RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Comment l’AIPAC a perdu son emprise (Washington Spectator)

J’ai toujours cru qu’à un certain moment, le Premier ministre israélien et son lobby perdraient leur emprise sur la politique américaine au Moyen-Orient, tout au moins, je l’ai cru depuis 1982, lorsque Tom Dine, le directeur exécutif le plus talentueux de l’AIPAC, m’a expliqué comment cela pourrait arriver...

C’est lors de mon emploi de quatre ans à l’AIPAC que j’ai demandé à Tom Dine si un président américain pourrait prendre une position opposée à celle du lobby, dans un cas où les intérêts de la sécurité nationale seraient clairement en jeu, et l’emporteraient.

Tom Dine m’a répondu que, bien qu’il espère que ce jour ne viendrait pas, il ne pensait pas qu’un président pourrait faire autre chose que ce qu’Israël voudrait qu’il fasse étant donné le pouvoir de l’AIPAC et "nos amis au Congrès." En d’autres termes, tant que les politiciens auront besoin de fonds de campagne venant de l’AIPAC, cela n’arriverait pas.

Mais ensuite, il a ajouté une mise en garde :

"Bien sûr, si un président faisait suffisamment pression, et disait directement au peuple américain que la sécurité américaine est en jeu, il gagnerait. J’entends par là que l’AIPAC n’aurait pas d’autre choix que de le soutenir. Nous ne pourrons jamais vaincre un président américain qui passe par-dessus les têtes de l’AIPAC et du Congrès et s’adresse directement au peuple américain en invoquant l’intérêt national."

Bien que ma question et la réponse de Tom Dine concernaient l’occupation, sa réponse est encore plus adéquate s’agissant de politiques comme bombarder la Syrie ou l’Iran, où les actions poussés par Israël et le lobby conduiraient les Etats-Unis dans la guerre. Bien que la continuation de l’occupation mette en péril des intérêts et des vies américaines, le lien de causalité n’est pas aussi évident que quand il s’agit d’attaquer réellement un autre pays du Moyen-Orient.

Ce sur quoi Tom Dine s’est trompé c’était dans sa conviction que le lobby ne pourrait être vaincu que si le président le confrontait directement, ce qui aurait été très peu probable dans le contexte actuel où le vice-président Joe Biden ne cesse de dire à un public de donateurs actuels et potentiels qu’il doit n’y avoir "aucune divergence, aucune divergence" entre les politiques américaines et israéliennes.

Et ce n’est pas de cette façon que l’effondrement de l’AIPAC est intervenu au cours des six dernières semaines.

Le lobby a été vaincu sur la Syrie et sur sa priorité numéro un, de bloquer tout rapprochement américain avec l’Iran pour obtenir la guerre qu’il souhaitait. Quiconque suit les nouvelles sait à quel point le gouvernement israélien et son lobby ont été durement touchés par les Etats-Unis le mois dernier pour la première fois depuis qu’Eisenhower avait forcé Israël à quitter le Sinaï en 1956.

Une petite indication est apparue dans la réaction au discours du Premier ministre Benjamin Netanyahou à l’ONU. Il a réellement menacé d’une guerre contre l’Iran s’il n’obtenait pas satisfaction, et les Américains, les Iraniens, les Israéliens et le monde entier ont réagi par un silence qui n’était pas moins qu’un bâillement.

Il y a un an le monde a été pendu à toutes les menaces que Benjamin Netanyahou a proférées à l’Assemblée générale et son "dessin comique" de ligne rouge a fait la une de tous les grands journaux de nouvelles dans le monde. Il y a deux ans, quand il s’est adressé à une session commune du Congrès, les membres du parlement Debbie Wasserman Shultz, Eric Cantor et Eliot Engel ont orchestré 29 standing-ovations pour saluer les menaces de Benjamin Netanyahou. Il se tenait là, plaisantant avec Joe Biden comme les deux vieux politicards qu’ils sont, et nageant dans le bonheur.

Regardez la situation aujourd’hui.

Benjamin Netanyahou maugrée et... rien. L’AIPAC a envoyé des centaines de lobbyistes à Capitol Hill pour gagner un soutien à des bombardements en Syrie et n’a pas changé un seul vote. Seuls quelques dizaines de législateurs ont soutenu l’idée et il a été retiré et remplacé par de la diplomatie. Sur l’Iran, alors que Benjamin Netanyahou et l’AIPAC avertissaient que le président Hassan Rouhani était un loup déguisé en mouton, le président Barack Obama a eu pour la première fois une conversation téléphonique avec un dirigeant iranien. Quand Benjamin Netanyahou hurlait en signe de protestation à l’ONU, il a été rejeté comme un loup déguisé en loup.

Comment tout cela est-il arrivé ?

C’est arrivé parce que le peuple américain a parlé de presque une seule voix : il ne veut pas d’une autre guerre au Moyen-Orient. (Les seules personnes qui favorisent la confrontation avec l’Iran sur son développement nucléaire sont le lobby et ses porte-parole néo-conservateurs au Congrès et dans les médias).

En d’autres termes, la démocratie a prévalu !

Cela me fait bizarre de parler de démocratie quand 30 Républicains la subvertissent de manière aussi flagrante en provoquant le premier lockout du gouvernement depuis 17 ans. Ils ne peuvent pas tolérer l’idée d’un président afro-américain. Mais c’est le résultat d’un caprice ridicule au sein de notre système défaillant. C’est certainement une catastrophe mais qui va bientôt prendre fin avec la défaite de la Droite.

La politique étrangère est différente. Personne ne peut forcer un président à renoncer à la diplomatie en faveur de la guerre. Un président peut agir, comme Barack Obama est en train de le faire avec l’Iran, il suffit qu’il fasse ce qu’il croit être le mieux pour l’Amérique.

Barack Obama veut la réconciliation. Quant à Benjamin Netanyahou, il devra simplement se contenter de ses 3,5 milliards de dollars d’aide, de faux mots d’amour avec la Maison Blanche, et de l’absence de pressions de Barack Obama afin de permettre l’inspection de son énorme stock de bombes nucléaires... pour l’instant.

Encore une fois, comment est-ce arrivé ?

Sur l’Iran, Barack Obama a mené. En Syrie, il a suivi. Dans les deux cas, les politiques ont suivi le peuple américain qui, les sondages l’ont montré, souhaitent majoritairement éviter une autre guerre au Moyen-Orient.

Mais que dire de l’AIPAC ?

Ne peut-il pas vaincre l’opinion publique avec ses fonds de campagne et ses menaces ?

Apparemment pas sur l’Iran ou la Syrie.

Le Républicain Alan Grayson, qui a mené la lutte contre le bombardement de la Syrie, mais qui est très proche de l’AIPAC, a dit que le lobby n’est pas pertinent lorsque l’opinion publique est de l’autre côté.

Il parlait de la raison pour laquelle l’AIPAC a échoué sur la Syrie. Son explication est également applicable à l’Iran :

L’AIPAC a publié une déclaration disant qu’ils étaient en faveur d’une attaque... Mais à ce stade, ce n’était pas pertinent, parce que le public est engagé, le public est attentif, et le public est catégoriquement contre cela. Toutes ces organisations passent à la trappe quand le public pèse de tout son poids Il y a eu deux membres démocrates et républicains du Congrès qui ont signalé que les courriels, les lettres et les appels téléphoniques adressés à leur bureau étaient à plus de cent contre un contre cela. Les gens sont contre. Ils sont catégoriquement contre celle-ci... Ainsi, toute organisation, comme l’AIPAC ou autre, ne peut pas fonctionner efficacement dans l’environnement dans lequel nous sommes, où le public prend la parole et parle très fort.

L’AIPAC "tombe au bord du chemin lorsque le public pèse de tout son poids."

Je ne peux rien ajouter à ceci à l’exception de : Alléluia !

M.J. Rosenberg,
Le 4 octobre 2013.

Source : How AIPAC Lost Its Grip

»» http://www.washingtonspectator.org/...
URL de cet article 22855
   
Même Thème
Une histoire populaire des États-Unis - De 1492 à nos jours
Howard ZINN
Cette histoire des États-Unis présente le point de vue de ceux dont les manuels d’histoire parlent habituellement peu. L’auteur confronte avec minutie la version officielle et héroïque (de Christophe Colomb à George Walker Bush) aux témoignages des acteurs les plus modestes. Les Indiens, les esclaves en fuite, les soldats déserteurs, les jeunes ouvrières du textile, les syndicalistes, les GI du Vietnam, les activistes des années 1980-1990, tous, jusqu’aux victimes contemporaines de la (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

« les Afghans (...) auraient brûlé eux-mêmes leurs enfants pour exagérer le nombre de victimes civiles. »

Général Petraeus, commandant des forces US en Afghanistan lors d’une réunion avec de hauts responsables afghans,
propos rapportés par le Washington Post, 19 février 2011

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.