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Chili : à quelques heures de l’élection

photo : Rafael Martinez

Dans quelques heures, le destin du Chili va se définir une fois de plus, et de nouveau, nous nous trouvons confrontés à l’alternative de voter entre le pire et le moindre mal.

Si je pouvais voter au Chili, ce serait pour Frei au deuxième tour. Je n’ai pas aimé son gouvernement, je n’aime pas la Concertation, mais je ressens très clairement que Piñera représente un retour néfaste vers le passé qu’aucun homme ou femme de gauche responsable pourrait permettre par omission.

Quelque chose a changé lors de ces élections, et c’est que, désormais, on ne peux pas voter blanc, simplement voter, déléguer et oublier la question jusqu’à la prochaine élection.

Si Frei gagne, il faudra exiger, sous toutes les formes de participation citoyenne, qu’il respecte ses engagements électoraux et bien plus.

Si Frei gagne, ce sera parce qu’une gauche responsable a sauvé la Concertation et cette même gauche devra exiger l’accomplissement de questions fondamentales pour un retour à une entière normalité démocratique.

Le Chili a besoin d’une nouvelle Constitution, et il y en a assez des retouches et des corrections mièvres à la Constitution qu’a laissé la dictature.

Le pays a besoin d’une Constitution qui représente tous les chiliens et les chiliennes, par dessus tout les minorités qui souffrent de ségrégation, les Mapuches et les autres ethnies qui font aussi partie de la nation. Une nouvelle Constitution qui permette d’abroger définitivement les lois odieuses qu’a laissé la dictature, comme celle de l’Éducation, et qui ouvre le chemin pour que la justice condamne de manière exemplaire tous ceux qui ont violé l’institution démocratique. Une nouvelle Constitution qui nous protège de l’assassinat d’enfants mapuches et de l’application d’une pseudo-légalité anti-terroriste pour ceux qui demandent leurs droits ancestraux, et s’opposent à la spoliation d’un territoire qui leur appartient depuis qu’ils sont sur la terre chilienne.

Si Frei gagne, ce sera parce qu’une gauche démocratique et responsable aura sauvé la Concertation et cette même gauche devra lui exiger une récupération urgente du rôle de l’État dans des domaines aussi sensibles que l’Éducation ou la Santé, l’évaluation et la dignité du travail, le transport et la destination de notre principale richesse minérale, le cuivre.

Si Frei gagne, ce sera grâce aux voix d’une gauche qui, représentant le désir de la majorité, exige la fin de la domination du marché comme unique force décisive de l’avenir de tous.

Si Piñera gagne, malgré les défenseurs de « l’alternance », le Chili sera gouverné par un marchand de pacotille dont la fortune a des origines douteuses, par un « entrepreneur triomphant » du style Berlusconi, par un négationniste de la complexité sociale du style Aznar, en définitif par un maître d’oeuvre du luxe et de l’inégalité.

Que diable ! Il faut choisir entre deux maux et j’appelle à voter pour le moindre mal, à voter pour Frei dans quelques heures

Luis Sepúlveda
Gijón, samedi 16 janvier 2010

Texte publié sur le blog de Luis Sepúlveda, diffusion autorisée en mentionnant la source.

http://www.lemondediplomatique.cl/-Luis-Sepulveda-.html

Traduction : Jean-Michel Hureau

URL de cet article 9821
   
Les Cinq Cubains (éditions Pathfinder)
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« A toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes : autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose en même temps, de ce fait, des moyens de la production intellectuelle, si bien qu’en général, elle exerce son pouvoir sur les idées de ceux à qui ces moyens font défaut. Les pensées dominantes ne sont rien d’autre que l’expression en idées des conditions matérielles dominantes, ce sont ces conditions conçues comme idées, donc l’expression des rapports sociaux qui font justement d’une seule classe la classe dominante, donc les idées de sa suprématie. »

Karl Marx

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