Ce 27 juin, j’ai suivi, au journal de 13 h de France 2, un sujet sur le service civique obligatoire, ardemment souhaité par le gouvernement (et qui, pour une durée d’un mois, va d’ailleurs "coûter un bras" - et dont on peut se demander si l’argent de son financement ne pourrait pas être mieux employé...).
Remarque liminaire. Il me semble avoir lu, il y a pas mal d’années, que les termes "civique" et "citoyen", bien qu’appartenant au même champ sémantique, n’en avaient pas moins des connotations politiques différentes, ou, pour le dire plus clairement, que le terme "citoyen" serait plus connoté à gauche et "civique" plus connoté à droite. Il est d’ailleurs intéressant de noter que si citoyen et civique peuvent chacun avoir un usage d’adjectif, seul citoyen a un usage de de substantif en tant que ce terme renvoie à un individu concret et sujet de droit. "Civique" ne renvoie pas à un substantif. "Civique" ne renvoie - et encore de loin, et par paronymie - qu’au banal et neutre "civil".
Par ailleurs, même si civique et citoyen peuvent être associés aux termes droits et devoirs, "civique" va plus souvent avec devoir qu’avec droit. On parle en général du devoir civique pour signaler le devoir d’aller voter. En revanche, la Constitution est précédée par une Déclaration des droits de l’Homme et du "citoyen". Et ces droits du citoyen sont notablement plus larges que les droits civiques (qui se ramènent à des droits politiques et ne sont d’ailleurs accordés qu’aux seuls ressortissants d’un pays donné). On notera que, de façon révélatrice, l’organisation altermondialiste Attac est le sigle de Association pour une taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (pas civique). Comme le disait Roland Barthes, autant la droite (plus exactement le petit bourgeois) aime peu les droits, autant elle aime les devoirs (surtout lorsque chaque droit est lesté d’un devoir, gagé par un devoir).
Remarque générale n° 1. Ce fameux service civique obligatoire est censé, dans l’esprit du gouvernement, favoriser ou promouvoir la mixité social, ouvrir à la mixité sociale. On voit que son promoteur, le président de la République, n’a jamais accompli son service militaire (y compris réduit à 12 mois, comme à l’époque (1974-1975) ou je l’ai moi-même accompli). Car même si on passe de bons moments et si on se fait de bons "copains de régiment", et qu’on se jure, au moment de la "quille" (i.e. la fin du service), de s’écrire, de se téléphoner, de se rendre visite, on n’en fait généralement rien. Chacun retourne dans sa région, dans son métier, dans son milieu – professionnel et culturel – autrement plus prégnant que l’atmosphère d’une chambrée de soldats. Comment ce qui ne se noue pas en un an se nouerait-il en un mois ?
Remarque générale n° 2. Il paraît singulièrement inconséquent, de la part du président de la République, de vouloir favoriser la mixité sociale, alors que toute sa politique, depuis son entrée en fonction, n’a consisté, précisément qu’à faire le contraire en élargissant le fossé social : suppression de l’ISF et de l’exit tax, cadeaux fiscaux aux ménages aisés et aux entreprises, démolition du Code du travail, diminution des pensions de retraite, augmentation du coût du contrôle technique, projets de diminution de la pension de réversion, etc. ! Au point de lui valoir le sobriquet – mérité – de "président des riches". On a l’impression que le président de la République s’achète à bon compte une bonne conscience, comme ces patrons paternalistes de jadis, qui exploitaient leurs salariés jusqu’au trognon et laissaient, le dimanche, leur épouse organiser des ventes de charité à leur profit. XIXe siècle pas mort...
Photo : L’Est Républicain