R. MAHMOUDI
Les échauffourées d’une rare violence qui ont opposé des manifestants anti-israéliens aux forces de l’ordre au nord de Paris n’ont pas empêché les nombreux mouvements pro-palestiniens à appeler à une nouvelle manifestation de soutien aux populations de Ghaza samedi prochain.
La grosse inquiétude engendrée par ces manifestations à caractère insurrectionnel qui ont secoué la capitale, à l’occasion de la journée de solidarité avec le peuple palestinien, fait-il penser, au niveau des états-majors, à des solutions de répression « plus efficaces » dans le cas où les dispositifs policiers mis en place pour empêcher les foules de manifester s’avéraient « inopérants » ?
La France fera-t-elle intervenir l’armée pour parer à des contestations de plus en plus fortes et à des risques de trouble récurrents dans les quartiers dits chauds, assis sur des poudrières qui menacent d’exploser à tout moment, dans un contexte de crise économique et sociale endémique(*) ? Un Mémento sur la défense militaire terrestre en vigueur depuis 1992 définit les prérogatives et la participation des armées aux missions de défense civile. Celles-ci se résument dans les missions de secours et de sécurité générale, mais peuvent être élargies à la gestion des situations de crise internes, telles que les états d’exception (état d’urgence, état de siège, etc.) et aux cas de « menaces » qui nécessitent l’intervention de l’armée.
Le document énumère les formes de menaces « auxquelles la France pourrait avoir à faire face sur le territoire national ». En tête, figure : « Des désordres graves sur le territoire national sans intervention extérieure, mettant en cause la continuité de l’action gouvernementale, la vie économique de la nation ou la sûreté et la liberté d’action des forces armées. » Des sources au fait des règlements de l’armée française soulignent que ce dernier cas de figure concerne directement les banlieues et les quartiers dits difficiles où la police est souvent « bannie ». Si le Mémento de l’armée française fait allusion à une menace terroriste, le gouvernement n’a nullement besoin d’attendre que le terrorisme s’installe pour décréter l’état d’urgence, en application de la loi n° 55-385 du 3 janvier 1955 (modifiée par la loi n° 55-1080 du 7 août 1955 et l’ordonnance n° 60-372 du 21 avril 1960). « L’état d’urgence, lit-on dans le Mémento, peut être déclaré sur tout ou partie du territoire : soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public ; soit en cas d’événements présentant le caractère de calamité publique. » Tout y est dit. Il suffit que le gouvernement décide qu’une situation déterminée constitue « un péril imminent » pour déclarer l’état d’urgence et faire intervenir automatiquement l’armée, y compris pour le rétablissement de l’ordre, comme cela est explicitement spécifié dans le document. L’état d’urgence est décrété en Conseil des ministres pour une durée de 12 jours et peut être prorogé.
Si le pouvoir politique en France n’a jamais jugé utile de faire appel à l’armée pour le maintien de l’ordre, même pendant l’insurrection de mai 1968, ce n’est pas le cas depuis la recrudescence des actes terroristes en France, les militaires étant de plus en plus présents aux côtés des gendarmes et la police dans le cadre du plan Vigipirate.
R. Mahmoudi
(*) Le président du Medef, l’organisation patronale française, vient de déclarer, dans une interview au quotidien Le Figaro que la situation économique de la France « est catastrophique ».
21 juillet 2014