la frappe de l’Oreshnik, les États-Unis ont continué à piquer la Russie en guidant l’Ukraine pour qu’elle tire des missiles ATAMAC contre des cibles en Russie. Hier, le ministère russe de la Défense a annoncé, de manière inhabituelle, que deux attaques de ce type avaient eu lieu :
« Le 23 novembre, l’ennemi a tiré cinq missiles opérationnels-tactiques ATACMS de fabrication américaine sur une position d’un bataillon antiaérien S-400 près de Lotarevka (37 kilomètres au nord-ouest de Koursk).
Au cours d’un combat surface-air, l’équipage d’un AAMG Pantsir protégeant le bataillon a détruit trois missiles ATACMS, et deux ont atteint leur cible. (...)
Le 25 novembre, le régime de Kiev a effectué une nouvelle frappe avec huit missiles opérationnels-tactiques ATACMS sur l’aérodrome de Kursk-Vostochny (près de Khalino). Sept missiles ont été abattus par les systèmes SAM S-400 et AAMG Pantsir, un missile a atteint la cible assignée ».
D’un point de vue militaire, ces frappes ne sont pas pertinentes. Mais elles démontrent que les États-Unis essaient toujours de « faire bouillir la grenouille », même après qu’elle se soit échappée du récipient. Selon Poutine, la Russie dispose de plusieurs missiles Oreshnik et d’armes similaires prêts à être lancés.
Les cibles potentielles de ces missiles sont évidentes :
« La base américaine de défense antimissile en Pologne est depuis longtemps considérée comme une cible prioritaire pour une neutralisation potentielle par les forces armées russes, a déclaré la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova, lors d’une réunion d’information.
« Compte tenu du niveau de menace que représentent ces installations militaires occidentales, la base de défense antimissile en Pologne figure depuis longtemps parmi les cibles prioritaires pour une neutralisation potentielle. Si nécessaire, cette neutralisation peut être réalisée à l’aide d’une large gamme d’armes de pointe », a déclaré la diplomate ».
La Russie a fermé l’espace aérien au-dessus du polygone de tir de Kapustin Yar jusqu’au 30 novembre. Kapustin Yar est le polygone de tir d’essai d’où l’Oreshnik a été tiré.
Comme il n’existe aucune défense possible contre les armes de type Oreshnik, la Russie pourrait annoncer une frappe sur la base de Redzikow, en Pologne, contrôlée par les États-Unis, quelques jours ou quelques heures avant qu’elle n’ait lieu. Comme la frappe serait annoncée, de type conventionnel, et qu’elle ne ferait que peu ou pas de victimes, il semble peu probable que l’OTAN applique l’article 5 et réplique avec force.
Il s’agirait alors d’un moment où l’ébullition de la grenouille recommencerait, mais cette fois-ci, les États-Unis seraient la grenouille à l’intérieur du récipient. La Russie, en frappant les bases américaines en Europe par des moyens conventionnels, augmenterait la température jour après jour.
Les États-Unis oseraient-ils passer à l’arme nucléaire ou se retireraient-ils de leurs plans pour vaincre la Russie ?
source : Moon of Alabama