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Colombie : les ordinateurs du cyberguérillero soudain muets

Le 1er mars 2008, un commando de l’armée colombienne bombardait et tuait, en territoire équatorien, le numéro deux et « ministre des affaires étrangères » des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), Raúl Reyes. Outre la crise régionale déclenchée par le viol du territoire équatorien, un scandale de dimension internationale éclata lorsque trois ordinateurs, deux disques durs et trois clés USB « récupérés près du corps du guérillero et lui appartenant » révélèrent leurs « secrets ». Comme le diffusera abondamment le gouvernement colombien, relayé avec un ensemble touchant par la quasi totalité des médias internationaux (et Interpol), les enquêteurs trouvent dans le matériel informatique « des milliers de courriers électroniques » révélant les liens entre l’« organisation terroriste » colombienne et les présidents Hugo Chávez (Venezuela), Rafael Correa (Equateur), les Basques d’Euskadi ta Askatasuna (ETA), etc.

En Colombie même, ces « courriers électroniques » ont permis de déclencher des poursuites judiciaires contre les parlementaires Piedad Córdoba, Wilson Borja et Gloria Inés Ramà­rez ; l’ex-conseiller à la paix Lázaro Vivero ; le directeur de l’hebdomadaire Voz, Carlos Lozano ; le journaliste de Telesur (chaîne internationale d’inspiration vénézuélienne) William Parra ; la directrice d’une organisation non gouvernementale (ONG) Liliana Patricia Obando ; l’ex-candidat présidentiel Alvaro Leyva, etc. Tous dans le collimateur du pouvoir pour leur opposition à la politique du président à lvaro Uribe ou impliqués, à un moment ou à un autre, dans des contacts avec la guérilla, qui pour la recherche de négociations de paix, qui pour tenter de trouver une solution à l’affaire des otages (dont faisait partie à l’époque Mme Ingrid Betancourt).

On en serait resté là si… une nouvelle bombe ne venait d’exploser.

Le capitaine Ronald Ayden Coy Ortiz, qui a rédigé le rapport de la division antiterroriste de la Direction des enquêtes criminelles (Dijin) de la police colombienne sur le matériel informatique « appartenant à l’ex-guérillero », vient de révéler, sous serment, devant la justice colombienne, que l’« ordinateur » de Raúl Reyes (où sont passés les deux autres ?) ne contenait « aucun courrier électronique », mais uniquement des fichiers Word. On attend avec impatience de voir si la noble corporation des journalistes se jette sur cette information avec autant d’appétit que sur les millions de dollars offerts aux FARC par M. Chávez, « comme l’ont révélé les milliers de courriers électroniques retrouvés dans les ordinateurs de blablabla blablabla… »

Maurice Lemoine

jeudi 4 décembre 2008

 http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2008-12-04-Colombie
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COMMENTAIRES  

03/01/2009 14:18 par Anna

M. LEMOINE, pouvez-vous me donner un lien envers les sources hispanophones (mon espagnol est très limité, mais j’ai pas retrouvé d’informations analogues dans les médias espagnols). Y a-t-il eu une réaction officielle de Chavez ou Correa, qui furent limite trainés dans la boue en mars 2008 ?
Comme vous dites, c’est une bombe, mais finalement pas si surprenante que ça. Le gouvernement narco-para-terroriste d’Uribe est coutumier du fait. Je ne comprends d’ailleurs même pas que la presse généraliste française continue à donner crédit au scénario débile et tiré par les cheveux de la libération d’Ingrid B. (à mon avis, une simple rédition contre rançon), alors que des médias colombiens l’ont réfutée.
Cette nouvelle qui est capitale et démontre bien les manipulations pour faire capoter les initiatives des gouvernements bolivariens pour aboutir à une solution négociée, dans le cadre d’une paix comlombienne globale.
Le scénario débile sert d’énième rideau de fumée (après le coup d’Emmanuel Rojas sorti comme un lapin d’un chapeau) pour blanchir le caudillo Uribe et présenter sous un jour favorable l’armée colombienne, mais la paix en Colombie pourra attendre...

03/01/2009 14:45 par legrandsoir

M. Lemoine n’est pas un journaliste du Grand Soir, mais du Monde Diplomatique (voir lien de l’article original en fin d’article).

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